Pandémie de la Covid-19 et transport maritime : 2020, une année en quarantaine

Résumé

En janvier 2020, l'arrivée du coronavirus a bouleversé la situation économique mondiale. L'impact sur le trafic maritime est d'abord ressenti en Chine où les industries sont à l'arrêt jusqu'à mi-février. Puis, la crise devient planétaire et touche tous les secteurs du transport maritime mondiale (marchandise, vrac, pétrole, croisière) à cause des mesures de confinement et de quarantaine en Europe dès mars 2020, puis aux États-Unis et en Afrique en avril. À partir d'instantanés issus du site MarineTraffic, une cartographie en temps réel du trafic maritime mondial, un décryptage des différentes phases de cette crise sans précédent est proposé.

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Mots-clés

transport maritime, pandémie, Covid-19, crise, économie mondiale, MarineTraffic, cartographie, croisière

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Texte

Le 1er janvier 2020, la situation économique mondiale semblait poursuivre sa progression, la croissance s’était accélérée dans plus de la moitié des pays en 2017 et 2018. Les pays asiatiques poursuivaient leur trajectoire forte avec des taux de croissances à 5,8 %, apparaissant déjà plus faibles après les fortes croissances des années précédentes (ONU, Janvier 2019). Dans ce contexte, il est prévu que la croissance mondiale atteindra 3,2 % en 2019, puis 3,5 % en 2020. (FMI, juillet 2019).

Pourtant à la fin de l’année 2019, le coronavirus commence à se répandre à Wuhan, ville chinoise de 11 millions d’habitants de la région de Hubei. Le 5 janvier 2020, un premier bulletin de l’OMS évoque la flambée épidémique du virus. Dès le 11 janvier, un premier mort est recensé en Chine. Face à la dangerosité du virus et la rapidité à laquelle il se répand à Wuhan, la population est mise en quarantaine le 23 janvier qui s’étend au Hubei début février (50 millions d’habitants), puis à l’ensemble de la Chine dès la mi février. Avec la prolongation des vacances du Nouvel An lunaire afin de réduire les risques de propagation, les premiers impacts sur l’activité économique en Chine commencent à être palpables. L’économie est au ralenti et les entreprises choisissent de reporter à plus tard leur ouverture.

Si Pékin, dans une directive éditée le 27 janvier, a prolongé la période de vacances du Nouvel An Lunaire jusqu’au 3 février, au Hubei, foyer du nouveau coronavirus qui abrite des usines des fabricants automobiles General Motors (GM), Nissan et Honda, la reprise est retardée au 13 février. Cependant dans plusieurs villes dont Shanghai et dans les provinces du Guangdong, du Jiangsui, de l’Anhui et du Yunnan, les industries, dites non stratégiques, resteront fermées jusqu’au 9 février 2020 (Joly et Descamps, 2020).

Encadré - MarineTraffic

Le site MarineTraffic propose gratuitement et en temps réel une cartographie des navires du monde entier enrichie d’une interface géographique basée sur Google maps (cf. carte mondiale du trafic maritime au 19 février 2021 ci-dessous).

Les bateaux sont colorés en fonction du type de navire selon la typologie suivante :Image

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Les déplacements des navires sont affichés par des icônes en forme de flèches dont la pointe est dirigée vers la route suivie. Les navires ancrés (ou dont la vitesse est inférieure à 0,5 nœuds) sont affichés sous forme de ronds.

MarineTraffic est au départ un projet universitaire lancé en 2007 par le département des produits et systèmes de conception de l’université de l’Égée, en Grèce. C’est un projet ouvert, en particulier à des partenaires prêts à fournir des données sur leur région.

Comme l’a très bien décrit Hervé Théry (2011) dans un article de Mappemonde, « la collecte initiale de données est fondée sur le système d’identification automatique : AIS (Automatic Identification System) embarqué par les navires hauturiers ». En 2004, l’Organisation Maritime Internationale a obligé tous les bateaux, au-dessus d’un certain tonnage, à avoir à bord un transpondeur AIS. L’AIS est d’abord un « outil destiné à accroître la sécurité de la navigation et l’efficacité de la gestion du trafic maritime » (Serry et Lévêque, 2015). Le transpondeur AIS s’apparente à un GPS qui recueille position et mouvement du navire et à un émetteur-récepteur VHF qui transmet ces données à intervalle régulier.

