Mise en œuvre du modèle agro-hydrologique SWAT sur la partie amont du bassin versant du Loch : vers une modélisation du transfert des nutriments

Résumé

Depuis plusieurs années, les acteurs du bassin versant de la rivière d’Auray sont confrontés à des problèmes récurrents de dégradation de la qualité des eaux du Loc’h. Plusieurs études ont montré que cette médiocre qualité est en grande partie imputable aux pollutions agricoles diffuses. L’objectif de ce travail est d’évaluer la faisabilité d’une modélisation agro-hydrologique de ce bassin versant afin de quantifier les phénomènes de pollution diffuse, d’apprécier leurs origines ainsi que leur distribution spatiale. Cette démarche a pour finalité d’aboutir à la constitution d’un outil opérationnel d’aide à la décision proposant des secteurs d’intervention prioritaires pour les actions de restauration de la qualité des eaux.

Index

Mots-clés

hydrologie, modélisation, pollution diffuse, bassin versant, SWAT, Morbihan

Plan

Texte

Cette étude s’inscrit dans la continuité des travaux qui sont menés depuis 2005 entre l’Institut de Géographie et d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes et le Syndicat Mixte du Loc’h et du Sal. Ce dernier, dont la principale mission est de reconquérir la qualité de l’eau en vue de l’alimentation en eau potable, dispose d’une large base de données issue des différentes actions entreprises depuis sa création en 1996 (contrats de bassin, contrat de restauration et d’entretien du cours d’eau, programme Bretagne Eau Pure, mise en place d’un Système d’Information Géographique). La finalité de cette démarche est d’aboutir à la modélisation des conditions météorologiques, agronomiques et pédologiques du bassin versant afin d’appréhender la pollution agricole diffuse dans sa globalité et surtout d’identifier des secteurs d’intervention prioritaires pour les actions de lutte contre la dégradation de la qualité des eaux.

Après la réalisation d’une étude préalable à la modélisation, dont le but était de caractériser l’activité agricole à l’échelle des bassins versants du Loc’h et du Sal à travers la spatialisation des données du Recensement Général Agricole, nous avons choisi d’évaluer la faisabilité de la mise en œuvre d’une modélisation des transferts de pollution sur les bassins versants du Loc’h et du Sal, compte tenu des données disponibles. Pour ce faire, nous avons choisi d’utiliser le modèle agro-hydrologique Soil and Water Assessment Tool (SWAT) développé par l’Agricultural Research Service de l’United State Department of Agriculture.

Afin de réaliser cette étude de faisabilité, et avant d’envisager une modélisation à l’échelle de l’ensemble des bassins versants du Loc’h et du Sal, il nous a paru judicieux d’appliquer le modèle sur un site restreint lors d’une année hydrologique afin, d’une part, de limiter la charge de travail, et, d’autre part, de pouvoir apporter d’éventuelles modifications avant d’étendre la zone d’étude. De même, nous nous sommes, dans un premier temps, concentrés sur la partie hydrologique du modèle. Ainsi, nous n’avons pas inclu les données relatives aux pratiques nécessaires à l’évaluation des transferts de nutriments réalisée dans une simulation complète qui intègre les paramètres physico-chimiques. L’intégration de ces pratiques est depuis en cours de réalisation dans le cadre d’une thèse effectuée au sein du laboratoire Géolittomer de l’UMR CNRS 6554 - LETG.

1. Contexte

Description de la zone d’étude

Présentation des bassins versants du Loc’h et du Sal

Situés dans le département du Morbihan, le Loc’h et le Sal constituent deux des principaux cours d’eau alimentant le golfe du Morbihan (fig. 1). Ils se jettent tous les deux dans la rivière d’Auray. Les bassins versants de ces deux cours d’eau s’étendent sur environ 350 km2 et regroupent environ 42 000 habitants répartis sur 24 communes.

