Initiée tardivement parce que peu conforme à la culture de l’État en France, la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) a fini par s’imposer, du moins sur le papier, assez récemment en étant liée à un autre paradigme contemporain, le développement durable et en grande partie sous la pression de Bruxelles. Peut-on considérer la GIZC comme une réussite ? En quoi combine-t-elle l’inscription dans les principes d’une gestion des zones côtières née il y a presque 50 ans aux États-Unis et la tradition administrative française, qui semble peu compatible (en apparence ou en réalité) avec des pratiques qui exigent de remonter de la base au sommet, de ceux qui vivent en bord de mer ou en mer à ceux qui, dans les bureaux parisiens, décident in fine de ce qui est le mieux pour la France sinon pour les français ? Un bilan exige une remontée dans le temps pour cerner aujourd’hui ce qu’il reste d’une grande ambition. Pour exposer aussi avec la distance-temps nécessaire, les métamorphoses d’une approche à la française.
Actualités de la GIZC
La consultation des sites sur la toile permet de se faire une idée de l’actualité de la gestion intégrée des zones côtières. Ces sites ne sont pas nombreux et, le plus souvent, ils donnent des annonces sans pour autant donner de vrais bilans de l’action (ou des actions) entreprise.
Le Forum Terre-Mer du Var qui s’est tenu à Grimaud le 31 mars 2016 est un bon exemple de ce qui se met en place. Il s’agit de l’une des actions portées par le Programme d’Aménagement Côtier (PAC) Var, lequel a
« pour vocation de favoriser l’émergence d’une communauté de destin autour de la GIZC, en faisant remonter les attentes des acteurs locaux et en facilitant le dialogue entre les acteurs terrestres et marins ». Cette première édition du Forum a été « l’occasion de débattre et de réfléchir à la manière de bâtir ensemble un lieu d’échange efficace et une gouvernance solide et cohérente à l’échelle du territoire varois, laquelle pourrait perdurer dans le temps et vivre au-delà de la fin du projet PAC (juin 2017) ».
La GIZC dans ce contexte apparaît plus dans les intentions que dans les actes, elle ne résout aucun conflit ; elle est « politiquement correcte » dans l’affichage : le forum est un « lieu d’échanges » pour bâtir « ensemble » une « gouvernance « solide et efficace » dans le temps qui s’écoule, au nom d’un autre principe ici transparent, le « développement durable ».
Ce Forum (disent les rédacteurs du compte-rendu) a ainsi été l’occasion de souligner l’interdépendance des activités économiques et des enjeux environnementaux : les activités économiques littorales peuvent en effet contribuer à aggraver les impacts des changements globaux, ou au contraire, contribuer à les limiter pour préserver les richesses naturelles du territoire varois. Pour parvenir à limiter les impacts de manière significative, il faut recourir à une intelligence territoriale, laquelle passe par une coopération entre les différents acteurs littoraux. Des principes, des « mots » ; au fond, l’angoisse permanente de voir s’altérer de plus en plus un environnement littoral en voie de dégradation rapide sous l’effet, dans le Var, de la pression immobilière, même si le terme faisant sans doute peur, il n’est pas question de l’utiliser de manière trop précise.
L’examen des deux ateliers qui ont suivi, en deux « groupes de discussion » montre les thématiques abordées :
Atelier n°1 : comment structurer/consolider la communauté terre-mer ?
Il a été rappelé que dans le Var, certains outils fonctionnent déjà, à l’instar du Conservatoire du littoral, le contrat de baie des îles d’Or, la charte du Parc National de Port-Cros, ou encore le CIETM (Collectif d’Initiatives pour l’Environnement du Territoire des Maures) qui préfigure un futur Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) varois. Des clivages existants en matière de revenus, de résidents permanents/non permanents, ont été identifiés comme des obstacles à la structuration de la communauté terre-mer. Il a néanmoins été souligné l’importance d’apprendre à se connaître et à se reconnaître, de créer de la rencontre entre les membres de la communauté et de n’oublier personne (experts, grand public, jeunesse, etc.). La coopération, autour de la GIZC ou d’autres thèmes, concourt de manière intrinsèque à la structuration de la communauté terre-mer. Le Forum Terre-Mer a été identifié comme un outil pouvant impulser les dialogues terre-mer et consolider les solidarités territoriales autour d’un socle de valeurs et d’un langage communs, à condition de trouver un porteur pérenne. L’importance d’une communication des résultats des discussions inter-acteurs a enfin été mise en exergue, de même que la possibilité pour le Forum Terre-Mer de devenir une instance de légitimation, permettant de porter certains messages et certaines postures difficiles à tenir pour un acteur isolé (exemple des initiatives de recul stratégique).
Plus de vingt ans après l’émergence du concept, on observe toujours les mêmes problématiques sans toutefois que des réponses aient été apportées. Les « outils » sont plutôt des structures et même s’ils ont été « identifiés » les obstacles à la structuration de la communauté terre-mer subsistent. Comme si de colloques en forums, la construction de la GIZC elle-même peinait mais cette « construction » sur laquelle nous reviendrons est-elle « raisonnable » dès lors qu’elle tend à élargir le cadre de l’action, une territorialisation élargie qui, à l’image des schémas de cohérence territoriale, dilue les problèmes dans des espaces qui justement en s’élargissant sont de moins en moins « cohérents » ? On rejoint ici un mal français sur lequel il conviendra de revenir.
