LEADER, vecteur de nouvelles pratiques de développement territorial dans le centre ouest de la France ?

Résumé

Depuis près de 20 ans, l’Union Européenne expérimente une démarche innovante de développement des territoires ruraux. Cette approche, baptisée Leader, parie sur la capacité des acteurs publics et privés à se mobiliser ensemble pour agir sur le devenir de leur territoire. Si la mise en place d’une nouvelle gouvernance et d’un processus de développement intégré bouscule quelque peu les pratiques de développement local initiées traditionnellement dans les territoires ruraux, elle génère indéniablement des plus-values. Après avoir rappelé les sept grandes spécificités Leader, cet article s’attache à porter un regard croisé sur les effets générés par le programme Leader+ (2000-2006) dans des territoires des régions Bretagne, Centre et Pays de la Loire. Alors que certains principes semblent désormais acquis, d’autres en revanche ont du mal à être appliqués. L’appel à projet lancé en 2007 au niveau national pour une nouvelle programmation (Leader 2007-2013) représente donc l’opportunité de tirer les enseignements de la période précédente pour parfaire et amplifier le processus engagé.

Index

Mots-clés

évaluation, gouvernance, Leader 2007-2013, Leader+, développement local, développement rural

Plan

Texte

Introduction

Jusqu’en 1990, l’Union Européenne cherchait à favoriser le développement rural à travers des politiques sectorielles, principalement centrées sur le secteur agricole. Il s’agissait alors d’encourager les changements structurels de l’agriculture en instituant des régimes d’aides décidés au niveau national ou régional. à côté de cette approche dite « descendante », l’Union lance à partir de 1991, une nouvelle politique de développement rural. Celle-ci vise à encourager les acteurs à se mobiliser localement pour apporter des réponses appropriées aux problématiques qui sont les leurs dans le cadre d’une démarche ascendante.

Ce Programme d’Action Communautaire (PIC), baptisé LEADER1, s’est structuré au fil des années avec la mise en place successive de Leader I (1991-1994), Leader II (1994-1999) et Leader+ (2000-2006). Le dernier né, Leader 2007-2013, s’inscrit quant à lui totalement dans la réforme de la Politique Agricole Commune de 2003 et affiche des ambitions fortes concernant le développement agricole (Bourges, 2007). Malgré de multiples publications et évaluations, ces différents programmes ont-ils été facilement appréhendés sur le terrain ?

Après une présentation synthétique de la « philosophie » Leader, cet article s’attachera à mettre en exergue les principaux effets de la démarche Leader+ constatés sur le terrain, les plus-values mais aussi les difficultés récurrentes auxquelles se heurtent le plus souvent les acteurs et ce, à travers l’analyse des pratiques développées dans des territoires des régions Bretagne, Centre et Pays de la Loire. La troisième et dernière partie soulignera enfin les principaux acquis de Leader+ et s’intéressera à ce que l’on pourrait attendre des territoires retenus au titre de la programmation 2007-2013.

1. Leader : de quoi s’agit-il plus précisément ?

Selon l’Union Européenne, Leader est avant tout une méthode qui permet de mobiliser et de mettre en œuvre le développement rural dans les collectivités rurales locales, et non d’un ensemble de mesures à appliquer (http://ec.europa.eu). Concrètement, Leader vise à favoriser l’émergence et l’élaboration de stratégies locales de développement durable qui permettent aux acteurs locaux d’explorer de nouvelles voies pour devenir ou rester compétitif, mieux exploiter leurs potentialités territoriales et surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés (départ des jeunes, chômage des femmes, disparition des commerces et services…). Cette démarche parie sur la capacité des acteurs à agir collectivement sur leur environnement et ce, avec l’appui des administrations publiques compétentes et de l’assistance technique nécessaire aux transferts de bonnes pratiques (ibidem).

Ainsi, le concept Leader repose sur 7 spécificités (fig. 1) que certains appellent « la philosophie Leader » et qui interagissent entre elles pour produire des effets durables sur les dynamiques des zones rurales.

