Mobilité et précarité : les mobilités résidentielles des bénéficiaires du Fonds de Solidarité pour le Logement en Charente-Maritime

Résumé

Cet article est issu d’un stage de Master 2 réalisé à la Direction de l’Habitat et du Logement du Département de Charente-Maritime lors du premier semestre 2014. La Charente-Maritime est un département marqué par une croissance démographique forte, portée par le solde migratoire, mais avec des disparités à l’échelle départementale. Ces évolutions socio-démographiques génèrent des besoins en logement et des mobilités résidentielles. La pression sur les marchés de l’habitat et du foncier conduit certains ménages à s’éloigner des villes et du littoral pour trouver un logement répondant à leurs besoins. Le Département est interpellé par la mobilité des populations faisant appel aux aides financières du Fonds de Solidarité pour le Logement. C’est pourquoi, la Direction de l’Habitat et du Logement a souhaité approfondir la question de la mobilité résidentielle des ménages et notamment des ménages en difficulté qui font appel aux aides financières du Département.

Index

Mots-clés

La Rochelle, Charente-Maritime, Fonds de Solidarité pour le Logement, précarité, mobilité résidentielle

Plan

Texte

Introduction

Sur les trente dernières années, la Charente-Maritime est le département le plus attractif de la région Poitou-Charentes et le quatorzième à l’échelle nationale1. Avec un solde naturel négatif, la population ne progresse que par son attractivité migratoire2. De nouveaux habitants arrivent et ceux déjà présents partent peu. Ainsi, le département comptait 629 124 habitants en 2012, soit près de 85 000 habitants supplémentaires par rapport à 1999. Par ailleurs, la Charente-Maritime connaît un vieillissement rapide de sa population, caractéristique de l’attractivité du littoral charentais auprès des jeunes retraités mais qui n’est pas sans conséquences sur l’habitat. Ces ménages, principalement originaires de la région parisienne et « disposant d’un capital important du fait de la vente de leur bien francilien, contribuent à importer une inflation immobilière sur le littoral » (Vye, 2011, p. 19), phénomène auquel s’ajoute la croissance des résidences secondaires. Cette hausse des prix immobiliers, associée à une insuffisance de l’offre, génère un phénomène de périurbanisation et de rétro-littoralisation3. L’achat d’un pavillon avec jardin facilité par des dispositifs financiers d’aide à l’accession et les contraintes liées au coût de l’immobilier entraînent un mouvement vers l’intérieur des terres. Ce contexte pose la question du logement et de la mobilité résidentielle des populations précaires.

Déjà fortement dépendante des données de l’INSEE, l’étude des mobilités résidentielles se complexifie lorsque l’on souhaite se focaliser sur un public très spécifique et difficile à cerner. Pour tenter d’appréhender les mobilités résidentielles de populations en difficulté, il est possible de s’appuyer sur les données issues du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL). Mis en place par la loi Besson du 31 mai 1990, il vise à « aider les ménages à faibles ressources à accéder ou pouvoir se maintenir dans un logement décent, indépendant et compatible avec leur situation familiale et financière »4. La gestion de ce fonds est assurée par le Département. L’éligibilité est déterminée en fonction du niveau et de la stabilité des ressources de la famille et des difficultés (familiales, financières, etc.) qu’elle peut rencontrer5. En Charente-Maritime, 8 515 demandeurs ont sollicité le FSL en 2013.

Ces données peuvent être mises en perspective avec les études qui se sont intéressées aux mobilités résidentielles des populations en situation de précarité (Bigot, 2010 ; Debrand et Taffin, 2006 et 2005 ; Gobillon, 2001 ; Josnin et Robert, 2009). La Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES6) a réalisé deux études en 2006 et 2012 sur les conditions de logement des bénéficiaires de minima sociaux. Cela a notamment mis en évidence que 24 % des allocataires étaient arrivés dans leur logement il y a moins de deux ans (surtout dans le privé), ce qui témoigne d’une mobilité résidentielle importante (Nivière et al., 2006).