Aux termes des débats, les priorités d’action exposées par cet atelier ont pu être synthétisées en trois axes :
- partager l’initiative, dès le départ « faire ensemble, c’est déjà structurer » ;
- se (re)connaître, bâtir une identité commune ;
- bâtir une instance de légitimation, qui portera les solidarités territoriales.
Atelier n°2 : comment passer de la connaissance à la prise de décision et de l’action à l’évaluation ?
Les différentes étapes du processus décisionnel ont été exposées : connaître, décider, agir et évaluer. Il a ainsi pu être évoqué l’idée selon laquelle deux thèmes peuvent servir de base à l’identification des blocages rencontrés à tous les niveaux pour passer à l’action : le changement climatique et les risques littoraux. D’autres participants ont également souligné la problématique des pollutions par macro-déchets et hydrocarbures et celle de la maîtrise de l’urbanisation, où le passage à l’action n’est pas toujours au rendez-vous. Il y aurait donc plusieurs constats, impliquant la mise en place de synergies, en vue d’un passage à l’action. Plusieurs pistes ont été proposées : le regroupement de données existantes, afin de donner à voir les domaines où l’on dispose de suffisamment de connaissances pour décider, la diffusion de l’information, la mobilisation des lanceurs d’alerte, la réalisation d’analyses coût/bénéfice. La structuration d’une gouvernance cohérente permettant d’éviter le morcellement des positions et de co-construire une vision à long terme pour le territoire en trouvant des financements associés a également été mentionnée, de même que la coopération interdépartementale et transfrontalière pour faire face à des défis tels que la prolifération d’espèces invasives ou la gestion des pollutions (boues rouges, macro-déchets, etc.). L’atelier a enfin mis en évidence le fait que la composante psychologique est ici fondamentale, notamment pour parvenir à cerner la notion de maturité de la décision chez les élus.
Les débats ont fait ressortir les pistes d’action suivantes :
- conduire un travail sur les modes d’émergence de la connaissance et son appropriation ;
- revoir nos modes de communication de l’information ;
- travailler de manière transdisciplinaire.
Autre cas, d’une autre dimension, le GIP littoral aquitain. Il s’agit d’un organisme public qui regroupe l’État, la Région aquitaine, les trois départements littoraux et toutes les intercommunalités du littoral aquitain. En soi, une structure qui est le cadre parfait pour mettre en route une véritable gestion intégrée, regroupant la plupart des partenaires « institutionnels » mais sans la présence des acteurs du monde professionnel, économique en particulier. La gestion de l’espace littoral est au cœur des préoccupations permanentes mais un regard sur le site internet montre qu’il n’est nulle part question de la GIZC ; peut-être considère-t-on que le stade GIZC est dépassé et que le concept au fond est désormais « intégré ». C’est une explication parfaitement raisonnable. L’objectif affiché est de mettre en place une démarche de dialogue au sein des partenaires du GIP ; d’aller vers une vision partagée de l’aménagement durable de l’espace littoral aquitain tout en conciliant les spécificités locales et les enjeux de dimension régionale. De la GIZC mais aussi des mots, de la « langue de bois » à laquelle nul ne saurait opposer le moindre argument, sauf à s’afficher de mauvaise foi. Le but, c’est en toutes lettres de « verdir » le littoral : des « côtes vertes » qui exigent de nouveaux outils et de nouvelles méthodes « dans le contexte du changement climatique ; des « côtes propres » ; une « croissance bleue ». Toutes les références du local au global qui font l’avenir « durable ». Mais, concrètement, quels sont les problèmes à résoudre ? Le long du littoral aquitain, sur lequel pèsent deux menaces, le vieillissement des stations balnéaires nées de la Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte Aquitaine (MIACA) des années 1970 d’une part ; le risque que représente une érosion constante et séculaire dans un contexte d’élévation du niveau des mers, corrélée au réchauffement climatique, d’autre part. Lacanau, station emblématique, y est confrontée et constitue un des cinq territoires qui expérimentent la « relocalisation des activités et des biens » depuis le lancement du projet national en février 2013 : on reste dans l’attente des résultats pourtant promis pour 2015. Cas classique d’une temporalité qui pèse sur l’ensemble des partenaires et des structures, à quoi s’ajoute l’inévitable prudence de l’État et de ses administrations devant l’ampleur des problèmes soulevés…
En résumé, plus la préparation à l’action que l’action elle-même. Des mots-clés, bien entendu : gouvernance, dialogue, échanges, cohérence, connaissance, partage, communication et les angoisses contemporaines, le développement durable, le réchauffement climatique, la montée du niveau des océans.
Cette actualité oblige à revenir aux principes fondamentaux…
Un retour sur les principes : qu’est-ce que la gestion intégrée des zones côtières ?
