Empoissonnement des barrages hydroagricoles et pisciculture : analyse géographique des pratiques de production halieutique dans le département de Ferkessédougou au nord de la Côte d'Ivoire

Résumé

Pour réduire la dépendance de la Côte d’Ivoire vis-à-vis des pêcheries étrangères, l’État a initié des programmes visant à accroître la production halieutique locale. Dans les zones marquées par un stress hydrique notamment le département de Ferkessédougou, l’accent est mis sur l’aménagement des barrages hydroagricoles. L’étude qui s’appuie sur une recherche documentaire et une enquête de terrain vise à faire une analyse géographique des pratiques de production halieutique dans le département de Ferkessédougou. Elle révèle que la pêche dans les barrages empoissonnés se substitue progressivement à la pisciculture proprement dite.

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Mots-clés

Côte d’Ivoire, empoissonnement des barrages, pêche, pisciculture, production halieutique

Plan

Texte

Mots-clés : Côte d’Ivoire, empoissonnement des barrages, pêche, pisciculture, production halieutique

Introduction

Dans le nord de la Côte d’Ivoire, les conditions climatiques marquées par de longues saisons sèches (près de 7 mois) ont conduit l’État à aménager plusieurs barrages et pastoraux. L’objectif est de rendre disponible, en permanence, les ressources en eau, pour l’irrigation de contre-saison et la sédentarisation des troupeaux sur leurs parcours de saison sèche (Gourdin et al., 2007). Ainsi, dans la partie septentrionale du pays, 34 réservoirs ont été édifiés dans les années 1970 pour l’irrigation de productions vivrières (riziculture) et commerciales (canne à sucre), tandis que 269 petits barrages dévolus spécifiquement à l’abreuvage du bétail durant la saison sèche y ont été créés à partir des années 1980 (Anonyme, 1992), dont 112 dans la région du Tchologo (Traoré, 1996) et 21 dans le département de Ferkessédougou (DAP1, région du Tchologo). À la vocation initiale de ces retenues ont été associées des activités artisanales complémentaires comme la pêche2. Selon Da Costa et al. (2004), le nombre d’espèces dans ces barrages variait entre 12 et 36. Leur peuplement de poissons se caractérisait par une abondance spécifique stable3 dans la plupart des retenues, propice à la pêche.

Ces plans d’eau ont longtemps contribué à l’amélioration du niveau d’accès des populations en produits halieutiques. Selon Da Costa et al. (1998), la production annuelle variait entre 70 et 250 kg/ha/an. Ainsi, celle récoltée dans plus de 300 barrages recensés en 1998 dans la région du nord de la Côte d’Ivoire, représentait entre 16 et 46 % du poisson d’eau douce capturé à l’échelle nationale. Cependant, depuis la rébellion armée de 2002 qui a vu la partition du pays en deux (zone non gouvernementale au nord et zone gouvernée au sud) et qui a privé la partie nord de près de 10 ans d’investissement étatique et de gestion administrative, ces retenues connaissent une perturbation de leur système de production. L’explication de ce déclin est liée aux actes de vol et de vandalisme perpétrés par des inconnus pendant cette crise dans les sites de production. La conséquence immédiate de ces actes est la baisse de la production halieutique et les risques d’insécurité alimentaire en matière de protéine animale pour les populations.

La pisciculture qui devrait logiquement atténuer ce manque a également subit les effets de la crise politico-militaire de 2002 (Assi-Kaudjhis, 2005). Sa production estimée à 27 tonnes (Natiokobadara et Ferké 2) selon ECOLOG-Korhogo en 1997, est passée à 4,11 tonnes en 2019 (DAP de la région du Tchologo). Au-delà des questions sécuritaires entre 2002 et 2010 qui ont occasionné la destruction des acquis dans les sites d’élevage, il faut souligner l’irrégularité des pluies qui freine l’approvisionnement régulier des étangs en eau4 pour une production aquacole adéquate. Du coup, pour faire face aux besoins des populations en produits de pêche, l’État de Côte d’Ivoire consacrait déjà en 2016 plus de 300 milliards de FCFA dans les pêcheries étrangères5. Selon Anonyme (2016), les produits de pêche occupent le 3e rang dans le classement des dépenses d’importations du pays après le pétrole et le riz.

Pour réduire la dépendance de la Côte d’Ivoire des pêcheries étrangères surtout dans la zone septentrionale, la Côte d’Ivoire a lancé en 2018, dans les zones situées particulièrement au nord du pays (espace soumis à un stress hydrique), un vaste projet de réhabilitation des barrages hydroagricoles suivi de leur empoissonnement. Ce projet, initialement étatique, est progressivement entré dans les habitudes des populations locales, si bien qu’elles-mêmes aménagent de petits barrages avant de les empoissonner. Le service des Pêches et d’Aquaculture de la région dénombre au total 32 barrages privés. Sur ces 32 retenues, 5 sont suivies par ledit service et comptabilisaient plus de 50 tonnes de production en 2021. À cela, il faut ajouter celles des autres petits barrages privés empoissonnés dont le volume de production n’est pas comptabilisé dans les chiffres des services de pêche et d’aquaculture de la région. Dans le même temps, on assiste selon la même source à une réduction des activités piscicoles proprement dites, traduite par leur extensivité et leur production insuffisantes. En 2020, les récoltes de la pisciculture étaient de moins de 5 tonnes dans le département de Ferkessédougou contre 27 tonnes par le passé.

Photo 1 - Une équipe du CRESAT (Comité de Recherche sur l’Eau, la Santé et l’Alimentation des Territoires) de l’Université Peleforo Gon Coulibaly (Korhogo-Côte d’Ivoire) en compagnie des pêcheurs du barrage de Sangopari, avant le début des entretiens autour des questions de développement de la pêche et l’aquaculture

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Cette rencontre dont l’objectif principal est de comprendre le mode de production et de fonctionnement des barrages empoissonnés, s’est tenue le 17 mai 2019, dans le village de Sangopari à Ferkessédougou, au nord de la Côte d’Ivoire.

Crédit photo : Kouadio Josue, 2019

Les constats précédemment décrits interrogent sur l’avenir de la production halieutique dans le département de Ferkessédougou. L’empoissonnement des petits barrages est-il en train de se substituer à la pisciculture proprement dite dans le département de Ferkessédougou ? Comment se fait cette substitution ? Quel est l’intérêt des pratiques haliopiscicoles pour que les paysans se reconvertissent dans l’empoissonnement des barrages aménagés ?

La réponse à ces préoccupations se trouve dans les trois points suivants : (i) analyse des modes de production halieutique dans le département de Ferkessédougou ; (ii) comparaison des systèmes d’empoissonnement des barrages aménagés à ceux de la pisciculture proprement dite ; (iii) impact socio-environnemental (intérêts) de l’empoissonnement des barrages.

Le département de Ferkessédougou est situé au nord de la Côte d’Ivoire dans la région du Tchologo (fig. 1), à près de 50 km de Korhogo, la capitale régionale du Poro.