Figure 1 : Les 7 spécificités de Leader

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Contrairement aux différentes politiques contractuelles qui, pour la plupart d’entre elles, ciblent d’abord l’investissement, Leader vise prioritairement l’un des principaux ressorts du développement territorial endogène. Aussi, l’un des éléments clés de ce concept est-il, sans nul doute, la constitution de Groupes d’Action Locaux (GAL), composés d’acteurs publics et privés, qui ont en charge le pilotage de la démarche. C’est en leur sein que doit se construire et se forger la pratique du développement local.

Le principe d’innovation, imposé localement, régit également le pilotage du processus au niveau européen : l’expérimentation de l’approche Leader se décline en effet dans la durée et se compose de plusieurs étapes successives. à une première phase, dite « d’initiation » (Leader I), circonscrite à des territoires en difficulté ou connaissant des difficultés structurelles majeures, a succédé une phase dite de « généralisation » (Leader II) qui a concerné près d’un millier de territoires au plan européen. Vient ensuite, la phase « d’approfondissement » qui s’est traduite par la diffusion du concept à l’ensemble des territoires ruraux (Leader+) et qui a préfacé la programmation actuelle 2007-2013 dite « d’intégration » (tab. 1).

Tableau 1 : Caractéristiques de la programmation Leader depuis 1991

Période Nombre de territoires sélectionnés au niveau européen Zonages européens ciblés Nombre de territoires sélectionnés en France
Leader I 1991-1994 217 Objectifs 1 et 5 b 40
Leader II 1994-1999 906 Objectifs 1, 5b et 6 179
Leader+ 2000-2006 982 Toutes zones rurales 140
Leader 2007-2013 Non connu à ce jour car en cours dans plusieurs pays de l’UE Toutes zones « rurales » et ouverture sur la problématique périurbaine + de 200

Source : d’après l’approche Leader, guide de base, 2006, sur http://ec.europa.eu

Sur le plan financier, les volumes consacrés à Leader apparaissent comme relativement modestes puisque moins de 5 % des fonds structurels européens y ont été consacrés sur la période 1994-1999 d’après Josette Barruet (2002). Pour autant et comme le souligne Ludovic Measson (2006), cela serait une erreur de considérer ce programme comme une anecdote de la politique de cohésion européenne (p. 270).

La partie suivante va s’attacher à confirmer, infirmer ou relativiser ces propos en s’appuyant sur l’analyse d’exemples concrets situés dans les trois régions supports de notre étude que sont les régions Bretagne, Centre et Pays de la Loire.

2. Quels effets du programme Leader+ sur les territoires du Centre Ouest ?

Sur les 982 territoires sélectionnés au niveau européen au titre de l’appel à projet Leader+, 140 ont été retenus au plan national, soit globalement, entre 8 et 12 territoires par région. Lors de l’appel à projet, les territoires candidats devaient se positionner sur l’une des six grandes orientations définies au niveau de l’Union Européenne et de l’État Français, à savoir, l’utilisation de nouveaux savoir-faire et de nouvelles technologies, l’accueil de nouveaux acteurs locaux et entreprises, la valorisation des ressources naturelles et culturelles, l’amélioration de la qualité de vie dans les zones rurales, la valorisation des produits locaux et enfin, les publics cibles (jeunes et/ou femmes).

Méthode d’investigation

Les réflexions présentées ci-après reposent sur l’analyse des évaluations à mi-parcours (quand elles existaient) et des évaluations finales réalisées en 2007 et 2008 sur 3 territoires Bretons (Pays de Brocéliande, Pays de Vannes et Pays de Saint-Brieuc sud) et 4 territoires de la région Centre (Pays de Touraine Côté Sud, Pays Vendômois, Pays de Vierzon et Pays de la Grande Sologne) (fig. 2). Cette analyse a été enrichie par de nombreux échanges avec les animateurs Leader+ de ces deux régions auxquels s’ajoutent ceux effectués avec les animateurs de la région des Pays de la Loire dans le cadre de l’animation des réseaux régionaux. Ces trois régions forment le Centre Ouest de la France.