Grâce à ce système, les navires donnent en permanence leur nom, leur position, leur vitesse, leur origine et leur destination. Ces données sont récoltées et stockées par des stations de base. MarineTraffic récupère les données auprès de ces stations, les centralise et les intègre à une interface cartographique.

Même si des zones sont encore mal couvertes par MarineTraffic − si un transpondeur n’est pas assez puissant ou défectueux ou si une zone ne compte pas de stations, les navires n’apparaissent pas sur les cartes (Théry, 2011) − c’est un outil intéressant pour essayer, en comparant le trafic à différentes dates, d’analyser les évolutions du trafic maritime mondial.

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Janvier - février 2020, la Chine en quarantaine

La première phase de l'effet de la Covid-19 sur l'économie et le transport maritime est donc chinoise (Tourret, 2021). À partir de mi- janvier, la Chine prend l'ampleur de la crise sanitaire et le gouvernement ordonne des mesures qui réduisent l'activité du pays. Privées d’usines, les exportations chinoises reculent de 17 % en février 2020, les trafic portuaires sont affectés : -20 % pour le port de Shanghai. Les pays importateurs s'inquiètent pour leur chaîne d'approvisionnement et le transport conteneurisé en ressent les effets (Tourret, 2020). En février 2020, 46 % des départs alors programmés sur la route nord Europe-Asie n’ont pas eu lieu soit 700 000 EVP1 de capacité de porte conteneur, auxquels il convient d’ajouter 290 000 EVP sur l’Asie-Méditerranée et 780 000 sur le transpacifique, soit 7 % du commerce mondial (Teillard, 2020). Les conséquences pèsent alors sur le prix des matières premières (fer, bauxite, charbon, pétrole, soja) du fait du ralentissement de la demande chinoise sur les vracs. En avril, se sont 2,2 millions d’EVP qui n’ont pas circulé et 10 % des portes conteneurs à l’arrêt.

Les effets sont immédiats, marqués par une saturation des zones de stockage, nécessitant d’ouvrir aux surplus de conteneurs de nouveaux espaces et de faire attendre les navires en mer ou à quai (fig. 1).

Figure 1 - Le port de Shanghai, les 31 mars, 8 avril, 4 mai et 20 mai 2020 (seulement porte-conteneurs, tankers et navires de croisière, voir Encadré pour la légende)

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Cette série d’instantanés du trafic portuaire au large du port de Shanghai, premier port mondial et de ses avant-ports de Waigaoqiao et de Yangshan, des îles Chongming et Changxing dans l’estuaire du Yangzi montre de fin mars à mai 2020, une situation inédite. Les usines chinoises ont repris leur production, mais l’Europe et les États-Unis sont confinés avec les commerces fermés et de nombreuses usines fermées ou en reprise partielle en mai. Dans ces conditions, le nombre de navires en attente au large augmente : 132 cargos (porte-conteneurs, feeders, vraquiers) le 31 mars, 135 le 8 avril, 155 le 4 mai et 188 le 20 mai. Les supertankers sont aussi au mouillage, 40 le 31 mars, 67 le 20 mai. La logistique maritime, n’ayant pas prévue les 15 jours à trois semaines d’arrêt de l’économie chinoise, les navires attendent le retour à la normale qui se fait attendre du fait de la forte diminution de la demande européenne et américaine. Enfin, les mesures de quarantaine qui touchent les équipages, s’ils ont fait escale depuis moins de quatorze jours, impactent aussi les attentes au mouillage.

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

La mise sous cloche de l’activité économique chinoise et la reprise lente des personnels dans les ports vont limiter et ralentir toutes les chaînes logistiques. Début mars, les porte-conteneurs ont repris leurs rotations quasi habituelles au départ des grands ports chinois (fig. 2). Mais au moment ou l’économie chinoise redémarre, c’est au tour de l’Europe, des USA puis de l’Afrique, de se replier.

