Itinéraire de voyage en Russie

Texte

NDLR : cet Itinéraire de voyage a été rédigé à partir de notes personnelles de Claude Cabanne et complété par E. Cabanne et P. Fattal

Claude et son épouse Elena naviguant sur l'océan Pacifique au large du Kamtchatka

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Crédit photo : P. Fattal, 2003

Claude Cabanne a parcouru le monde et la plupart de ses périples avaient une vocation géographique : formation, encadrement de thésards, organisation de colloque, voyages dans le cadre de la société de géographie ou encore expertises pour le compte de l’ambassade de France en Russie (thème que nous développons ici).

Dans un contexte de changement climatique, nous pourrions hâtivement faire reproche à Claude Cabanne d’avoir eu une emprunte carbone élevée, mais ça serait faire fi de ses contributions concrètes lors de ses échanges avec les collègues africains de l’ouest, de Madagascar, d’Indonésie… ou encore de la Fédération de Russie.

C’est probablement en Russie que Claude aura mené le plus de missions en initiant d’abord un programme de coopération franco-russe portant sur un thème unique, Alpes-Caucase. Grâce à ses nombreuses initiatives, les Ministères des Affaires Étrangères et de l’Enseignement Supérieur des deux pays ont voulu élargir cette coopération et ont lancé en 1988 un appel d’offres pour des Projets Scientifiques Intégrés de Recherches sans thèmes privilégiés. C’est dans ce contexte que, lors d’un voyage privé à Moscou en avril 1988, a été mis au point, avec le professeur Védénine, Responsable du Laboratoire du Tourisme à L’Institut de Géographie de Moscou de l’Académie des Sciences, un Projet Scientifique Intégré de Recherches portant sur l’analyse des problèmes du tourisme littoral dans les deux pays « Analyse comparée de l’organisation et de l’aménagement du littoral en relation avec le développement des loisirs en France et en URSS. ». L’idée de base était de dégager ce qui relevait des caractéristiques fondamentales de cette activité et des différences liées au régime politique et à la société.

La première mission nantaise a été effectuée en septembre 1990 par C. Cabanne et le professeur Jean Renard, Directeur de l’IGARUN. Elle portait sur Moscou et le littoral de la Crimée de Yalta à Sébastopol dans des conditions très difficiles du fait de la Perestroïka. La Crimée, avec sa « ville à fréquentation restreinte » nécessitait un visa spécial pour y accéder. À cette époque, la situation était assez tendue car les Tatars chassés sous Staline profitaient de la libéralisation amorcée par Gorbatchev pour revenir de plus en plus nombreux et réclamer des restitutions de terres.

En septembre 1991, la mission nantaise de C. Cabanne et A. Miossec porte sur l’ensemble du littoral de Sotchi à Batoumi. Accompagnés par Véra Sidorova, du professeur Lachkhia pour la côte de l’Abhkazie et des professeurs Kaplin de Moscou, géomorphologue à l’Université Lomonossov et Archil Kiknadzé de Tbilissi. Il s’agit d’analyser sur le terrain la méthode utilisée par A. Kiknadzé pour reconstituer 50 km de plages en Géorgie, constituées tantôt de galets, tantôt de sable, en supprimant les ouvrages de protection qui tronçonnent le littoral. Cette étude a fait l’objet d’une communication au colloque international « Défense des côtes » organisé à l’IGARUN en octobre 1991. Le contexte de cette mission particulière tient au fait qu’elle se déroulera quelques jours seulement après le putsch contre Gorbatchev sur le littoral de la mer Noire, où le tourisme avait déjà beaucoup décliné depuis 1989 en raison de la crise économique. La situation politique a été bouleversée par la disparition en décembre 1991 de l’URSS. Le financement des missions n’est alors plus assuré par le Ministère des Affaires Étrangères mais par le Service Scientifique et Technique de l’ambassade de France à Moscou et les travaux prennent une nouvelle direction, vers les questions d’environnement appuyés par les conseillers scientifiques comme Georges Vassiliev ou Bertrand Fleutiaux qui participeront parfois à certaines expéditions.