Figure 1 - Répartition des fermes piscicoles dans le département de Ferkessédougou (2021)

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Dans la compréhension du sujet, une distinction doit être faite entre l’empoissonnement des barrages en vue de la pêche et l’empoissonnement des étangs ou barrage d’étang pour la pisciculture. Dans le premier cas, le statut privé des sites empoissonnés est conservé mais débouche sur des techniques de production halieutique proches de la pêche ordinaire, avec l’usage de moyens de pêche appropriés tels que les filets épervier, filets dormants, pirogues, nasses, hameçons (Kouadio-Nanan et al., 2021). Dans le second cas, il s’agit de la pisciculture proprement dite avec l’usage de moyens de production spécifiques à l’activité piscicole.

Méthodes et outils de travail

Cet article est le résultat de recherches documentaires et d’enquêtes de terrain. La recherche documentaire nous a permis de faire l’état des lieux de la question posée par la problématique. À cet effet, nous avons consulté des données secondaires dans les bibliothèques et centres de documentation. Nous avons également eu recours aux informations numériques via internet à travers les moteurs de recherche. Les informations consultées traitent de la pêche et la pisciculture en milieu continental, des systèmes de production halio-aquacole, des techniques d’empoissonnement et des problèmes liés à l’exploitation des eaux continentales à des fins de pêche et d’aquaculture. Pour l’essentiel, osons citer les travaux de Anoh (2007), Traoré (1996), Da Costa et al. (1998, 2004) et Koffié-Bikpo (2008).

La collecte de données sur le terrain s’est faite entre 2018 et 2022. L’objectif de cet étalement sur une période plus ou photomoins longue vise à mieux apprécier l’évolution de la pisciculture et des techniques d’empoissonnement dans le département de Ferkessédougou. Les visites des sites se sont faites en février 2019, juin 2020, mars 2021 et enfin en avril 2022.

À ces occasions, nous avons effectué des observations directes dans les périodes de production en suivant toutes les étapes dans les barrages empoissonnés et les sites piscicoles proprement dits. L’objectif de cette démarche est de comprendre le rapprochement entre la pêche dans les barrages empoissonnés et la pisciculture proprement dite. Des questions ont été adressées aux pêcheurs et pisciculteurs. Elles portaient sur les modes et acteurs de production, les moyens de production, les volumes de production, les acteurs de la commercialisation, l’intérêt des différents systèmes de production, les problèmes rencontrés dans chaque secteur d’activité. La totalité des sept fermes piscicoles et des cinq barrages empoissonnés (reconnus par la DAP de la région) du département étudié a été enquêtée.

Ces recherches ont été couronnées par des entretiens à la DAP de la région du Tchologo. Ces échanges ont porté surtout sur les politiques de production halieutique dans la région et singulièrement dans le département de Ferkessédougou.

Résultats et discussion

Analyse des modes de production halieutique dans le département de Ferkessédougou

La pisciculture proprement dite dans la production halieutique

Des fermes piscicoles éparpillées spatialement

Contrairement au littoral ivoirien, notamment la commune de Bingerville où l’activité piscicole est relativement présente et dense (Kouadio-Nanan, 2012), on constate une dispersion des fermes piscicoles dans le Tchologo, singulièrement dans le département de Ferkessédougou. Selon la DAP de cette région, en 2021, la circonscription de Ferkessédougou ne comptait que sept fermes dont trois étaient non fonctionnelles (43 % du total, fig. 1).

Dans les structures d’élevage, nos enquêtes révèlent un nombre relativement insuffisant d’étangs par ferme, avec parfois seulement deux (tab. 1).

Tableau 1 - Répartition des fermes piscicoles selon le nombre d’étangs et l’état de fonctionnement

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Source : DAP du Tchologo, 2021

L’analyse du tableau 1 atteste que sur les sept fermes recensées, une seule encore fonctionnelle abrite plus de 10 étangs piscicoles. Il s’agit d’une exploitation comptabilisant un total de 20 étangs, située à proximité de Ferkessédougou sur une superficie de 1,3 ha. Celle qui abrite le plus petit nombre d’étangs est à Koumangbè, implantée sur 1 800 m2 selon la DAP de la région.

Le niveau d’occupation du sol par les activités piscicoles dans le département de Ferkessédougou est faible eu égard aux résultats précédemment évoqués. Pourtant, la région a bénéficié de 112 retenues d’eau à vocation agricole et pastorale, dont 21 dans le seul département de Ferkessédougou en vue de soutenir les activités agricoles notamment la pisciculture face à l’irrégularité des pluies dans la zone. La conséquence immédiate de ce manque est l’incapacité de l’activité à faire face aux besoins en croissance des populations de poissons.

Une production piscicole croissante, mais encore insuffisante face à la demande

La pisciculture dans le département de Ferkessédougou, même si elle est faiblement présente, connait une augmentation de sa production. En effet, selon la DAP du Tchologo (2020), la production des fermes piscicoles est passée de 2,30 tonnes en 2016 à 4,62 tonnes en 2020 (fig. 2).

Figure 2 - Évolution de la production piscicole dans le département de Ferkessédougou de 2016 à 2020 en tonnes)

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Source : DAP du Tchologo, 2020

L’évolution de la production piscicole dans le département de Ferkessédougou de 2016 à 2020 est caractérisée par une augmentation de 2,32 tonnes de produits piscicoles en quatre années, soit le doublement de la production. Cette évolution quoique remarquable est cependant largement en dessous de la demande. Selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitation, en considérant les limites actuelles du département intégrant désormais 3 sous-préfectures ou communes (Ferkessédougou, Koumbala et Togoniéré) contre 6 par le passé (Diawala, Ferkessédougou, Kong, Koumbala, Niéllé et Ouangolodougou), la population a progressé de 98,5 % passant de 95 772 en 1998 à 190 141 en 2021 (RGPH, 1998 ; 2021)6. Avec son périmètre à 6 sous-préfectures de 1998, la population a augmenté de 175 246 habitants, passant de 249 602 habitants en 1998 à 424 848 en 2021 (RGPH, 1998 ; 2021). Dans les deux cas, la population du département de Ferkessédougou a connu un accroissement qui a entraîné une augmentation de la demande de produits alimentaires, notamment en produits halieutiques.

La pisciculture dans le département de Ferkessédougou est loin des attentes des autorités en charge de la question. Malgré les multiples démarches initiées par ces dernières auprès des pisciculteurs et des paysans en général pour encourager l’activité et accroître la production, sa pratique suscite peu d’engouement. L’explication réside dans les contraintes de production difficilement maîtrisables.

Des contraintes de production difficiles à surmonter

Les contraintes de développement de la pisciculture dans le département de Ferkessédougou sont multiples. Pour l’essentiel, on cite le dysfonctionnement des systèmes d’approvisionnement des étangs en eau d’élevage, l’accès difficile aux intrants piscicoles et la destruction des acquis pendant la rébellion armée entre 2002 et 2010.

L’eau est un facteur essentiel pour l’aquaculture en général. Elle constitue le biotope par excellence des poissons et des autres espèces aquatiques. Elle doit pour ce faire correspondre aux exigences bioécologiques des ressources à élever, c’est-à-dire être de qualité, mais également disponible en permanence et en quantité suffisante. Dans la région du Tchologo et dans le département de Ferkessédougou, cette exigence est difficile à garantir. En effet, le Nord de la Côte d’Ivoire qui intègre la zone d’étude, est frappé par une irrégularité et une baisse des pluies, avec une saison sèche qui dure parfois sept mois. En outre, les barrages hydroagricoles qui devraient logiquement combler ce déficit sont souvent dégradés et posent des problèmes de rétention des eaux (Kouadio-Nanan, 2020). Ainsi, les structures de production (étangs et bassins) sont privées d’eau à certaines périodes de l’année.

