L’extraction à ciel ouvert des minerais pour l’obtention des minéraux, et des pierres pour la construction a rythmé l’histoire de l’humanité : fouilles pour la recherche de l’or, de l’étain, plus tardivement du fer… ; pour le façonnement des pierres de taille et des moellons, des pavés, des ardoises, des dalles et des granulats… Aujourd’hui, en Loire-Atlantique, mis à part quelques grandes exploitations, les carrières sont abandonnées, mais leurs traces sont encore plus ou moins observables ; mieux, ces vestiges confèrent une touche singulière à l’environnement, le plus souvent mal perçue, car méconnue. Ce sont ces terrains du passé qu’il est proposé ici d’examiner, en scrutant plus précisément leur état actuel, livrant ainsi un éclairage sur une géographie multiforme où s’enchevêtrent inextricablement géomorphologie, activités humaines, en un mot divers impacts environnementaux.
Dès l’abord, quelques remarques liminaires.
- Dans l’actuel département de la Loire-Atlantique, pratiquement toutes les roches ont été exploitées : sédimentaires tant du socle ancien (grès quartzites, phtanites, schistes, calcaires…) que de sa couverture récente (sables, poudingues, argiles…) ; métamorphiques (micaschistes, gneiss, migmatites, amphibolites, serpentinites…) ; magmatiques intrusives (essentiellement les granites, mais aussi les gabbros…). À ces listes doivent être ajoutés les minerais (filons de quartz aurifères et stannifères ; dépôts ferrifères sédimentaires paléozoïques et cuirasses latéritiques cénozoïques. Cette diversité géologique explique le nombre impressionnant des actes d’extraction répertoriés : plusieurs centaines !
- Dans ces conditions, il est évident que tous ces sites ne peuvent être présentés dans le cadre d’un bulletin ; il eût fallu un gros volume… avec le risque de répétitions, inévitables, mais devenant fastidieuses. Aussi un choix a-t-il été effectué, assez large toutefois pour offrir un bon panorama et assez judicieux pour permettre des conclusions solides. Le texte est illustré par des figures et des photographies.
- Le devenir des carrières abandonnées est fort divers, depuis le comblement total, sans guère laisser de traces si ce n’est dans de légères ondulations de terrain… et dans la toponymie, jusqu’à un réaménagement complet en aire de loisir ou pour l’habitat, en passant par l’ennoyage, l’emprise par la végétation, la transformation en décharge… Le cas des carrières littorales, restées le plus souvent en l’état, mérite aussi de retenir l’attention.
- Les sources de nos informations sont variées, tant archivistiques que bibliographiques, complétées et vérifiées par des recherches sur le terrain en quête de vestiges. Parmi les documents de base, il nous plaît ici de rappeler les travaux essentiels de C. Baret (1898), de L. et E. Bureau (1900) et de L. Davy (1903), ainsi que la légende technique de la carte géologique à 1/320 000, feuille Nantes, publiée en 1940. L’examen des premières éditions des cartes géologiques à 1/80 000 s’avère extrêmement utile. Les cartes à 1/25 000 de l’IGN indiquent souvent l’emplacement des carrières abandonnées, ou tout au moins elles ressortent encore dans la topographie. La vision stéréoscopique des photographies aériennes s’avère un bon guide pour préparer les enquêtes in situ… que rien, évidemment, ne remplace. Les autres sources seront citées dans leur contexte.
- L’article est scindé en deux parties. La présente livraison concerne les vestiges des anciennes extractions d’or natif, de cassitérite (étain), et de fer latéritique, ainsi que les exploitations de granite. Toutes les autres roches seront envisagées dans un prochain numéro.
Vestiges d’anciennes exploitations d’or
Si le « fabuleux métal » a été, très tôt, recherché, la reconnaissance des anciens sites d’extraction est relativement récente. Deux districts principaux ont été mis en évidence : celui de Vay et celui, nettement plus important, de « la ligne de l’or ».
District de Vay
La présence, à Vay, de « fosses antiques » est signalée au XIXe siècle par Kerviler et Davy ; en 1911, Braly découvre du quartz à mispickel (arsénopyrite) dans les déblais des Fosses Rouges et de la Fosse Auchoir avec des teneurs de plusieurs grammes à la tonne ; d’autres fosses (près de la Tonnerie) ont été comblées au début du XXe siècle. Lors de nos recherches sur le terrain, les occurrences aurifères ont pu être suivies sur plus de 2 km d’est en ouest (fig. 1A). Au lieu-dit les Fosses Rouges, jusqu’à l’est de la cote 76 (carte IGN à 1/25 000, feuille Nozay), une excavation d’environ 100 m de long sur une profondeur de plusieurs mètres, est bordée latéralement par un talus de déblais, le tout envahi par la végétation arborescente (châtaigniers, chênes, bouleaux…). À l’intérieur de la fosse et surtout à ses deux extrémités – c’est-à-dire le prolongement de la structure filonienne –, des fragments de quartz sont parfois minéralisés en or natif. Plus à l’ouest, la présence d’une ancienne fosse (la Fosse Auchoir), à présent comblée, se marque dans la topographie par une légère dépression.
