L’évaluation des Agendas 21 : outils de progrès ou de bonne conscience ?

L’exemple de l’Agenda 21 de la Chapelle-sur-Erdre

Résumé

Les Agendas 21, outre leur vocation à participer à la préservation de notre environnement, visent à instaurer des processus de développement pérenne dans les territoires. De plus en plus de collectivités, de la commune à la région, s’y engagent. Deux ans après le démarrage de leur programme, au début de l’année 2006, les élus de la commune de la Chapelle-sur-Erdre, ont décidé de mesurer les effets et les impacts de leur Agenda 21.
À partir de cette expérience et de l’analyse de celle d’une quinzaine de villes françaises – dont 5 communes de l’agglomération nantaise – les auteurs se sont interrogés sur les plus-values réelles des évaluations conduites dans le cadre des agendas 21. En quoi l’évaluation constitue-t-elle un facteur de progrès ? Quels sont les freins constatés et quelles peuvent être les clés pour les lever ?

Index

Mots-clés

agenda 21 local, évaluation, développement durable, processus de développement local intégré

Plan

Texte

Les Agendas 21 locaux sont des instruments politiques qui visent à construire des projets de développement durable en traduisant à l’échelle locale les grands principes énoncés lors du Sommet de Rio en 1992, et ce par la mise en oeuvre de processus participatifs, transversaux et territorialisés.

Ces grands principes qui font écho à des problématiques globales, sociales, économiques et environnementales, concernent plus particulièrement la santé, le logement, la pollution de l’air, la gestion des mers, des forêts et des montagnes, la désertification, la gestion de la ressource en eau, de l’agriculture et des déchets. Ils supposent une forte mobilisation des acteurs, la prise en compte des vues de la population sur les enjeux et l’avenir du territoire, et l’application du concept « Pensez global, Agir local » pour espérer, dans la durée, des améliorations substantielles.

Aujourd’hui, force est de constater que les Agendas 21 font référence pour l’application des principes de développement durable. De nombreuses collectivités – régions, départements, intercommunalités et communes – s’en saisissent. D’autres au contraire, hésitent encore, doutant de son efficacité et craignant de mettre en œuvre une « véritable usine à gaz », génératrice de dépenses supplémentaires sans réelles plus-values.

Après avoir apporté un éclairage sur l’état de la diffusion des Agendas 21 au plan national, cet article présente la démarche d’évaluation de l’Agenda 21 de la Chapelle-sur Erdre1 ainsi que les principaux effets constatés qui ont donné lieu à des préconisations. La troisième et dernière partie, tente quant à elle, de tirer les enseignements de cette expérience, et plus largement, d’identifier quelques clés de succès pour aborder la conduite du changement.

1. Des Agendas 21 qui fleurissent à tous les niveaux territoriaux

Plus de 200 Agendas 21 étaient officiellement répertoriés en 2007 (fig. 1). À côté des nombreuses villes qui portent la majorité des Agendas 21, de grandes métropoles se sont emparées de la démarche : Nantes, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse et Bordeaux ; Paris et sa région, restant toutefois, en retrait.

Les régions, les plus fortement représentées pour l’instant au plan national, tentent pour certaines d’entre elles, de diffuser les Agendas 21 à travers les procédures contractuelles qu’elles développent avec les territoires de projets, et en particulier avec les Pays et les communautés.

Figure 1 : Les structures porteuses des A21 en 2007

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Depuis le Sommet de Johannesburg en 2002, l’engagement des territoires dans des démarches Agenda 21 s’accélère. Cet engouement est à mettre en corrélation avec les différentes dispositions prises au niveau national et européen et à la montée en puissance de la sensibilité de l’opinion publique aux questions environnementales.