En 1992, C. Cabanne et A. Miossec poursuivent leur analyse des régions littorales de Russie au bord de la mer Caspienne qui subit une montée des eaux de 15 cm en moyenne par an et ce depuis 1976. Or, ce littoral a fait l’objet d’aménagements touristiques importants au début des années 70 pour alléger la pression de la fréquentation estivale sur la mer Noire afin d'assurer un tourisme social et offrir des séjours collectifs à des Kolkhoziens et des Sovkhoziens ou aux travailleurs des grands complexes industriels. On construisit vite à Astrakhan, Makhatchkala, Derbent et certains complexes et usines de traitement du caviar (la mer Caspienne produit l’essentiel du caviar mondial) sans plan cohérent de défense du littoral se sont retrouvés inondés. On agit au coup par coup et sans réel effet. C. Cabanne participera dans ce cadre, en octobre 1993, à une Conférence Internationale sur les raisons de la montée des eaux de la mer Caspienne et la sauvegarde du littoral organisée à Makhatchkala par le Comité de l’eau de Russie. En fait, cette montée des eaux s’est interrompue quelques années plus tard, mais on sait que la mer Caspienne, historiquement, a déjà connu ce phénomène qui caractérise aussi d’autres plans d’eau du sud de la Russie comme le lac Grand Tamboukan.

En 1993, la situation sociale en Russie reste très difficile. L’économie de marché est chaotique. Le projet de recherche proposé porte sur le tourisme littoral urbain avec pour exemple Saint-Pétersbourg. La mission s’effectuera sous la houlette de l’Institut de Limnologie accompagnée par Elena Tchistiakova, qui parle un peu français, et qui organise l’ensemble de la mission, tant sur le plan scientifique que matériel. Comme en 1990, cette mission associe C. Cabanne et J. Renard. Elle couvrira de part et d’autre de Saint-Pétersbourg tout l’axe du Volkov avec Novgorod (première ville créée en Russie en 859 par les Varègues) jusqu’aux lacs Ladoga et Onega avec Pétrozavok et surtout Kiji, la huitième merveille du monde pour les Caréliens. La mission s’achèvera à Moscou où le professeur Boris Kotchourov, spécialiste des problèmes d’environnement, Directeur du Laboratoire de Cartographie de l’Environnement et auteur d’une remarquable carte de la Russie sur ce sujet accepte de succéder au professeur Védénine pour la collaboration avec Nantes. Il va en résulter une collaboration poursuivie pendant dix ans entre l’IGARUN, Elena Tchistiakova et Boris Kotchourov. Tous les deux profiteront au cours de leurs missions annuelles de faire des mises au point précieuses pour les étudiants sur leurs sujets scientifiques de prédilection, l’environnement et les problèmes de l’eau. En 1997-1998, Elena Tchistiakova obtiendra du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche une bourse de 6 mois auprès du Laboratoire Geolittomer – Nantes LETG UMR 6554 du CNRS et en 1999-2000 un poste CNRS d’un an à titre étranger pour amorcer une modélisation des pollutions dans l’estuaire de la Loire. Ainsi, sans abandonner le domaine du tourisme, l’environnement devient de plus en plus présent dans les préoccupations du groupe de travail en Russie.

De 1992 à 1996, la coopération de Nantes avec la Russie s’engage aussi sur un autre axe, celui des Campus Européens de l’Environnement. Thierry Guineberteau alors étudiant en thèse de Doctorat de géographie sous la direction de C. Cabanne a créé l’Association Interdisciplinaire de Recherche sur les Espaces Littoraux (AIREL). Il organise avec l’accord et l’appui de l’IGARUN et des municipalités de Nantes et de Saint-Pétersbourg un Campus Européen de l’Environnement qui regroupe de 12 à 20 étudiants avec une répartition de 1/3 de Russes, 1/3 de Français et 1/3 d’autres pays européens. Un premier chantier concrétisant un réseau et une solidarité d’action transnationale pour l’environnement a lieu sur un secteur littoral nantais en septembre 1992, puis un second se situe à Saint-Pétersbourg en juin-juillet 1994. Le partenaire russe est la Faculté d’Architecture de l’École Supérieure de Génie Civil de Saint-Pétersbourg avec le professeur Valery Nefedov.

En 1994, la mission nantaise revient à Sotchi pour étudier cette fois-ci le littoral à l’ouest de Sotchi jusqu’à Novorossisk et la presqu’île de Taman. Elle compte les professeurs nantais C. Cabanne et J.-P. Corlay ainsi que du côté russe le professeur B. Kotchourov et E. Tchistiakova. Accueillis par Nicolas Dubrovin et le Service des Ressources Naturelles de la région de Sotchi, ces missions sur la mer Noire en 1991 et 1994 donneront lieu à la publication par C. Cabanne d’un article dans les Cahiers Nantais en 1997 sur « Les évolutions récentes du tourisme sur le littoral russe de la mer Noire ».