Notre étude devait ainsi permettre de vérifier plusieurs hypothèses et d’objectiver certains ressentis parfois contradictoires. Ainsi, selon le service logement de la Direction de l’Habitat et du Logement (DHL) du Département, il existerait une assez forte mobilité résidentielle des bénéficiaires du FSL. Accompagnés parfois de violences conjugales, les divorces et séparations seraient fréquents, entraînant un besoin de relogement et pourraient donc expliquer la forte mobilité. Even et Robert, à partir de données Filocom, avaient mis en évidence en 2008 que les individus aux revenus très faibles étaient contraints de louer des logements de qualité médiocre, ce qui les poussait à déménager pour tenter d’améliorer leurs conditions de logement. Selon Debrand et Taffin en 2006, les locataires du parc HLM seraient peu enclins à le quitter pour ne pas perdre leurs avantages financiers par rapport au parc privé.

Nous n’étudions que des migrations internes à la Charente-Maritime, puisque les demandes d’aides du FSL ne concernent que les résidences principales situées dans le département. Ce public est très majoritairement locataire et a logiquement une mobilité plus forte que les propriétaires. Il convient alors de ne pas comparer les résultats de cette étude avec ceux de l’INSEE.

Après avoir présenté la base de données et ces avantages, nous détaillerons le profil des demandeurs mobiles du FSL. Nous terminerons par des éléments d’analyse des trajectoires résidentielles de cette population précaire.

1. Étudier les mobilités résidentielles des publics en situation de précarité : la difficulté d’une approche à la fois spatiale et temporelle

Peu utilisées jusqu’alors, les données issues de l’instruction du FSL renferment des renseignements sur le ménage et son logement parfois déterminants dans les mobilités résidentielles. Ces données permettent de mieux appréhender la mobilité de ce public précaire, peu étudiée, par les géographes en particulier.

1.1. Repérer les individus mobiles et collecter les données

Le but est d’identifier et de compter le nombre d’adresses différentes dans l’historique de chaque demandeur. À partir de combien d’adresses différentes considère-t-on qu’un demandeur est « mobile » ? D’après la lecture de quelques dossiers, nous avons considéré que trois adresses différentes en cinq ans était une situation courante nous permettant de trouver un nombre suffisant de dossiers et révélatrice d’une mobilité importante. Le pas de temps choisi est de cinq ans puisque les dossiers de demandes antérieurs à 2008 ne sont pas conservés pour des raisons de confidentialité. La recherche s’effectue sur les demandes déposées en 2013, les ménages sélectionnés ont au moins trois logements différents depuis le 1er janvier 2008. Le contenu du dossier donne ensuite des informations sur la situation familiale et financière du ménage, ainsi que sur les motifs des différents déménagements. Pour limiter le travail au temps imparti7, nous avons choisi d’extraire un échantillon relativement limité mais représentatif des différentes délégations territoriales du département (fig. 1). Au final, 241 dossiers d’individus mobiles ont été collectés.

Figure 1 – répartition de l’échantillon des demandeurs FSL mobiles par délégation territoriale en 2013

Image

1.2. L’intérêt de la base de données constituée

Le travail d’extraction et de saisie des dossiers nous permet le suivi de 241 individus ayant réalisé des demandes d’aide du FSL à trois adresses successives depuis 2008 (241 x 3 = 723 situations). Les communes de Saintes et de La Rochelle sont les plus représentées avec respectivement 107 et 96 demandes d’individus mobiles. Cette base de données est très riche puisqu’à chaque demande d’aide, les informations liées aux ménages et à leur logement sont mises à jour : caractéristiques du ménage (composition, revenus, etc.) et de son logement (adresse, loyer, bailleur, etc.). On dispose aussi du motif de déménagement, un élément particulièrement difficile à connaître lors de l’étude des mobilités résidentielles. Enfin, les trois situations successives renseignées pour chacun des demandeurs apportent des éléments d’analyse des trajectoires résidentielles.

