L’agriculture urbaine, qui est communément apparentée à une pratique de culture maraichère en ville peut être définie par sa localisation, en observant les lieux de nature cultivée dans et autour de la ville : du centre à la périphérie, au domicile (potagers privés), interstitielle (jardins communautaires) jusqu’à la frange urbaine et la périphérie. Mais au-delà de sa simple localisation, et en plus de sa dimension spatiale, c’est surtout « la fonctionnalité de l’agriculture envers la ville qui pourrait définir son caractère urbain » (Nahmias et Le Caro, 2012, p. 5). Ses fonctionnalités s’avèrent complexes : elles peuvent être à la fois marchandes et non marchandes, individuelles ou collectives, privées ou partagées. Elles se déclinent par des approches très diverses dans le monde, au regard des différents contextes sociaux, économiques et environnementaux. À Montréal, les expériences et les formes d’agriculture urbaine relevant d’initiatives citoyennes, associatives, privées mais aussi institutionnelles, ont investi ruelles, bords de rues, jardins et toits de la ville en s’y développant depuis plus de trente ans. Les projets ont gagné les institutions de l’enseignement. Ainsi, en 2011, vingt projets de revitalisation de cours d’écoles de la Commission Scolaire de Montréal (CSDM) étaient en cours. Qu’il s’agisse de petites surfaces, de jardins sur sol, ou en bacs, les projets réalisés dans les écoles font preuve de créativité et de diversité en termes de fonctionnalité. En quoi ces projets de jardins pédagogiques s’apparentent-ils à des formes d’agriculture urbaine ? Il s’agira donc d’évoquer premièrement la progressive reconnaissance de l’agriculture urbaine par la ville de Montréal en analysant les différents types d’acteurs et la gouvernance à l’œuvre puis d’évoquer la diversité des projets au sein des institutions de l’enseignement. Nous nous pencherons enfin sur des projets réussis au sein des universités ainsi qu’au sein d’une école.
1. L’émergence d’une diversité de formes et de projets
1.1. Une progressive reconnaissance de l’agriculture urbaine au sein des politiques de la ville…
Définie de manière générale en tant que simple production maraîchère en ville, l’agriculture urbaine a tout intérêt à être valorisée à travers des approches environnementales ainsi que socio-politiques. Elle reste une approche pertinente pour travailler sur les manières d’habiter la ville ainsi que sur l’aménagement urbain (Nahmias, Le Caro, 2012). À Montréal, les grands projets en agriculture urbaine visent en priorité des objectifs sociaux et pas seulement une production économique. Cependant cette dimension économique est également à prendre en compte, compte tenu de son importance dans les projets de ville, avec lesquels de nouveaux enjeux apparaissent pour l’agriculture urbaine : les liens avec l’agriculture périurbaine, sa prise en compte dans la gouvernance alimentaire, insertion de projets dans les plans d’urbanisme, création d’un système alternatif durable (Duchemin et al., 2013). Depuis peu, Montréal s’est dotée d’un premier plan stratégique de développement durable de la communauté montréalaise (2007-2008) qui intègre l’agriculture urbaine en tant qu’outil pour répondre aux enjeux de l’alimentation, des interactions sociales et afin de lutter contre le réchauffement climatique en créant des espaces verts comme l’expliquent E. Duchemin et F. Wegmuller (2010).
Une telle réappropriation de l’espace, qui s’avère complexe, liée aux mutations urbaines et à des engagements citoyens, surprend par la diversité des formes de production alimentaire urbaine présentes (Duchemin et al., 2013). On peut en effet les distinguer tant par leur aspect technique (sol, système hydroponique, aquaponique, hors-sol, sur toit, à la verticale) que par ses objectifs. Il peut s’agir de production personnelle telle celle faite au sein d’un jardin privé, d’un jardin communautaire ou collectif, voire de ruelles agricoles (qui sont des espaces publics partagés). Il existe aussi des formes représentant des systèmes alternatifs comme les entreprises sociales et solidaires, tels que le Santropol Roulant (photo 1) qui possède un potager sur son toit et qui vise une clientèle spécifique à mobilité réduite, ou le Carrefour Alimentaire Centre Sud, un organisme qui permet d’améliorer l’accès aux aliments frais et locaux au sein d’un quartier défavorisé du centre sud de la ville. Ce dernier a ainsi développé plusieurs secteurs d’activités : création de jardins, projets de marchés fixes et ambulants, livraison, programmes d’éducation… Parallèlement d’autres projets se développent, à visée principalement commerciale, professionnelle, comme la Ferme LUFA créée en 2011, première ferme commerciale construite sur un toit (cultures hydroponiques sur une surface de 3 000 m2). Ces multiples formes constituent donc un ensemble complexe, qu’il convient d’analyser et de définir de manière plus précise.