Figure 2 : La zone d’étude Leader+ (2000-2006) et Leader (2007-2013)

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Sur les six grandes orientations proposées par l’union Européennes, 5 ont été retenues par les territoires étudiés (tab. 2). Chaque territoire a pu disposer d’une enveloppe financière se situant globalement entre 1,2 et 2,3 M€ selon les territoires.

Tableau 2 : Thématiques Leader+ et orientations stratégiques retenues par les territoires étudiés

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Les principaux enseignements de la démarche Leader+

Cette analyse n’a pas la prétention d’être exhaustive mais vise à souligner les principaux effets de la démarche Leader+ constatés sur les territoires et ce, au regard de chacune des 7 spécificités Leader (fig. 1).

Au niveau de la définition de la stratégie locale de développement d’abord, la question de la définition d’un périmètre « pertinent » ne s’est pas réellement posée dans les territoires étudiés : la démarche Leader+ s’est « naturellement » imposée dans les Pays, sur la totalité du territoire pour la majorité d’entre eux, sur l’espace rural pour ceux dotés d’une agglomération (Pays de Vannes, Pays de Saint-Brieuc). Cette situation résulte de l’effet combiné de l’élargissement du périmètre Leader+ aux zones rurales (Leader II ne s’adressait préalablement qu’aux zonages européens objectif 1, 5b et 6) et de la montée en puissance des Pays. Les démarches de développement local initiées dans ces derniers par l’État et les Régions (fin des années 70), puis les lois Pasqua et Voynet au cours des années 90, affichaient en effet des objectifs similaires à ceux prônés dans Leader+ en termes de cohérence et de pertinence territoriale d’une part, et d’association des acteurs de la sphère privée à l’élaboration de la stratégie territoriale d’autre part.

Ainsi, l’appel à projet Leader+ a trouvé un écho d’autant plus favorable que les territoires avaient fait l’apprentissage du développement local : la plupart d’entre eux disposaient en effet d’animateur(s) de pays2 et avaient sollicité une reconnaissance territoriale au titre de la loi Voynet, élaboré une charte de développement durable et mis en place leur conseil de développement. La mobilisation attendue à travers l’approche ascendante a donc été au rendez-vous et s’est traduite par une forte implication des différents groupes d’acteurs dans la réalisation d’un diagnostic partagé support de la stratégie Leader+ et du plan de développement qui en a découlé.

Cette forte mobilisation a engendré la création de Groupes d’Action Locale particulièrement mobilisateurs et la mise en place de comités de programmation relativement étoffés3. Ces instances, rappelons le ici, devaient être composés pour plus de la moitié, de membres issus du secteur privé. La création de ces comités, à côté de celles des structures porteuses de pays (le plus souvent des syndicats mixtes de Pays ou des Groupement d’Intérêt Public de Développement Local) a provoqué des réticences – voire des résistances – de la part des élus. Ces derniers craignaient en effet l’instauration d’un système portant atteinte à leur légitimité dans l’attribution de fonds publics avec le risque de voir des fonds octroyés à des associations dont les projets n’auraient pas eu leurs assentiments. Dans la majorité des territoires, cette volonté de maîtriser la décision s’est traduite par le fait que ce sont des élus qui ont assuré la présidence des comités de programmation et, de façon consciente ou inconsciente, par la présence d’animateurs Leader+, salariés des collectivités, qui se sont efforcés d’assurer la médiation avec les élus lorsque cela pouvait se révéler utile.