Figure 2 - Le port de Shanghai, le 7 avril 2020 (tous navires confondus)

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Le 7 avril, la situation est très complexe. Outre les navires marchands et les supertankers, on notera la présence des flottilles de pêche nombreuses autour de l’archipel de Sheng Shan. À l’intérieur de l’estuaire du Yangzi, se sont encore près de 73 navires de transport de marchandises qui sont au mouillage. Les quais sont chargés, signe de la reprise des industries lourdes qui bordent les terminaux de l’île de Changxing (zoom).

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Mars 2020, l’impact à l’échelle planétaire

À la mi-mars, l’Italie première contaminée, adopte des mesures de confinement, suivi par les autres pays européens. En avril, les États-Unis sont touchés à leur tour et arrêtent leurs importations de Chine (le trafic baisse de 27 % au port de Los Angeles essentiellement tourné vers le Pacifique). L’économie mondiale tourne au ralenti.

Le trafic maritime, premier mode de transport de la mondialisation, est fortement impacté. C’est à la fois le transport de vrac et d’hydrocarbures (du fait du confinement des ports chinois et de leur lente reprise dans une situation de saturation) qui est touché mais également l’ensemble des ports en Europe, aux USA, en Afrique comme en Inde à cause de la généralisation des mesures de confinement.

Entre mars et avril, 500 porte-conteneurs sont restés au port, certaines lignes ont été fermées. Quelques 300 navires de croisières restent à quai. Partout, il a fallu stocker les conteneurs puisque le confinement a entraîné la fermeture des commerces et des usines européennes ou américaines. Dans tous les ports du monde, un grand nombre de pétroliers sont à l’arrêt et servent de stockage pour une production devenue surabondante. Fin avril, près de 10 % de la flotte mondiale de VLCC2 étaient utilisés pour du stockage flottant.

Les mesures prises dans certains pays obligeaient les navires à respecter une quarantaine de 14 jours avant d’être autorisés à accoster quand d’autres ports étaient tout simplement fermés. Les relèves des équipages étaient également interdites, plaçant les personnels dans des situations très difficiles.

Dans les ports français, malgré le maintien global de l’activité, le manque de personnels, la fermeture de certains centres d’activités, comme une partie des hauts-fourneaux d’Arcelor Mittal à Marseille et le respect des mesures de protection ont provoqué des attentes de navires et une baisse générale du trafic. En avril, le trafic de Marseille-Fos a diminué de 28 % par rapport à 2019. Le trafic de conteneurs a baissé de 25 %, celui des voitures neuves de 71 % et le trafic passager a été nul. Le Havre a eu 35 % d’escale en moins – 20 % de porte-conteneurs et 30 % de pétroliers et de chimiquiers en moins.

Malgré les baisses de trafic, les 14 jours en mer obligatoires depuis la dernière escale et l’interdiction faite aux marins de débarquer, les ports français restent ouverts, comme la grande majorité des ports européens (fig. 3 et 4). Ils ont adopté des mesures de protection permettant de maintenir le trafic à un niveau suffisant pour répondre à l’activité qui reprend timidement fin mars. À Fos-sur-Mer, l’activité fluviale a été relancée vers les ports intérieurs de Valence, Lyon et Mâcon fin mars, assurant 85 % de l’activité.

Figure 3 - Le port de Rotterdam, le 7 avril 2020

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Le 7 avril, à Rotterdam, 10e port mondial, à une échelle moindre que Shanghai, de nombreux navires sont au mouillage ou à quai. L’économie européenne est à l’arrêt du fait du retard engendré par le confinement chinois, mais aussi pour toutes les relations vers les autres pays européens, les Amériques et l’Afrique. Les porte-conteneurs en provenance de l’Asie mettent quelques cinq semaines à gagner Rotterdam. Le port signale que la capacité entre l’Asie et l’Europe est alors réduite de 25 %. Le trafic a reculé de 9 % au premier trimestre 2020, recul très modéré pour les conteneurs (-5 %), mais significatif pour le feedering, le trafic roulier (-7 %) et sutout pour le vrac (-14 % pour les vracs secs et liquides, -8 % pour les hydrocarbures) (Vandevoorde, 2020).