1.3. Les biais induits par cette méthode

La première limite de cette méthode concerne la taille de l’échantillon qui impose d’analyser les résultats avec précaution, notamment lors de l’analyse par secteur. La méthode choisie ne permet pas de présenter des résultats représentatifs d’une situation moyenne à l’échelle départementale. D’une part, l’échantillon n’a pas été construit en fonction du poids démographique de chaque délégation, donnant ainsi le même poids à une zone rurale peu peuplée par rapport à une zone urbaine très peuplée et attractive comme La Rochelle. D’autre part, le délai contraint pour réaliser l’étude nous a conduit à écarter deux territoires, l’un rural (Haute-Saintonge), l’autre littoral (Pays Rochefortais). Ce choix n’empêche toutefois pas d’étudier ces mobilités en milieu rural (Vals de Saintonge) comme en zone littorale (La Rochelle-Ré et Royan-Marennes-Oléron). Un deuxième biais concerne la mesure de la mobilité et du parcours résidentiel. Un demandeur peut avoir emménagé dans un logement sans faire de demande d’aide du FSL parce qu’il n’en avait pas besoin ou parce qu’il était hébergé par exemple, puis faire une demande d’aide FSL au déménagement suivant. Le caractère consécutif des situations n’est donc pas assuré8. Un troisième type de biais tient aux dossiers eux-mêmes, parfois incomplets ou mal remplis. La complexité de certaines situations peut amener à certaines erreurs car les individus « ne rentrent pas toujours dans les cases ». Quand ils existent, les rapports rédigés par les travailleurs sociaux peuvent aider à comprendre le motif de la mobilité. Un quatrième biais possible concerne le découpage par délégation et la répartition du parc HLM très inégale à l’intérieur de celle-ci. La Rochelle-Ré, par exemple, regroupe un territoire particulièrement bien doté en parc HLM (La Rochelle) et un autre (Ré) où il est beaucoup moins présent9.

2. Des profils globalement prévisibles mais inégaux selon les territoires

2.1. Des demandeurs peu mobiles

La part des demandeurs « mobiles » sur l’année 2013 est en moyenne de 8 %10. Le taux annuel de sortie de la résidence principale selon l’enquête logement de l’INSEE est de 6,8 % pour la période 2002-2006 (Chodorge, 2009). La mobilité résidentielle des populations précaires semble donc un peu supérieure à cette moyenne. Celle-ci varie toutefois de façon importante selon les secteurs (de 4 % pour La Rochelle-Ré à 13 % pour les Vals de Saintonge). Cette mobilité plus faible au sein de la zone La Rochelle-Ré pourrait s’expliquer par un parc HLM important où les locataires cherchent à rester pour y conserver leurs avantages.

2.2. Des familles monoparentales précaires

54 % de ménages mobiles sont des familles monoparentales. Cette situation apparaît majoritaire notamment dans la zone périurbaine du Pays d’Aunis et dans le secteur de La Rochelle-Ré. La structure familiale semble plus classique en zone rurale (Vals de Saintonge) puisque les couples avec enfants y sont plus nombreux. La mobilité résidentielle serait dans ce territoire moins liée à la rupture familiale mais peut-être davantage à la pauvreté rurale (parc de logement plus ancien et plus dégradé, éloignement, etc.). Enfin, les personnes seules représentent plus d’un quart des demandes sur les secteurs Royan-Marennes-Oléron, Saintonge Romane et Vals de Saintonge (35 % sur les villes de Saintes et Royan).

Les ménages reçoivent des ressources assez variées, mais totalisent un montant peu élevé (876 €) qui entrent dans les plafonds de ressources établis par le règlement intérieur du FSL. Ces résultats n’incluent pas les aides au logement. Les deux tiers des demandeurs perçoivent le Revenu de Solidarité Active, un demandeur sur deux perçoit des prestations familiales et moins d’un demandeur sur cinq touche un salaire. Ce chiffre atteint 15 % sur le secteur de La Rochelle-Ré où 25 % des demandeurs perçoivent des allocations chômage (contre 20 % en moyenne).

2.3. Des locataires

99 % des demandes (demandeurs mobiles exclusivement) sont effectuées par des locataires. On compte quelques personnes hébergées ou propriétaires dont les effectifs sont trop faibles pour réaliser des statistiques. L’ensemble des bénéficiaires du FSL est éligible au logement social, voire très social. Toutefois, la proportion des demandeurs habitant en HLM varie en fonction du parc existant : elle atteint respectivement 74 % et 49 % sur les villes de La Rochelle et de Saintes, où le parc HLM est le plus présent (l’agglomération rochelaise représente à elle seule 50 % du parc HLM de la Charente-Maritime), à la différence des zones périurbaines (19 % en Pays d’Aunis) et rurales (20 % en Vals de Saintonge).