Figure 1 : Bassins versants du Loc’h et du Sal

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Ce territoire est tourné vers par une polyculture associée à un élevage laitier et des élevages porcins et avicoles intensifs hors-sol. Ce dernier aspect explique que trois des six cantons qui se trouvent sur le bassin versant sont classés en Zone d’Excédent Structurel (ZES) au niveau de l’azote (>170 kg/ha potentiellement épandable).

Ce contexte agricole d’excédent en azote organique se répercute inévitablement sur la qualité des eaux du bassin versant. En effet, malgré les démarches engagées sur le bassin versant, qui ont permis d’améliorer la situation de façon notable, les concentrations en nitrates restent assez élevées. Sur la période 1996-2004, la concentration moyenne observée à la station du Pont de Brech était de 30,5 mg/l (Lecointe et Viaud, 2005). Et bien que 99 % des prélèvements effectués sur cette période présentaient une concentration inférieure à 50 mg/l (limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine), seul un tiers se trouvait en deçà de 25 mg/l (valeur guide de l’OMS reprise par l’Union Européenne). De même, la DIREN Bretagne a estimé dans son rapport final d’évaluation du programme Bretagne Eau Pure (ISL et OREADE-BRECHE, 2006) que le Loc’h, avec un flux spécifique de nitrates de 36 kg/ha/an, se trouvait dans un état de dégradation moyen.

En ce qui concerne le phosphore, les concentrations observées à l’exutoire du bassin sont inférieures au seuil règlementaire de 0,7 mg/l. Néanmoins, le protocole de suivi actuel à pas de temps fixe ne permet pas d’appréhender les flux de phosphore dans leur globalité : les transferts sous forme particulaire lors d’épisodes de crue provenant de sources diffuses ne sont pas ou peu pris en compte. De plus, les problèmes d’eutrophisation et de « blooms algaux » que l’on rencontre en tête de bassin semblent indiquer un déséquilibre résultant d’un apport excessif de phosphates.

Les produits phytosanitaires représentent aussi une des causes de dégradation des eaux du Loc’h et du Sal. En effet, 15 % des prélèvements montrent une concentration supérieure à 0,5 µg/l, toutes molécules confondues (norme en vigueur). De plus, des molécules comme l’Isoproturon, le Diuron, l’Atrazine ou le Glyphosate ont été détectées à des concentrations bien supérieures à la norme (0,1 µg/l pour chaque substance active).

Enfin, l’état des lieux du bassin Loire-Bretagne réalisé en 2004 (Agence de l’eau Loire-Bretagne, 2004) a conclu que 46 % des masses d’eau du bassin versant du Loc’h et du Sal devront faire l’objet de délais et d’actions supplémentaires pour se conformer à la Directive Cadre sur l’Eau qui vise un « bon état écologique » des eaux souterraines, superficielles et côtières européennes pour 2015.

La reconquête de la qualité des eaux du Loc’h et du Sal représente donc un enjeu majeur pour les acteurs du bassin versant. Cette reconquête est d’autant plus essentielle que les deux réserves d’eau potable du bassin représentent environ 20 % de la production du Morbihan et alimentent un secteur à forte vocation touristique (Auray, Quiberon, Vannes…).

Par ailleurs, la rivière d’Auray, où se déversent les eaux des deux cours d’eau, constitue la principale rivière à alimenter le golfe du Morbihan. La médiocre qualité des eaux du Loc’h et du Sal menace donc, à terme, les richesses liées au patrimoine et aux usages du secteur (tourisme, conchyliculture…). Enfin, neuf communes situées à l’aval du bassin versant sont associées au projet de création du Parc Naturel Régional du golfe du Morbihan.

Choix du sous bassin versant expérimental

Après réflexion, nous avons choisi d’étudier la tête de bassin du Loc’h (fig. 2). Ce choix a été motivé, d’une part, par les constatations de l’étude du contexte agricole des bassins, dont les conclusions ont désigné ce secteur comme le principal contributeur à la dégradation de la qualité des eaux (principales aires d’élevage et d’épandage).

