Portraits de chercheur.e.s

Armelle DECAULNE

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Crédit photo : Þ. SÆMUNDSSON

Pourquoi devient-on chercheure en géographie ?

« On devient chercheur en géographie par passion pour des questions scientifiques. Je travaille sur les processus de pente affectant les populations en milieux sub-polaires, surtout dans les fjords d’Islande et sur la côte du Nunavik, au Québec nordique. Je travaille aussi en Norvège occidentale (Nordfjord), et en moyenne montagne d’Europe de l’Est (Carpates roumaines et ukrainiennes, Pirin en Bulgarie). J’étudie d’une part le rôle des avalanches, chutes de pierres et coulées de débris dans le façonnement des paysages, les conditions de déclenchement et l’évolution temporelle et spatiale du fonctionnement des versants, et d’autre part les conditions de déclenchement et de propagation de l’aléa lorsque les habitants, autochtones ou allochtones, se trouvent en situation de vulnérabilité ».

Quelles sont les difficultés rencontrées dans le domaine de la recherche ?

« Comme tous les métiers, celui de chercheur a des avantages et des inconvénients ; les avantages sont de se consacrer à sa passion, avec des campagnes de collecte de données sur le terrain, les analyses de ces données et leur valorisation. Le point le moins agréable est probablement la charge administrative que représentent la gestion des financements de recherche et la quête de ces financements. De nombreuses heures y sont consacrées, avec souvent des chances de succès très modérées ».

Quelle est ta dernière mission ? Quel était le thème de recherche ?

« Ma dernière mission de terrain s’est déroulée en Islande septentrionale dans le courant du mois de juillet dernier. C’était un terrain très attendu car annulé l’été précédent du fait de la pandémie. L’objectif était de dater des glissements de terrain ayant impliqué du matériel pergélisolé. La morphologie des dépôts de la masse glissée présente des modelés coniques, impliquant des conditions climatiques froides. Dater ces glissements permet d’affiner les évolutions climatiques à échelle locale, et de mieux appréhender les risques induits par les glissements de terrain futurs sur les sites anthropisés affectés actuellement par le réchauffement climatique ».

Quel est ton meilleur souvenir de chercheure ?

« C’est une quantité de bons moments qui me vient à l’esprit en voulant répondre à cette question. La plupart est liée aux expériences partagées sur le terrain. Les missions de terrain auxquelles je participe se déroulent surtout sur des sites éloignés et isolés, dans les paysages de toundra, le plus souvent dans des secteurs très éloignés d’habitations et infrastructures. Les conditions d’hébergement sont souvent rudimentaires. Ce sont des terrains sur lesquels les membres de l’équipe doivent pouvoir se faire mutuellement confiance, et cela crée des liens entre collègues qui deviennent pour certains des amis chers. Je me rappelle d’une traversée de rivière glaciaire dans la vallée Bleiksmýrardalur, dans le nord de l’Islande ; on étudiait la structure et la répartition des dépôts avalancheux de part et d’autre du cours d’eau et la piste ne menait que sur une seule rive. L’eau était à 4-5°C. C’était impossible de traverser seul tant le courant était puissant. On s’est mis à l’eau tous les trois, en s’accrochant mutuellement, un pas à la fois ; on a mis du temps à parcourir la trentaine de mètre jusque l’autre rive, et il nous a fallu une bonne dizaine de minutes pour retrouver de la sensibilité dans les pieds arrivés au bout en piétinant les Myrtilles. Je n’ai pas de souvenir de la traversée inverse, mais la claire vision que l’on pouvait compter les uns sur les autres ».

Pour terminer, une anecdote sur la recherche à l’IGARUN ?

« Au sein du labo, ce sont de nouveaux liens entre chercheurs qui se sont créés, le respect et la confiance que l’on se porte mutuellement ayant permis d’explorer les possibilités de nouvelles collaborations de recherche sur une thématique ou à partir d’un outil de recherche à bénéfice commun, alors que nos parcours initiaux ne s’y prêtaient pas à priori. C’est aussi une des belles surprises de la recherche : apprendre à apprécier la recherche de collègues et mettre en place les raisonnements favorisant mutuellement nos travaux ».

 

Armelle DECAULNE, Directrice de Recherche CNRS, UMR LETG 6554 CNRS, Nantes Université

armelle.decaulne@univ-nantes.fr

Bibliographie

Decaulne A., Bhiry, 2021. The development of Kangiqsualujjuaq and the threat of snow avalanches in a permafrost degradation context, Nunavik, Canada, Espace Populations Sociétés. https://doi.org/10.4000/eps.10497

Veilleux S., Bhiry N., Decaulne A., 2021. Snow-cornice and snow-avalanche monitoring using automatic time-lapse cameras in Tasiapik Valley, Nunavik (Québec) during the winter of 2017-2018, Arctic Science, 7, 798-812. https://doi.org/10.1139/as-2020-0013

Decaulne A., Joliet F., Chanteloup L., Herrmann T.m., Bhiry N., Haillot D., 2020. Vers une démarche scientifique intégrative: l'exemple de l'Observatoire Hommes-Milieux du Nunavik (Canada), Journal of Interdisciplinary Methodologies and Issues In Science. https://doi.org/10.18713/JIMIS-120620-6-5

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Crédit photo : Þ. SÆMUNDSSON

Citer cet article

Référence électronique

« Armelle DECAULNE », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2021, mis en ligne le 30 mai 2022, consulté le 20 avril 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1689