L’analyse du fonctionnement des comités de programmation souligne par ailleurs, une forte participation des acteurs publics et privés aux réunions sur tous les territoires. Mais ce niveau de participation n’était pas dénué d’intérêt puisqu’au-delà des enjeux de développement territoriaux auxquels devaient participer Leader+, la très grande majorité des membres des comités de programmation étaient eux-mêmes des porteurs de projets, candidats à l’obtention des fonds européens. Si cette situation a pu, aux dires de plusieurs animateurs Leader+, biaiser les débats et bâillonner la critique sur les projets proposés lors des premières années de fonctionnement, force est de reconnaître que la confiance s’est progressivement instaurée au fil des réunions4 faisant place à des débats plus ouverts et à la reconnaissance de la qualité de jugement des uns et des autres. Cette évolution a été possible grâce à la clarification des critères de sélection des projets observée sur plusieurs territoires d’une part, et à la présence répétée des agents du CNASEA dans les comités de programmation qui se sont efforcés de diffuser « la philosophie » Leader d’autre part.

Les enquêtes réalisées auprès des membres de ces comités lors de l’évaluation finale montrent que ce mode de gouvernance a été apprécié tant par les élus que par les acteurs privés. L’un d’entre eux, issu du milieu associatif et représentatif de plusieurs témoignages convergents, s’exprimait ainsi : « j’ai eu le sentiment d’être investi d’un rôle me permettant de participer pleinement au développement du pays ». De ce point de vue, on peut considérer que l’approche Leader+ a véritablement contribué à faire évoluer les mentalités.

En revanche, l’appréciation des membres des comités de programmation et des porteurs de projets est beaucoup plus mitigée en ce qui concerne l’animation et la communication sur les programmes. Pour mobiliser le plus largement possible, seuls quelques territoires ont initié des démarches exemplaires. Citons par exemple, le Pays Vendômois qui a organisé des réunions publiques destinées à faire se rencontrer les acteurs autour de thématiques ciblées pour favoriser l’émergence de projets ou celui de Grande Sologne qui, pour sa part, a initié au cours de la seconde partie du programme, des journées d’échanges visant à la fois à promouvoir très largement les opérations phares et à dresser l’état d’avancement de la démarche.

En ce qui concerne le caractère innovant des projets, tous les GAL ont affiché une ou plusieurs actions innovantes à l’échelle de leur territoire : expérimentation d’un transport à la demande sur le Pays de Saint-Brieuc sud, mise en place d’une agence de développement touristique sur le Pays de Touraine Côté Sud, ou bien encore, du festival petite enfance de la communauté de communes de Questembert (Festi môme) sur le Pays de Vannes. Ces projets ont en commun d’être rarement des innovations au sens premier du terme. La plupart d’entre eux résulte en effet d’une transposition-adaptation d’opérations mises en place sur d’autres territoires. Néanmoins, force est de reconnaître qu’ils n’auraient probablement pas vu le jour sans Leader+ compte tenu du fléchage des subventions classiques qui privilégient quasiment exclusivement des opérations d’investissements.

Ces actions, souvent présentées comme exemplaires dans le cadre des réseaux, ne doivent cependant pas masquer que le niveau d’exigence des comités de programmation en terme d’innovation a été le plus souvent circonscrit à sa plus simple expression : innovant à l’échelle de la commune ou au niveau de l’association. Cet état de fait est à mettre en relation avec la faiblesse des capacités d’ingénierie et/ou l’insuffisance de compétences de la plupart des porteurs de projet. Parfaitement conscients de cette réalité, plusieurs territoires ont intégré dans leur dossier de candidature Leader 2007-2013 que le caractère innovant devait s’entendre à l’échelle du GAL.

Pour ce qui est du caractère intégré et multi-sectoriel des projets, il n’est pas toujours à première vue clairement perceptible : à l’exception des démarches de valorisation des produits locaux initiées par des offices de tourisme ou la création de nouveaux services encouragés dans le cadre d’un schéma de Pays, le regret peut être formulé qu’un peu partout, des projets aient été soutenus sans exigence réellement affirmée. Parions, que, comme pour l’innovation, cette dimension puisse être mieux prise en compte dans le cadre du programme 2007-2013.