Face à l’abondance et à la diversité des démarches élaborées au sein des collectivités, un cadre de référence a été établi en 2007 par le Ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement Durable afin de guider les collectivités dans la mise en œuvre de leur agenda 21. Ce document rappelle les fondements des Agendas 21 (participation de la population, transversalité du pilotage, nécessité de l’évaluation…) ainsi que les finalités du développement durable (lutte contre le changement climatique, cohésion sociale, dynamique de développement suivant des modes de consommation responsables…). Il a par ailleurs pour objectif, de relever, de faire connaître et reconnaître les démarches exemplaires grâce à un système de labellisation « Agenda 21 de France ». De la commune à la région, en passant par les intercommunalités et les départements, une soixantaine de territoires ont, à ce jour, été labellisés.

Au niveau de la métropole nantaise, la Chapelle-sur-Erdre n’est pas isolée dans sa démarche. En effet, si toutes les communes de la communauté urbaine ne disposent pas à ce jour d’Agendas 21 formalisés, elles se sont toutes engagées dans cette voix, encouragées en partie par l’Agenda 21 de la ville de Nantes et celui de Nantes Métropole.

2. La démarche de la Chapelle-sur-Erdre

Origine et contenu de l’Agenda 21

Au travers de ses 70 % d’espaces naturels et agricoles, le territoire de la Chapelle-sur-Erdre véhicule une image de « commune verte », au « fort caractère naturel ». La commune s’étend du nord au sud sur 12 km, entre les vallées remarquables de l’Erdre qui la bordent à l’est, et celle du Gesvres à l’ouest. Elle compte 25 % d’espaces naturels protégés et 40 % d’espaces agricoles, patrimoine qui a toujours fait l’objet d’une préoccupation dans les choix politiques, et ce dans le sens de la préservation. En 2002, la volonté des élus de conserver la qualité du cadre de vie, ainsi que le souci d’exemplarité auprès des habitants en termes de comportements responsables, a induit une première opération sur le « geste vert ». Cette action qui avait pour objectif de sensibiliser les agents municipaux et les élus locaux a ouvert la voie à l’élaboration d’une véritable stratégie de développement durable. Ainsi, en 2006, le choix d’un Agenda 21 s’impose et marque la construction d’un programme d’actions, structuré autour de 3 axes : la préservation de l’environnement, l’harmonisation de l’aménagement, le mieux vivre ensemble.

Le premier axe comprend notamment des actions en faveur de la mise en valeur du patrimoine naturel (diminution de la pollution d’origine phytosanitaire, biodiversité dans la zone urbaine), de la lutte contre les pollutions et les nuisances (par la réduction des documents papiers par exemple), de la maîtrise de l’eau et de l’énergie, (suivi des consommations de fluides dans les équipements municipaux), et de l’introduction des normes de haute Qualité Environnementale dans les opérations de construction et réhabilitation.

Le deuxième axe regroupe de nombreuses opérations dont la réalisation d’un projet de quartier durable (la Zone d’Aménagement Concertée des Perrières), la concrétisation d’un projet de parc éolien sur la commune, et une action de sensibilisation sur le partage de la rue entre ses utilisateurs.

Le troisième et dernier axe se concentre quant à lui, sur la qualité de vie. Il rassemble des actions favorisant le lien social (création des jardins familiaux de la Zone d’Aménagement Concertée de la Source par exemple) et la démocratie participative. Au niveau des services municipaux, il s’agit entre autres, de développer une démarche éco-responsable en faisant appel à des imprimeurs plus respectueux de l’environnement et en utilisant du papier recyclé.

Aujourd’hui, la majeure partie des actions a été réalisée, et un nouveau programme est en cours de construction. À la charnière entre ces deux étapes, la réalisation d’une évaluation s’est imposée comme un point de passage incontournable : il s’agit en effet de vérifier si le programme est en adéquation avec les objectifs initialement retenus et d’effectuer des préconisations en conséquence.

La démarche d’évaluation

La réalisation de l’évaluation est intervenue au moment des élections municipales, de mars à juin 2008. Si les élus étaient, à cette période, difficilement mobilisables, les agents se sont montrés quant à eux et pour la plupart, disponibles et coopératifs.