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Figure 4 - Détroit de Gibraltar, le 10 mai 2020

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Les hubs de Méditerranée sont également affecté. Malte (CMA CGM), Gioia Tauro (Maerks-MSC), Le Pirée (Cosco) et Port Saïd (Evergreen) en Méditerranée Orientale et Centrale, Valencia (MSC), Algésiras (Maersk-Hanjin), Tanger Med (CMA CGM, Maersk) en Méditerranée Occidentale. Avec l’inauguration du terminal Tanger Med 2 en 2019, le trafic à conteneurs de Tanger Med 1 et 2 dépasse celui d’Algésiras. C’est pourtant ce dernier qui accueille le plus grand nombre de navires (17 porte-conteneurs et une dizaine de pétroliers).

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Les ports européens ont connu, eux aussi, une perte d’activité. Le port d’Anvers estime à 20 % la réduction du trafic avec la Chine, mais seulement 1 % avec le reste du monde, en particulier avec les Amériques. Rotterdam, premier port européen (fig. 3), annonce une baisse de 9 % du tonnage transporté au premier trimestre (charbon : -40 %, pétrole : -30 %, conteneurs : -5 %), mais aussi une hausse de 18 % pour le gaz liquéfié, et estime à 10 % la réduction du tonnage total en 2020.

Hambourg qui occupe l’ultime escale entre les ripuaires chinois et la Northemrange connaît une perte d’activité liée aux portes conteneurs de 30 % (photo 1).

Photo 1 - Porte-conteneurs de la compagnie chinoise Cosco arrivant presque à vide dans l’estuaire de l’Elbe à Hambourg

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Crédit photo : C. CHADENAS, janvier 2020

L’impact de la pandémie sur le trafic maritime en Afrique de l’Ouest et centrale

L’Afrique connaît depuis une décennie, une croissance soutenue. Avec les projets liés à la nouvelle stratégie chinoise « one belt, one road », de nouvelles dynamiques apparaissent : la sortie de crise des ports tunisiens, la participation des capitaux chinois dans les sociétés de transport de Cherchell (Algérie), de Tanger-Med et de Casablanca, et en Afrique de l’ouest (Abidjan, Conakry, Tema et Kribi au Cameroun).

Cette façade atlantique connait les prémices de ces changements et les prospectives sont à la hausse. À Pointe-Noire (Congo), l’extension des quais est terminée et le terminal à conteneurs qui enregistrait 120 000 EVP en 2006 approche du million en 2018. Le canal de Vridi à Abidjan élargit de 150 mètres avec un tirant d’eau de 20 mètres peut désormais accueillir des portes conteneurs de 10 000 EVP. On s’attend à une croissance du trafic total dans les ports centraux jusqu’à 18 millions EVP en 2045 (UEMOA).

Après quelques mois de répit début 2020, les ports d’Afrique de l’Ouest et du Centre sont à leur tour affectés par la crise mondiale. Le port d’Abidjan qui connait une augmentation de trafic de 6 % au début de l’année 2020 a ensuite subit la baisse du trafic s’expliquant en partie par la quatorzaine imposée aux équipages et aux navires. À partir d’avril, comme ailleurs, tous les ports sont affectés : Dakar perd 11,2 % de sa valeur ajoutée (fig. 5), le trafic diminue de 12 % à Cotonou, la baisse du prix des produits pétroliers affecte Pointe-Noire. Pour le premier trimestre 2020, on estime que 50 % des départs des navires marchands ont été annulés.

Figure 5 - Le port de Dakar, le 10 mai 2020

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L’engorgement des navires en quarantaine, près de 20 cargos, vraquiers et porte-conteneurs au large de Dakar (A et B). Même si le port dispose d’un terminal à conteneurs efficace, géré par l’opérateur de Dubaï, DP World (C), les mesures sanitaires ont retardé le travail des dockers (D).