La « ligne de l’or »
Les exploitations aurifères reconnues d’une manière discontinue depuis La Pouëze (Maine-et-Loire) jusqu’à Beslé (Loire-Atlantique) remontent, comme celles de Vay, à des époques reculées. Bellanger semble être le premier à avoir attiré l’attention, en 1911, sur une succession d’aurières depuis La Pouëze jusqu’à Moisdon, formant sa « ligne de l’or » (Bellanger, 1911), prolongée ultérieurement par Kerforne (1921) jusqu’à Beslé en bordure de la Vilaine (fig. 1B). Ces vestiges, aujourd’hui de reconnaissance difficile par suite des nivellements, sont encore parfois soulignés par des dépressions et surtout par des « semis » de quartz. Bellanger avait effectué de telles observations sur plus de quinze endroits différents, pouvant atteindre parfois plusieurs mètres de long. La question a même été posée de savoir si l’étang de la Bourlière, à l’est du Petit-Auverné, ne correspondrait pas à une ancienne aurière. L’examen des poteries à Beslé suggère de rapporter l’exploitation à l’époque gallo-romaine. Les venues d’eau empêchaient les Anciens de poursuivre l’extraction en profondeur. Il est d’ailleurs probable que, par suite des altérations météoriques, la partie affleurante de la structure filonienne ait été enrichie en or par rapport au minerai primaire (ou protore)1.
Au total, l’étude des anciennes aurières conduit à retenir deux informations essentielles pour nos propos : d’une part, la fréquence du terme « la Fosse » ; d’autre part, la préservation – au moins partielle – des sites d’extraction dans la morphologie. Ainsi, toponymie et topographie pourraient, peut-être, à l’avenir, guider les prospections…
Extractions de cassitérite à Nozay-Abbaretz, échelonnées sur près de deux millénaires
La mise en évidence, en 1882, par l’ingénieur des Mines L. Davy, d’importants vestiges d’exploitations antiques de cassitérite, visibles sur plusieurs kilomètres dans la région de Nozay, allait, à la fois mettre un terme à une curieuse interprétation formulée par des archéologues intrigués par lesdits travaux et être le point de départ de nouvelles exploitations au XXe siècle.
Il semble bien que ce soit Ogée, ingénieur-géographe, qui ait signalé, pour la première fois en 1778, la présence de « vestiges de retranchements ». En 1865, Orieux évoque l’existence, entre Abbaretz et Nozay, d’un « ouvrage de fortification d’une étendue considérable, une sorte de fossé ». La même année, du Chalard estime qu’il ne s’agit pas de fossés, mais de « trous » qu’il rattache à un vaste ensemble de « fortifications ». En 1880, Pitre de Lisle examine ce qu’il appelle « ligne de défense » ou « frontière », attribuée, du fait de trouvailles archéologiques, au moins en partie à l’époque gauloise. Aux environs d’Abbaretz, il décrit « d’énormes talus mamelonnés [dessinant] une sorte de crête […], des trous inégalement disposés et formant une sorte de vallum, de 50 à 60 m de large. Ces levées sont formées, tantôt de pierres amoncelées, tantôt de pierres quartzeuses ». Mieux, il observe, près du Bois-Vert, un « château de terre, de forme ovale […] adossé à la partie nord de ces lignes » et protégé par des douves. Il décrit aussi un « château » au lieu-dit Le Bé et signale « la même ligne de défense » près de Beaulieu. Enfin, en 1881, A. Leroux évoque, à son tour, l’idée de « retranchements ». En un mot, jusqu’à cette date, les archéologues pensent que les mouvements du sol, presque en ligne droite, ont été entrepris dans un but stratégique.
Cette manière de voir va bientôt changer. La présence de minerais de fer et de scories conduit R. Kerviler, en 1882, à penser à des vestiges d’exploitation et de traitement de ce métal ; les « châteaux » (Le Bé, Bois-Vert) sont considérés comme des magasins fortifiés « destinés à défendre une population agglomérée avec toutes ses richesses ».
Mais était-il justifié d’étendre cette manière de voir à toutes les excavations et en particulier à celles formant une ligne droite entre les environs de Nozay et d’Abbaretz ? En fait, comme devait le démontrer L. Davy, en 1897, « l’étain était le métal exploité dans [cette] partie centrale et la plus bouleversée de la grande ligne des Mardelles » de Kerviler. Et L. Davy de préciser sa pensée : « des mines de fer, tout à fait indépendantes de celles de l’étain, se sont trouvées placées fortuitement dans le prolongement approximatif des premières, semblant ainsi être en continuation à l’Est et à l’Ouest ».
L’exploitation à ciel ouvert, à partir de 1951, du gisement du Bois-Vert par la Société nantaise des minerais de l’Ouest (SNMO) (cf. infra) a permis d’établir que l’extraction de la cassitérite dans le district de Nozay remonte au moins à l’époque gallo-romaine et que c’est à cette période qu’il faut rapporter les mouvements de terrain de la soi-disant « ligne de défense » entre Nozay et Abbaretz. Au Bois-Vert, la profondeur de la fouille antique varie, selon les points, de 2 à 18 mètres ; sa largeur, de 25 à 100 mètres ; son extension longitudinale était déjà visible sur 600 mètres, à la date des relevés de Cl. Champaud (1957).
