En 1991 paraissait un numéro des Cahiers nantais consacré à l’Île d’Yeu, coordonné par Jean Chaussade, chercheur à l’URA 904 du CNRS « Dynamiques et gestion des Espaces littoraux » (aujourd’hui, LETG-Nantes UMR 6554). Laboratoire privilégié des recherches nantaises en géographie, la dimension humaine était favorisée, en atteste le contenu du volume : la démographie, la pêche, le tourisme constituaient les bases de l’analyse de ce territoire. Jean Renard, signant en 1991 l’avant-propos, concluait ainsi :
« son économie repose sur l’exploitation simultanée et équilibrée de la pêche et du tourisme [...]. Puisse cet équilibre perdurer et la société îlaise s’adapter sans se renier ».
Les recherches sur ce territoire insulaire, « phare du Ponant », ont perduré depuis, à tel point qu’il est apparu pertinent au comité de rédaction des Cahiers nantais, un peu plus de 25 ans après, de revisiter ce numéro. Cependant, les dynamiques du territoire se sont modifiées, comme le souligne Jean Chaussade dans son article introductif. Parallèlement, les orientations de la recherche en géographie nantaise sur l’Île d’Yeu ont évolué vers des approches centrées sur le développement urbain à dominante touristique, les paysages et l’environnement sous-marin. Régulièrement, des travaux d’étudiants y sont menés, soit pour des enquêtes comme celles qui ont eu lieu en 2007 et 2013 sur la thématique de la capacité d’accueil, soit pour un diagnostic plus global sur le territoire insulaire avec une diversité d’approches importantes (paysages, économie insulaire, liens île-continent, agriculture, etc.). L’île est ainsi toujours « un lieu privilégié d’observation des réalités humaines, sociales et économiques analysant permanences, changements et fonctionnements » (Renard, 1991), justifiant l’édition de ce numéro spécial.
Les nouvelles entrées proposées dans ce numéro illustrent l’évolution, à la fois des thématiques abordées mais aussi celle de ce territoire. Ainsi, le cahier se poursuit par neuf fiches synthétiques, rompant avec la présentation traditionnelle des Cahiers nantais. Complémentaires aux articles, elles dressent un portrait du territoire islais à travers cartes, graphiques et photographies, mettant aussi en perspective les évolutions qu’a connu l’Île d’Yeu depuis plus de 25 ans.
Cinq articles dressent un nouvel état des lieux de l’Île et des recherches nantaises qui y sont réalisées. T. Martin et M. Barré évoquent la question des friches et du renouveau de l’agriculture face à une urbanisation qui s’est largement étalée. Le sujet est d’autant plus sensible que la construction est essentiellement à vocation touristique : la résidence secondaire représente 57,9 % du total des logements et sa part dans l’hébergement touristique augmente toujours, pour atteindre 94,7 % en 2017 (article de P. Pottier, C. Chadenas et C. Lamberts). Pour l’île du Ponant la plus éloignée du continent, la question des communications avec ce dernier est encore aujourd’hui délicate. L’article de C. Soulard, R. Legé et L. Tissière propose une réflexion sur les relations entre l’Île d’Yeu et le continent à partir d’observations et d’enquêtes sur le terrain et analyse les conséquences actuelles de l’insularité. Cette relation île-continent fait également l’objet de recherches récentes en géographie physique : le « pont d’Yeu », véritable continuum terre-mer, est le lieu d’une dynamique sédimentaire complexe entre l’Île d’Yeu et les Pays de Monts (article de E. Cariou, A. Baltzer et N. Rollo). L’Île d’Yeu, « une île à pêcheurs » (Chaussade, 1991) ? Il serait surprenant de clore ce numéro spécial sans se poser cette question. Y. Leroy et B. Trouillet retracent l’historique des activités de pêche depuis la seconde moitié du XXe siècle et établissent un état des lieux des pratiques contemporaines à travers une cartographie des territoires de pêche islais.