Le budget consacré au logement (loyer et charges) représente en moyenne un quart des ressources des ménages mobiles (ce qui reste somme toute assez proche de l’ensemble des ménages), mais ce ratio est très variable selon le bailleur, le secteur et la situation familiale. Les charges du logement sont calculées sur la base d’un forfait prenant en compte la taille du logement notamment et déterminent l’attribution de l’aide FSL. Du fait de loyers plus bas, la charge logement est moins élevée dans le parc HLM (22 %) que dans le privé (30 %). La différence entre les deux parcs est particulièrement marquante dans le secteur de La Rochelle-Ré, car les prix de l’immobilier y sont parmi les plus élevés du département (tab. 1).

Tableau 1 : moyenne de la charge logement selon la délégation territoriale et le bailleur en 2013 (en %)

HLM Privé Total
La Rochelle-Ré 23,3 37,5 27,6
Pays d’Aunis 19,6 30,6 28,6
Royan-Marennes-Oléron 23,4 34,8 31,7
Saintonge Romane 22,9 30,7 27,6
Vals de Saintonge 19,2 23,6 22,7
Total 22,1 30,1 27,4

Source : Direction de l’Habitat et du Logement 17, FSL 2013

2.4. Des demandes plus nombreuses dans le parc HLM

Quand on compare les ménages des deux parcs, ceux vivant en HLM sollicitent plus d’aides en moyenne que ceux logeant dans le privé. Les loyers étant moins élevés dans le parc HLM, le montant des aides attribuées est donc généralement moins élevé, les ménages peuvent donc demander plus d’aides avant d’atteindre le plafond. En cas d’impayés de loyer, ils cherchent davantage à se maintenir (un peu plus d’aides au maintien demandées par logement en HLM que dans le parc privé). Huit logements sur dix ne font l’objet d’aucune demande d’aide au maintien. En cas de difficultés à payer le loyer, les locataires du parc privé préfèrent quitter leur logement avant que la procédure d’expulsion ne soit enclenchée. Nous allons donc tenter de comprendre dans le paragraphe suivant pourquoi ces personnes bougent. Qu’est-ce qui peut expliquer ces mobilités et comment se caractérisent-elles ?

3. Analyse des trajectoires résidentielles des demandeurs du FSL mobiles

3.1. Une mobilité résidentielle de proximité

58 % des demandeurs mobiles sont restés, au cours de leurs mobilités, sur la même délégation territoriale. Ce phénomène est particulièrement significatif en zone rurale (Vals de Saintonge : 63 %, Saintonge-Romane : 66 %) et sur le secteur littoral de Royan-Marennes-Oléron (70 %). De plus, 26 % des demandeurs mobiles ont bougé dans la même commune (Saintes et La Rochelle surtout), ce qui met en évidence des mobilités de proximité. On peut l’expliquer par la volonté de conserver un réseau, des repères et du lien social face à une situation de précarité. Les mobilités sont parfois entravées par des difficultés de déplacements, par l’absence de voiture personnelle par exemple, ce qui peut justifier le déménagement sur le même territoire et le besoin de rester à proximité des services.

3.2. Des motifs de déménagement très variés

Lors d’une demande d’aide à l’accès11, le demandeur renseigne la ou les raison(s) de son relogement à partir d’une liste préétablie. Le motif peut être inscrit par le travailleur social, la réponse dépendra donc de sa perception de la situation. Il est possible également qu’un seul motif, le principal, soit renseigné alors que plusieurs entrent en jeu. Quand le motif n’était pas renseigné, le rapport social nous a parfois permis de trouver l’information. L’analyse a montré qu’aucun motif de déménagement n’était prépondérant. La multiplicité des motifs renseignés ainsi que la forte proportion de « autres motifs » montrent la complexité des situations. Un loyer trop élevé, un logement précédent trop petit et l’hébergement par un proche sont les trois raisons les plus souvent citées par les demandeurs (qui représentent respectivement 14 %, 12 % et 10 % des motifs cités). Du fait de l’absence de motif marquant, nous avons regroupé les motifs en six catégories (fig. 2) :

  • obligation de relogement : sans logement, hébergement, fin de bail, Programme de Renouvellement Urbain (PRU), sortie de Logement d’Extrême Urgence ;
  • motifs liés au logement : logement trop petit, trop grand, loyer trop élevé, logement insalubre, mal isolé ;
  • localisation : rapprochement familial, rapprochement du lieu de travail, problèmes de voisinage, éloignement12 ;
  • motifs liés à la famille : mariage/mise en ménage, décohabitation, divorce/séparation ;
  • autres ;
  • pas d’information.