À l’évidence, les mineurs gallo-romains ont su tirer parti de la disposition des filons de quartz stannifère, inclinés vers le Sud d’une quarantaine de degrés : la bordure nord descend le long des filons ; la bordure sud s’abaisse en marches d’escalier, « chaque rebord de la marche étant la tête du filon » : l’encaissant des filons, essentiellement schisteux et très tendre, était déblayé et transporté des deux côtés de la tranchée pour former les levées qui ont résisté près de deux millénaires ; son évacuation nécessitait un travail énorme. Le dégagement des filons permettait alors d’extraire, sans trop de difficultés, la cassitérite située près de l’éponte. Mais l’extraction de la cassitérite disséminée en plein quartz s’avérait beaucoup plus difficile. Selon Cl. Champaud (op. cit.), « la première opération consistait dans l’attaque de la roche par le feu et l’eau ; chauffant le quartz (les blocs en portent encore les traces…) au moyen de grands feux de bois, les mineurs éteignaient brusquement ces grands feux par des jets d’eau, grâce à quoi le quartz se fendait et parfois même éclatait ». Après concassage, la séparation de la cassitérite du quartz s’effectuait en mettant à profit la différence de densité (7 - 2,65), comme l’attestent les poches de grains de quartz observées dans la tranchée.
Au début du XXe siècle, entre 1911 et 1921, des travaux souterrains de reconnaissance ont été entrepris à l’instigation de la SNMO. Une gigantesque exploitation en carrière a eu lieu au Bois-Vert entre septembre 1951 et la fin de 1957 (fig. 2).
Figure 2 - District stannifère d’Abbaretz-Nozay
Ici se côtoient des vestiges de différentes périodes. L’époque antique (gallo-romaine) encore soulignée par la grande tranchée de Beaulieu (1), le « fort » du Bé (2) et diverses ondulations de terrain ; le début du XXe siècle (1911-1921) par les travaux de recherche, en particulier à Beaulieu (puits, transformateur) (4) et au Bé, au lieu-dit la Mine avec haldes, puits et cheminée (5). La grande exploitation d’Abbaretz (1951-1957) est marquée par la carrière noyée (6), l’énorme terril (7), les rejets de la laverie (8), l’emplacement de l’usine de traitement (9), la cité des mineurs Hector Pétin (10), et le tracé interrompu de l’ancienne route d’Abbaretz à Nozay (11). Enfin, les travaux du BRGM, en 1969, à la Ribaudais, sont matérialisés par les vestiges d’un puits (12). Par ailleurs, au nord-est d’Abbaretz, des excavations remplies d’eau (13) signalent la présence d’anciennes exploitations dites « kaolinières » (début du XXe siècle ?) (présentées dans la seconde partie de cette étude). Près du Maire et de la Ville Foucré, anciennes minières de fer latéritique (14) (infra).
Située à l’emplacement même des travaux antiques qui avaient atteint – comme on l’a vu – 18 mètres de profondeur, elle a nécessité le détournement de la route Nozay-Abbaretz. Au moment de l’arrêt des travaux, la carrière – « l’open-pit » – s’étendait sur plus de 800 mètres de long et 70 m de profondeur, en 7 niveaux. Par suite du pendage général des filons vers le Sud, l’approfondissement entraînait l’enlèvement de plus en plus considérable de couverture stérile. Les parties minéralisées (filons de quartz à cassitérite) étaient acheminées à l’usine de traitement (concassage et séparation gravimétrique) sur une bande transporteuse (photo 1). Après récupération de la cassitérite, les résidus de lavage étaient entreposés à proximité. Les parties stériles (schistes encaissants) étaient convoyées, également par bande transporteuse, sur le terril.
Si, à présent, le district stannifère d’Abbaretz-Nozay s’est assoupi, il n’en est pas moins vrai que les vestiges de l’activité passée sont encore bien visibles. Vers Beaulieu, l’ancienne tranchée gallo-romaine, envahie par la végétation, est toujours sensible dans le paysage ; le « fort » du Bé, entouré de douves, frappe avec force l’imagination. Les traces d’anciennes tranchées, progressivement aplanies et mises en culture se suivent à la surface des champs, par un sol blanchâtre dû à la surabondance des quartz et des schistes hydrothermalisés. Mais c’est surtout au Bois-Vert que les preuves d’une importante exploitation tournent à l’obsession. Du fait de l’imperméabilité des schistes, l’open-pit, entièrement noyé, forme un étang d’environ 900 mètres de long sur 200 mètres de large, et profond de plusieurs dizaines de mètres (photo 3). Le terril dessine, sur le pays plat, une protubérance conique de 70 m de haut tout à fait surprenante (photo 2). Son tonnage a été estimé (en 1984) à 3,2 millions de tonnes. Par suite des ravinements continus, dus aux pluies, sur des roches schisteuses extrêmement friables, la végétation – essentiellement des bouleaux – ne réussit pas à s’implanter sur les pentes, sauf sur le flanc est, à l’abri des vents de pluies. En fait, au Bois-Vert, on assiste à un double processus végétal, en sens inverse : les épandages ont partiellement détruit un bosquet de bouleaux, mais, actuellement, la même espèce tente la difficile conquête du terril.