Figure 2 : Bassin versant expérimental, section amont du Loc’h

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D’autre part, nous avons opté pour cette section afin de répondre au mieux aux nouvelles préoccupations du Syndicat Mixte. En effet, depuis plusieurs années, l’étang de la forêt, retenue située sur la section amont du Loc’h et classée à l’inventaire ZNIEFF (présence de la loutre d’Europe), est confronté à d’importantes proliférations de cyanobactéries qui entravent les activités nautiques et récréatives qui s’y déroulent. Ces proliférations cyanobactériennes récurrentes constituent un problème sanitaire préoccupant du fait, notamment, de la production de toxines par certaines espèces (Brient, 2005). De plus, cette retenue artificielle subit un envasement inquiétant.

À la lumière de ces divers éléments, nous avons donc décidé de tester la faisabilité de la mise en œuvre du modèle agro-hydrologique SWAT, sur le Loc’h et le Sal, en prenant comme site d’expérimentation le bassin versant de l’étang de la forêt.

Ce bassin versant pilote, qui s’étend sur environ 7 800 ha, regroupe 4 700 habitants dispersés sur huit communes. Ce secteur présente les densités d’élevages les plus importantes du bassin versant du Loc’h. Ce dernier aspect explique que l’intégralité du bassin versant pilote soit classée en ZES au niveau de l’azote.

Modèle agro-hydrologique SWAT

Caractéristiques du modèle SWAT

SWAT est un modèle conceptuel à base physique distribué qui permet de simuler des bassins versants pouvant atteindre plusieurs milliers de km avec un pas de temps journalier. Ce modèle agro-hydrologique intègre le modèle SCSCN (Soil Conservation Service Curve Number) pour la partie hydrologique (Neitsch et al., 2002). L’objectif de ce modèle est de simuler l’impact des aménagements sur l’eau, les sédiments et la qualité (nutriments et pesticides) sur les bassins versants non jaugés (Payraudeau, 2002). SWAT a, par ailleurs, été validé sur de nombreux bassins versants dans le monde (Michaud et al., 2006).

Ce modèle est téléchargeable gratuitement sur Internet et son code source est ouvert, ce qui constitue un atout non négligeable dans la perspective d’adaptation au contexte breton. La version de SWAT qui a été utilisée pour ce travail est couplée au logiciel SIG ArcView 3.2. Ce couplage a un double intérêt. En effet, l’utilisation d’un SIG permet à la fois de faciliter le prétraitement des données à intégrer au modèle, mais aussi de visualiser les résultats de la simulation.

La structure hydrologique du modèle SWAT reproduit le cycle de l’eau de manière simplifiée. La modélisation hydrologique s’effectue en deux temps. La phase hydrologique simule le ruissellement ainsi que l’exportation des sédiments et des éléments nutritifs vers le cours d’eau. La phase de transport en rivière caractérise, quant à elle, les transformations de ces éléments dans le réseau hydrographique du bassin jusqu’à son exutoire. Par ailleurs, SWAT permet de modéliser les phénomènes hydrologiques dans les lacs, les retenues et les zones humides (Bioteau et al., 2002).

Les processus actifs dans le sol simulés sont l’infiltration, l’évapotranspiration, le prélèvement par les végétaux, l’écoulement latéral et l’écoulement vers les horizons inférieurs (Levesque, 2003). Pour ce qui est de l’érosion hydrique, cette dernière est estimée avec l’équation universelle de perte de sol.