La sixième spécificité Leader qu’est la mise en réseau, a relativement bien fonctionné au niveau des trois régions Bretagne, Centre et Pays de la Loire, respectivement sous l’égide des 3 structures régionales que sont l’ARIC (Association Régionale d’Information des Collectivités territoriales), L’A3P (Association Pour le Promotion de la Politique des Pays en Région Centre) et Culture et Promotion Pays de la Loire. La quasi-totalité des animateurs Leader ont apprécié les journées d’échanges thématiques, les journées de formation et de capitalisation sur « les bonnes pratiques ». Ces dernières ont permis de soutenir utilement les jeunes professionnels en mal de repères et/ou isolés, de diffuser de « bonnes idées » et même, dans certains cas, de favoriser l’émergence de projets de coopération interterritoriaux. La participation régulière des animateurs Leader aux activités organisées par les réseaux démontre à elle seule, l’intérêt que ces derniers pouvaient y trouver. Le constat est le même pour les journées thématiques organisées, en Bretagne et Pays de la Loire, à l’adresse des membres des GAL. Il convient donc de reconnaître que cette spécificité leader a été dans sa mise en forme, une réelle plus value même si les réseaux interrégionaux, nationaux et européens ont été globalement moins bien appréhendés par les animateurs, notamment en raison de la distance avec le local.

Enfin, la coopération ne s’est pas révélée être un point fort de Leader+ dans une grande majorité de territoires. Souvent, elle s’est limitée à des échanges d’expériences entre GAL de la même région ou d’une région voisine. Selon les animateurs Leader, ce constat s’explique essentiellement par les difficultés de mobilisation des acteurs publics et privés, « qui ne mesurent pas bien ce que ce type d’initiatives peut leur apporter, notamment aux regards des contraintes générées telles que l’éloignement ou la barrière de la langue ». Quelques territoires ont néanmoins pu afficher de belles réussites, à l’instar du projet porté par la communauté de communes de Becherel (Pays de Brocéliande) qui a organisé des échanges avec un village du livre du sud de l’Écosse.

En conclusion, notons que l’approche Leader+ a incontestablement permis de développer sur les territoires concernés de nouvelles pratiques concourant au renforcement de la cohésion des territoires. Comme le disait le président d’un Pays, « Leader a permis de faire connaître et reconnaître notre territoire grâce à des actions emblématiques, de prendre conscience de nos capacités à innover ». Et sur quelques territoires, les méthodes et outils utilisés dans Leader tendent à être appliqués à d’autres procédures (contrat de Pays ou Pôle d’Excellence Rurale par exemple). Ailleurs, on relève l’instauration d’une commission « évaluation » au sein de l’instance de pilotage du Pays, chargée de mesurer les effets de toutes les actions pilotées par la structure. Au delà des collectivités, une animatrice Leader nous confiait récemment que « le programme avait indéniablement contribué à la professionnalisation des acteurs et contribué à développer des compétences locales dans le montage de projets ».

3. De Leader+ à Leader 2007-2013

Tous les territoires Leader+ des régions Bretagne, Centre et Pays de la Loire se sont positionnés dans le cadre de l’appel à projet lancé à l’été 2007. La compétition a été rude en Bretagne et en région Centre, puisque seule la moitié des territoires ayant candidaté a été retenue au final. La Région des Pays de la Loire a quant à elle, opté pour une autre stratégie en retenant les 17 territoires candidats. Se côtoient donc, deux approches différentes : d’un côté des régions qui ont sélectionné respectivement 12 territoires disposant d’une enveloppe financière d’environ 1,6 M€ pour 6 ans, de l’autre, plus de territoires retenus mais dotés de financements plus restreints (de l’ordre de 1,1 M€) (fig. 2).

À l’exception de quatre territoires Leader+, l’un en Bretagne, les autres en région Centre, tous vont pouvoir poursuivre et amplifier la dynamique engagée. L’enjeu d’une issue favorable était de taille car, pour la plupart d’entre eux et selon leurs dires, sans Leader, il est fort probable que « le soufflé serait retombé ».