Photo 1 - Vue partielle de l’open-pit du Bois-Vert. Au fond, cinquième niveau. Transport des stériles du minerai par bandes
Crédit photo : L. Chauris,1956
Photo 2 - Versant nord du terril du Bois-Vert : un paysage de « bad land
Crédit photo : L. Chauris, juin 1987
Photo 3 - Vue aérienne récente de l’ancien site d’exploitation du Bois-Vert
Crédit photo : IGN, 2013
Vers les années 1980, les sables (quartz, muscovite, tourmaline…) rejetés par la laverie, constituant un énorme dépôt, étaient exploités par l’entreprise de Travaux publics Sauvager. En 1986, le tonnage était estimé à 2 millions de tonnes, avec encore une teneur en cassitérite de 285 g/t, soit environ 570 tonnes !
Ainsi l’activité extractive dans le district stannifère de Nozay-Abbaretz s’est traduite sur l’environnement par l’apparition de deux reliefs néoformés : relief « en creux » (tranchées antiques, open-pit du Bois-Vert, aujourd’hui noyé) ; relief « en bosse » (talus de chaque côté des tranchées antiques, terril des stériles du Bois-Vert, résidus de la laverie). Et il n’est pas jusqu’à l’implantation humaine déjà sensible dans le passé (« fort » du Bé) qui ne se manifeste au XXe siècle par l’établissement du village de mineurs (cité Hector Pétin), à proximité même du bourg d’Abbaretz.
Exploitations de fer d’origine latéritique
Les minerais de fer ont été très tôt et longtemps exploités, soit à ciel ouvert dans des « minières », soit en profondeur dans des mines sensu stricto ; seule la première modalité est, évidemment, examinée ici.
De précieuses informations sur ces minières ont été publiées par L. Davy en 1911. Les principaux gîtes sont des cuirasses latéritiques dont la genèse remonte à l’époque tertiaire lorsque régnait un climat de type tropical. Les cuirasses, dont l’épaisseur atteint plusieurs mètres, sont essentiellement composées d’hydroxyde de fer, du type limonite, massive, marron foncé à noir, indurée et compacte, mais également quelquefois terreuse, brun sombre à ocre, parfois d’hématite (oxyde de fer), surmontant toujours des argiles d’altération (kaolinite et illite).
District de Rougé
Dès l’abord, le nom même de la commune – « Rougé » – souligne l’importance des occurrences, confirmée par le lieu-dit « la Minière » situé au nord du bourg. Selon L. Davy (1911), « la surface occupée par le minerai superficiel a une longueur d’environ 700 m et une largeur de 400 m », soit environ près de 30 hectares. Le sol est de « toutes part bouleversé par les exploitations irrégulières qui se sont succédées les unes aux autres depuis les temps les plus reculés ». Le minerai est constitué par une « limonite compacte, d’un brun foncé un peu violet et repose sur de l’argile d’épaisseur inconnue ». La teneur en fer est de 49,6 % ; localement la teneur en silice augmente et ces zones délaissées forment « des îlots irréguliers au milieu du sol abaissé des parties exploitées ». Vers la fin du XXe siècle, lors de notre passage à Rougé en juin 19872, le minerai extrait, au moins en partie des minières ouvertes dans le département d’Ille-et-Vilaine tout proche (le Fretay en Teillay), n’était plus utilisé pour la sidérurgie mais pour des applications tout à fait originales : d’une part pour des bétons anti-radiations ; d’autre part, en poudre très fine pour l’alimentation du bétail. La plus grande activité au Rougé se situe vers les années 1960-1970, avec jusqu’à 300 000 tonnes/an pour la sidérurgie ; le site occupait alors environ 150 personnes ; en 1987, avec les nouvelles utilisations (béton, poudre), seulement 14. Près de l’usine (1987), les anciennes minières avaient été transformées en énormes bassins de décantation, déjà envahis par la végétation, effaçant les vestiges de l’extraction. De même, le terril où étaient accumulés les blocs siliceux avait disparu, les pierres étant concassées pour l’empierrement des routes…
Aux environs de Nozay
Des vestiges de sites d’extraction ont été reconnus à la Brianderie, au Launay, au Tertre, à la Ville Ville, à la Ville Foucré et au Maire. Les excavations sont plus ou moins comblées, mais se marquent encore dans la topographie par des ondulations de terrain parsemées de fragments minéralisés.
- À la Brianderie, le minerai à forte teneur en fer (56 %), présentait une épaisseur variable selon les points, et reposait sur une argile légèrement rougeâtre. Dans les champs, on trouve encore aujourd’hui deux légères dépressions et, à proximité, des blocs minéralisés.
- Au Launay, sous la terre végétale et une argile sableuse superficielle de plus d’un mètre d’épaisseur, apparaissait le minerai, sur environ 5 m, reposant sur une couche argileuse dérivant de l’intense altération météorique des schistes sous-jacents. La couche ferrifère – à 46,5 % de teneur en fer – était partout brisée subverticalement, les fissures remplies d’argile.
- Dans la minière du Tertre, l’épaisseur de la couche ferrifère était de 4 m, avec une teneur en fer de 42,9 %. D’autres occurrences sont connues à la Ville Ville ; au lieu-dit la Ferrière en Nozay, traces de travaux avec scories. En fait, un peu partout à l’ouest de Nozay, des fouilles avaient été entreprises dans le passé ; selon L. Davy (1911), leur nombre est supérieur à 200 !