En septembre 1995, le choix du terrain de mission se porte sur l’enclave de Kaliningrad (région fermée aux étrangers jusqu’en 1991) qui alliait les problèmes de tourisme et d'environnement. Sur le premier point se pose diverses questions, de l’intérêt pour la Russie de disposer d’un littoral balnéaire en Baltique avec des plages de sable étendues et superbes mais à l’utilisation limitée par l’éloignement des grands centres urbains du pays et l’enclavement du territoire entre la Pologne et la Lituanie. Concernant l’environnement, deux problèmes majeurs apparaissent, d’une part la sauvegarde de l’une des plus belles flèches dunaires littorales d’Europe celle du delta de Courlande limitant la lagune de Courlande et d’autre part la destruction des plages de Yantarny, depuis 1870 et le début de l’exploitation industrielle du plus important gisement d’ambre d’Europe. Cette mission de C. Cabanne et Thierry Guineberteau, Maître de conférences, sera poursuivie en août 1996 à Mourmansk auprès du PINRO, équivalent russe de la section pêche de l’IFREMER et de l’Institut de biologie marine dirigé par Gennady Matishov, Académicien. De Mourmansk, les analyses ont été menées loin vers le sud, jusqu’à Mantchigorsk, Kirosk et Apatity, lieux de premier traitement des minerais non ferreux comme le nickel, le cuivre et surtout l’apatite néphéline ce qui génère une véritable destruction de la taïga littéralement brûlée par l’acidité des pluies sur 5 à 10 km de part et d’autre des usines. Sur la mer Blanche, les scientifiques du PINRO nous ont exprimé leur satisfaction devant la réussite de l’introduction en presqu’île de Kola du crabe royal du Kamtchatka. Depuis, ce crabe qui a gagné la Norvège jusqu’au-delà de Tromsø, a déclenché en son temps une polémique quant à l’intérêt de cette introduction. En fait, les pêcheurs norvégiens qui possèdent une licence pour le pêcher y trouvent aujourd’hui une ressource supplémentaire réelle. Les problèmes d’environnement portent aussi sur la pollution radio.

En septembre 1997 puis en 1998, les mêmes participants nantais et russes se sont retrouvés dans la région d’Arkangelsk puis en Carélie. À côté des implications touristiques liées à des monastères comme Vallam, à des musées comme Kiji ou l’immense musée de plein air, de l’utilisation du bois d’Arkhangelsk, à des paysages naturels comme à Kivarch ou à la vieille ville en bois d’Arkhangelsk, l’analyse a surtout porté sur l’exploitation forestière avec ses nouvelles données internationales : l’implantation de grandes sociétés suédoises et finlandaises ayant acquis la plupart des usines de pâte à papier de ces régions et procédant à des coupes systématiques sans se soucier toujours du renouvellement de la forêt. Le phénomène est caractéristique au sud d’Arkhangelsk très convoité en raison des facilités d’exportation du bois par le port.

Cette période a été aussi celle des premiers bilans qui apparaissent dans divers articles des Cahiers Nantais et de la revue Norois, le plus souvent sous signatures partagées, russes et françaises (voir la bibliographie). Par ailleurs, plusieurs collègues russes ont participé aux colloques internationaux organisés à Nantes en 1993 et 1995 par le laboratoire LETG Géolittomer et ont présenté des communications comme E. Tchistiakova, B. Kotchourov, A.Tatarinov etc…

En mars 1997, dans le cadre de l’Association de Géographes Français (AGF), une journée de travail a été organisée à Nantes par C. Cabanne sur le thème de « L’ex URSS 15 ans après ». La manifestation a réuni à l’échelle nationale plusieurs dizaines de collègues français et quelques russes. Les communications et débats de la journée ont été publiés dans la revue de l’AGF. Enfin, en 1996, E. Tchistiakova, V. Sidorova et C. Cabanne ont exploité les résultats des diverses missions nantaises depuis 1990 pour produire un ouvrage, « La Russie aujourd’hui » aux éditions Sirey dans la collection « Mémentos de géographie » co-dirigée alors par C. Cabanne.