Photo 1 – Le toit potager du Santropol Roulant : des repas confectionnés avec des légumes venant du potager installé en toiture et en terrasse du bâtiment sont livrés chaque jour, à pied ou à vélo par des bénévoles à des personnes âgées ou dans le besoin
(Jégo, juillet 2013)
Sur Montréal prédominent les formes non-professionnelles d’autoproduction. Il s’agit principalement des jardins collectifs (une parcelle entretenue par un groupe, à visée pédagogique) et des jardins communautaires (correspondant à des parcelles individuelles). Leur gestion relève d’une entente entre la ville et les citoyens, en partenariat avec la Direction des Travaux Publics. Leur présence est liée aux politiques d’aménagement de la ville, qui a su créer dès 1975 un programme de soutien aux jardins communautaires. Ce programme s’est vu renforcé par le Plan Stratégique de Développement Durable de la Communauté Montréalaise qui reconnaît davantage le rôle de l’agriculture urbaine, et ce notamment pour « promouvoir la sécurité alimentaire, proposer des aliments frais et sains à bas coûts, pour contribuer au verdissement urbain, pour diminuer les émissions de pollutions » (Duchemin et Wegmuller, 2010, p. 2). Ce programme est l’un des premiers existants en Amérique du Nord. Néanmoins, il s’agit de souligner que le nombre de jardins diminue depuis quelques années du fait de la pression immobilière d’une part, ainsi que de la baisse des subventions accordées par la ville ajoutent E. Duchemin et F. Wegmuller (2010). En 2013, la ville possède 97 jardins communautaires couvrant plus de trois hectares et 8 500 jardinets, administrés par les arrondissements depuis 2002. Actuellement, sur dix-neuf arrondissements de la ville, dix-sept mettent à disposition des citoyens des parcelles de terres cultivables (photo 2).
Les mobilisations citoyennes ont également permis de renforcer la présence, légitime, des jardins au sein de la ville par des initiatives novatrices mais également par des combats politiques comme en témoigne le conflit du Parc des Gorilles à Montréal en 2013. Espace en friche, il a été farouchement protégé par les résidents du quartier. Il est aujourd’hui considéré comme un espace naturel de la ville. Il est nécessaire ici de prendre en compte ces formes non-professionnelles, correspondant à des aspirations militantes et politiques, en y posant un regard critique et distancié. En effet, de ces engagements, naît une certaine forme d’appropriation sociale de l’espace urbain. Si en Europe, du moins en France, l’on pose encore assez peu le regard sur ces formes de jardins, à Montréal, des chercheurs spécialistes de la question se sont efforcés d’en créer une typologie détaillée comme Éric Duchemin, dans son ouvrage paru en 2013 : « Agriculture urbaine, aménager et nourrir la ville ». En 2010, suite à la création du Groupe de Travail en Agriculture Urbaine rassemblant plus de quarante acteurs, groupes et organisations, a peu à peu émergé l’idée d’une consultation publique sur l’état de l’agriculture urbaine à Montréal, constatant que celle-ci était peu considérée par les politiques municipales. Cette consultation apparaît dans un contexte où l’on observe une réelle effervescence des projets en agriculture urbaine : longue liste d’attente pour obtenir une parcelle dans un jardin communautaire, augmentation des demandes de soutien auprès des organismes communautaires mais aussi apparition de petits marchés de producteurs, venant compléter l’offre alimentaire des maraîchers périurbains. Aujourd’hui à Montréal, ces petits marchés accueillent également des produits issus de l’agriculture urbaine comme l’a proposé récemment le Carrefour Alimentaire Centre Sud, depuis sa création en 2007. Ainsi, les liens entre les formes d’agriculture urbaine présentes au sein de la ville et les formes situées en périphérie peuvent se structurer et devenir des éléments de l’innovation sociale et solidaire. Même si elles peuvent être cependant concurrentielles. Dernier point d’intérêt, cette agriculture offre aujourd’hui une voie professionnalisante, sous forme d’emplois diversifiés : responsable d’une ferme commerciale, animateur de jardin collectif, salarié de serre commerciale ou de ferme périurbaine ainsi que les emplois liés à la vente d’aliments. On trouve majoritairement des postes proposés par des organismes communautaires : animateur horticole et coordinateur d’équipe. Les éducateurs ou formateurs sont également très recherchés au sein des jardins pédagogiques.