Afin de prendre en compte l’hétérogénéité du milieu, SWAT procède à un découpage de la zone d’étude en unités spatiales homogènes. Ces dernières, appelées HRU (Unités de Réponse Hydrologique), forment l’unité de base pour les calculs effectués par le modèle. Cette discrétisation spatiale en sous unités est le résultat de l’intersection des limites de sous bassins versants, avec les types de sol, et les différentes classes d’occupation. Une HRU est donc la combinaison d’un type de sol, d’un usage et d’un sous bassin versant. Chaque unité aura ainsi un comportement hydrologique propre et homogène. Lors d’une simulation, les flux sont estimés journalièrement pour chaque HRU. Ils sont ensuite sommés par sous bassin versant pour fournir une valeur globale à l’exutoire des différents bassins.

La mise en œuvre de SWAT requiert une centaine de fichiers afin de caractériser le site d’étude. Les données nécessaires à la modélisation peuvent être classées en différents types. Il faut tout d’abord renseigner la topographie du secteur (Modèle Numérique de Terrain (MNT), réseau hydrographique), la pédologie, l’occupation du sol, localiser les stations d’épuration (emplacements et rejets) et les stations hydrologiques (emplacements, débits, et suivis qualité des eaux). De même, il faut intégrer les données météorologiques journalières (précipitations, températures minimales et maximales, humidité relative, rayonnement solaire et vitesse du vent). Enfin, la partie agronomique du modèle nécessite de renseigner différents paramètres (dates des semis et des récoltes, apports de nutriments, travail du sol et rotations culturales).

Étapes de mise en œuvre du modèle

La mise en œuvre du modèle agro-hydrologique SWAT s’effectue en six étapes (Di Luzio et al., 2002) :

  • La délimitation des sous bassins versants. C’est lors de cette étape que le MNT est corrigé (suppression des anomalies de drainage) et que le réseau hydrographique est extrait.
  • La définition des HRU. Cette phase consiste à combiner les sous bassins versants, déterminés lors de l’étape précédente, avec la pédologie et les données d’occupation du sol.
  • L’édition des données en entrée tels que les paramètres météorologiques (pluviométrie, températures minimum et maximum, rayonnement solaire, humidité relative, vitesse du vent et localisation des stations) ou les coefficients d’évaporation. Il est aussi nécessaire de constituer des scénarios afin de caractériser les pratiques agricoles et urbaines.
  • L’exécution du modèle. Lors du lancement de la simulation, SWAT permet de choisir différentes méthodes de calcul de l’évaporation, le pas de temps de simulation (journalier, mensuel ou annuel) ou même la prise en compte des capacités d’épuration des zones humides.
  • La calibration du modèle. Cette étape, destinée à valider la simulation, consiste à ajuster certains paramètres de calcul afin d’obtenir une meilleure corrélation entre les données observées et les données simulées par le modèle. Les paramètres à réajuster sont notamment les pratiques agricoles, les coefficients de ruissellement, de percolation de l’azote et d’évaporation, le débit d’étiage, la largeur et la profondeur moyenne des cours d’eau, et les effets de la nappe saturée (Lomakine, 2005).
  • L’analyse des résultats de la simulation à l’aide de cartes et de diagrammes. Ces résultats concernent les débits et les flux des différents paramètres physico-chimiques. Ces derniers sont disponibles à l’échelle des bassins versants (transport par le ruissellement en kg/ha/unité de temps) et pour chaque section de cours d’eau (flux transportés par le cours d’eau en kg/unité de temps).

Méthode

Traitement des données brutes

L’hydrographie de surface utilisée lors de la modélisation provient de la base de données du Syndicat Mixte du Loc’h et du Sal. Ce réseau hydrographique est dérivé de l’analyse de la BD ortho de l’IGN et de relevés de terrain. Les 13 points de suivi de la qualité des eaux présents sur le bassin versant pilote ont été positionnés par GPS. Associée à ces stations de suivi, nous disposons d’une base de données de prélèvements d’une dizaine d’années. Pour ce qui est des mesures hydrométriques, les débits moyens journaliers observés à la station du Pont de Brech sont archivés depuis le 1er janvier 1990.