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

En Afrique de l’Ouest, les exportations connaissent en 2020, une baisse de 18 % contre une hausse de 9 % en 2019. Les importations ont reculées de 16 % en 2020 contre une hausse de 6 % en 2019 (source BCEAO, 2020). Quant à l’Afrique centrale, les réalités sont quasiment identiques. Les données présentent une diminution des importations de 35,6 % en 2020 contre une hausse de 18,2 % en 2019. Les produits miniers, les hydrocarbures ainsi que les exportations de bois sont les plus affectés. Les activités de transit et de transport maritime ont elles régressées de 34 %.

Entre pérégrinations et escales forcées pour la croisière

La peur de la contagion a très vite touché la croisière et de nombreux ports d’escale au Japon, à Marseille, à Saint-Domingue, ou en Thaïlande ont refusé les accostages des navires. Les autorités chinoises ont été les premières à fermer leurs quais aux paquebots, dès le 25 janvier. En mars, en pleine crise du coronavirus, le Costa Magica, un navire de croisière avec environ 1 000 touristes français sur les 2 303 à son bord, a erré en mer des Caraïbes. Le paquebot s'était vu interdire l'accès à tous les ports lors des escales prévues dans la plupart des îles visitées : Trinidad et Tobago, Grenade, La Barbade, Sainte-Lucie. Il en fût de même pour le paquebot Zaandam qui a accosté début avril à Port Everglades, dans l'État de Floride aux États-Unis. Le bateau avait quitté Buenos Aires en Argentine le 7 mars et devait finir son voyage au Chili le 21 mars, mais a dû changer de trajectoire à cause du virus. Transportant des passagers atteints du nouveau coronavirus, il errait depuis deux semaines essuyant des refus de plusieurs pays d'Amérique latine. Au Japon, le paquebot Diamond Princess est resté en quarantaine avec des malades à bord tandis que le port de Marseille refuse l’accès au Costa Deliziosa, qui était parti pour un tour du monde de Venise le 5 janvier avec un retour prévu le 26 avril. Finalement une grande partie des escales furent annulées de l’Asie à l’Australie.

Dès le mois de mars, afin d’éviter les errements de certains paquebots, les navires restent à quai dans les principaux ports têtes de ligne comme Miami (fig. 6), Barcelone ou encore Marseille. Ce sont près de 300 navires qui sont à l’arrêt à quai ou sur mouillage. Certains reprendront la mer en été en Europe, comme la Compagnie du Ponant avec des escales étonnantes comme Bréhat, Morgat, Douarnenez, Port-Navalo. En Méditerranée, dans la Caraïbe (fig. 6), la reprise a été timide, du fait de la crise sanitaire aux États-Unis.

Figure 6 - En haut, le littoral de la Floride (à gauche) et un zoom sur le port de Miami (à droite) le 10 mai 2020. En bas, la mer des Caraïbes (au nord des Petites Antilles : les îles Vierges et Antigua, à gauche) et un zoom sur l'île d'Antigua (à droite) le 15 avril 2020

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L’économie de la croisière est à l’arrêt. Miami, premier port de croisière au monde, n’a plus d’activité, les navires sont à quai à Dodge Island ou au mouillage à l’abri des Bahamas. Le littoral de Floride prend la teinte rose attribuée à la grande plaisance et aux yachts qui ne naviguent plus puisque les escales leurs sont interdites, à moins de respecter la quatorzaine et de ne pas descendre à terre. Le même scénario se retrouve dans toutes les îles de la Caraïbe, yachts à quai à Antigua comme dans l’archipel des îles Vierges britanniques ou américaines. Dans les ports têtes de ligne comme San Juan de Porto Rico, les paquebots sont à quai et les économies touristiques insulaires souffrent.