1.2. …à la reconnaissance de ses fonctionnalités à travers plusieurs composantes
Les composantes de l’agriculture urbaine évoquées ci-dessous rappellent celles de l’agriculture rurale, elles ont été regroupées sous trois volets :
- la production au sein des jardins associatifs (collectifs, communautaires et pédagogiques) ;
- la distribution : prise en charge par les organismes communautaires (partenariats entre institutions publiques, écoles, universités et associations) ;
- la transformation : organismes communautaires, cuisines collectives, restaurants solidaires.
Une quatrième composante a été ajoutée, compte tenu des spécificités de certains projets. Il s’agit de l’axe « sensibilisation » auquel prennent largement part certains organismes ainsi que les institutions de l’enseignement, notamment à travers des programmes d’éco-alimentation et d’éducation à l’environnement. Cet axe nous intéresse plus particulièrement compte tenu qu’il permet de considérer une nouvelle entrée pour l’agriculture urbaine. Dans ce contexte, le jardin pédagogique devient un véritable outil pour concevoir de nouvelles activités pédagogiques. Les écoles, les Cégeps (correspondant à l’enseignement du lycée) et les universités développent programmes et projets autour de tels jardins, mettant ainsi sur le devant de la scène de nouveaux acteurs, et permettant de « densifier » le réseau d’agriculture urbaine et de le faire connaître. Organismes privés et associations créent ainsi des partenariats avec les institutions de l’enseignement afin de mettre en place des programmes éducatifs spécialisés. Les projets de jardins pédagogiques n’ont cependant pas seulement une valeur pédagogique. Production mais également distribution des produits dans les écoles et dans le quartier (parents, voisinage) s’inscrivent dans la diversité des fonctions de l’agriculture urbaine.
2. Diversité des projets au sein des institutions de l’enseignement
2.1. Créer et appuyer les réseaux et partenariats…
Les institutions de l’enseignement offrent la possibilité de mettre à disposition un espace pour des organismes ou associations (cuisines collectives, associations promouvant les circuits-courts) souhaitant développer l’agriculture urbaine.
Les partenariats offrent un gage de réussite, en créant une véritable dynamique entre acteurs. Il s’agit généralement d’acteurs présents dans le même quartier afin de renforcer le tissu social et communautaire. Par exemple des ateliers éducatifs diversifiés sont menés dans les écoles par des organismes communautaires : production de semis, aménagement, entretien du potager, récolte avec les élèves, atelier de cuisine et même compostage. De plus, les institutions de l’enseignement tendent aussi à créer des partenariats avec les organismes en offrant des formations (fig. 1) : comme Ecoleader par exemple, fruit d’une collaboration entre l’association Alternatives et l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ou l’Université de Concordia qui offre un séminaire City Farm School qui se veut un programme de formation accessible à tous. Les quatre Universités de Montréal (UQAM, MG Gill, Concordia University et l’Udem) sont investies dans l’agriculture urbaine, dans des projets variés aux objectifs distincts (photo 3).
Figure 1 – Des partenariats favorisant la durabilité des projets en agriculture urbaine au sein des institutions de l’enseignement
(Jégo, juillet 2013)
Photo 3 – Les jardins du Campus Comestible Santropol Roulant de l’Université McGill
(Jégo, juillet 2013)
À l’UQAM, l’objectif du « Collectif de recherche en Aménagement Paysager et Agriculture Urbaine Durable » (CRAPAUD) est de promouvoir l’agriculture urbaine auprès du grand public et de le sensibiliser. Ses recherches amènent à concevoir une agriculture urbaine créative et accessible à tous. Il propose une approche expérimentale, pratique, caractérisée par l’autogestion. Ce collectif a proposé durant la consultation publique en 2010 des modes de gestion collective en termes de gouvernance afin de créer un véritable réseau en agriculture urbaine : « Un réseau officiel permettrait, selon plusieurs acteurs du milieu, la construction d’un savoir spécifique à la situation montréalaise, un échange d’informations et de ressources, une opportunité de partenariats ainsi qu’une réflexion commune sur les enjeux » (Rapport de Consultation Publique, 2012). Ce réseau regrouperait alors des acteurs de différents secteurs : privé, associatif et institutionnel, mais aussi, les institutions de l’enseignement qui pourraient y jouer un rôle central : la diffusion des connaissances, le développement de nouvelles approches, concepts et des innovations concernant une urbanisation nouvelle, écologique et durable. A ce titre, le rapport de Consultation Publique sur l’agriculture urbaine de 2012 préconise des partenariats entre la ville et les universités.