Figure 2 – motifs de relogement des demandeurs FSL mobiles en 2013 (en %)

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23 % des logements jugés trop chers sont situés sur le secteur de Royan-Marennes-Oléron et 19 % sur la Saintonge Romane. Le déficit en logement social se fait sentir sur ces secteurs (hors ville de Saintes en Saintonge Romane) à la différence de la Rochelle. Un ancien logement jugé mal isolé est à l’origine de 9 % des déménagements. Les demandes d’aide à l’énergie y sont presque deux fois plus élevées qu’en moyenne dans le département. Parmi les logements quittés pour une fin de bail, près de la moitié se situe sur le pays Royan-Marennes-Oléron. C’est un élément révélateur de la tension sur le marché et peut-être du contexte touristique, les propriétaires souhaitant parfois récupérer leur bien pour l’été (location touristique ou résidence secondaire).

3.3. La mobilité au regard de la situation familiale et du logement

La situation familiale apparaît relativement stable. En effet, 68 % des ménages ont le même statut (couple avec enfant, couple sans enfant, personne seule, famille monoparentale) dans leurs trois derniers logements. Cela relativise ainsi l’hypothèse d’une mobilité résidentielle induite par une rupture familiale. Le changement du nombre de personnes dans le foyer (naissance, décohabitation, etc.) entraîne des besoins nouveaux nécessitant un déménagement : dans notre échantillon c’est le cas de 45 % des ménages.

Si l’évolution des revenus met en évidence des variations parfois importantes entre deux logements, on reste toujours dans les barèmes du FSL avec des revenus très précaires. Ces variations peuvent être dues à la situation administrative des demandeurs : les ménages sont parfois en attente de décision concernant les aides de la CAF et les emplois temporaires semblent courants. Par conséquent, l’étude de l’évolution des ressources dans les mobilités ne paraît pas pertinente. L’analyse met néanmoins en évidence le caractère souvent instable des ressources de ces ménages qui peut entraîner des difficultés de gestion notamment en cas de dépenses imprévues.

La passerelle entre parc HLM et parc privé (hors logement social) existe quand bien même certains ménages ne souhaitent pas accéder au parc HLM. En effet, selon les professionnels de la DHL, certains refusent l’habitat collectif. L’étude sur le logement montre que 58 % des demandeurs ont habité au moins une fois dans le parc HLM au cours de leurs trois derniers logements.

Dans l’ensemble, seuls 24 % des ménages semblent améliorer leur situation puisqu’ils ont connu une baisse de leur charge « logement » à chaque mobilité, alors que cette charge a augmenté pour 12 % des ménages.

Conclusion

Cette étude relativise l’hypothèse de l’instabilité résidentielle des populations précaires : seuls 8 % des demandeurs du FSL ont eu au moins trois logements différents en cinq ans. Or, si la part des personnes mobiles avait été plus élevée, la pertinence de l’aide FSL serait alors remise en cause. Dans le cadre d’une politique en faveur des plus démunis qui a pour but de faciliter une installation dans un logement, est-il légitime de financer l’accès à plusieurs reprises et dans un temps court ? Une étude menée par l’Agence Départementale d’Information sur le Logement du Gard (ADIL 30, 2013) a mis en évidence que l’aide « FSL accès » était pertinente puisque « cinq ans après avoir obtenu un financement, plus d’un tiers d’entre eux occupait encore le logement pour lequel ils avaient été aidés », davantage dans le parc social que dans le parc privé. C’est parfois au logement suivant qu’ils parviennent à se stabiliser et éventuellement « s’inscrire dans une trajectoire résidentielle classique […] comparable à celle de l’ensemble des allocataires gardois du RSA ».

Le statut protecteur du parc HLM a été mis en évidence. Les ménages cherchent davantage à s’y maintenir, ce qui concorde avec les résultats de Debrand et Taffin (2006). L’ensemble des ménages étudiés est éligible au parc HLM, mais seulement un tiers y a accès. Le parc privé devient alors un parc social de fait : le FSL aide les ménages à y accéder, il peut être aussi une solution temporaire en attendant l’attribution d’un logement social.