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Conclusion

Avec l’été, l’économie mondiale semblait avoir redémarré pour l’ensemble du trafic maritime. À Shanghai, en août, on ne compte que 90 cargos à l’arrêt, quasiment plus de supertankers (fig. 7). Des signes de fragilité subsistent en Afrique mais aussi aux Amériques où le Brésil, l’Argentine puis les États-Unis maintenaient ou entraient déjà dans le second confinement. Ces incertitudes ont impacté la croisière dans la Caraïbe. De nombreux paquebots qui normalement croisent en Méditerranée d’avril à novembre, sont restés à quai en Floride (fig. 8).

Figure 7 - Le port de Shanghai, le 24 août 2020

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À Shanghai, en août, on ne compte que 90 cargos à l’arrêt, quasiment plus de supertankers.

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Figure 8 - Le littoral de la Floride et Miami (en haut) et la mer des Caraïbes (en bas), le 15 février 2021

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Pour la croisière et la grande plaisance, la situation a peu évolué depuis le mois de mai 2020, alors que la haute saison touristique bat normalement son plein. On notera tout de même une reprise de la navigation dans les Petites Antilles, même si le choix des escales demeure difficile.

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Depuis janvier 2021, c’est la pénurie des conteneurs vides qui impacte les chaines logistiques. Normalement la noria des conteneurs vides et pleins s’opère à chaque chargement des navires dans les hubs. Depuis le ralentissement du transport maritime, cette gestion est largement perturbée. La situation est aussi renforcée par les États-Unis qui ont largement repris leurs importations à la fin de l’année 2020 alors que l’Europe entrait à son tour en confinement. Les conteneurs vides demeurent immobilisés aux États-Unis, entraînant à nouveau des retards dans le chargement des porte-conteneurs en attente au large comme dans les ports chinois, entraînant un cout de transport multiplié par 4 depuis janvier 2021.

1   L'équivalent vingt pieds, ou EVP est une unité approximative de mesure des terminaux et navires porte-conteneurs basé sur le volume d'un conteneur

2   VLCC est l'acronyme de Very Large Crude Carrier, soit en anglais « très grand pétrolier transporteur de brut ». Il s'agit d'une classe de

Bibliographie

CNUCED, 2019. Étude sur les transports maritimes. [URL : https://unctad.org/fr/system/files/official-document/rmt2019_fr.pdf]

FMI, Juillet 2019. Perspectives de l’économie mondiale. [URL : https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2019/07/18/WEOupdateJuly2019]

Joly T., Descamps A., 2020. Coronavirus : le transport maritime se met en alerte, Le Journal de la Marine Marchande, Janvier 2020. [URL : https://www.journalmarinemarchande.eu/actualite/coronavirus-le-transport-maritime-se-met-en-alerte]

ONU, Janvier 2019. Situation et perspective de l’économie mondiale, ONU.

Serry A., Lévêque L., 2015. Le système d’identification automatique (AIS), Netcom, 29-1/2. [URL : https://doi.org/10.4000/netcom.1943]

Teillard T., 2020. Le coronavirus frappe le monde maritime de plein fouet, Le Marin, février 2020.

Théry H., 2011. Marine Traffic Project, un outil d’observation des routes et des ports maritimes, Mappemonde, n° 104. [URL : http://mappemonde-archive.mgm.fr/num32/internet/int11401.html]

Tourret P., 2021. Bilan maritime d’une année de crise hors-norme, Note de Synthèse ISEMAR, n° 227, Janvier 2021. [URL : https://www.isemar.fr/note_synthese/bilan-maritime-dune-annee-de-crise-hors-norme]

Tourret P., 2020. Pandémie planétaire, premiers effets maritimes, Note de Synthèse ISEMAR, n° 220, Mai 2020. [URL : https://www.isemar.fr/note_synthese/pandemie-planetaire-premiers-effets-maritimes]

Vandevoorde J.-L., 2020. La pandémie fait trébucher Rotterdam, Journal de la Marine Marchande, 17 avril 2020. [URL : https://www.journalmarinemarchande.eu/actualite/la-pandemie-fait-trebucher-rotterdam]

Notes

1   L'équivalent vingt pieds, ou EVP est une unité approximative de mesure des terminaux et navires porte-conteneurs basé sur le volume d'un conteneur de 20 pieds (6,1 mètres). On l'utilise pour simplifier le calcul du volume de conteneurs dans un terminal ou dans un navire.