Le MNT utilisé est la BD alti de l’IGN. Sa résolution étant de 50 m, nous avons procédé à une interpolation afin d’affiner la maille de ce fichier raster.

Aucune étude pédologique n’ayant été menée à ce jour sur le secteur d’étude, nous avons fait appel à une agro-pédologue de la Chambre d’Agriculture du Morbihan. Sur ses recommandations, nous avons effectué un recoupement entre les contours des substrats géologiques, la classification des pentes et les limites des zones humides afin d’évaluer les contours pédologiques du secteur. Cette intersection a abouti à la constitution de 18 classes de sol. La table attributaire de chacune de ces classes a ensuite été renseignée (profondeur, réserve utile, conductivité hydraulique, pourcentages de limons, d’argiles, de sable, de matières organiques…).

Afin de déterminer l’occupation du sol du bassin versant pilote, nous avons effectué une photo-interprétation de la BD ortho de l’IGN. La réalisation de cette couche a nécessité la numérisation de plus de 4 000 objets. Chaque parcelle culturale a ensuite été renseignée par l’analyse des ortho-photos et par des relevés de terrain. Enfin, les différents usages déterminés ont été mis en relation avec les classes d’occupation du sol de la base de données interne de SWAT.

Les données climatiques intégrées au modèle ont été commandées auprès de Météo-France. Elles proviennent des stations d’Auray, Vannes-Séné et Sarzeau. Comme nous souhaitions nous concentrer sur la partie hydrologique du modèle, les paramètres relatifs aux usages décrivant les pratiques agricoles et les rejets des stations d’épuration n’ont pas été intégrés au modèle.

Mise en œuvre du modèle

Une fois le traitement des données brutes finalisé, nous avons procédé à la mise en œuvre du modèle. Comme exposé dans la caractérisation de SWAT, l’exécution du modèle exige d’effectuer certaines opérations préalables. Ces étapes concernent notamment la délimitation des bassins versants nécessaire à la définition des HRU qui serviront de référence spatiale pour les calculs de SWAT. Ces opérations nécessitent d’intégrer les données relatives à la topographie, la pédologie et l’occupation du sol présentées dans le point précédent. De même avant de lancer la simulation, il nous a fallu éditer les tables contenant les données en entrée afin de les intégrer à la base de données interne du modèle. Une fois ces trois opérations réalisées, nous avons procédé à l’exécution du modèle en choisissant les paramètres de calcul par défaut afin de tester la simulation.

Calibration du modèle

Les résultats de la simulation préliminaire avec les paramètres de calcul par défaut nous ont amenés à procéder à une calibration du modèle hydrologique. En effet, l’importance des pointes estivales de débit simulé invitait, par exemple, à reconsidérer la méthode de calcul de l’évapo-transpiration. Le calcul utilisé par défaut était celui de la méthode Hargreaves. Cette méthode détermine l’évapo-transpiration uniquement avec les données de précipitations et de températures. Après avoir testé différentes méthodes, nous avons opté pour la méthode Penman-Monteith. Ce calcul qui intègre les valeurs d’éclairement solaire, de vitesse du vent et d’humidité relative semble être le plus adapté aux conditions du Loc’h.

De même, afin d’obtenir une meilleure adéquation entre les débits réels et les débits calculés par le modèle, nous avons réajusté d’autres paramètres de calcul tels que les coefficients de ruissellement, l’estimation des débits d’étiage ou les effets de la nappe saturée.

2. Résultats préliminaires

Caractérisation des sous bassins versants

Les premiers résultats que l’on peut tirer de la simulation que nous avons effectuée concernent la caractérisation des bassins versants élémentaires. En effet, au fur et à mesure des étapes de la simulation, SWAT édite des rapports sur la topographie, les usages, la pédologie et les HRU à l’échelle des sous-bassins versants.