En 1999, les missions nantaises repartent vers le Sud et Paul Fattal, Maître de conférences à l’IGARUN, s’y joint en lieu et place de T. Guineberteau. B. Kotchourov nous oriente à l’Université de Rostov vers Iouri Petrovitch Krustalov, géographe russe talentueux à l’expertise acérée. Cette mission très importante amorcera une collaboration régulière entre l’Université de Rostov et l’IGARUN, collaboration que Paul Fattal finalisera ultérieurement avec Iouri Petrovitch puis avec son successeur le professeur Iouri Fedorov. De cette coopération naîtra un PICS puis un LIA qui permettront des échanges fructueux d’étudiants français et russes ainsi que des encadrements de thèses. On analyse la côte de la mer d’Azov de Taganrog à Ieick d’un triple point de vue : les possibilités de développement local des implantations touristiques, les problèmes de la pêche notamment pour l’esturgeon et le sandre ainsi que les risques de pollution, surtout ceux qui sont liés au transport des hydrocarbures sur le Don et la mer d’Azov. Dans ce cadre, le Service Scientifique et Technique de l’ambassade de France à Moscou va accorder une bourse à André Kouznetsov, l’un des meilleurs étudiants de géographie de Rostov pour venir faire à Nantes son DEA sous la responsabilité de P. Fattal. Cet investissement se révèlera excellent, non seulement André Kouznetsov réussira brillamment son DEA mais il va acquérir très vite une bonne connaissance du français qu’il ne cesse de perfectionner depuis. Aujourd’hui devenu Maître de conférences, il prépare une HDR en codirection russe et française avec les professeurs Iouri Fedorov et Paul Fattal. En outre, il est l’interlocuteur privilégié à l’Université de Rostov des relations scientifiques avec Nantes et dirige le département de géologie et de géographie.

En septembre 2000 et 2001, la mission s’oriente vers la Basse Volga. Outre l’intérêt historique de Volgograd et de sa reconstruction, les travaux portent surtout sur la steppe de la rive gauche entre le fleuve et le Kazakhstan. Les conditions naturelles sont proches de celles de la région de l’Aral et le lac Elton fait la peau de chagrin car à l’époque soviétique on a réalisé des opérations lourdes d’irrigation plus ou moins à l’abandon. Mais ses boues restent réputées pour différents traitements médicaux. Par contre, un essai de biocénose artificielle a abouti à créer une forêt sur plus de 1 000 hectares, aujourd’hui à cheval sur les deux états, provoquant une forte diminution des températures par rapport à la steppe nue en été.

La mission de 2001 se déroule à Astrakhan et la Kalmukie. Sur le delta de la Volga, l’objet principal porte sur l’élevage des esturgeons dans un contexte de surpêche. Ainsi, l’entreprise Bios élève les alevins d’esturgeon à la fois pour repeupler le fleuve mais aussi pour maîtriser l’élevage jusqu’à la production du caviar y compris par la nouvelle technique à l’époque, qui évite de tuer le poisson, mais qui parvient à obtenir les œufs par césarienne. En Kalmukie, reçus par les collègues universitaires, les échanges portent essentiellement sur l’élevage des saîgaks, petites antilopes en voie de disparition qui sont ensuite libérés dans la steppe. Aux chasseurs sont venus s’ajouter les loups qui fuyant la guerre en Tchétchénie sont de plus en plus nombreux en Kalmukie.

L’année 2001 est importante car le nouveau Conseiller Scientifique de l’Ambassade M. Bertrand Fleutiaux (qui restera en poste pendant six ans) demande un programme spectaculaire, en particulier dans l’optique de la participation française au tricentenaire de Saint-Pétersbourg. Un colloque franco-russe sur les problèmes de l’Aménagement littoral est proposé à Sotchi. Le financement étant principalement assuré par le Service Scientifique et Technique de l’ambassade de France avec la participation de l’Académie des Sciences de Russie, ce colloque a lieu en 2003.