2   VLCC est l'acronyme de Very Large Crude Carrier, soit en anglais « très grand pétrolier transporteur de brut ». Il s'agit d'une classe de pétroliers géants dont le port en lourd est compris entre 150 000 tonnes (fin de la taille Suezmax) et 320 000 tonnes.

Illustrations

Figure 1 - Le port de Shanghai, les 31 mars, 8 avril, 4 mai et 20 mai 2020 (seulement porte-conteneurs, tankers et navires de croisière, voir Encadré pour la légende)

Figure 1 - Le port de Shanghai, les 31 mars, 8 avril, 4 mai et 20 mai 2020 (seulement porte-conteneurs, tankers et navires de croisière, voir Encadré pour la légende)

Cette série d’instantanés du trafic portuaire au large du port de Shanghai, premier port mondial et de ses avant-ports de Waigaoqiao et de Yangshan, des îles Chongming et Changxing dans l’estuaire du Yangzi montre de fin mars à mai 2020, une situation inédite. Les usines chinoises ont repris leur production, mais l’Europe et les États-Unis sont confinés avec les commerces fermés et de nombreuses usines fermées ou en reprise partielle en mai. Dans ces conditions, le nombre de navires en attente au large augmente : 132 cargos (porte-conteneurs, feeders, vraquiers) le 31 mars, 135 le 8 avril, 155 le 4 mai et 188 le 20 mai. Les supertankers sont aussi au mouillage, 40 le 31 mars, 67 le 20 mai. La logistique maritime, n’ayant pas prévue les 15 jours à trois semaines d’arrêt de l’économie chinoise, les navires attendent le retour à la normale qui se fait attendre du fait de la forte diminution de la demande européenne et américaine. Enfin, les mesures de quarantaine qui touchent les équipages, s’ils ont fait escale depuis moins de quatorze jours, impactent aussi les attentes au mouillage.

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Figure 2 - Le port de Shanghai, le 7 avril 2020 (tous navires confondus)

Figure 2 - Le port de Shanghai, le 7 avril 2020 (tous navires confondus)

Le 7 avril, la situation est très complexe. Outre les navires marchands et les supertankers, on notera la présence des flottilles de pêche nombreuses autour de l’archipel de Sheng Shan. À l’intérieur de l’estuaire du Yangzi, se sont encore près de 73 navires de transport de marchandises qui sont au mouillage. Les quais sont chargés, signe de la reprise des industries lourdes qui bordent les terminaux de l’île de Changxing (zoom).

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Figure 3 - Le port de Rotterdam, le 7 avril 2020

Figure 3 - Le port de Rotterdam, le 7 avril 2020

Le 7 avril, à Rotterdam, 10e port mondial, à une échelle moindre que Shanghai, de nombreux navires sont au mouillage ou à quai. L’économie européenne est à l’arrêt du fait du retard engendré par le confinement chinois, mais aussi pour toutes les relations vers les autres pays européens, les Amériques et l’Afrique. Les porte-conteneurs en provenance de l’Asie mettent quelques cinq semaines à gagner Rotterdam. Le port signale que la capacité entre l’Asie et l’Europe est alors réduite de 25 %. Le trafic a reculé de 9 % au premier trimestre 2020, recul très modéré pour les conteneurs (-5 %), mais significatif pour le feedering, le trafic roulier (-7 %) et sutout pour le vrac (-14 % pour les vracs secs et liquides, -8 % pour les hydrocarbures) (Vandevoorde, 2020).