- À l’est de Nozay, près du Maire et de la Ville Foucré, L. Davy (1911) a également reconnu les traces d’anciens travaux. Les recherches entreprises au Maire par l’ingénieur ont montré, sous la terre végétale et les remblais anciens, un minerai disséminé au milieu d’une argile, puis un minerai massif sur environ 3,5 m, s’arrêtant sur l’argile horizontale d’épaisseur inconnue ; localement, la masse minéralisée est fissurée et colmatée par de l’argile, comme au Launay.
- À l’est-nord-est d’Abbaretz, le Houx. Au lieu-dit le Houx, de part et d’autre de la route de Nort à Issé, se trouvent deux centres d’extraction, le plus important étant situé à l’est. L. Davy (1911) a donné une description précise de la coupe : terre végétale contenant déjà des fragments de limonite ; argile jaune, puis colorée en brun, sur environ 1,5 m ; les rognons arrondis de minerai enveloppés sont « d’abord arrondis et disséminés ; à mesure que l’on descend, ils deviennent plus gros et plus nombreux et finissent par constituer un banc continu […] stratiforme dont chaque lit est séparé du suivant par une mise argileuse très mince. Cette masse a parfois 3 m de puissance ; elle repose toujours sur une épaisseur indéterminée d’argile blanche, et celle-ci s’élève en filons irréguliers toujours verticaux au milieu de la masse […] horizontale ». Lors de notre passage en 1987, il ne subsistait plus que de nombreuses excavations envahies par une végétation arborescente avec des échantillons de minerai épars sur le sol.
Au total, les anciennes minières exploitant le fer latéritique se signalent encore aujourd’hui de plusieurs manières. Sur place : par la toponymie (la Ferrière, la Minière, les Roches Rouges, Rougé) ; par la morphologie (excavations envahies par la végétation, plus ou moins comblées et ne se révélant que par de légères dépressions à la surface du sol) ; par la pétrographie (présence, dans les champs rendus à la culture, de fragments de minerais ; à la bordure des parcelles, des blocs siliceux remisés dans l’attente d’un concassage pour l’empierrement des chemins) ; à des distances parfois éloignées, les vestiges des anciennes forges…
Anciennes carrières de granite
Au sein du Massif armoricain, contrairement aux départements de la Bretagne administrative, la Loire-Atlantique est un département où les massifs granitiques sont à la fois les moins étendus et les moins variés sous l’angle lithologique. Ils appartiennent essentiellement à l’immense batholite leucogranitique3 sud-armoricain. La ceinture septentrionale de ce batholite s’ennoie vers l’est, et n’affleure pas en Loire-Atlantique. La ceinture médiane, qui se ramifie vers l’est en plusieurs branches, tend à s’ennoyer selon la même direction : le pluton d’Allaire (affleurant dans le Morbihan) ne réapparaît qu’en un petit pointement allongé à Nozay ; le granite de Savenay ne forme qu’une étroite lame d’où s’échappent, vers l’est, le pluton de Vigneux-Orvault et le lobe de Nantes, avant de s’élargir au sud-est de cette ville en direction de Clisson. La ceinture méridionale forme le pluton de Guérande ; le rattachement à cette ceinture de quelques autres petits plutons (le Croisic, Lavau, Prinquiau, Frossay…) est probable ; dans d’autres cas (Batz), il est incertain. Le pointement de Mésanger n’est pas relié au batholite sud-armoricain (fig. 3).
Sous l’angle de leur exploitation, ces massifs granitiques offrent de fortes divergences. Les uns, comme Nozay, le Croisic, Prinquiau…, ont essentiellement fait l’objet d’extraction pour les besoins locaux et n’ont connu aucune célébrité. Les autres – et ce sont eux qui retiendront notre attention – ont été exploités en grand, parfois même dès le Moyen-Âge (Orvault), surtout dans la seconde moitié du XIXe siècle, lors de l’expansion des Travaux publics, et encore au début du XXe siècle. Aujourd’hui les carrières, parfois très profondes, ont cessé leur activité.
Dès l’abord, se pose la question de savoir pourquoi plusieurs de ces granites – pourtant d’excellente qualité – n’ont pas encore été plus exploités. Sans aucun doute, l’une des raisons majeures de cette désaffection relative est à rechercher dans la concurrence des calcaires pour la pierre de taille. Cette partie de la Bretagne pouvait être alimentée par voie d’eau en pierres calcaires distales plus faciles à façonner que les durs granites proximaux. Ainsi appel a été fait au tuffeau du Val de Loire, acheminé par le fleuve ; mais le tuffeau s’avère sensible aux impacts météoriques, si bien que les demeures l’ayant utilisé sont fréquemment dans un état dégradé. Appel a été fait aussi aux calcaires charentais, plus résistants, tels la pierre de Crazannes et la pierre de Saint-Savinien. Une deuxième raison est due à l’impact des beaux granites voisins, tel celui d’Allaire. Une troisième cause est à recherche dans l’exploitation d’autres roches locales pouvant éventuellement livrer aussi de bonnes pierres de taille, comme les roussards. Enfin, diverses roches locales – et en particulier schistes et grès dans le nord du département ; micaschistes à Nantes, gneiss à Saint-Nazaire… – procuraient des moellons avec abondance, restreignant par là même l’emploi des granites (deuxième partie de l’article).