Pour être sélectionné, les territoires Leader+ candidats ont du démontrer en quoi la mise en œuvre d’un nouveau programme européen leur permettrait d’aller plus loin. Pour ce faire, les acteurs locaux ont mesuré les plus-values et les moins values de la précédente programmation, et en ont tiré les enseignements. D’un territoire à l’autre, les faiblesses constatées présentent des similitudes manifestes (tab. 3) sur lesquelles il pourrait être pertinent de mutualiser la réflexion sur les solutions à développer localement.

Tableau 3 : Principales plus-values et moins-values observées sur les territoires Leader+

Spécificités Leader+ Principaux acquis Faiblesses constatées
Pertinence de la stratégie locale – Cohérence territoriale qui a favorisé la mise en œuvre d’une stratégie intégrée – Articulation entre les différentes procédures peu lisible sur certains territoires
Approche ascendante – Mobilisation et implication des acteurs publics et privés
– Renforcement de la cohésion et de l’identité territoriale
– Savoir-faire existant dans la majorité des territoires
– Manque d’expérience de l’équipe en place dans certains territoires
Partenariat public-privé : GAL – Reconnaissance progressive et collective de l’intérêt d’un nouveau mode de gouvernance
– Démarche mobilisatrice car motivante, propice à la mise en œuvre et à la réussite de projets novateurs
– Introduction de la culture de l’évaluation et de la notion de processus de développement
– Règles du jeu parfois un peu opaques quant aux modalités de sélection des projets et d’attribution des fonds Leader
– Introduction du changement relativement lente dans certains territoires
Innovation – Quelques réalisations notoires sur tous les territoires
– Mode de financement très approprié permettant d’agir sur « la manière de faire »
– Capacités d’ingénierie ou compétences limitées ne permettant pas de multiplier les projets innovants
– Capitalisation et valorisation jugée insuffisantes
Actions intégrées et multi-sectorielles – Initiatives remarquables sur certains territoires – Niveau d’exigence trop modeste, en lien avec les capacités d’ingénierie
Mise en réseau – Bonne articulation entre le niveau local et le niveau régional ; une plus-value réelle des démarches d’animation régionale et inter régionale
– Principe institué sur certains territoires
– Manque d’expériences de l’équipe en place dans certains territoires
– Niveau interrégional, national et européen pas toujours appréhendé au niveau local
– Constitution d’une « bulle Leader » limitant le transfert d’expériences vers les territoires exclus de l’approche Leader
Coopération – Quelques initiatives remarquables – Peu de projets transnationaux
– Des projets interterritoriaux circonscrits à l’échange d’expériences
– Intérêt de la coopération pas toujours compris des acteurs locaux

En terme d’améliorations envisagées par les territoires ayant expérimenté Leader, notons par exemple, l’exigence de mieux prendre en compte dans les projets retenus les trois dimensions du développement durable (économique, sociale et environnementale), l’exigence de démonstration de la valeur ajoutée du projet à l’échelle du territoire (et non à l’échelle de la commune ou de l’association), ou bien encore, l’introduction du vote à bulletin secret au niveau du comité de programmation dans l’un d’entre eux5. De même, bien que l’évaluation ne soit plus obligatoire à l’échelle des territoires retenus6, la quasi-totalité des GAL étudiés (et retenus dans le cadre du nouvel appel à projet) a décidé de planifier dès le démarrage de leur programme, le processus d’évaluation. Certains d’entre eux ont même décidé de collaborer pour construire des outils communs qui permettront ultérieurement de comparer leurs résultats et d’accroître la pertinence des améliorations proposées.

Si l’obtention d’un nouveau contrat représente une opportunité réelle de consolidation de l’approche Leader dans la plupart des GAL des régions Bretagne et Centre, en région Pays de la Loire, plus de la moitié des territoires retenus n’a aucune expérience en la matière (11 sur 17). Le défi de la diffusion sur le terrain de la « philosophie Leader » y est donc à relever.