Even et Robert (2008) avaient montré que les ménages aux revenus faibles étaient contraints de louer des logements de moindre qualité qui les poussaient à déménager. Si une mauvaise isolation explique parfois le déménagement, ce motif n’était pas prédominant dans notre échantillon (9 %). Néanmoins, l’isolation n’est pas le seul critère définissant un logement de bonne qualité.

Au final, le déménagement semble davantage motivé par un besoin que par une question de confort. Si la mobilité peut être choisie, le choix reste souvent contraint par les ressources et peut amener à des situations de mal-logement (indécence, manque d’isolation, etc.). La précarité, tant financière que sociale, de ce public ne lui permet pas de s’inscrire dans les trajectoires résidentielles dites classiques (en particulier le fait de tendre vers l’accession à la propriété). Au-delà des éléments de réflexion pour la gestion du FSL, cette étude a permis d’enrichir l’Observatoire de l’habitat porté par le Département de Charente Maritime. Dans un contexte de marché immobilier tendu, cet outil d’aide à la décision trouve ici toute sa pertinence surtout s’il s’intéresse aussi aux mobilités des populations précaires.

1 Source : INSEE – Recensement de la population, résultats issus des enquêtes annuelles de recensement réalisées entre 2004 et 2008.

2 Solde naturel : -0,1 % entre 1999 et 2009 ; solde apparent des entrées et des sorties : + 1,1 % entre 1999 et 2009 (source : INSEE).

3 « Éloignement des ménages des centres urbains [littoraux] les plus importants pour trouver des réponses adaptées à leurs besoins en logement » (

4 Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées.

5 Sous forme d’allocation ou de prêt, on distingue trois types d’aides :– l’aide à l’accès dans le logement (dépôt de garantie, premier loyer, frais d

6 « La DREES est une direction de l’administration centrale des ministères sanitaires et sociaux. […] La DREES fait partie du service statistique

7 Le traitement statistique à partir du logiciel d’instruction du FSL n’a pas pu être développé, la collecte de données a donc été réalisée

8 On rencontre régulièrement cette difficulté lorsque l’on mesure les mobilités résidentielles, puisque l’INSEE enregistre des migrants et non des

9 Du fait de la faiblesse démographique de ce territoire, l’Ile de Ré est peu représentée dans l’échantillon (moins de 6 % des demandes d’aides FSL).

10 Proportion de demandeurs mobiles trouvés en 2013 par rapport à l’ensemble des demandeurs de 2013.

11 L’aide à l’accès dans le logement peut correspondre au dépôt de garantie, au premier loyer (l’aide au logement n’étant versée qu’à partir du

12 La localisation peut faire référence au rapprochement d’une zone d’emploi, d’un lieu de soin, de proches qui apportent un soutien financier

Bibliographie

ADIL 30, 2013. FSL accès… et après. La mobilité des bénéficiaires du FSL dans le Gard, rapport de l’Agence Départementale d’Information sur le Logement du Gard, 28 p.

BIGOT R., 2010. Les difficultés de logement des classes moyennes et les besoins de mobilités résidentielles, Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de vie, Enquête Conditions de vie et aspirations des français, no 263, 52 p.

CALVO M., LEGAL A., 2014. Les conditions de logement des bénéficiaires de minima sociaux en 2012 : difficultés d’accès, surpeuplement et contraintes financières, Études et résultats, no 872, 6 p.

CHODORGE M., 2009. Un panorama de la mobilité résidentielle, Études foncières, no 141, pp. 12-16.

DEBRAND T., TAFFIN C., 2005. La mobilité résidentielle depuis 20 ans : des facteurs structurels aux effets de la conjoncture, Économie et statistique, no 381-382, pp. 125-146.

DEBRAND T., TAFFIN C., 2006. Les changements de résidence entre contraintes familiales et professionnelles, Données sociales, pp. 505-513.

Département de la Charente-Maritime, 2012. Schéma départemental de l’habitat, vers plus de cohérence et d’équilibre pour une meilleure qualité de vie, 138 p.

EVEN K., ROBERT A., 2008. Rotation dans les logements et permanence des profils d’occupants, Compte du logement, Compte du logement, Délégation aux affaires économiques et internationales, Service économie, statistiques et prospectives, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, 30 p.