Le lobe granitique nantais, éventré
Nantes s’étend sur des micaschistes et, à l’Ouest, sur l’affleurement d’un pluton granitique en forme de lobe. Les énormes besoins de la cité sans cesse en expansion ont conduit pendant des siècles à l’intense exploitation de ce granite. Si deux sites méritent une mention spéciale – Miséri en bordure même de la Loire, la Contrie, sur les hauteurs – de nombreuses autres carrières étaient également ouvertes dans le leucogranite. Par suite des progrès de l’urbanisation, les excavations sont abandonnées, voire entièrement comblées ; les impressionnants fronts de taille de Miséri témoignent encore de l’ampleur des extractions.
- Miséri. Cette immense carrière est divisée en deux parties : une zone orientale, la plus importante, atteignant au maximum 230 m de long sur 140 m de large, longtemps occupée, après son abandon, par les bâtiments des Brasseries de la Meuse, à présent disparus, et ultérieurement, dans sa partie est, par l’immeuble abritant le Service maritime de Navigation de Nantes ; une zone occidentale, moins développée, sur environ 120 m de long et 40 m de large, avec présence, en avant du front de taille, d’un chicot rocheux résiduel (fig. 4A). Les fronts de taille, de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, qui ont éventré le coteau de Sainte-Anne, restent toujours visibles, malgré l’emprise envahissante de la végétation (photo 4). De nombreux documents attestent l’importance passée du site et son rôle de premier plan dans les constructions nantaises au moins depuis la fin du Moyen-Age (XVe siècle) (Leguay, 1980 ; Priou, 1827)4. La toponymie a conservé, directement ou indirectement, le souvenir des exploitations de Miséri : « rue des Perrières », « rue de la Pierre Nantaise », « rue des Garennes », « place des Garennes », « chemin des Rochers »… La « rue de la Hautière » rappelle le nom des seigneurs du lieu. L’escalier monumental menant jusqu’à la butte Sainte-Anne atteste, de son côté, l’ampleur du dénivelé à proximité de la carrière.
- La Contrie et ses abords. L’ancien village de la Contrie se situait sur une butte dont l’accès s’effectuait par la « rue Monte-au-Ciel ». Ici aussi, l’extraction du granite remonte à une époque reculée (Caraes, 2000 ; Orleau, 1954). Il semble toutefois que ce ne soit qu’au début de la seconde moitié du XIXe siècle seulement que les carrières de la Contrie aient pris un véritable essor industriel avec la Société d’exploitation des granites de Nantes. La proximité des habitations rendait les extractions dangereuses ; le fermier des Dervallières assure « avoir reçu, dans sa cour et dans son jardin, des pierres grosses comme la tête qui faillirent tuer ses enfants et ses animaux » (Caraes, 2000). En 1937, le compte rendu d’une excursion5 permet de mesurer l’ampleur du site de la Contrie : « Nous contemplons l’impressionnante carrière, véritable gouffre à parois à pic, d’une longueur de 200 mètres. Sa profondeur [est] de 55 mètres ». Situées dans un terroir aujourd’hui totalement urbanisé, les carrières ont disparu. La carrière de la Contrie a commencé à être comblée avec les déblais des bombardements de Nantes durant la dernière guerre. Mais le site, aujourd’hui loti, reste encore vivant dans la mémoire des riverains (fig. 4B).
Figure 4 - Les carrières de granite à Nantes.
A. Carrière de Miséri et ses abords. B. Secteur de la Contrie. Les anciennes carrières sont figurées, parfois à titre collectif, par une étoile. Quelques carrières n’ont pu être localisées.
Le massif de Vigneux-Orvault, creusé de nombreuses perrières
Ce pluton allongé d’ouest en est constitue un des lobes se détachant, vers l’est, sur le flanc septentrional de l’immense bande leucogranitique pointe du Raz-Nantes. Traditionnellement, la dénomination de « Vigneux » se rapporte à la masse principale du pluton, tandis que l’appellation « Orvault » est réservée à son apophyse méridionale en bordure du Cens.
L’étude des sites d’extraction du district d’Orvault présente quelques difficultés dues à l’ancienneté de plusieurs d’entre eux, depuis longtemps abandonnés. Les progrès de l’urbanisation sont tels qu’il s’avère souvent illusoire de rechercher les traces d’excavation sur le terrain. Ce handicap est toutefois atténué par le dépouillement des archives et des publications qui évoquent les lieux-dits où se situaient les perrières. La mise en évidence d’un dallage de granite sur le passage de la voie romaine traversant Orvault indique que l’extraction du granite local remonte à l’Antiquité. Vers la fin du Moyen-Âge, la célébrité du granite d’Orvault était telle que les « Orvaulx » désignaient cette variété de « grison » – nom donné alors ici au granite – très recherchée (Leguay, 1985). Une pièce d’archives est particulièrement intéressante : le 10 décembre 1383, le recteur d’Orvault reçoit pavement « pro perreria […] pro Ecclesia Nannetensi » (Guillouët, 1996).