Modélisation des écoulements

Simulation des débits

Les principaux résultats de l’étude concernent, bien évidemment, la simulation des débits. Ceux-ci ont été simulés au débouché de chacun des sous-bassins versants et à l’exutoire du bassin versant d’étude. Afin d’évaluer la fiabilité de la simulation, nous avons comparé les débits simulés par SWAT avec les débits observés à l’exutoire du secteur pilote.

La simulation a été réalisée sur l’année hydrologique 2003-2004, mais n’ayant pas pris en compte la rotation des cultures, nous n’avons pu comparer les débits que sur la période comprise entre Avril et Juin, période correspondant à l’occupation du sol intégrée au modèle.

L’analyse comparative des débits simulés avec les débits observés sur cette période révèle une assez bonne adéquation (fig. 3). En effet, le coefficient r de corrélation linéaire entre les deux jeux de données est de 0,93. De même, le critère de Nash-Sutcliffe (Nash et Sutcliffe, 1970) (cf. formule ci-dessous), qui mesure lui aussi la liaison entre les deux séries statistiques, est de 0,83 (soit 83 % des débits simulés sont semblables aux débits observés).

Figure 3 : Hydrogramme des débits simulés / débits observés à la station de Kerberhuët (avril-juin 2004)

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NASH = 1 -( (Qo -Qc) ) / ( (Qo -Qm) )

Qo = débits observés
Qc = débits calculés à l’aide du modèle
Qm = moyenne des débits observés (Qo)

Simulation des flux de sédiments

Les données intégrées au modèle pour effectuer la simulation hydrologique nous ont permis d’estimer les flux de sédiments sur les différents sous-bassins versants élémentaires. Cette donnée s’avère très intéressante pour la thématique de l’envasement de l’étang de la forêt, notamment pour déterminer l’origine des sédiments impliqués. Néanmoins, la configuration actuelle du réseau de suivi ne nous permet pas de valider les concentrations en matières solides simulées par le modèle.

3. Discussion et Perspectives

Intérêts et limites du modèle SWAT

Le principal avantage de SWAT est sa rapidité de calcul qui tient notamment à l’utilisation de fonctions empiriques pour la partie hydrologique du modèle. De même, la base de données agricole de SWAT offre une large gamme de paramètres, facilitant ainsi la mise en œuvre du modèle.

Néanmoins, ces nombreux paramètres ont été prédéfinis pour une utilisation dans les conditions Nord-américaines et nécessitent donc des modifications pour s’adapter au contexte breton, et plus largement, européen. Cet élément induit donc la création de nombreuses données et une inflation du nombre de paramètres à manipuler, complexifiant ainsi la mise en œuvre du modèle.

Perspectives de recherche

Intégration des pratiques

Le calage du modèle hydrologique ayant été effectué, il est désormais nécessaire d’intégrer les données relatives aux pratiques agricoles pour procéder à l’étude des apports (simulation des paramètres physico-chimiques). Ces données seront déterminées à l’aide des renseignements obtenus dans le cadre des Engagements de Progrès Agronomique (EPA) qui ont été signés avec 98 chefs d’exploitation des bassins versants du Loc’h et du Sal. Le principe de ces contrats est, qu’en contrepartie d’aides financières, les exploitants agricoles fournissent un certain nombre d’informations aux acteurs locaux.

De même, il est maintenant envisageable d’intégrer les rejets des stations d’épuration fournis par la Saur pour les deux stations présentes sur le bassin versant pilote. Il sera, par contre, peut-être nécessaire d’effectuer des réajustements du comportement hydrologique et de recalibrer certains paramètres (percolation de l’azote…) à la suite de l’intégration des données relatives aux pratiques (calibration finale).

Extension du champ spatial d’investigation

Ce travail ayant démontré la faisabilité d’une mise en œuvre de la partie hydrologique du modèle SWAT sur la partie amont du bassin du Loc’h, une fois cette modélisation terminée, il serait envisageable d’étendre la démarche à l’ensemble des bassins versants du Loc’h et du Sal, voire même à l’ensemble du bassin versant de la rivière d’Auray. L’extension de l’approche permettrait de quantifier les phénomènes de pollution diffuse et d’apprécier leurs origines ainsi que leur distribution spatiale à l’échelle de cet ensemble hydrologique.