En août 2002, la mission est destinée à évaluer l’impact de la production pétrolière sur l’environnement dans la région de Nijnevartovsk. Le groupe est constitué de C. Cabanne, E. Tchistiakova, P. Fattal, A. Miossec ainsi que des collègues russes qui seront le lien indispensable avec les principales entreprises pétrolières qui interviennent sur le gisement de Samotlor. Ce groupe de travail a été sans cesse confronté à distinguer dans les interventions des interlocuteurs ce qui relève de la réalité du terrain et ce qui dissimule une réalité plus préoccupante en matière de pollution. Il en découlera une publication de P. Fattal sur cette problématique intéressante dans une régions de permafrost, là où l’eau et les polluants stagnent. La volonté évidente de démontrer la sensibilité d’ailleurs réelle des pétroliers aux questions d’environnement les mènera à conduire l’équipe française en hélicoptère pour visiter le Parc Naturel Régional « Collines sibériennes » créé en 1998 aux confins des okrougs Khanty-Mansis et Iamalo-Nenets.

Fin 2002, E. Tchistiakova et C. Cabanne, compte tenu des transformations rapides du pays, publient aux éditions Colin une nouvelle géographie « La Russie Perspectives économiques et sociales ». L’ouvrage est bien accueilli et, en novembre 2005, il bénéficiera d’une seconde édition mise à jour et augmentée.

En 2003, l’étude de l’impact des hydrocarbures est poursuivie à Tioumen mais cette fois-ci porte sur le thème des retombées économiques de l’exploitation. En effet, l’oblast qui englobe les okrougs Khanty-Mansis et Iamalo-Nénets connaît des retombées financières qui se traduisent par une fièvre de la construction et des salaires locaux élevés. De l’Yrtitch à l’Ob jusqu’à l’Arctique, le rouble coule comme le pétrole ou le gaz et dans toute la région il n’y a aucun exode, aucune velléité de quitter une Sibérie qui dispense ses richesses.

Du 10 au 15 novembre 2003, le colloque proposé en 2001 par C. Cabanne à l’ambassade de France à Moscou, se déroulera à Sotchi. « Aménagement et gestion touristiques dans les zones littorales et espaces mer montagne vers un développement durable » en est le thème. Trente-cinq universitaires français venus d’Universités très diverses, Lille, Avignon, Brest, Rennes, Bordeaux, Limoges, Nantes etc. y participeront. Et c’est plus de 60 collègues Russes, y compris des Académiciens, venant de Sotchi bien sûr mais aussi de Moscou, Saint-Petersbourg, Kaliningrad, Samara, Vologda, Naltchik, Makhatchkala, Petrozavotsk, Astrakhan, Ekaterinbourg, Novossibirsk etc. qui seront présents. Aux trois jours de communication s’ajoutaient deux jours de visites des points les plus intéressants de la région. Le travail à Sotchi ne s’acheva pas avec le colloque. D’une part, E. Tchistiakova et C. Cabanne mettent au point les Actes publiés en russe et en français grâce à un financement de l’Ambassade. D’autre part, B. Fleutiaux a voulu profiter de cette réussite pour tenter d’implanter à Sotchi un bureau mixte franco-russe auprès de la municipalité afin de faciliter l’accueil sur place d’entreprises françaises souhaitant investir dans la région avec en arrière-pensée le projet de mettre en avant le savoir-faire français en matière de remonte pente, télésièges dans la perspective des JO de Sotchi.

Les années 2003 à 2006 ont été d’autant plus actives pour les relations de Nantes et de la Russie que B. Fleutiaux a permis, grâce à davantage de missions, d’avoir un groupe plus étoffé tandis que l’Institut de Géographie de Moscou nous orientait en Sibérie vers des équipes russes très performantes. Par ailleurs, nous avons développé des relations personnelles avec le professeur Kotlyakov, Académicien, Directeur de l’Institut de Géographie de Moscou et co-Président du colloque de Sotchi, à l’occasion d’une mission à Nantes après le colloque. Il a accepté presque systématiquement que l’une de ces collaboratrices parlant un très bon français, Olga Krukova, participe à nos travaux de terrain.

