Pourquoi et comment devient-on chercheur en géographie ?
« Au lycée puis à la fac, j'avais un fort intérêt pour les sciences sociales. Elles sont très utiles à la compréhension des débats qui animent nos sociétés, régulent nos modes de vies et nos rapports sociaux. C'est l'appétence pour les questions environnementales qui m'ont fait bifurquer vers la géographie. J'ai découvert la notion d'économie circulaire dans un cours d'économie de l'environnement lors d'une licence en Sciences Économiques et Sociales à l'université Paris Diderot. C'était mon premier contact avec la question de la gestion et du traitement des déchets, le moment où je suis « tombé » dans la poubelle, motivé par une envie naïve de participer à la durabilité des sociétés. Heureusement, un peu par hasard, j'ai pu embrasser une approche sociale et territoriale du sujet grâce à Mathieu Durand qui a encadré mes deux mémoires à l'université du Mans dans des contextes très différents (Nouvelle-Zélande et Argentine). J'ai été happé par une littérature riche et variée en rudologie et en écologie territoriale. Comprendre puis expliquer les modes de gestion de déchets par le croisement de données socio-spatiales et d'entretiens m'a passionné. Ces travaux de recherche et l'immersion nécessaire propre au travail de terrain m'ont beaucoup marqué. Comme le hasard fait bien les choses, après un master et un passage professionnel par l'urbanisme et l'aménagement, je suis revenu vers le monde de la recherche sur les déchets par une thèse en CIFRE sur la gestion des déchets organiques en Pays de la Loire avec le conseil régional et l'AC3A. Aujourd'hui en doctorat, je poursuis ma formation à la géographie au sein du laboratoire ESO auprès d'Adeline Pierrat, Jean-Baptiste Bahers et François Laurent. Si je voulais en rajouter et faire du « storytelling », je dirais que j'ai toujours voyagé à travers différents espaces et mondes sociaux ; actant qu'un·e géographe est d'abord une personne qui aime sortir de chez elle. »
Quelles sont les difficultés rencontrées dans le domaine de la recherche ?
« J'enfonce des portes ouvertes, mais il s'agit bien sûr de la réduction des moyens et des dernières lois qui ont touchées le monde de l'ESR. Le manque de postes pérennes et la précarité qui touchent les doctorant·e·s crée un environnement compétitif qui accroît les inégalités et n'aide pas à faire la recherche de qualité. Le financement sur projet permet mal d'adopter les postures critiques pourtant essentielles à la production scientifique et elle subtilise du temps de recherche. Il est dommage de voir une partie de l'activité de recherche des chercheur·e·s se cantonner à la recherche de financements. Dans mon cas, l'accès aux données sur les déchets peut constituer une autre difficulté, nécessitant souvent des démarches administratives importantes. »
Quelle est ta dernière mission ? Quel était le thème de recherche ?
« En ce qui concerne ma dernière mission, elle a consisté en un travail de terrain sur l'île d'Yeu, focalisé sur les acteurs associatifs et leur rapport aux politiques publiques. Cette expérience m'a permis d'approfondir la compréhension des dynamiques locales et d'explorer les interactions entre les différents acteurs sociaux dans le contexte spécifique de l'île. Il s'agissait de « suivre » les différentes filières de déchets organiques, institutionnalisées ou non pour comprendre leur organisation sociale et spatiale. L'enquête révèle des réseaux et des pratiques en marge du service public de gestion des déchets mais qui participent activement à la circularité des matières organiques sur ce territoire insulaire. »
Quel est ton meilleur souvenir de chercheur ?
« Il est indéniablement lié à mes entretiens avec des travailleur·euse·s des déchets. Que ce soit à Wellington, Buenos Aires ou à l'île d'Yeu, ces rencontres m'ont permis d'explorer leurs « savoirs chauds », révélant une connaissance profonde de la construction spatiale et sociale de leur environnement. Trouver ces personnes et tenter de retranscrire leurs paroles, en les mettant en lien avec les « savoirs froids » de l'université laissent toujours une empreinte marquante. »
Simon JOXE, Doctorant, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO) CNRS, Le Mans Université