Portraits de chercheur.e.s

Jean RIVIÈRE

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Pourquoi et comment devient-on enseignant-chercheur en géographie ?

« Quand je suis entré à l'université, j'avais pour projet de devenir prof d'histoire-géo. J'avais eu la chance d'avoir au lycée une super prof dans cette matière (elle était géographe de formation, ce qui est rare) et elle m'avait aiguillé vers la géo. Alors que j'étais en fin de Licence, un évènement politique a entrainé une bifurcation. Le 21 avril 2002, le candidat d'extrême droite s'est qualifié pour le second tour de la présidentielle. Face à cet évènement, Robert Hérin (qui deviendra mon directeur de thèse) avait décidé de modifier son cours d'épistémologie de la géo pour nous y présenter le courant de la géographie électorale. À la fin de l'année, je lui ai écrit en disant que j'aimerai faire un mémoire de maîtrise visant à comprendre la géographie des votes en lien avec celle des inégalités. C'est comme ça que les choses ont commencé…».

Quelles sont les difficultés rencontrées dans le domaine de la recherche ?

« Je dirai que les difficultés que l'on rencontre tiennent pour beaucoup au désengagement de l'État dans l'université et la recherche publique, où la précarité des emplois se développe notamment de manière très inquiétante. Je ne vais pas en dire plus car je crois que des collègues en ont déjà parlé dans le dernier numéro des Cahiers Nantais. Pour moi la principale difficulté renvoie à l'émiettement entre nos différentes missions alors que la recherche exige du temps pour penser ».

Quel est ton dernier article ?

« Avec quelques collègues, nous terminons un article pour la revue Cybergeo. L'objectif est de mesurer l'évolution des divisions socioprofessionnelles dans l'espace de l'aire urbaine de Nantes, à une échelle fine et sur une période inédite de quarante ans. Cela permet de documenter les dynamiques d'embourgeoisement et de gentrification qui affectent certains secteurs de l'espace métropolitain nantais, tout en soulignant les situations de mixité relatives qui prévalent dans la majorité de l'aire urbaine. Dans un contexte où les « fractures géographiques » des mondes urbains sont souvent évoquées sans être pour autant établies scientifiquement, on essaie de proposer une objectivation quantitative de certaines questions au cœur du débat public ».

Quel est ton meilleur souvenir de chercheur ?

« Pas facile de n'en garder qu'un ! Peut-être la période d'ébullition intellectuelle de la fin de la thèse, puis sa soutenance qui a été un bon moment comme rite de passage. L'obtention de mon poste actuel aussi, quand j'ai su que j'allais pouvoir faire ce métier avec un statut stable. Mais je dirai quand même que les meilleurs moments de ma vie professionnelle, c'est le contact avec les étudiants qui me les procure. Par exemple quand j'ai fait lire dans un cours un texte sur la géographie de l'homosexualité, et qu'une étudiante a fait une sorte d'outing devant son groupe de TD. Là on prend pleinement conscience du potentiel émancipateur des sciences sociales ».

Pour terminer, une anecdote sur la recherche à l'IGARUN ?

« Ce n'est pas une anecdote mais un projet collectif que je contribue à animer dans mon laboratoire où nous avons lancé un Atlas social de la métropole nantaise. C'est un projet d'édition numérique dont plusieurs planches sont publiées chaque mois. C'est chronophage mais plusieurs choses me plaisent vraiment dans ce projet : s'adresser à un public qui n'est pas seulement académique en écrivant dans un format court et accessible ; essayer de faire dialoguer ensemble des chercheurs de plusieurs disciplines des sciences sociales ; travailler avec des collègues de métiers différents (spécialiste des SIG, des humanités numériques, de la cartographie d'édition pour travailler aux liens entre les textes et les représentations graphiques). Mais plutôt que d'en parler, je vous laisse le découvrir en ligne ! ».

 

Jean RIVIÈRE, Maître de conférences en géographie, UMR ESO 6590 CNRS, Université de Nantes

jean.riviere@univ-nantes.fr

Bibliographie

Madoré F. , Rivière J., Batardy C., Charrier S., Loret S. (dir.), 2020. Atlas social de la métropole nantaise. Au-delà de la ville attractive [URL : https://asmn.univ-nantes.fr].

Authier J.-Y., Collet A., Giraud C., Rivière J., Tissot S. (dir.), 2018. Les bobos n'existent pas, PUL, Coll. Sociologie urbaine, 206 p.

Rivière J., 2017. L'espace électoral des grandes villes françaises. Votes et structures sociales intra-urbaines lors du scrutin présidentiel de 2017, Revue Française de Science Politique, 67, 6, pp. 1041-1065. [URL : https://doi.org/10.3917/rfsp.676.1041]

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

« Jean RIVIÈRE », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2020, mis en ligne le 27 mai 2021, consulté le 20 avril 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1558