En août-septembre 2004, la mission se déroulera au Kamtchatka, reçu par Slava Muraviev, géographe et géologue, sous-directeur de l’Institut de Sismique et de Vulcanologie de l’Académie des Sciences à Petropavlovsk-Kamtchatka. La mission d’un mois exceptionnelle pour le groupe français composé de C. Cabanne, E. Tchistiakova, P. Fattal, P. Pottier, Maître de conférences à Nantes, Louis Brigand professeur à l’Université de Brest et O. Krukova de Moscou. Grâce à la parfaite connaissance du terrain de S. Muraviev, il a été possible de pallier l’absence quasi-totale d’infrastructures de la région (800 km seulement de routes dont 300 km goudronnés pour un territoire vaste comme les deux tiers de la France). Dans cette région, les objectifs de la mission concernaient le tourisme et l’environnement dans un contexte de relative proximité avec le continent nord-américain. La visite de plusieurs volcans, dont le Moutnovski, les secteurs de sources chaudes encore très sous-exploitées, les ressources pour la pratique du ski, le grand intérêt pour la faune locale comme l’ours brun ou le saumon menacé par les pêcheurs contrebandiers et la recherche pétrolière en mer d’Okhotsk, ou la rencontre avec les peuples autochtones comme les Koriaks et les Evens dans la région d’Ecco, loin de la capitale, étaient autant de thèmes abordés.

Claude Cabanne (à gauche) sur le terrain au Kamtchatka (Russie) avec, dans l'ordre, Patrick Pottier, Elena Tchistiakova, Paul Fattal et Louis Brigand

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Crédit photo : P. Fattal, août 2004

Claude Cabanne et Slava Muraviev sur les chemins de Sakhaline

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Crédit photo : P. Fattal, août 2004

En août 2005 (puis deux missions plus courtes en 2006 et 2007), l’intérêt du groupe nantais s’est porté sur l’Altaï. Accueillis à Barnaoul par l’Institut des Problèmes de l’eau et Écologie dirigé par le professeur Iouri Vonokourov, les visites dans la montagne du Kraï de l’Altaï iront jusqu’à une trentaine de kilomètres de la Mongolie. La région de l’Altaï, qui s’étend à la fois sur l’oblast de l’Altaï (Barnaoul) et sur le kraï de l’Altaï (Gorno-Altaïsk), est l’une des plus belles de Sibérie. Avec le développement déjà amorcé des infrastructures nécessaires, elle est appelée à devenir l’une des grandes régions touristiques de Russie. Deux grandes questions locales ont été abordées à savoir l’équipement de la montagne en vue d’une exploitation touristique compatible avec les impératifs du développement durable et le problème du devenir des lacs à proximité du Kazakhstan.

En août-septembre 2006, la mission s’effectue à Sakhaline qui est alors le centre d’une polémique russo-américaine sur les questions d’environnement. Les Russes accusent Exxon de ne pas respecter ses engagements lors du transport du gaz entre les gisements situés au nord de l’île et l’usine de liquéfaction du gaz en construction près de Ioujni-Sakhaline, à l’extrémité sud, à proximité du marché japonais. Selon les Russes, les Américains devaient en partie faire passer ce gazoduc sous la mer afin d’éviter une vaste zone de terrains instables dominés par des flysch avec de plus un risque sismique. Sur place, le chantier était arrêté et le sol avait manifestement bougé depuis la pose. Cette mission organisée par S. Mouraviev était centrée aussi sur la pêche au saumon. Sakhaline est un centre mondial de cette pêche qui est l’une des grandes ressources locales. Pour éviter autant que possible le braconnage évoqué au Kamtchatka, on interdit purement et simplement l’accès du littoral en août, période culminante de la pêche, à tous ceux qui ne possèdent pas une licence de pêche à jour. Le groupe à Sakhaline avait perdu provisoirement P. Fattal en train d’achever sa HDR. Par contre T. Guineberteau avait rejoint C. Cabanne, E. Tchistiakova, L. Brigand, P. Pottier et O. Krukova.

En août 2007, le groupe de travail nantais, composé de C. Cabanne, E. Tchistiakova, T. Guineberteau et P. Fattal, toujours organisé sur le terrain par S. Muraviev et O. Krukova, travaille à Magadan. L’équipe y poursuit deux objectifs, aller sur la piste du goulag de la Kolyma et analyser les problèmes d’environnement liés à l’exploitation de l’or dans un milieu naturel particulier, celui de la merzlota épaisse de plusieurs centaines de mètres parfois et qui fond en surface en été de 1 à 1,5 m au cœur de l’oblast. Des implantations du Goulag, il ne reste rien, soit par volonté politique, soit parce qu’il s’agissait de baraquements en bois qui en 50 ans ont naturellement disparu. En revanche, Magadan possède un musée très explicatif, deux monuments commémoratifs et surtout la population y reste constituée soit par les descendants des prisonniers soit par ceux de leurs bourreaux. Par ailleurs, l’oblast subit une catastrophe humaine et économique. De Magadan à Soussouman, le pôle du froid en Russie, la plupart des petites villes sont vides et devenues fantômes. Cela pose de grands problèmes pour le ravitaillement des chantiers d’exploitation de l’or, souvent privatisés, de petite taille et éloignés parfois de 50 km du premier magasin. Quant aux vallées, elles sont bouleversées par les extractions. C’est un désastre écologique. Magadan même est touchée par la désertification. Le pourtour de la ville se vide en premier et les volets se ferment les uns après les autres. Des contacts ont aussi été établis avec les petits peuples du Nord. Le groupe français a participé à la fête de la mer des Evènes au cours de laquelle ce peuple renoue avec ses pratiques chamaniques ancestrales.