Le service en charge du pilotage de l’Agenda 21 de la commune ayant peu d’expérience en matière d’évaluation, la première phase a consisté à recueillir et analyser les témoignages d’autres collectivités. C’est donc à partir de ces investigations que la démarche d’évaluation a été structurée et planifiée.

Méthode et outils

La première étape a consisté à répertorier les questions évaluatives, c’est-à-dire à exprimer clairement ce que les élus – de l’ancienne mandature – et les agents en charge du programme voulaient savoir : quels ont été les blocages pour la mise en oeuvre des actions ? Quelles sont les principales réussites en matière de développement durable ? Quelles sont les actions les plus emblématiques ? Quel est le niveau d’implication des agents dans la démarche et les actions ? Quelle est la cohérence entre l’Agenda 21 et les autres politiques municipales ? Ces questions – ainsi que la méthode d’investigation -ont été validées dans le cadre d’un comité de pilotage renouvelé suite aux élections de mars 2008.

Pour répondre concrètement à ces interrogations, 120 questionnaires ont été adressés à l’ensemble du personnel communal, principalement par courriel et parfois par courrier et 24 entre-tiens ont été conduits auprès d’agents municipaux, répartis dans 13 services différents. Le taux de retour aux questionnaires (avec relance) a été de 38 %, traduisant en cela, l’intérêt d’une partie des salariés pour la démarche.

La méthode retenue se voulait participative, l’évaluation constituant en soit, l’opportunité de remobiliser les agents sur un plan d’action élaboré deux ans auparavant et pour lequel, la démarche d’animation n’avait pas été formellement identifiée. Il s’agissait également de communiquer sur les actions mises en oeuvre, les agents ne disposant pas forcément d’une vision d’ensemble de l’agenda 21.

Les principaux résultats issus de l’évaluation

L’évaluation a permis de mettre en exergue la cohérence entre les orientations générales des politiques municipales et celles de l’Agenda 21. Citons par exemple, la concordance entre les objectifs et les actions de l’Agenda 21 avec ceux du Projet Éducatif Local (PEL)2 construit lui aussi, en 2006. Le PEL visait en effet, parmi ses différentes orientations, à « favoriser les projets visant à développer la citoyenneté et la vie associative ». L’Agenda 21, en tant que programme de développement durable y fait écho en proposant d’« encourager la participation des jeunes à des projets municipaux », et de « conforter le dynamisme associatif chapelain ». Néanmoins, dans les faits, les deux démarches conduites en parallèle, n’ont pas fait l’objet de concertation entre les élus qui en avaient respectivement la charge.

Les résultats de l’évaluation soulignent également l’implication d’une majorité du personnel municipal dans le programme d’action. Quelques agents, bien au fait du projet, se sont en effet mobilisés pour sensibiliser leurs collègues et ont constitué des relais efficaces de l’Agenda 21. L’enquête révèle néanmoins, une difficulté d’appropriation du concept de développement durable, certains agents ne cernant pas totalement qu’elle peut en être la traduction dans leur quotidien.

Les réalisations ont été nombreuses, mais l’action la plus emblématique révélée par l’enquête, est celle de la sensibilisation aux « écogestes » : une Bande Dessinée humoristique montrant les différents gestes simples d’économie d’énergie et de papier, s’est révélée relativement efficace. Au-delà des ces gestes acquis pour la plupart des agents, le projet a contribué à modifier certaines habitudes de travail. Citons par exemple, l’utilisation de produits écologiques dans le service logistique/marché public, ou l’usage de matériel de récupération et de modes de transport « doux » dans le service jeunesse.

Si la population n’a pas en tant que telle été impliquée en amont du processus Agenda 21, c’est-à-dire dans l’établissement du diagnostic, la formulation des objectifs et des actions, elle est néanmoins très présente dans la réalisation des actions, via les offices Municipaux et les associations. À titre d’exemple, le festival de la citoyenneté « Solid’air » qui constitue une opération Agenda 21, a permis de mobiliser de nombreuses associations locales tant dans l’organisation que lors de l’animation de la manifestation.