L’alevin constitue l’un des intrants les plus importants dans la production piscicole. Cependant, il n’est pas toujours accessible pour les paysans pisciculteurs en Côte d’Ivoire, particulièrement dans sa partie septentrionale. La station de Natiokobadara (ferme d’État), qui devrait logiquement assurer la production et la distribution des alevins dans cette partie du pays, connaît des difficultés depuis plus de 5 ans (Kouadio-Nanan, 2020). Ainsi, les paysans se contentent des apports irréguliers de la station de Kongodekro (Assale, 2019). Par ailleurs, le prix de ces intrants, oscillant entre 100 et 150 FCFA soit entre 0,15 et 0,23 euro l’alevin, n’est pas toujours accessible aux producteurs qui se plaignent du manque de financement.

Comme les alevins, l’aliment pour le poisson constitue également un autre facteur clé de la production. La croissance rapide (en taille) des poissons, ainsi que leur santé en dépendent fortement. Les sous-produits agricoles et animaux dans l’alimentation des poissons, autour desquels la pisciculture en Côte d’Ivoire s’est construite, ne sont pas toujours accessibles quoique la zone abrite des champs de coton et riz pour la production de tourteaux utiles à l’alimentation des poissons. Les paysans accusent, comme dans le cas des alevins, le prix de vente de ces sous-produits agricoles face au manque de financement de leurs activités par l’État de Côte d’Ivoire.

La rébellion armée de 2002 a également eu des effets néfastes dans l’évolution de la pisciculture. Cette crise a détruit les acquis de l’activité dans la région du Tchologo et dans le département de Ferkessédougou. Le nord du pays en général a connu le démantèlement de ses infrastructures d’encadrement et de soutien aux innovations piscicoles. À cet effet, Assi-Kaudjhis avance en 2005 que l’état de guerre qui régnait dans la zone septentrionale du pays n’a pas épargné les premiers acquis des projets piscicoles, que ce soit en amont ou en aval. Cette situation a été un coup dur pour certaines localités, notamment le département de Ferkessédougou qui peine encore à rehausser le niveau de sa production piscicole.

Les difficultés d’accès aux espaces de production, le manque de moyens matériels des structures d’encadrement, la compétition de poissons tilapia importés, la mauvaise maîtrise des techniques aquacoles ainsi que l’absence de tradition aquacole qui caractérise les paysans (Kouadio-Nanan, 2018) constituent d’autres contraintes de production à côté de celles précédemment évoquées.

Des barrages empoissonnés au profit des pêcheurs dans le département de Ferkessédougou

Des barrages empoissonnés dispersés sur le territoire, mais impliquant plusieurs communautés dans la production

En nombre relativement insuffisant, les barrages empoissonnés prennent progressivement de l’ampleur dans la région du Tchologo singulièrement dans le département de Ferkessédougou. De 2 barrages empoissonnés en 2018, le nombre est passé à 5 en 2020 selon la DAP de la région. Il s’agit des barrages de Sangopari, SAPY-CA7, Nambonkaha, Bamorivogo et Samianvogo (fig. 3).

Figure 3 - Répartition des barrages empoissonnés selon la superficie et le statut dans le département de Ferkessédougou

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Ces retenues quoique peu nombreuses et insuffisantes, réunissent plusieurs communautés rurales dans la production.

Le barrage de Sangopari par exemple est aménagé pour trois villages à savoir Sangopari (le village dont le nom est attribué au barrage), Nawouho et Kakpovogo. En réalité, le barrage de Sangopari est une initiative étatique. Il a en effet été aménagé dans le cadre d’un projet pour les trois villages précédemment cités en vue de l’amélioration de leur condition d’accès aux produits halieutiques et accroître leur revenu à travers la vente des productions liées à l’exploitation dudit barrage (Kouadio-Nanan et al., 2021). Ainsi, les pêcheurs, au nombre de 20 repartis sur l’ensemble des trois zones rurales riveraines, ont bénéficié de formations aux techniques de pêche responsable. D’une surface de 153,5 ha avec un volume d’eau moyen de 4.3 millions de m3 (DAP, 2018), la retenue de Sangopari, aménagée en 2016, est construite dans la grande vallée de la rivière Moulongon (un affluent du fleuve Bandama Blanc). Elle est limitée dans sa partie ouest par un relief de collines et dans sa partie est par un sol relativement plat.

À côté de ce barrage public, le département de Ferkessédougou enregistre également des barrages privés et collaboratifs (associatifs ou coopératifs), dont le plus important est celui de SAPY-CA (photo 2). Ce dernier, contrairement au premier, abrite 6 pêcheurs.

Photo 2 - Le barrage empoissonné de SAPY-CA dans le département de Ferkessédougou

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Crédit photo : Kouadio Josue, 2019

Dans ce barrage, l’accès est strictement contrôlé par le promoteur (président d’association8) qui a engagé un agent de surveillance à cet effet. Dans la pratique, le promoteur du plan d’eau sollicite les services des pêcheurs généralement étrangers (maliens et burkinabés surtout) en vue de l’exploitation dudit plan d’eau. Cette démarche que Koffi (2007) qualifie de faire valoir indirect en lagune Ébrié, a pour finalité le partage des revenus tirés après vente, de la production pêchée, entre le propriétaire et le pêcheur recruté. À SAPY-CA, la production journalière est divisée par 2 (une part revient à chaque catégorie), après le retrait du volume de consommation du propriétaire évalué à 1 kg par journée de pêche.

Les deux autres barrages en dehors de Sangopari et SAPY-CA appartiennent respectivement à des familles et particuliers (fig. 3).

Sur l’ensemble des barrages recensés dans le département, celui aménagé par l’État de Côte d’Ivoire est logiquement le plus vaste et occupe comme mentionné plus haut trois localités, soit plus de 1 000 âmes qui profitent de la proximité de ces eaux.

Une production non négligeable en croissance

La production halieutique du département connait une amélioration depuis les initiatives d’empoissonnement des barrages et leur ouverture à la pêche. Désormais, en plus de la pêche d’autosubsistance, on enregistre également une pêche commerciale aux mains des populations riveraines dans les eaux ensemencées. Par le passé, la quasi-totalité de la production était surtout réservée à la pitance quotidienne du fait de l’insignifiance de la production récoltée.

Depuis les premières récoltes du barrage de Sangopari, on note une amélioration considérable de la production halieutique du département. Dans ce barrage par exemple, la production de la pêche sur une période de 9 mois d’exploitation (avril à décembre 2018) s’élevait à 38,10 tonnes de poissons, soit un peu plus de la moitié de la production totale estimée à 66,418 tonnes dans le département de Ferkessédougou en 2017 (Kouadio, 2019). Ces chiffres se sont encore améliorés avec l’aménagement de trois autres barrages en plus de celui de SAPY-CA (tab. 2).