Au retour de la mission qui s’est poursuivi en Altaï comme évoqué plus haut, C. Cabanne a rencontré à Moscou M. Ruffini qui, à la suite du départ de B. Fleutiaux, est devenu Conseiller pour la Science et la Technologie à l’ambassade de France. Il lui fera part de sa décision de confier désormais à Paul Fattal, devenu professeur à l’IGARUN, la responsabilité du travail du groupe de recherches nantais en Russie. Bien entendu, C. Cabanne n’abandonne pas ses travaux personnels en Russie où il réside une partie de l’année.

Cette rétrospective des relations entre l’IGARUN (de Claude Cabanne) et la Russie appelle une remarque simple. Bien sûr il est normal que les administrations de tutelle souhaitent que les relations internationales soient formalisées dans des cadres officiels, mais combien d’accords signés restent des coquilles vides. A contrario, l’exemple de la coopération nantaise formalisée depuis quelques années seulement avec Rostov et qui se poursuit depuis plus de 23 ans avec diverses équipes russes par l’intermédiaire principalement de L’Institut de Géographie de Moscou sans qu’un accord officiel n’ait jamais été signé entre Nantes et Moscou montre la primauté des hommes. Aucun accord signé ne remplace la volonté de travailler ensemble. L’importance déjà soulignée que le Service de l’Ambassade pour la Science et la Technologie a joué dans cette coopération corrobore ce propos. Si ce service soutient depuis aussi longtemps les travaux de l’IGARUN en Russie, c’est que les conseillers et attachés responsables ont apprécié avant tout les efforts effectués par le groupe et les résultats obtenus. Chaque mission de terrain a d’ailleurs fait l’objet d’un rapport transmis à l’ambassade de France à Moscou.

Claude Cabanne, un géographe « sans frontières »

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Liste des 16 articles de Claude Cabanne parus dans les Cahiers Nantais (de 1982 à 2002)

1982 - Comment définir une région nantaise, n°20, pp. 59-79.

1983 - Transformation de l’activité portuaire dans l’estuaire de la Loire, 1983, n°26, pp. 89-93.

1985 - L’extension de Frigg : le gisement d’Alwyn-nord, n°25, pp. 59-64.

1986 - Utilisation du littoral et contraintes juridiques, n°27, pp. 205-209.

1988 - L’estuaire de la Loire, espace vécu, espace perçu, n°30-31, pp. 119-124.

1989-1990 - Nantes, de la ville industrielle à la ville tertiaire, n°33-34, pp. 185-197.

1990 - Miossec A. et Cabanne C. La protection du littoral : une approche méthodologique (deux années d’enquête collective du Certificat de géographie de la mer), n°35-36, pp. 153-163.

1994 - Cabanne C. et Miossec A. Un exemple de protection du littoral : la côte de la mer Noire entre Sotchi et Batoumi, n°41-42, pp. 99-105.

1996 - Régions et problèmes de régionalisation en Russie, n°44-45, pp. 99-104.

1997 - Les évolutions récentes du tourisme sur le littoral russe de la mer Noire, n°47-48, pp. 163-166.

1998 - Les relations de l’IGARUN avec la Russie, n°50, pp. 57-59.

1999 - Le tourisme à Bali, n°52, pp. 65-70.

1999 - Le tourisme à l’île Maurice et ses problèmes, n°52, pp. 211-217.

1999 - Cabanne C., Prioul C., Sztokman N. Forces et faiblesses du développement touristique à Nosy Be et Nosy Sainte-Marie (Madagascar), n°52, pp. 165-177.

2001 - Cabanne C., Varnakov A., Efimov O. Le nouvel aménagement portuaire russe dans le golfe de Finlande, n°55-56, pp. 165-171.