Afin de mesurer la contribution des agents à la suite de l’Agenda 21, il leur a été demandé dans le cadre de l’enquête, la manière dont ils envisageaient leur participation au futur programme de développement durable. Le traitement des questionnaires révèle différents formes de participation (fig. 2).

Figure 2 : Type d’implication souhaitée dans l’Agenda 21 par le personnel de la Chapelle-sur-Erdre (en %)

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Les résultats obtenus mettent en évidence que c’est en tout premier lieu à travers l’action que les agents souhaitent s’impliquer dans le nouveau programme. Néanmoins, des craintes se font jour face à des propositions telles que la création de futures instances participatives, celles-ci étant perçues chez certains agents, comme une charge de travail supplémentaire, et non comme l’introduction de nouvelles pratiques.

Soulignons enfin, que la démarche évaluative a largement contribué à faire prendre conscience des nécessaires améliorations à apporter au programme et que les effets de l’évaluation, sont de ce point de vue, tout à fait positifs.

Les préconisations et les perspectives

L’élaboration du PEL, et plus particulièrement la création d’instances participatives composées pour partie de la société civile, constitue une expérience qui doit être capitalisée et doit pouvoir profiter au nouveau programme de l’Agenda 21 dans la perspective de son « ouverture » à la population. La mobilisation des habitants, ou tout au moins des associations, est en effet une composante indissociable d’une démarche ascendante et participative ancrée dans les réalités territoriales. Elle se révèle être, par ailleurs, un gage pour la réussite de certaines actions lors de la mise en œuvre ultérieure du programme.

Il conviendra également de structurer la démarche d’élaboration du nouveau programme en établissant en premier lieu un véritable diagnostic partagé, d’où découleront les enjeux du territoire, les objectifs à poursuivre et au final, le programme d’actions. De même, la réalisation d’un échéancier validé par l’ensemble des acteurs, que ce soit lors de la phase d’élaboration du programme ou lors de sa réalisation, doit donner à chacun, les repères dont il a besoin.

Il s’agira également de doter l’ensemble du programme et chaque action qui en est issue, d’indicateurs faciles à renseigner permettant à chacun de se situer (certains indicateurs du précédent programme n’ont pas pu être renseignés). Ces indicateurs permettront en effet, de mieux apprécier le chemin parcouru. Du point de vu du pilotage, il conviendra également, de veiller à une meilleure articulation des actions transversales à plusieurs services en définissant plus précisément les responsabilités. Le nouveau programme doit permettre de renforcer les liens entre les différents services municipaux.

Au-delà de ces préconisations méthodologiques, il importera de consolider et d’élargir les actions de développement durable en impliquant toujours plus d’agents dans leurs réalisations. Pour ce faire, la mise en place de journées de formation-action peut se révéler un excellent levier. De même, il serait intéressant de mieux capitaliser afin de favoriser les transferts de pratiques, et ce notamment au niveau de l’agglomération nantaise.

Compte tenu de la diversité et de l’ampleur des chantiers à engager, certains agents ont évoqué l’intérêt que pourrait présenter l’intervention d’un prestataire externe. Cette formule a d’ailleurs été privilégiée dans plusieurs communes de l’agglomération nantaise.

Les recommandations énoncées lors de l’évaluation du programme de développement durable de la Chapelle-sur-Erdre ont été présentées lors d’un comité de pilotage Agenda 21. S’il n’est pas certain qu’elles soient suivies d’effets dans leur totalité dès la rentrée 2008, elles auront néanmoins participé à faire cheminer les esprits et à faire prendre conscience de l’intérêt de l’évaluation pour faire mieux et aller plus loin.