Tableau 2 - Répartition des volumes de production halieutique dans les barrages empoissonnés selon les zones de production

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Source : DAP du Tchologo, 2021

L’analyse de l’évolution de la production halieutique des barrages empoissonnés entre 2018 et 2021 par zone de production (tab. 2) montre que la production des eaux empoissonnées a augmenté : elle a été multipliée par 3, passant de 16,6 tonnes en 2018 à 51,92 tonnes en 2021 ; avec une progression constante de la production de +41.6 % entre 2018 et 2019, +77.8 % entre 2019 et 2020 et +24.2 % entre 2020 et 2021. Le barrage le plus productif est celui de SAPY-CA avec une production de plus de 65 tonnes contre un peu moins de 64 tonnes pour Sangopari sur l’ensemble des quatre années. Les productions les plus faibles se situent à Samianvogo qui totalise moins de 5 tonnes sur l’ensemble de la même période. L’explication de la domination du barrage privé de SAPY-CA dans la production (malgré sa surface 15 fois moindre que celle de Sangopari) réside dans le choix de ses exploitants. Ces derniers, tous originaires de la sous-région ouest-africaine (Maliens Gbozo), jouissent d’une bonne réputation en matière de pêche qui joue en leur faveur contrairement aux autochtones ivoiriens. Ces propos sont confirmés par Anoh, qui stipule en 2007 que les Maliens et les Ghanéens, contrairement aux Ivoiriens, ont une tradition de pêcheur. Ainsi, la production du barrage de SAPY-CA accompagnée de celle de Sangopari écrase la production du département (fig. 4).

Figure 4 - Production halieutique dans le département de Ferkessédougou entre 2018 et 2021

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En somme, la production halieutique des barrages empoissonnés dans le département de Ferkessédougou supplante largement celle de la pisciculture proprement dite (fig. 5), quoique cette dernière exploite des surfaces moins importantes que la première. Contrairement à la pisciculture proprement dite, l’empoissonnement des barrages entre progressivement dans les habitudes des paysans, si bien que certains n’hésitent pas à abandonner leur ferme piscicole au profit des barrages. Toutefois, à l’image de la pisciculture proprement dite, les barrages empoissonnés rencontrent également des difficultés.

Figure 5 - Production halieutique en 2020 dans le département de Ferkessédougou (en tonnes)

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Des contraintes de production à souligner

Les problèmes rencontrés dans la production des barrages empoissonnés sont généralement des conflits liés à l’organisation et la gestion des activités de pêche, l’irrégularité de la présence des pêcheurs dans les eaux empoissonnées, les difficultés de navigation dans certaines portions des barrages et leur dégradation, l’irrégularité des pluies qui conditionne l’approvisionnement régulier des barrages en eau.

Les conflits organisationnels sont en général les problèmes les plus fréquents dans l’exploitation des barrages. Ils sont plus accentués quand il s’agit des aménagements destinés au public, notamment à Sangopari. Ce plan d’eau bien que portant le qualificatif d’une des localités (Sangopari9), est ouvert à deux autres zones rurales à savoir Kapkovogo et Nawoho. Cependant, sa gestion est exclusivement réservée à Sangopari qui décide seul de qui y a accès. Pourtant la politique de l’aménageur recommande une gestion collective, intégrée et proportionnelle des trois villages. Dans la pratique, le constat est tout autre. Sangopari abrite le CGA (Comité de Gestion de l’Aménagement) et les différents responsables des OPA (Organisation Professionnelle Agricole). Ainsi, de façon voilée, le village de Sangopari s’arroge la qualité de propriétaire du plan d’eau au détriment des deux autres villages. Ces divergences dans la perception des modes de gestion du barrage débouchent sur des conflits, traduits par la destruction de cultures maraîchères de certains riverains par les camps adverses qui ne partagent pas le mode de découpage des terres autour du barrage10.

Dans le cadre de la gestion des sites de pêche, des différends naissent également de la limitation du nombre de pêcheurs sur les sites empoissonnés. En effet, pour assurer une pêche responsable du barrage de Sangopari, l’État a formé 20 pêcheurs dont 8 du village de Sangopari, 6 de Nawoho et 6 de Kapkovogo. À l’ouverture de la pêche, il fut recommandé à chaque pêcheur formé de se faire accompagner par un second (aide), ce qui doublerait le nombre de pêcheur à 40. Toutefois, cette règle n’a pas été respectée par les pêcheurs qui sont restés figés sur le nombre initial. Des mécontentements sont donc apparus chez les villageois qui les ont exprimés à la DAP de la région. En outre, fut exprimé un refus catégorique des pêcheurs et des riverains d’admettre d’autres pêcheurs en dehors de la population des 3 villages retenus pour le projet sur le plan d’eau. En effet, les pêcheurs maliens (Bozo) expriment de vifs désirs de pêcher sur le plan d’eau de Sangopari. L’explication de ce refus selon les riverains interrogés réside dans la forte capacité de pêche des « Bozo » qui pourrait entraîner une surpêche et un appauvrissement en ressources aquatiques du plan d’eau.

L’irrégularité de la présence des pêcheurs dans les eaux empoissonnées constituent un autre problème de la production halieutique dans les barrages empoissonnés. En effet, la pêche n’est pas l’activité principale des pêcheurs sélectionnés dans la localité. Ils exercent à mi-temps sur le barrage et pratiquent d’autres activités notamment l’agriculture où ils passent plus de temps. Ils pratiquent en général la pêche selon un emploi du temps spécifique. Ils s’y rendent très tôt de bonheur le matin jusqu’environ 8 h, et se rendent ensuite dans les champs pour cultiver. Ils y retournent ensuite dans la soirée, vers 16 h, après les travaux champêtres. Aussi, pendant la saison pluvieuse qui marque le début du labourage et des semailles, les pêcheurs sont plus réguliers dans les travaux champêtres. Ce même scénario se répète pendant la saison de récolte où ils délaissent la pêche au profit des champs. Ces ruptures et irrégularités dans l’activité de pêche réduisent incontestablement le niveau de production des eaux empoissonnées (Koffi, 2007).

Les problèmes rencontrés concernent également la présence de nombreux obstacles qui compliquent la navigation et l’utilisation de certains engins de pêche.

Par exemple, la pêcherie de Sangopari, grande de 153,5 ha pour une production de 23,21 tonnes en 2021, est jonchée de plusieurs arbres secs qui autrefois bordaient le fleuve Moulongon (photo 3). Selon les pêcheurs interrogés, la présence des arbres rend le barrage difficilement praticable avec les pirogues. De plus, ces obstacles rendent difficile l’utilisation de certains engins de pêche tels que les filets. Ils sont l’une des causes de la destruction des engins de production.

Photo 3 - Le barrage de Sangopari occupé par des arbres secs décoiffés

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Crédit photos : Kouadio Josue, 2019

D’autres situations problématiques non négligeables existent également en rapport avec la composition physique des barrages concernés. En effet, on assiste à des défaillances techniques suite particulièrement à la rupture des digues des barrages. Ce fut le cas en 2019 avec le barrage privé de SAPY-CA qui a vu sa digue céder sous l’effet de l’érosion après une forte pluie (photo 4).

Photo 4 - Rupture de la digue du barrage de SAPY-CA

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Crédit photos : Kouadio Josue, 2019

La rupture de la digue d’un barrage entraîne bien entendu l’évacuation des eaux, ainsi que la migration des espèces vers d’autres eaux sous l’effet du ruissellement.