De plus, la modélisation agro-hydrologique de l’ensemble du bassin versant de la rivière d’Auray rendrait possible l’intégration des données en sortie de SWAT au modèle hydrodynamique marin MARS-2D, élaboré par l’Ifremer et utilisé depuis plusieurs années dans les zones côtières et estuariennes. Ce couplage permettrait à la fois d’appréhender le devenir des différents polluants dans le milieu marin (phénomènes de dilution et de dispersion) et d’évaluer la contribution des bassins versants aux pollutions des écosystèmes conchylicoles de la rivière d’Auray et, plus largement, du Golfe du Morbihan (Rollo et al., 2006).

Conclusion

Bien qu’il reste inachevé pour le moment, ce travail de modélisation agro-hydrologique de la section amont du bassin versant du Loc’h a démontré que les données dont dispose le Syndicat Mixte du Loc’h et du Sal sont suffisantes pour envisager une modélisation agro-environnementale de l’ensemble des bassins versants du Loc’h et du Sal.

Bien entendu, afin de finaliser et de valider la simulation, il est nécessaire de réaliser la simulation des apports en procédant à l’intégration des données relatives aux pratiques agricoles et aux rejets urbains. Une fois cette étape finalisée, la modélisation mise en œuvre constituera un outil opérationnel d’aide à la décision pour les acteurs de l’eau du secteur. En effet, cette démarche permettra de localiser de façon précise les origines des apports de phosphore responsables des proliférations de cyanobactéries de l’étang de la forêt et favorisera l’élaboration d’actions destinées à améliorer la qualité des eaux afin d’assurer la pérennité de l’ensemble des usages. Par ailleurs, cet outil permettra, à travers ses rendus cartographiques, de transmettre les informations vers les usagers et ainsi de sensibiliser les différents acteurs en exposant le rôle de chacun. Par ailleurs, comme nous avons pu le voir, la mise en évidence de la faisabilité d’une modélisation agro-environnementale offre de nombreuses perspectives en terme de recherche et de gestion à l’échelle des bassins versants du Loc’h et du Sal, mais aussi à l’échelle de l’ensemble hydrologique du Golfe du Morbihan.

Enfin, cette étude souligne la richesse des potentialités offertes par la coopération entre la sphère universitaire et la sphère politique et opérationnelle oeuvrant dans l’aménagement durable des territoires. En l’occurrence, les contraintes qu’impose dès aujourd’hui l’application de la Directive Cadre sur l’Eau interpellent tous les acteurs de l’aménagement en charge ou concernés par les enjeux environnementaux de leurs territoires.

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Illustrations

Figure 1 : Bassins versants du Loc’h et du Sal

Figure 1 : Bassins versants du Loc’h et du Sal

Figure 2 : Bassin versant expérimental, section amont du Loc’h

Figure 2 : Bassin versant expérimental, section amont du Loc’h

Figure 3 : Hydrogramme des débits simulés / débits observés à la station de Kerberhuët (avril-juin 2004)

Figure 3 : Hydrogramme des débits simulés / débits observés à la station de Kerberhuët (avril-juin 2004)

Citer cet article

Référence électronique

Nicolas Rollo, Gildas Levesque, Étienne Chauveau et Marc Robin, « Mise en œuvre du modèle agro-hydrologique SWAT sur la partie amont du bassin versant du Loch : vers une modélisation du transfert des nutriments », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2008, mis en ligne le 29 avril 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=599

Auteurs

Nicolas Rollo

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS

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Gildas Levesque

Géomaticien, Syndicat Mixte du Loc’h et du Sal

Étienne Chauveau

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS

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Marc Robin

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS

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