2002 - Sotchi, capitale balnéaire de la Russie, n°58, pp. 235-241.

Bibliographie

Ouvrages :

Cabanne C., Sidorova V., Thistiakova E., 1996. La Russie aujourd’hui, Sirey, 134 p.

Cabanne C., Thistiakova E., 2002. La Russie. Perspectives économiques et sociales, Colin, 1ère édition (2002), 287 p., 2e édition (2005) 304 p.

Articles de revues :

Cabanne C., 1993. Problèmes du développement touristique sur la côte sud – est de la Crimée, L’Information Géographique, vol. 57/1, pp. 9-14.

Cabanne C., 1994. Problèmes de protection des rivages (en russe) in Actes du colloque de Makhatchkala, n°1.

Cabanne C. et Miossec A., 1994. Un exemple de protection du littoral : la côte de la mer Noire entre Sotchi et Batoumi, Cahiers Nantais, n°41-42, pp. 99-105.

Cabanne C., 1995. Régions et problèmes de régionalisation en Russie », Cahiers Nantais, n°44, pp. 99-104.

Cabanne C., Miossec A., Nabieva O., Tchistiakova E.,1997. Mutations touristiques et tourisme littoral en Russie, Norois, t. 44, n°175, pp. 445-462.

Cabanne C. et Tchistiakova E., 1997. Tourisme citadin et tourisme rural en Russie », Norois, t. 44, n°76, pp. 572-583.

Cabanne C., 1997. Les évolutions récentes du tourisme sur le littoral russe de la mer Noire, Cahiers Nantais, n°47-48, 1997, pp. 163-166.

Cabanne C., 1998. Vivre loin de Moscou, l’exemple de la presqu’île de Kola, Bulletin de l’Association de Géographes français, n°75, pp. 76-80.

Cabanne C., Varnakov A., Efomov O., 2001. Le nouvel aménagement portuaire russe dans le Golfe de Finlande, Cahiers Nantais n°55-56, pp. 165-171.

Cabanne C., 2002. Sotchi capitale balnéaire de la Russie, Cahiers Nantais, n°58, pp. 235-241.

Cabanne C., Fattal P., Tchistiakova E., 2003. Réflexions sur l’héritage soviétique dans la région de Volgograd, Géographie et Cultures, pp.123-128.

Cabanne C., Varnakov A., 2008. L'évolution récente de l’activité maritime en Russie, in Les transports maritimes et la mondialisation sous la direction de Guillaume J., L’Harmattan, 282 p.

Fattal P., 2005. Les problèmes d’environnement dans une région d’extraction pétrolière : la région de Nijnevartovsk situé sur le territoire Khanti-Mansi (Russie), Cahiers Nantais, n°64, pp. 73-86.

Tchistiakova E., 1997. L’influence du complexe de protection contre les inondations sur la situation écologique du littoral du Golfe de Finlande (Russie), Cahiers Nantais, n°47-48, pp. 225-228.

À ces travaux il faut ajouter les différents rapports de missions, souvent substantiels mais qui constituent de la littérature grise non publiée.

Illustrations

Claude et son épouse Elena naviguant sur l'océan Pacifique au large du Kamtchatka

Claude et son épouse Elena naviguant sur l'océan Pacifique au large du Kamtchatka

Crédit photo : P. Fattal, 2003

Claude Cabanne (à gauche) sur le terrain au Kamtchatka (Russie) avec, dans l'ordre, Patrick Pottier, Elena Tchistiakova, Paul Fattal et Louis Brigand

Claude Cabanne (à gauche) sur le terrain au Kamtchatka (Russie) avec, dans l'ordre, Patrick Pottier, Elena Tchistiakova, Paul Fattal et Louis Brigand

Crédit photo : P. Fattal, août 2004

Claude Cabanne et Slava Muraviev sur les chemins de Sakhaline

Claude Cabanne et Slava Muraviev sur les chemins de Sakhaline

Crédit photo : P. Fattal, août 2004

Claude Cabanne, un géographe « sans frontières »

Claude Cabanne, un géographe « sans frontières »

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Référence électronique

Elena Cabanne et Paul Fattal, « Itinéraire de voyage en Russie », Cahiers Nantais [En ligne],  | 2022, mis en ligne le 24 janvier 2023, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1772

Auteurs

Elena Cabanne

Paul Fattal

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