3. Les enjeux de l’évaluation des Agendas 21

Les facteurs de motivation et les freins à l’évaluation

L’enquête menée à l’occasion de l’expérience chapelaine, auprès des responsables des agendas 21 de cinq autres communes de l’agglomération nantaise, a permis de cerner les principaux facteurs qui incitent les collectivités à s’engager dans une démarche d’évaluation ainsi que les difficultés les plus prégnantes auxquelles elles sont confrontées.

En ce qui concerne les facteurs de motivation, c’est la volonté de mesurer l’efficacité du programme qui prime. Vient ensuite, le besoin de faire un point sur l’état d’avancement du programme. Outre ces deux facteurs propres à la démarche, l’évaluation représente l’opportunité de mobiliser les acteurs (élus, services, population) à l’occasion de l’élaboration d’un nouveau plan d’action et, dans une moindre mesure, de communiquer sur les résultats et les réalisations du programme précédent.

Les difficultés rencontrées tiennent, quant à elles, en quatre points. Celui qui ressort de façon le plus significatif, est celui des réticences exprimées tant par les élus que les services, face à l’évaluation. Il existe incontestablement une « peur du jugement » liée à une connaissance insuffisante du processus, à une perception trop limitée des finalités et de la valeur ajoutée de l’évaluation.

Est par ailleurs souvent évoquée, l’insuffisance de moyens ou, plus précisément, « le manque de temps » que peuvent dégager les services pour réaliser l’évaluation. Cette affirmation, constatée également sur la Chapelle-sur-Erdre, traduit fréquemment le fait que la démarche évaluative n’a pas été intégrée à la conception du programme (évaluation ex ante) et n’est pas assimilée dans son mode de gestion (évaluation in itinere). Le plus souvent, la pratique est de réaliser une évaluation finale (ex-post), et donc de dissocier l’évaluation de l’animation et de la gestion du programme. Cet état de fait tend à renforcer le sentiment « du jugement dernier » et contribue aux réticences exprimées par certains acteurs.

Le troisième frein souligné est le coût : l’assimilation de l’évaluation à une surcharge de travail interne conduit un certain nombre d’agents à penser qu’il vaut parfois mieux externaliser. Mais bien souvent, la dépense inhérente à cette prestation n’a pas été prévue au budget, et les élus ne la conçoivent pas comme une priorité.

Enfin, le quatrième et dernière raison tient au fait que « le recueil d’information auprès de chaque service peut être long et complexifié par le manque de coopération de la part des agents ».

Toutes ces bonnes raisons traduisent bien que la diffusion de la culture de l’évaluation n’en est aujourd’hui qu’à ses débuts. Mais, force est de reconnaître que de plus en plus de collectivités s’y intéressent et s’y impliquent.

L’obligation d’évaluer : un levier pour la diffusion de la culture de l’évaluation ?

L’obligation d’évaluer les Agendas 21, contraint les collectivités à s’y engager. Et, au final, parce qu’elle permet aussi de valoriser les résultats d’un programme, la réalisation d’une première évaluation lève un certain nombre de réticences. Il est relativement coutumier de voir des élus – ou des services – se situer en retrait au démarrage d’une évaluation, puis de constater une évolution de leur posture, ces mêmes élus devenant les premiers porteurs de la démarche à l’issue de l’évaluation.

L’obligation représente donc un premier levier. Mais au-delà, il importe de dépasser une seconde contrainte qui est celle de la connaissance, voire de la maîtrise des méthodes et des outils d’évaluation par les agents en charge du pilotage des programmes (que ces évaluations soit conduites en interne, en externe, ou mixées). Les journées de formation consacrées à l’évaluation tendent à se développer depuis plusieurs années, mais ce développement demeure timide face à l’ampleur des besoins. Gageons néanmoins, que progressivement, par la formation et la démonstration, l’expérience capitalisée sur le terrain puissent innerver tous les territoires et participer à l’amélioration de l’action publique.