À l'opposé de ces fortes pluies qui dégradent par moment la digue des barrages, on note une longue saison sèche qui dure parfois 6 à 7 mois (fig. 6), privant ainsi les barrages d’eau à certaines périodes de l’année. Ce problème n’est pas spécifique aux barrages empoissonnés, il concerne également les étangs piscicoles recensés dans le département de Ferkessedougou. Le nord de la Côte d’Ivoire qui intègre ce département est marqué par une irrégularité et une baisse des pluies pendant une grande partie de l’année.

Figure 6 - Diagramme ombrothermique de la station de Korhogo en 2018

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Source : SODEXAM (Société d’exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et météorologique), 2018

Entre novembre et avril, voire mai, la pluviométrie du nord de la Côte d’Ivoire et du département de Ferkessédougou est quasi-nulle, ne dépassant guère 25 mm. Mieux, selon la SODEXAM (2014), après 7 années d’observation (2007 à 2013), les précipitations sont passées de 1 416 à 1 262 mm, soit une baisse de 154 mm. Ce déséquilibre conditionne l’approvisionnement régulier des barrages en eau à certaines périodes de l’année.

Des techniques d’empoissonnement des barrages comparables à celles de la pisciculture proprement dite : une reconversion plus aisée des paysans

En dépit de quelques différences, de nombreuses similitudes existent entre la pisciculture et les techniques d’empoissonnement des barrages. Dans la pratique, ce rapprochement facilite l’adaptation des paysans ainsi que la reconversion des populations anciennement pisciculteurs dans ce nouveau modèle de production. Cette étude comparative couvre toutes les étapes, c’est-à-dire de l’aménagement de la retenue à la production du poisson.

Étang piscicole ou barrage empoissonné

Comme dans le cas de la pisciculture continentale, l’espace de production (plan d’eau) est circonscrit et maîtrisé en ce qui concerne l’empoissonnement des barrages. Sauf que dans ce cas, l’espace de production semble plus naturel, contrairement à la pisciculture où les étangs respectent des dimensions spécifiques, généralement en rapport avec le nombre d’espèces à y introduire. De plus, les formes sont en polygones réguliers (carré, rectangle, etc.) (photo 5). Les barrages empoissonnés pour la pêche peuvent prendre des formes et des dimensions quelconques dans le paysage (photo 6).

Photo 5 - Étang piscicole à la ferme de Natiokobadara (Korhogo)

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Crédit photo : Kouadio Nanan, 2019

Photo 6 (en bas) - Barrage empoissonné à Sangopari (Ferkéssédougou)

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Crédit photo : Kouadio Josue, 2019

Les photographies 5 et 6 illustrent des cas d’étangs piscicoles et de barrage empoissonné. Dans l’élément relatif à la pisciculture (photo 5), deux étangs représentent presque l’équivalent du barrage empoissonné (photo 6). Contrairement à la pisciculture, l’espace de production est unique et généralement vaste dans le cas des barrages. La présence de troncs d’arbres à l’intérieur de la retenue en question témoigne du caractère presque naturel des barrages comme évoqué plus haut.

L’introduction des alevins sélectionnés dans les barrages comme dans la pisciculture proprement dite

Dans la pisciculture comme dans l’empoissonnement, on constate une introduction d’espèces (alevins) (photo 7) sélectionnées sur la base des conditions physicochimiques de l’eau et des préférences des populations riveraines.

Photo 7 - Mise en eau des alevins dans le barrage de SAPY-CA (Ferkessédougou)

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Crédit photo : Kouadio-Nanan, 2022

Cette phase consiste à repeupler une eau en y introduisant une ou plusieurs nouvelles espèces. Dans le département de Ferkessédougou, les espèces de poissons prisées dans le cas de l’empoissonnement sont l’Oreochromis niloticus (tilapia, photo 8), l’Hetelotis niloticus (cameroun, photo 9), et le Chrysichtys spp (mâchoiron, photo 10). Selon le site à empoissonner, il y a une variation au niveau du choix des espèces et de leur nombre. La surface de la retenue détermine souvent la quantité d’alevin à ajouter. Cette logique est également respectée dans la pisciculture, même si la démarche est plus rigoureuse.

Photo 8 - Oreochromis niloticus pêché du barrage de Sangopari

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Crédit photo : Angora, 2019

Photo 9 - Au premier plan, des espèces d’Hetelotis niloticus issues des eaux empoissonnées de Sangopari

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Crédit photo : Kouadio-Nanan, 2022

Photo 10 - Chrysichtys spp issue du barrage de SAPY-CA, Ferkessédougou

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Crédit photo : Kouadio-Nanan, 2022

Contrairement à la pisciculture qui se limite à une seule variété d’espèce de poisson par étang de production, le système d’empoissonnement peut associer plusieurs variétés d’espèces dans une même retenue d’eau par barrage.

Pêche de contrôle et d’acquisition de données biologiques dans les barrages empoissonnés et les étangs piscicoles

Comme dans la pisciculture, les barrages empoissonnés sont fermés à toutes activités de pêche selon une durée plus ou moins longue en fonction des espèces introduites. Cette phase est destinée essentiellement au grossissement des espèces. Des pêches de contrôle reparties sur toute la période de fermeture (photo 11) y sont réalisées. C’est la période d’adaptation des espèces à leur nouvel environnement.

Photo 11 - Pêche de contrôle dans le barrage de SAPY-CA (Ferkessédougou)

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Crédit photo : Kouadio-Nanan, 2022

Les pêches de contrôle sont faites pour vérifier l’évolution des espèces introduites dans les barrages comme dans les étangs piscicoles. Elles s’effectuent à un intervalle de temps régulier, de préférence une fois par mois. Cependant, leur fréquence dépend du niveau d’adaptation et de l’évolution des espèces.

Contrairement à la pisciculture, ces pêches de contrôle rencontrent des difficultés dans la pratique. En effet, toutes les espèces introduites ne sont pas toujours pêchées ; ce qui rend difficile l’évaluation de leur niveau d’évolution et d’aptation. La multiplicité des espèces introduites est l’explication la plus plausible ; certaines sont introuvables au moment de ces pêches de contrôle. Dans le cas du barrage de Sangopari en 2021, les Hetelotis niloticus (camerouns) et les Chrysichtys spp (machoirons) n’ont pu être contrôlées.

Comme dans la pisciculture, la finalité de la fermeture du barrage de toutes activités de pêche est destinée au grossissement des espèces introduites. Ce temps de repos permet aux poissons de grossir afin d’atteindre des tailles commercialisables. Cette période peut varier d’un site à un autre en fonction de l’évolution des espèces de poissons introduites dans les eaux. Mais elle est généralement comprise entre 6 et 12 mois.

En somme, il existe des similitudes entre la pisciculture et l’empoissonnement des barrages (tab. 3). Ces ressemblances se situent au niveau des caractéristiques physiques de l’espace de production, du choix des espèces élevées et de la pêche de contrôle dans la période de grossissement des espèces (période de fermeture).

Tableau 3 - Comparatif des opérations dans les étangs de barrage empoissonnés et en pisciculture

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Source : adapté de Kouadio Josue, 2019

Ce comparatif montre que seulement 50 % des exigences des techniques de production piscicoles sont respectées dans le cas de l’empoissonnement des barrages. Sans doute est-ce pour cette raison que cette dernière méthode de production halieutique moins complexe dans la pratique suscite ainsi plus d’intérêt chez les populations paysannes du département de Ferkessédougou.