La principale carrière d’Orvault dite de la Grée, ouverte à proximité même du bourg, a été exploitée jusqu’à la guerre de 1914. À l’arrêt des travaux, elle formait un entonnoir d’une trentaine de mètres de profondeur. Sur une carte postale, on aperçoit, à droite, la rampe d’accès permettant la remontée, sur traîneau, des gros blocs ; les tailleurs de pierre travaillaient dans un hangar ouvert, visible à gauche. Un peu avant la fin de l’exploitation œuvraient ici 24 hommes, dont 14 tailleurs de pierre, 8 manœuvres, un roulier et un forgeron. Plusieurs ouvriers portaient un surnom familier : « Petit Blond, Pacaille, Pangrenouille, Bobinette ». La municipalité d’Orvault reprendra ces surnoms pour dénommer les salles de la « Maison de la Carrière », implantée après comblement de l’excavation, entrepris à partir de 1968. Ledit comblement presque total – seuls quelques rares vestiges de la partie supérieure du front de taille sont encore visibles – a permis l’édification, dans un cadre verdoyant, d’un ensemble à caractère culturel dont le nom évoque le célèbre site d’extraction6.
Dans le massif de Vigneux, beaucoup plus étendu que celui d’Orvault, les carrières se répartissent en deux ensembles. Le premier, à quelques kilomètres au sud-est de Vigneux, de loin le plus important, se situe vers la partie centrale du massif. Les carrières de la Faverie du Buron sont depuis longtemps abandonnées ; le site est aménagé en un remarquable lotissement résidentiel. La carrière de Bellevue, au milieu du bois, est noyée. Plus récemment abandonnée, la carrière de la Choutière est transformée en décharge (blocs de béton, parpaings, végétaux) ; la partie sommitale du front de taille présente une structure en dalles subhorizontales qui fournissaient ainsi de beaux moellons (photo 5). Les carrières de la Coulée sont envahies par la végétation. La toponymie reflète la présence des affleurements granitiques : « la Roche », « Rochettes », « les Roches ». Le second ensemble, à quelques kilomètres à l’est de Vigneux7, est localisé vers la bordure septentrionale du pluton et comprend les carrières de la Bouvardière et de la Blenetière, cette dernière totalement envahie par la végétation.
Photo 5 - L’ancienne carrière de la Choutière exploitait le granite de Vigneux
Crédit photo : L. Chauris, 2002
Les granites fins, réputés, du massif de Guérande
Dans le massif granitique de Guérande, d’importantes carrières, aujourd’hui abandonnées, étaient fort actives dans le passé, tant pour la pierre de taille que, plus récemment, pour le granulat ; dans les secteurs de Clis et de Trescalan, elles livraient un faciès à grain fin particulièrement estimé.
- Aux environs de Clis, les extractions sont certainement anciennes ; partout, la toponymie rappelle les exploitations. Non seulement un hameau s’appelle « les Perrières », mais ledit toponyme est ici omniprésent : « chemin des Perrières », « place des Perrières », « salle des Perrières » ; le « chemin de la Forge » évoque le traitement des outils utilisés par les carriers. Plusieurs grandes excavations, entièrement noyées, éventrent le sous-sol ; lorsque baisse le niveau de l’eau, une rampe descendant vers le fond d’une des carrières est encore visible. D’après les habitants, la profondeur était de l’ordre d’une dizaine de mètres. Une carte postale ancienne montre un chantier de taille sur un terre-plein, à proximité d’une carrière ; un wagonnet facilitait le déplacement des blocs, fendus dans la masse puis débités en éléments soigneusement équarris.
- L’immense carrière de Bréhet est située dans le secteur de Trescalan. L’excavation, qui dépasse 25 m de profondeur, s’étend sur environ 300 m du nord au sud et approximativement 150 m dans sa plus grande largeur. La carrière, qui a cessé son activité voici quelque dizaines d’années, livrait essentiellement des granulats, mais il est évident que, dans le passé, le site avait aussi fourni moellons et pierres de taille. Le fond de la carrière est situé au-dessous du niveau de la mer – plus précisément des marais salants voisins. À proximité de l’excavation de Bréhet existaient d’autres carrières, de moindre importance, abandonnées et partiellement remblayées.
Le granite de Lavau, en bordure des marais
Parmi les districts granitiques exploités en Loire-Atlantique, celui de Lavau se distingue par plusieurs singularités. En premier lieu, par sa position géographique, émergeant à peine à la bordure des alluvions de l’immense estuaire de la Loire, s’écartant ainsi des autres affleurements granitiques souvent, ailleurs, nettement en relief. Toutefois, malgré cette minime différence d’altitude, la présence des granites se marque par des ajoncs – en contraste avec la flore des zones humides environnantes – qui a d’ailleurs valu au site le toponyme de la Garenne. En second lieu, par la quasi-juxtaposition des excavations et leur grande dimension ; du sud-est au nord-ouest se succèdent, sur 850 m environ, une première carrière, la plus importante (260 m de long sur une largeur maximale de 110 m) ; une carrière médiane (respectivement 220 m sur 100 m) ; une carrière septentrionale, moins étendue (110 m sur 60 m). Les deux premières carrières sont presque contigües ; la deuxième et la troisième sont distantes d’environ 250 m et séparées par un léger relief. Toutes ces excavations sont entièrement noyées ; les infiltrations des zones humides qui les cernent ont joué ici un rôle essentiel, l’exhaure devait sans doute poser des problèmes. Si l’on met à part le lieu-dit la Garenne, plus au nord apparaissent seulement quelques habitats dont les toponymes (la Fontaine, la Rivière du Pré) attestent aussi l’emprise omniprésente de l’eau (Chauris, 2009).