Les facteurs clés d’une démarche réussie

Quelque soit les contextes, l’enjeu principal est d’introduire progressivement l’évaluation dans le pilotage de la stratégie de développement durable, stratégie visant au final à améliorer une situation.

Lancer la démarche avec les acteurs volontaires

À l’instar de la démarche mise en œuvre sur la Chapelle-sur-Erdre, il convient d’ancrer, en tout premier lieu, le processus d’évaluation dans les réalités territoriales et d’impliquer les acteurs volontaires, élus ou techniciens, dans l’identification des questions évaluatives. Ces questions, auxquelles il conviendra d’apporter des éléments de réponse, devront ensuite être affectées de critères et d’indicateurs permettant de caractériser au mieux le chemin parcouru.

Lors de l’évaluation, le dialogue avec les acteurs, en tête à tête ou lors de réunions restreintes, est essentiel pour bien comprendre les points de blocage et favoriser le développement d’un terrain fertile à la mise en œuvre des actions en cours ou futures.

Adapter la méthodologie au « potentiel d’évaluation »

Pour anticiper les éventuels blocages, il s’agit d’identifier en amont le « potentiel de l’évaluation » et d’en tenir compte dans la définition de la méthode et des outils qui seront utilisés. Ce potentiel dépend notamment de la culture des acteurs en matière d’évaluation, de leur disponibilité, de leur intérêt, de leur motivation et enfin, de l’accessibilité à certaines ressources. Le vocabulaire doit être adapté, de même qu’il est parfois vain de vouloir reconstituer certains évènements s’il n’y a pas eu de sauvegarde de l’information au fur et à mesure de la mise en œuvre des opérations.

Structurer, planifier et faire partager la démarche

Comme l’a dit Sénèque, « il n’y a de bon vent que pour celui qui sait où il va ». Fort de ce principe, les différentes étapes de l’évaluation doivent être parfaitement identifiées, planifiées dans le temps, et tenir compte des contraintes et des pratiques locales. Les échanges autour de la méthode doivent permettre d’impliquer et de responsabiliser les acteurs, et ce, dans le cadre d’un comité de pilotage reconnu dans ses fonctions, existant ou à créer. Le comité de pilotage est responsable de la méthode et doit procéder, s’il y a lieu, aux ajustements susceptibles de s’imposer au cours de la démarche.

Le fait de donner de la visibilité sur la méthode et les outils utilisés, démystifie par ailleurs, bien souvent la complexité de la démarche et rassure globalement les acteurs qui s’y implique du coup, d’avantage.

Être pragmatique dans les préconisations

Les préconisations doivent être adaptées aux capacités de la structure porteuse, et donc faire l’objet de débats pour vérifier leur opportunité et leur faisabilité. Sans cela, certaines d’entre elles peuvent générer des freins, voir des rejets qui pourraient se révéler difficile de dépasser ultérieurement.

Savoir communiquer

Outre la communication sur la démarche, il est essentiel de valoriser les plus-values du programme (et de son mode de pilotage) afin d’encourager les acteurs dans leurs initiatives. C’est une phase qu’il ne faut surtout pas sous-estimer pour maintenir la dynamique des acteurs.

Conclusion

L’expérience chapelaine démontre incontestablement l’intérêt de la démarche évaluative engagée parce qu’elle a permis de redonner du sens à l’Agenda 21, notamment auprès de certains élus qui n’en cernaient pas totalement les enjeux, et de poser les bases d’un futur programme. Elle a également permis de faire prendre conscience de l’intérêt de bien définir les objectifs poursuivis lors de l’élaboration d’un programme, de qualifier et de quantifier dans la mesure du possible, les effets attendus. Rien que pour cela, elle améliore considérablement le processus de développement territorial.

Plus qu’un outil de bonne conscience, il s’agit donc véritablement d’un outil de progrès qui impulse le changement, et contribue ainsi, au renforcement de l’efficacité de l’action publique.