Avantages de l’empoissonnement des barrages

Un mode de fonctionnement plus accessible aux populations

Un apport négligeable en aliments

La production de poissons via les plans d’eau empoissonnés est moins exigeante en matière d’intrant alimentaire. Contrairement à la pisciculture, ce mode de production limite ou supprime les apports en aliments. La quasi-totalité des sites empoissonnés recensés dans le département de Ferkessédougou n’introduisent pas forcément de l’aliment dans le cycle de production. Au total, 90 % des sites visités affirment ne pas utiliser d’aliments extérieurs dans la production, les 10 % restants affirmant utiliser des produits externes constitués généralement de restes d’aliments domestiques.

En effet, dans l’empoissonnement les espèces utilisées (Sarotherodon galilaeus, Tilapia zillii, Clarias spp., Oreochromis niloticus et Heterotis niloticus.) sont généralement omnivores et s’adaptent bien aux conditions physicochimiques des eaux de production. Selon Da Costa et al. (2004), ces espèces sont tolérantes aux conditions environnementales offertes par les retenues dans les sites visités. Les caractéristiques physicochimiques de l'eau (conductivité, oxygène, pH, profondeur, température et transparence) dans les retenues sont sujettes à une variation saisonnière qui a peu d'effet sur la richesse ou l'abondance spécifique des espèces. Contrairement aux étangs piscicoles, dans les barrages empoissonnés, l’eau permet le développement de plusieurs catégories d’organismes utiles à l’alimentation des poissons. Les caractéristiques physicochimiques et les conditions de milieu environnant relevées plus haut favorisent la production de micro-organismes (phytoplancton et zooplancton - Bard et al., 1974), utiles à l’alimentation des espèces.

L’apport en aliment dans la pisciculture constitue un manque à gagner pour les éleveurs. En effet, au-delà de leur indisponibilité physique, les aliments ont un coût financier qui n’est pas toujours à la portée des pisciculteurs (Kouadio-Nanan, 2020). Selon PRODEFA (2014), pour 500 poissons de 50 grammes de poids moyen pris en charge dans un étang de 100 m², un besoin moyen de 5 grammes d’aliments par jour par espèce est conseillé pour une production de qualité. Ainsi, après 180 jours d’élevage, ils auront consommé 45011 Kg d’aliments (à 440 FCFA le kg) soit 198 000 FCFA (environ 300 euros) .

Des techniques de production moins complexes : absence de sexage et de prédateur dans la production

L’une des techniques de production les plus contraignantes dans la pisciculture est le sexage. Cette méthode qui consiste à séparer les mâles des femelles avant le grossissement exige parfois le recrutement d’une main d’œuvre additionnelle dans sa pratique aux frais des pisciculteurs. Son objectif est d’éviter une reproduction des espèces pendant leur grossissement qui pourrait fausser les calculs de production12. Même si l’usage de prédateurs peut atténuer les risques, cette technique est fortement recommandée pour une alimentation idéale des espèces.

Dans les techniques d’empoissonnement, la question du sexage ne se pose pas. Les espèces après leur introduction poursuivent leur évolution jusqu’à atteindre la taille souhaitée par les producteurs. Seules les pêches de contrôle entraînent une sortie des espèces de leur milieu de vie habituelle.

La suppression de la technique de sexage qui exige une main d’œuvre relativement qualifiée, constitue une opportunité pour les producteurs dans les sites empoissonnés eu égard à la complexité de son exercice comme mentionné plus haut. Selon nos enquêtes, plus de 70 % des pisciculteurs reconvertis aux techniques d’empoissonnement affirment avoir abandonné leurs fermes pour des questions de techniques mal maîtrisées, et notamment le sexage. Dans l’empoissonnement, les producteurs font l’économie des techniques de sexage. Ils s’affranchissent également de l’introduction de prédateurs dont le rôle est de supprimer les alevins nés en cours de production. La capacité de production des barrages (plus profonds que les étangs) ne limitent pas le nombre d’espèces dans la production au point d’y introduire des prédateurs.

Une production présentant moins de risque et plus avantageuses au niveau alimentaire

Des risques d’échec de production minimisés

Contrairement à l’aquaculture, le système d’empoissonnement minimise les risques d’échec dans son processus de production. L’explication réside dans la suppression de certaines étapes de production notamment le sexage et l’apport d’aliments.

Le sexage dans sa pratique exige une manipulation des espèces. La méthode est fastidieuse, stressante pour le poisson car effectuée manuellement, et elle n'est pas efficace à 100 %. En outre, ce tri des sexes doit être effectué tôt le matin afin d’éviter le stress des poissons par des températures d'eau élevées. Une privation d’alimentation des espèces pendant 48 heures avant le tri est également recommandée toujours dans l’objectif de réduire le stress. Toutes ces exigences ont des conséquences négatives sur les espèces. De plus, les acteurs ne sont pas tous biens formés aux techniques de sexage. Par ailleurs, selon PRODEFA (2014), les espèces dont on n'a pu identifier le sexe ne doivent pas être introduites dans le circuit de production, ce qui impacterait négativement le volume de production finale. Cette exigence n’est cependant pas toujours respectée par les pisciculteurs (Kouadio-Nanan, 2012).

Des volumes de production supérieurs à ceux de la pisciculture

Dans le département de Ferkessédougou, il a été montré clairement que les volumes de production récoltés dans les sites empoissonnés sont largement au dessus de ceux en provenance de la pisciculture. Avec une superficie totale de 177,5 ha contre 3,5 ha pour les étangs piscicoles, les retenues empoissonnées constituent donc désormais des zones de production halieutique de référence dans le département de Ferkéssedougou. Selon la DAP du Tchologo, en 2020, la production totale dans les eaux empoissonnées était estimée à 41,81 tonnes contre 4,62 tonnes pour la pisciculture. Mieux, le barrage de SAPY-CA seul a produit en 2020 près de 5 fois plus de poissons (22,76 t) que la pisciculture de tout le département (4,62 t). Cette production du département ne se situe en fait que très légèrement au-dessus du niveau de production du débarcadère du village Nawouho (dans le barrage de Sangopari), pourtant modeste site parmi ceux en exploitation (avant dernier avec 4.05 t).

En 2021, l’ensemble des barrages empoissonnés totalisait 51,92 tonnes. Par ailleurs, entre 2018 et 2021, c’est au total 133,84 tonnes que l’ensemble des 4 barrages empoissonnés (sans celui de Bamorivogo dont les données sont indisponibles) ont récoltées au profit des populations du département de Ferkessédougou.

Des produits halieutiques qualifiés de naturels

L’un des problèmes dans la commercialisation des poissons d’élevage est le caractère non naturel des espèces proposées sur les différents marchés. Selon Kouadio-Nanan (2014), les consommateurs interrogés à Bingerville préfèrent les poissons de la pêche à ceux de la pisciculture. Pour ces derniers, le poisson d’élevage est moins succulent que celui de la pêche. Sans partager forcement l’avis des personnes interrogées dans l’étude précédemment citée, il est évident que le caractère plus naturel des systèmes d’empoissonnement (absence d’alimentation artificielle), améliore le goût des poissons contrairement à ceux de la pisciculture. Ces propos ont d’ailleurs été soutenus par des consommateurs interrogés au passage sur la question. En effet, la réduction des intrants notamment alimentaire renforce le caractère naturel des espèces découlant des sites empoissonnés contrairement à celles de la pisciculture.