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Figure 4 - Détroit de Gibraltar, le 10 mai 2020

Figure 4 - Détroit de Gibraltar, le 10 mai 2020

Les hubs de Méditerranée sont également affecté. Malte (CMA CGM), Gioia Tauro (Maerks-MSC), Le Pirée (Cosco) et Port Saïd (Evergreen) en Méditerranée Orientale et Centrale, Valencia (MSC), Algésiras (Maersk-Hanjin), Tanger Med (CMA CGM, Maersk) en Méditerranée Occidentale. Avec l’inauguration du terminal Tanger Med 2 en 2019, le trafic à conteneurs de Tanger Med 1 et 2 dépasse celui d’Algésiras. C’est pourtant ce dernier qui accueille le plus grand nombre de navires (17 porte-conteneurs et une dizaine de pétroliers).

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Photo 1 - Porte-conteneurs de la compagnie chinoise Cosco arrivant presque à vide dans l’estuaire de l’Elbe à Hambourg

Photo 1 - Porte-conteneurs de la compagnie chinoise Cosco arrivant presque à vide dans l’estuaire de l’Elbe à Hambourg

Crédit photo : C. CHADENAS, janvier 2020

Figure 5 - Le port de Dakar, le 10 mai 2020

Figure 5 - Le port de Dakar, le 10 mai 2020

L’engorgement des navires en quarantaine, près de 20 cargos, vraquiers et porte-conteneurs au large de Dakar (A et B). Même si le port dispose d’un terminal à conteneurs efficace, géré par l’opérateur de Dubaï, DP World (C), les mesures sanitaires ont retardé le travail des dockers (D).

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Figure 6 - En haut, le littoral de la Floride (à gauche) et un zoom sur le port de Miami (à droite) le 10 mai 2020. En bas, la mer des Caraïbes (au nord des Petites Antilles : les îles Vierges et Antigua, à gauche) et un zoom sur l'île d'Antigua (à droite) le 15 avril 2020

Figure 6 - En haut, le littoral de la Floride (à gauche) et un zoom sur le port de Miami (à droite) le 10 mai 2020. En bas, la mer des Caraïbes (au nord des Petites Antilles : les îles Vierges et Antigua, à gauche) et un zoom sur l'île d'Antigua (à droite) le 15 avril 2020

L’économie de la croisière est à l’arrêt. Miami, premier port de croisière au monde, n’a plus d’activité, les navires sont à quai à Dodge Island ou au mouillage à l’abri des Bahamas. Le littoral de Floride prend la teinte rose attribuée à la grande plaisance et aux yachts qui ne naviguent plus puisque les escales leurs sont interdites, à moins de respecter la quatorzaine et de ne pas descendre à terre. Le même scénario se retrouve dans toutes les îles de la Caraïbe, yachts à quai à Antigua comme dans l’archipel des îles Vierges britanniques ou américaines. Dans les ports têtes de ligne comme San Juan de Porto Rico, les paquebots sont à quai et les économies touristiques insulaires souffrent.

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Figure 7 - Le port de Shanghai, le 24 août 2020

Figure 7 - Le port de Shanghai, le 24 août 2020

À Shanghai, en août, on ne compte que 90 cargos à l’arrêt, quasiment plus de supertankers.

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

Figure 8 - Le littoral de la Floride et Miami (en haut) et la mer des Caraïbes (en bas), le 15 février 2021

Figure 8 - Le littoral de la Floride et Miami (en haut) et la mer des Caraïbes (en bas), le 15 février 2021

Pour la croisière et la grande plaisance, la situation a peu évolué depuis le mois de mai 2020, alors que la haute saison touristique bat normalement son plein. On notera tout de même une reprise de la navigation dans les Petites Antilles, même si le choix des escales demeure difficile.

Source : captures d’écran du site MarineTraffic

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Référence électronique

Michel Desse, Simon Charrier et Nice Michée Issang, « Pandémie de la Covid-19 et transport maritime : 2020, une année en quarantaine », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2020, mis en ligne le 23 novembre 2021, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1545

Auteurs

Michel Desse

Géographe, Professeur des universités, LETG UMR CNRS 6554, IGARUN-Université de Nantes

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Simon Charrier

Cartographe, IGARUN-Université de Nantes

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Nice Michée Issang

Doctorante en Géographie, LETG UMR CNRS 6554, IGARUN- Université de Nantes

Droits d'auteur

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