Pour conclure cet article, nous retiendrons que si l’approche leader permet incontestablement d’introduire de nouvelles pratiques de gouvernance locale, le chemin à parcourir pour installer dans la durée, des processus stabilisés, sera encore long. Dans la plupart des territoires ruraux, les élections municipales de mars 2008 ont engendré un fort renouvellement des élus. Cela suppose, aux dires des animateurs, de devoir réinvestir lourdement dans la communication, la formation des acteurs et l’animation. De même, face à la raréfaction des fonds publics, certains élus voient à travers leader l’opportunité de trouver les financements qui manquent cruellement à la réalisation de leurs projets. Gageons que ce ne soit pas au détriment de la philosophie leader.

1 Acronyme de Liaison Entre Actions de Développement de l’Économie Rurale

2 Depuis les années 80 pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, courant des années 90 pour la région Centre qui a initiée des démarches de

3 Les comités de programmation sont les émanations des GAL. Ce sont eux qui décident d’accorder ou non un soutien financier aux porteurs de projets

4 Trois à quatre réunions par an en moyenne soit plus d’une vingtaine au total pour la durée du programme

5 Et ce pour éviter trop d’indulgence dans les choix. Rappelons ici, que dans la plupart des comités de programmation, les membres qui décident de l’

6 Désormais, les évaluations seront réalisées à l’échelle régionale

Bibliographie

BARRUET J., 2002. Évaluation des politiques publiques : la demande européenne. Cas des programmes s’appliquant aux territoires. In BASLE M., DUPUIS J., SYLVAIN L., Évaluation publique territoriale et collectivités, Paris, l’Harmattan, tome 2, pp. 9-36.

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MEASSON L., 2006. L’évaluation : miroir du pouvoir ou pouvoir du miroir ? L’exemple du programme européen Leader. In CAPRON H., Politique régionale européenne : Convergence et dynamique d’innovation. De Boeck, Association de science régionale de langue Française (ASRDLF), pp. 253-276.

Site internet : http://ec.europa.eu consulté en avril et mai 2009.

Notes

1 Acronyme de Liaison Entre Actions de Développement de l’Économie Rurale

2 Depuis les années 80 pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, courant des années 90 pour la région Centre qui a initiée des démarches de développement local beaucoup plus tardivement.

3 Les comités de programmation sont les émanations des GAL. Ce sont eux qui décident d’accorder ou non un soutien financier aux porteurs de projets candidats. Certains d’entre eux comptabilisaient plus de 30, voire plus de 40 membres (44 membres dans le Pays de Brocéliande, 41 sur le Pays de Vierzon).

4 Trois à quatre réunions par an en moyenne soit plus d’une vingtaine au total pour la durée du programme

5 Et ce pour éviter trop d’indulgence dans les choix. Rappelons ici, que dans la plupart des comités de programmation, les membres qui décident de l’octroi des subventions Leader sont eux mêmes des porteurs de projets.

6 Désormais, les évaluations seront réalisées à l’échelle régionale

Illustrations

Figure 1 : Les 7 spécificités de Leader

Figure 1 : Les 7 spécificités de Leader

Figure 2 : La zone d’étude Leader+ (2000-2006) et Leader (2007-2013)

Figure 2 : La zone d’étude Leader+ (2000-2006) et Leader (2007-2013)

Tableau 2 : Thématiques Leader+ et orientations stratégiques retenues par les territoires étudiés

Tableau 2 : Thématiques Leader+ et orientations stratégiques retenues par les territoires étudiés

Citer cet article

Référence électronique

Lucette Jaunet, « LEADER, vecteur de nouvelles pratiques de développement territorial dans le centre ouest de la France ? », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2009, mis en ligne le 29 avril 2021, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=708

Auteur

Lucette Jaunet

Consultante en stratégie de développement territorial, PAST à l’Institut de Géographie et d’Aménagement de l’Université de Nantes

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