Des pratiques complémentaires à la pêche en lien avec les barrages empoissonnés : la culture maraîchère sur les rivages pour satisfaire les besoins domestiques

Le travail de la terre a toujours été l’activité dominante dans la société traditionnelle senoufo du nord de la Côte d’Ivoire (Yeo, 2016). D’activité agricole marginale, le maraîchage est devenu depuis les années 1980 et 1990 une production spéculative non négligeable dans les systèmes productifs des campagnes sénoufo (Fromageot, 2008). L’une des grandes difficultés qu’éprouve cette activité dans le nord du pays est la sécheresse qui dure parfois 7 mois. Les eaux des barrages empoissonnés constituent donc une opportunité pour les maraîchers. Ainsi, en dehors de la pêche, les eaux servent à l’irrigation des champs agricoles situés autour des retenues, ce type d’agriculture (culture maraîchère) étant l’une des activités principales qui occupent les femmes paysannes au nord de la Côte d’Ivoire (Yeo, 2016, op. cit). Cette pratique qui leur permet de jouir de revenus non négligeables (après la vente des récoltes) et de garantir plus ou moins leur autonomie (Kouadio-Nanan, 2021), souffre de l’irrégularité des pluies utiles à la qualité des sols entrant dans la production. Ainsi, la proximité des barrages empoissonnés constituent un gros avantage.

Dans les zones confrontées à des problèmes d’accès à l’eau potable, les eaux des retenues empoissonnées servent également à la vaisselle et la lessive. Par ailleurs, avec tous les risques encourus, certains l’utilisent comme eau de boisson, souvent après l’avoir bouillie à plus de 90 degrés. Cette forme d’utilisation n’est pas spécifique aux populations riveraines des sites empoissonnés. Dans le centre de la Côte d’Ivoire, singulièrement dans la région du N’zi, N’Zi relevait en 2019 ces usages domestiques de la rivière N’zi par les populations rurales riveraines. Cependant, selon l’auteur, ces usages font courir des risques notamment de maladies hydriques aux utilisateurs.

Conclusion

Cette analyse géographique des pratiques de production halieutique en lien avec l’empoissonnement des retenues d’eau et la pisciculture est riche en informations et enseignements. Elle a permis de passer en revue les questions de développement de la pêche et de la pisciculture dans le département de Ferkessédougou, une zone marquée par un stress hydrique. Le contexte de cette recherche tourne autour de la nécessité de faire face aux contraintes climatiques pour augmenter la production halieutique locale. À cet effet, l’étude révèle que les activités piscicoles nées de l’aménagement des barrages hydroagricoles dans la circonscription n’ont pas donné les résultats escomptés. Par contre, la pêche dans les barrages empoissonnés, dont les techniques de production sont proches de celles de la pisciculture, donne des résultats satisfaisants. Ainsi, le cumul des productions halieutiques des sites empoissonnés et piscicoles améliore plus ou moins les disponibilités du département de Ferkessédougou en produits de pêche. Par ailleurs, en dehors de la pêche, les barrages empoissonnés ont d’autres usages. Il s’agit de la production des cultures maraîchères sur les rivages pour les besoins domestiques des populations. Toutefois, des risques sont à souligner à la fois pour les pêcheurs et les autres utilisateurs. En effet, les pratiques agricoles en amont utilisant généralement les produits phytosanitaires exposent les eaux des barrages à des risques de pollution qui pourraient compromettre leur rendement, ainsi que l’état sanitaire des espèces. En outre, à travers les usages domestiques faits de ces eaux, les populations courent également des risques de maladie.

Des réflexions méritent ainsi d’être menées sur la qualité des espèces pêchées dans les eaux à usages multiples, afin de garantir la santé des consommateurs.

Remerciements à Claude Cabanne, pionnier des échanges Nantes-Abidjan pour la géographie littorale et maritime

Nous garderons en nous pour toujours le dynamisme du Professeur Cabanne qui à la suite du Professeur André Vigarié a posé les fondations des relations universitaires si riches entre l'IGARUN et l'IGT (Institut de Géographie Tropicale, Abidjan) dans le domaine de la Géographie littorale et maritime. Le Professeur Cabanne est venu à Abidjan pour des cours à des moments perturbés de la transition politique ivoirienne, sans appréhension et avec l'envie de tisser des liens pour l'avenir. Il a ensuite oeuvré avec toute l'énergie que nous lui connaissons pour accueillir des doctorants ivoiriens au sein de l'Université de Nantes, doctorants devenus aujourd'hui enseignants à l'UFHB (Université Félix Houphouet Boigny) d'Abidjan. Il a ainsi permis l'émergence d'une forte spécialité littorale et maritime au sein de la Géographie ivoirienne et pour cela il occupe une place importante dans notre estime. Nous lui devons beaucoup et le remercions pour ce soutien sans faille.

1 DAP : Direction de l’Aquaculture et des Pêches.

2 L’empoissonnement des retenues a été assuré par l’Ex-SODEPRA après leur aménagement pour développer la pêche artisanale.

3 L’explication réside dans l’adaptation des caractéristiques physicochimiques de l'eau (conductivité, oxygène, pH, profondeur, température et

4 Les barrages hydroagricoles en amont qui devaient jouer logiquement ce rôle étaient vandalisés et détruits par endroit. Ainsi, par manque d’

5 En effet, le Sud lui-même n’arrive pas à s’auto-suffire en produit aquatique au point d’en faire bénéficier le Nord.

6 Le découpage administratif du territoire ivoirien évolue régulièrement selon les aspirations et les besoins des gouvernants. Ainsi, de 1998 à 2021

7 SAPY-CA : la Société Agro-Pastorale de Yarabélé- Conseil d’Administration

8 SAPY-CA est une association de paysans à l’origine du barrage de SAPY-CA. Cette retenue est gérée par le président de ladite association.

9 Le choix du nom du village Sangopari pour le barrage réside dans sa taille et son peuplement par rapport aux deux autres villages.

10 La rive nord du barrage est partagée et distribuée aux populations proches pour la pratique de cultures maraîchères.

11 5 grammes d’aliment х 500 poissons x 180 jours

12 Dans la production, le volume de produits alimentaires introduit dans les étangs est fonction du nombre des espèces par étang. Ne pas respecter

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Notes

1 DAP : Direction de l’Aquaculture et des Pêches.

2 L’empoissonnement des retenues a été assuré par l’Ex-SODEPRA après leur aménagement pour développer la pêche artisanale.

3 L’explication réside dans l’adaptation des caractéristiques physicochimiques de l'eau (conductivité, oxygène, pH, profondeur, température et transparence) à un groupe d'espèces ubiquistes (présentes dans tous les milieux) tolérantes aux conditions environnementales associées aux petits groupes d'espèces avec des besoins spécifiques (Da Costa et al., 2004).

4 Les barrages hydroagricoles en amont qui devaient jouer logiquement ce rôle étaient vandalisés et détruits par endroit. Ainsi, par manque d’entretien, ils étaient désormais incapables de stocker l’eau pendant longtemps.

5 En effet, le Sud lui-même n’arrive pas à s’auto-suffire en produit aquatique au point d’en faire bénéficier le Nord.

6 Le découpage administratif du territoire ivoirien évolue régulièrement selon les aspirations et les besoins des gouvernants. Ainsi, de 1998 à 2021, le département de Ferkessédougou est passé de 6 sous-préfectures (ou communes) à 3.