GOBILLON L., 2001. Emploi, logement et mobilités résidentielles, Économie et statistique, no 349-350, pp. 77-98.

JOSNIN R., ROBERT A., 2009. La mobilité résidentielle progresse dans le parc locatif privé et diminue dans le parc social, Économie et Statistique, no 27, 4 p.

NIVIÈRE D., MARPSAT M., RENARD É., 2008. Les difficultés de logements des bénéficiaires de minima sociaux, Études et résultats, no 630, 8 p.

VYE D., 2011. La Ruée vers l’Ouest ? Une analyse de l’attraction résidentielle du littoral atlantique à partir du recensement, Espace Populations Sociétés, no 2011/3, pp. 617-637.

Notes

1 Source : INSEE – Recensement de la population, résultats issus des enquêtes annuelles de recensement réalisées entre 2004 et 2008.

2 Solde naturel : -0,1 % entre 1999 et 2009 ; solde apparent des entrées et des sorties : + 1,1 % entre 1999 et 2009 (source : INSEE).

3 « Éloignement des ménages des centres urbains [littoraux] les plus importants pour trouver des réponses adaptées à leurs besoins en logement » (Schéma Départemental de l’Habitat de Charente-Maritime, 2012, p. 30).

4 Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées.

5 Sous forme d’allocation ou de prêt, on distingue trois types d’aides :
– l’aide à l’accès dans le logement (dépôt de garantie, premier loyer, frais d’agence, ouverture des compteurs, assurance habitation ou garantie des loyers) ;
– l’aide au maintien (impayés de loyer) ; accès et maintien plafonnés à 920 € sur une période de 36 mois ;
– l’aide face aux impayés d’énergie, d’eau ou de services téléphoniques.
Quant aux impayés d’énergie, d’eau et de services téléphoniques, le montant maximum attribuable est de 690 € sur 36 mois.

6 « La DREES est une direction de l’administration centrale des ministères sanitaires et sociaux. […] La DREES fait partie du service statistique public : sa vocation est de fournir aux décideurs publics, aux citoyens et aux responsables économiques et sociaux des informations fiables et des analyses sur les populations et les politiques sanitaires et sociales » (http://www.drees.sante.gouv.fr).

7 Le traitement statistique à partir du logiciel d’instruction du FSL n’a pas pu être développé, la collecte de données a donc été réalisée manuellement.

8 On rencontre régulièrement cette difficulté lorsque l’on mesure les mobilités résidentielles, puisque l’INSEE enregistre des migrants et non des migrations.

9 Du fait de la faiblesse démographique de ce territoire, l’Ile de Ré est peu représentée dans l’échantillon (moins de 6 % des demandes d’aides FSL).

10 Proportion de demandeurs mobiles trouvés en 2013 par rapport à l’ensemble des demandeurs de 2013.

11 L’aide à l’accès dans le logement peut correspondre au dépôt de garantie, au premier loyer (l’aide au logement n’étant versée qu’à partir du deuxième mois), aux frais d’agence, à l’ouverture des compteurs (électricité, gaz naturel, eau), à l’assurance habitation ou à la garantie des loyers. Les motifs de relogement ne sont renseignés que sur les demandes d’aide à l’accès.

12 La localisation peut faire référence au rapprochement d’une zone d’emploi, d’un lieu de soin, de proches qui apportent un soutien financier, administratif etc. Il peut s’agir aussi de se rapprocher des réseaux de transport.

Illustrations

Figure 1 – répartition de l’échantillon des demandeurs FSL mobiles par délégation territoriale en 2013

Figure 1 – répartition de l’échantillon des demandeurs FSL mobiles par délégation territoriale en 2013

Figure 2 – motifs de relogement des demandeurs FSL mobiles en 2013 (en %)

Figure 2 – motifs de relogement des demandeurs FSL mobiles en 2013 (en %)

Citer cet article

Référence électronique

Adélia Guiet, « Mobilité et précarité : les mobilités résidentielles des bénéficiaires du Fonds de Solidarité pour le Logement en Charente-Maritime », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2015, mis en ligne le 05 mars 2021, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1341

Auteur

Adélia Guiet

Chargée d’étude à l’Agence Départementale d’Information sur le Logement de Charente-Maritime

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