2.2. …pour des enjeux éducatifs et sociaux
Le développement des jardins pédagogiques est lié à l’expansion du champ de l’éducation à l’environnement. À travers le temps et selon les pays, les priorités changent et le jardin tend à élargir ses fonctions. Les jardins pédagogiques, créés au sein des institutions de l’enseignement sont des parcelles cultivées ou espaces productifs aux abords des écoles, crèches, collèges, lycées, universités, à vocation pédagogique, éducative, sociale mais aussi alimentaire. En effet, des excédents sous forme de denrées ou de bénéfices peuvent en être dégagés pour les institutions. Le jardin devient ainsi un lieu de production (échanges avec le voisinage, avec les parents, associations du quartier) ainsi qu’un lieu d’échange et de vie.
Dans les universités, les initiatives répondent à des engagements militants, à une volonté de sensibiliser le grand public et à développer des formes de production alternatives. Au sein des écoles, la principale fonction reste cependant pédagogique avec trois objectifs essentiels : nouveaux supports d’apprentissage mais également thérapeutiques, à travers une sensibilisation à l’alimentation pour lutter contre l’obésité, et enfin lieu favorisant les interactions sociales.
Face aux problèmes qu’engendre le système alimentaire mondial, nombres d’acteurs et citoyens du monde changent leurs habitudes de consommation et se tournent vers des aliments plus sains, frais et produits avec une certaine éthique environnementale et sociale. De nombreuses écoles développent ainsi des programmes d’éducation relative à l’environnement et à l’éco-alimentation. L’idée que les jardins « peuvent fonctionner comme assise pour l’amélioration de la santé » (Muelhoff et Boutrif, 2010, p. 3) est soutenue par les diverses expériences et la recherche. Différents programmes phares ont été réalisés dans le monde, depuis plus de dix ans, notamment aux États-Unis et surtout en Californie avec The Edible Project à Berkeley ou celui développé à New York par Slow Food. Cependant, là où l’implantation d’un futur jardin semble réussie, se dressent des difficultés de financements ; de temps ; d’outils et de matériels ; d’adéquation ou d’inadéquation entre le temps scolaire et le temps des productions mais aussi l’éternel problème des vacances scolaires (résolu ou pas de façon très différente) démontre C. Lhoir (2009). Des politiques et programmes nationaux sont donc sollicités pour faciliter la création des jardins, reconnaître leur rôle éducatif et de sociabilité, aider les enseignants et leur transmettre le matériel nécessaire (Lhoir, 2009).
À Montréal, la Commission Scolaire a lancé un programme de soutien dans l’objectif de verdir et d’aménager durablement les cours d’écoles. Les organismes communautaires et associations offrent de leur côté le temps nécessaire dont ne disposent pas les enseignants afin de créer des ateliers éducatifs et les animer. Les jardins répondent également à une autre fonction qui est celle des enjeux alimentaires à l’échelle du quartier. En effet, ces projets prennent également tout leur sens dans une dimension sociale, plus spécifiquement en renforçant le tissu social. Ainsi pour les organismes communautaires, l’approche socio-culturelle (c’est-à-dire travailler à une meilleure intégration des différentes communautés culturelles) des nouvelles populations est essentielle afin de lutter contre l’isolement social, pour favoriser une dynamique interculturelle et participer au développement « d’appartenance au milieu de vie » (Racine et al., 2012, p. 5). Cette valorisation culturelle permet ainsi le partage des savoirs, des connaissances, hérités des histoires individuelles et du milieu d’origine de chacun.
3. Quelques exemples emblématiques
L’université McGill intervient en agriculture urbaine par l’intermédiaire de l’Institut des Sciences, de l’Agriculture et de l’Environnement. Une diversité de projets a vu le jour au sein de l’ensemble du campus. Campus Crops est un projet mené par les étudiants dont l’objectif est de fournir des légumes aux banques alimentaires et aux étudiants tout en récupérant des espaces urbains non ou sous-utilisés afin d’en faire des espaces de production pour favoriser l’émergence de systèmes alimentaires alternatifs. D’autres projets viennent se greffer à ce premier, proposant ainsi une diversité de fonctions et de formes d’agriculture urbaine. C’est le cas de The Edible Campus qui est un jardin productif lié au Santropol Roulant, rassemblant plusieurs acteurs autour d’un carrefour alimentaire communautaire (photo 3). Avec pour objectif d’associer les citoyens dans des dynamiques de création de systèmes alimentaires alternatifs, ce projet permet de distribuer la moitié des légumes produits à une cuisine collective servant de quatre-vingt à cent clients, principalement des personnes à mobilité réduite. En été, les légumes sont distribués aux résidents d’un quartier à faible revenu.