7 SAPY-CA : la Société Agro-Pastorale de Yarabélé- Conseil d’Administration

8 SAPY-CA est une association de paysans à l’origine du barrage de SAPY-CA. Cette retenue est gérée par le président de ladite association.

9 Le choix du nom du village Sangopari pour le barrage réside dans sa taille et son peuplement par rapport aux deux autres villages.

10 La rive nord du barrage est partagée et distribuée aux populations proches pour la pratique de cultures maraîchères.

11 5 grammes d’aliment х 500 poissons x 180 jours

12 Dans la production, le volume de produits alimentaires introduit dans les étangs est fonction du nombre des espèces par étang. Ne pas respecter cette exigence expose l’activité à des risques d’échec.

Illustrations

Photo 1 - Une équipe du CRESAT (Comité de Recherche sur l’Eau, la Santé et l’Alimentation des Territoires) de l’Université Peleforo Gon Coulibaly (Korhogo-Côte d’Ivoire) en compagnie des pêcheurs du barrage de Sangopari, avant le début des entretiens autour des questions de développement de la pêche et l’aquaculture

Photo 1 - Une équipe du CRESAT (Comité de Recherche sur l’Eau, la Santé et l’Alimentation des Territoires) de l’Université Peleforo Gon Coulibaly (Korhogo-Côte d’Ivoire) en compagnie des pêcheurs du barrage de Sangopari, avant le début des entretiens autour des questions de développement de la pêche et l’aquaculture

Cette rencontre dont l’objectif principal est de comprendre le mode de production et de fonctionnement des barrages empoissonnés, s’est tenue le 17 mai 2019, dans le village de Sangopari à Ferkessédougou, au nord de la Côte d’Ivoire.

Crédit photo : Kouadio Josue, 2019

Figure 1 - Répartition des fermes piscicoles dans le département de Ferkessédougou (2021)

Figure 1 - Répartition des fermes piscicoles dans le département de Ferkessédougou (2021)

Tableau 1 - Répartition des fermes piscicoles selon le nombre d’étangs et l’état de fonctionnement

Tableau 1 - Répartition des fermes piscicoles selon le nombre d’étangs et l’état de fonctionnement

Source : DAP du Tchologo, 2021

Figure 2 - Évolution de la production piscicole dans le département de Ferkessédougou de 2016 à 2020 en tonnes)

Figure 2 - Évolution de la production piscicole dans le département de Ferkessédougou de 2016 à 2020 en tonnes)

Source : DAP du Tchologo, 2020

Figure 3 - Répartition des barrages empoissonnés selon la superficie et le statut dans le département de Ferkessédougou

Figure 3 - Répartition des barrages empoissonnés selon la superficie et le statut dans le département de Ferkessédougou

Photo 2 - Le barrage empoissonné de SAPY-CA dans le département de Ferkessédougou

Photo 2 - Le barrage empoissonné de SAPY-CA dans le département de Ferkessédougou

Crédit photo : Kouadio Josue, 2019

Tableau 2 - Répartition des volumes de production halieutique dans les barrages empoissonnés selon les zones de production

Tableau 2 - Répartition des volumes de production halieutique dans les barrages empoissonnés selon les zones de production

Source : DAP du Tchologo, 2021

Figure 4 - Production halieutique dans le département de Ferkessédougou entre 2018 et 2021

Figure 4 - Production halieutique dans le département de Ferkessédougou entre 2018 et 2021

Figure 5 - Production halieutique en 2020 dans le département de Ferkessédougou (en tonnes)

Figure 5 - Production halieutique en 2020 dans le département de Ferkessédougou (en tonnes)

Photo 3 - Le barrage de Sangopari occupé par des arbres secs décoiffés

Photo 3 - Le barrage de Sangopari occupé par des arbres secs décoiffés

Crédit photos : Kouadio Josue, 2019

Photo 4 - Rupture de la digue du barrage de SAPY-CA

Photo 4 - Rupture de la digue du barrage de SAPY-CA

Crédit photos : Kouadio Josue, 2019

Figure 6 - Diagramme ombrothermique de la station de Korhogo en 2018

Figure 6 - Diagramme ombrothermique de la station de Korhogo en 2018

Source : SODEXAM (Société d’exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et météorologique), 2018

Photo 5 - Étang piscicole à la ferme de Natiokobadara (Korhogo)

Photo 5 - Étang piscicole à la ferme de Natiokobadara (Korhogo)

Crédit photo : Kouadio Nanan, 2019

Photo 6 (en bas) - Barrage empoissonné à Sangopari (Ferkéssédougou)

Photo 6 (en bas) - Barrage empoissonné à Sangopari (Ferkéssédougou)

Crédit photo : Kouadio Josue, 2019

Photo 7 - Mise en eau des alevins dans le barrage de SAPY-CA (Ferkessédougou)

Photo 7 - Mise en eau des alevins dans le barrage de SAPY-CA (Ferkessédougou)

Crédit photo : Kouadio-Nanan, 2022

Photo 8 - Oreochromis niloticus pêché du barrage de Sangopari

Photo 8 - Oreochromis niloticus pêché du barrage de Sangopari

Crédit photo : Angora, 2019

Photo 9 - Au premier plan, des espèces d’Hetelotis niloticus issues des eaux empoissonnées de Sangopari

Photo 9 - Au premier plan, des espèces d’Hetelotis niloticus issues des eaux empoissonnées de Sangopari

Crédit photo : Kouadio-Nanan, 2022

Photo 10 - Chrysichtys spp issue du barrage de SAPY-CA, Ferkessédougou

Photo 10 - Chrysichtys spp issue du barrage de SAPY-CA, Ferkessédougou

Crédit photo : Kouadio-Nanan, 2022

Photo 11 - Pêche de contrôle dans le barrage de SAPY-CA (Ferkessédougou)

Photo 11 - Pêche de contrôle dans le barrage de SAPY-CA (Ferkessédougou)

Crédit photo : Kouadio-Nanan, 2022

Tableau 3 - Comparatif des opérations dans les étangs de barrage empoissonnés et en pisciculture

Tableau 3 - Comparatif des opérations dans les étangs de barrage empoissonnés et en pisciculture

Source : adapté de Kouadio Josue, 2019

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Référence électronique

Nanan Kouamé Félix KOUADIO, Kouassi Paul ANOH et Patrick POTTIER, « Empoissonnement des barrages hydroagricoles et pisciculture : analyse géographique des pratiques de production halieutique dans le département de Ferkessédougou au nord de la Côte d'Ivoire », Cahiers Nantais [En ligne],  | 2022, mis en ligne le 10 janvier 2024, consulté le 20 avril 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1744

Auteurs

Nanan Kouamé Félix KOUADIO

Géographe, Maître de conférences au département de Géographie de l’université Peleforo Gon Coulibaly, Korhogo, Côte d'Ivoire

Kouassi Paul ANOH

Géographe, Professeur à l’Institut de Géographie Tropicale (IGT), Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, Abidjan, Côte d'Ivoire

Patrick POTTIER

Géographe, Maître de conférences, Nantes Université – IGARUN, LETG-Nantes UMR 6554 CNRS, France

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