Si la pratique de l’évaluation demeure inégale entre les territoires, la dynamique est aujourd’hui lancée au niveau national. L’hypothèse d’un « effet domino » auprès de l’ensemble des collectivités, et en particulier des plus petites d’entre elles, semble réaliste d’autant que l’appui des réseaux, comme le réseau R.E.S.P.E.C.T3, participe à la diffusion « des bonnes pratiques ». Néanmoins, les partisans de l’évaluation devront attendre et prendre patience, puisqu’il s’agit d’une évolution – ou d’une révolution ? – culturelle qui sous-entend l’acceptation par les collectivités de porter un regard critique sur les politiques qu’elles développent.

1 Stage de fin d’étude d’Emmanuelle Duveau, février – juin 2008, La Chapelle-sur-Erdre.

2 Le Contrat Éducatif Local vise à mettre en œuvre un projet éducatif conçu par les différents partenaires concernés par l’éducation des enfants et

3 Réseau d’Evaluation et de suivi des Politiques Environnementales des Collectivités Locales

Bibliographie

Ouvrages :

LAMARQUE D., 2004. L’évaluation des politiques publiques locales, Paris, LGDJ, 215 p.

PERRET B., 2001. L’évaluation des politiques publiques, La découverte, 123 p.

R.A.R.E, 2005. Comprendre & agir sur son territoire : objectif développement durable : retours d’expériences et recommandations pour l’agenda 21 local, 106 p.

RUPRICH-ROBERT C., BENCIVENGA M., 2002. Évaluation des politiques publiques : nouveau guide pratique, Dossier d’experts, 181 p.

SPEIRS C., 2003. Le concept de développement durable : l’exemple des villes françaises, l’Harmattan, 195 p.

VILLALBA B., GOXE A., LIPOVAC J.C, 2005. Évaluer le développement durable, enjeux, méthodes, démarches d’acteurs, Développement durable et territoires.

Alternatives économiques, 2007. Développement durable, Villes, régions..., agir localement », guide pratique, 152 p.

Revues :

FONTAINE P., MUSTER M. GOXE A., 2005. Les Agendas 21 locaux méritent d’être soutenus, clarifiés et mieux évalués, La revue durable, p 54.

Sites internet :

http://www.agenda21france.org/ Site portail des démarches Agenda 21 en France

http://www.observatoire-territoires-durables.org/ Observatoire des Agendas 21 locaux et des pratiques territoriales

http://developpementdurable.revues.org/

Notes

1 Stage de fin d’étude d’Emmanuelle Duveau, février – juin 2008, La Chapelle-sur-Erdre.

2 Le Contrat Éducatif Local vise à mettre en œuvre un projet éducatif conçu par les différents partenaires concernés par l’éducation des enfants et des jeunes (enseignants, parents, associations, élus, etc) et à rassembler tous les financements de façon cohérente : collectivités locales, ministères de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche, des Sports etc.

3 Réseau d’Evaluation et de suivi des Politiques Environnementales des Collectivités Locales

Illustrations

Figure 1 : Les structures porteuses des A21 en 2007

Figure 1 : Les structures porteuses des A21 en 2007

Figure 2 : Type d’implication souhaitée dans l’Agenda 21 par le personnel de la Chapelle-sur-Erdre (en %)

Figure 2 : Type d’implication souhaitée dans l’Agenda 21 par le personnel de la Chapelle-sur-Erdre (en %)

Citer cet article

Référence électronique

Lucette Jaunet et Emmanuelle Duveau, « L’évaluation des Agendas 21 : outils de progrès ou de bonne conscience ? », Cahiers Nantais [En ligne], 2 | 2008, mis en ligne le 25 janvier 2021, consulté le 18 avril 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=654

Auteurs

Lucette Jaunet

Consultante et PAST à l’Université de Nantes, IGARUN

Articles du même auteur

Emmanuelle Duveau

Diplômée du Master 2 professionnel Aménagement et Gestion des Territoires, IGARUN

Droits d'auteur

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