Quels motifs ont conduit à des exploitations aussi importantes ? Aux qualités intrinsèques du granite (agréable nuance, bonne résistance à l’écrasement…) et des carrières (faiblesse du découvert, puissance des assises), se sont adjointes la rareté des granites dans ce secteur de la Basse-Loire et surtout la possibilité d’acheminer la production par eau, les carrières étant ouvertes à quelques centaines de mètres seulement du fleuve. À ces circonstances naturelles et commerciales favorables, il faut ajouter encore une autre cause, peut-être primordiale, la proximité de Saint-Nazaire dont les infrastructures allaient nécessiter d’énormes volumes de granites (Nolla et Sicard, 1984).
Un dernier point mérite encore d’être souligné : le réaménagement tout à fait remarquable du site de la Garenne, spécialement de la carrière médiane, connue sous le nom de « Trou bleu », avec établissement d’une zone de loisirs. Ici, la métamorphose du site est si complète que si l’ancienne destination des lieux – dont témoigne à Lavau la « rue des Carrières » – était ignorée, on pourrait croire à l’existence d’étangs naturels ! Est-il meilleur compliment pour une remise en état d’un site qui eut, naguère un grand impact industriel8.
Le granite de Batz-sur-Mer, en bordure de l’Océan
Située dans la presqu’île du Croisic, cette roche à grain fin, grisâtre, affleure sous forme d’un petit massif, ne dépassant guère deux kilomètres dans sa plus grande extension. En dépit de ses faibles dimensions, le granite de Batz, du fait de son aptitude au façonnement et de sa position littorale, a été l’objet, dans le passé, d’une intense exploitation, tant à l’intérieur des terres – où nous avons dénombré une douzaine de carrières, à présent noyées ou comblées – que sur la côte où les chantiers sont également très nombreux (fig. 5).
Si les carrières ouvertes dans les terres n’offrent pas de particularités originales – si ce n’est leur étonnante densité – il en est tout autrement sur le littoral. Selon les points, les modalités d’exploitation suivantes ont été observées : partie haute de l’estran, parsemée de mares anguleuses marquant l’emplacement des blocs excavés ; extractions à la fois sur l’estran et, au-delà d’un mur de protection, vers l’intérieur ; falaise largement éventrée au-dessus de l’estran ; carrière ouverte un peu en arrière de la falaise proprement dite… L’ensemble le plus impressionnant est situé à l’est du « Petit Casse-Cailloux » ; ici tout le platier était un chantier d’extraction ; un peu en arrière s’ouvrait une vaste carrière, au front de taille subvertical, dont le fond est aujourd’hui occupé par une plage ; la carrière communique avec le large par une sorte de goulet artificiel (photo 6)… Les témoignages des extractions sont matérialisés par des trous pour l’emplacement des coins (verticaux ou horizontaux9) (photo 7), plus fréquemment par les trous de perforations à la barre à mine, plus encore par la morphologie nettement anthropique du rivage (mares aux contours géométriques, gradins abrupts des fronts de taille…), ainsi que par l’aspect très sain de la roche attaquée en profondeur. Les exploitations, qui remontent à plusieurs siècles comme le prouvent de vieilles demeures des environs, semblent avoir été particulièrement actives au XIXe siècle. Selon la tradition, les extractions ont pu pallier l’inactivité des paludiers lors des mauvaises saisons de récolte du sel. La date de l’arrêt des extractions ne nous est pas connue. On notera toutefois que la gare de La Baule-Escoublac, édifiée vers les années 1920, a fait appel au lointain granite de Huelgoat (Finistère) et non au granite de Batz, tout proche…
Photo 7 - Sur la côte de Batz, tentative d’extraction par la méthode des trous alignés pour l’emplacement des coins
Crédit photo : L. Chauris, mai 2011
Autres granites, disséminés
Dans le passé, d’autres granites ont été extraits dans de petites carrières, essentiellement pour les besoins locaux (fig. 3) Près de Guérande, en sus des secteurs de Trescalan et de Clis. À l’ouest de Nozay, une réapparition orientale du prolongement en profondeur du granite d’Allaire (Morbihan) à la carrière du Houx. Au Croisic, un leucogranite en feuillets, à gros grain et à muscovite abondante lui conférant un aspect original (menhir de la Pierre Longue, escarpe de la batterie de la Barrière). À Piriac, extraction du granite près du Tombeau d’Almanzor, ainsi que l’atteste une série de trous alignés pour l’emplacement des coins destinés à la fente. Au sud de l’estuaire de la Loire à Frossay, le granite, exploité dans la carrière de la Roche fournissait, selon le Répertoire de 1889, une pierre analogue à celle de Lavau ; toujours à Frossay, Baret (1898) cite la carrière de l’Andouillé. Extraction de granite également à Prinquiau et à Clisson.
Le petit pointement de Mésanger, intrusif dans le bassin d’Ancenis, mérite une mention spéciale du fait de son originalité liée à une mise en place hypovolcanique (carrière abandonnée du Moulin de Saint-Père et de la Queteraie). Son intrusion a été suivie par l’injection de nombreux filons microgranitiques présentant des faciès porphyriques (carrière de la Ferlaudrie) ou aphanitiques (carrière de Saint-Géréon)10.
À suivre…