Les cultures au Campus visent non seulement à diffuser les connaissances mais également à s’interroger sur la durabilité de nos systèmes alimentaires et sur les défis à relever pour l’avenir. Elles sont principalement destinées à distribuer des produits alimentaires aux plus démunis, notamment grâce à des partenariats avec des cuisines collectives et des organismes « carrefours alimentaires » au sein de la ville. Ces projets permettent également de rentabiliser un espace non utilisé, de recréer un « vivre ensemble », un dynamisme social et de considérer une nouvelle approche et vision de l’espace urbain.
Au sein du quartier Centre-Sud de Montréal, situé le long du fleuve Saint-Laurent et qui a connu de nombreuses transformations, s’est créé un carrefour alimentaire appelé « Marché Frontenac » suite à l’organisation d’un colloque au cours duquel les acteurs des quartiers se sont penchés sur le problème de sécurité alimentaire dans certains quartiers de Montréal. En effet, l’organisme communautaire Centraid du Grand Montréal pointe l’alimentation comme l’un des principaux enjeux du quartier Centre Sud. La Direction de la Santé Publique (DSP) l’a ainsi qualifié de « désert alimentaire »1 rappelle le Marché Solidaire Frontenac (2011) aujourd’hui appelé Carrefour Alimentaire Centre Sud. La DSP explique ainsi que « le délaissement des quartiers centraux urbains et des communautés rurales par les épiceries au profit des grandes chaînes alimentaires ont amené des inégalités dans l’offre de fruits et légumes frais à Montréal ». Suite à ces constats, a peu à peu émergé l’idée du Projet du Marché Frontenac, dont l’objectif est de contribuer à une meilleure offre de produits sains et abordables destinés aux habitants du quartier. Il s’est diversifié dans ses activités : marché fixe, lieu de sociabilité, mais aussi un volet approvisionnement ou « marchés mobiles » dont le but est de faire circuler des vélos triporteurs proposant la vente de fruits et légumes au sein des espaces publics ainsi que des ateliers de cuisines collectives.
Un programme éducatif a également été créé depuis janvier 2012 au sein du Marché Frontenac : celui-ci intervient dans plusieurs écoles du quartier notamment l’école Jean-Baptiste Meilleur où un jardin pédagogique a été réalisé à l’été 2013 par un enseignant et l’une de ses classes, en partenariat avec des organismes communautaires. Le but est d’influer des changements durables et de les sensibiliser grâce à l’éducation à l’alimentation par la pratique horticole. Ce projet possède également, comme nous l’a décrit l’enseignant, « une dimension sociale en ouvrant le projet sur la communauté. Je savais qu’il fallait ouvrir une culture alimentaire car il n’y a pas vraiment de supermarchés ici ». C’est également l’occasion de renforcer le tissu social et de mettre l’accent particulièrement sur la richesse multi-ethnique du quartier.
Conclusion
On constate à travers ces exemples que ces jardins pédagogiques ne peuvent se restreindre à leur seule valeur éducative. Les projets au sein des institutions de l’enseignement participent au rassemblement d’acteurs institutionnels, communautaires et privés autour d’enjeux communs. On peut d’ailleurs aisément dégager cinq grandes fonctionnalités du jardin pédagogique :
- Un espace « éducatif » afin de sensibiliser les individus à l’alimentation et à l’environnement ;
- Un espace « productif » ouvert à tous;
- Un espace « approprié » par les citoyens qui y développent une certaine appartenance;
- Un espace « partagé » favorisant les interactions sociales et l’intégration culturelle;
- Un espace de « nature » participant au verdissement de la ville et à l’embellissement du cadre de vie.
À Montréal, les acteurs évoluant autour de l’agriculture urbaine demandent une réelle reconnaissance de l’agriculture urbaine au sein de la gouvernance alimentaire ainsi que de la planification territoriale : comme nous venons de le montrer, les jardins pédagogiques doivent être intégrés et reconnus comme forme et fonction de l’agriculture urbaine, ainsi que dans une perspective plus large, plus transversale autour de la ville « viable ».