Il s’agit d’un concept émergent qui tend à considérer qu’on ne peut gérer le littoral si l’on ne considère pas qu’il constitue un système dont tous les éléments sont solidaires. L’idée est plutôt d’origine anglo-saxonne et s’inspire, sur la longue durée, des principes édictés en 1972 lors de la promulgation aux États-Unis du Coastal Zone Management Act. Cette idée scande également les deux décennies suivantes et aboutit, lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, à l’insertion du principe de la gestion intégrée des zones côtières dans le chapitre 17 de l’Agenda 21 consacré aux Océans. Le rapport entre l’émergence de la gestion intégrée et les problèmes environnementaux est étroit : c’est bien pour que toutes les ressources marines et côtières soient gérées de manière rationnelle, dans une vision de développement durable, que l’on a considéré que l’intérêt collectif était supérieur aux intérêts individuels en partant cependant du principe que l’échange, le dialogue entre partenaires du jeu littoral étaient la clé d’une bonne gouvernance (Hénocque et Miossec, 2014).
La gestion intégrée des zones côtières repose sur une vision de la gouvernance qui cherche à tirer parti des initiatives de la base tout en laissant au sommet des possibilités d’incitation, en particulier sur le plan des financements (Lozachmeur, 2009). Pensée d’abord à l’échelle internationale sous l’égide d’organismes dépendant des Nations-Unies et relayée fortement sur le terrain, dans les pays du Sud en particulier, par les Organisations Non-Gouvernementales, la GIZC a fait l’objet de programmes expérimentaux à l’échelle européenne et à celle de la plupart des États membres de la Communauté Européenne. La France ne s’est qu’assez tardivement lancée dans l’expérimentation : ses traditions fortement centralisatrices freinaient l’initiative locale. Toutefois, depuis deux décennies et la proposition faite en 1995 dans le rapport Bonnot (« Pour une politique globale et cohérente du littoral en France »), le principe a progressivement imprégné les esprits et, progrès de la décentralisation aidant, des initiatives locales ont fait le lit d’une nouvelle vision de la gestion des territoires littoraux, conçus d’ailleurs comme un espace à la fois terrestre et marin. Il apparaît aujourd’hui que cette gestion, si elle est appliquée avec bon sens et souplesse, pourrait apporter les solutions aux problèmes que les Schémas de Mise en Valeur de la Mer n’avaient pas su résoudre. On doit donc considérer la montée de ses principes comme l’expression d’une progressive convergence des points de vue sous la pression d’une mondialisation qui, à juste titre, suppose que les problèmes planétaires soient appréhendés de manière globale. La gestion intégrée ne néglige ni le réchauffement climatique, ni la montée du niveau de la mer et les risques associés. Elle va cependant plus loin, à la fois exigeante sur les principes et tolérante sur des pratiques qui sont largement le reflet de cultures locales que l’on se doit de respecter. En cela, elle traduit plutôt le triomphe d’une vision décentralisée de la gestion et si la France s’y met, c’est à la fois en désespoir de cause (les autres solutions, trop pilotées par l’État n’ont pas donné de bons résultats) mais également au nom d’un réalisme politique qui prend acte de la construction européenne, des principes d’initiatives locales plus spécialement acceptées dans des États où la part des autonomies provinciales est une marque historique forte.
L’intégration, principe de base est tout à la fois sectorielle, administrative, spatiale, internationale, et doit marquer la forte présence de la recherche scientifique. En cela, elle lie la recherche et le développement durable dont la GIZC est l’un des aspects les plus éminents. Sectorielle, en ce sens que l’on cherche des interlocuteurs solidaires et assez organisés pour pouvoir débattre et peser sur la décision inévitablement politique : on doit passer d’une logique de conflits mal résolus (ou jugés insolubles) à une logique de transparence, de dialogue et de concessions réciproques ; la recherche du compromis est la norme. La logique n’est pas « lobbyiste » au sens péjoratif que l’on donne trop souvent à ce terme : elle suppose par exemple, un monde de la pêche organisé et responsable, apte à comprendre les enjeux et à faire accepter des décisions parfois douloureuses, et c’est aussi vrai de toutes les professions (monde des armateurs et des ports, promotion immobilière…). Administrative car trop d’administrations liées à la mer (et le cas français est limpide) ont des positions divergentes ; elles épousent le point de vue des professions du secteur qu’elles gèrent : les nombreuses administrations qui traitent de la mer et des côtes en France doivent dialoguer en permanence pour que l’intérêt supérieur l’emporte sur les réflexes catégoriels. Un Secrétariat Général de la Mer, éclairé par le Conseil National du Littoral, pourrait avoir une action positive si ses relais à l’échelle locale étaient à la fois responsables, informés et innovants. Au plan spatial, l’intégration doit permettre de considérer l’ensemble d’un espace marqué de cohérence, liant la terre et la mer et dégageant des priorités d’action allant dans le sens d’un développement durable, c’est-à-dire respectueux des équilibres écologiques qui ménagent la ressource, limitent l’exploitation (des espèces comme de l’espace lui-même). Intégration spatiale signifiant aire géographique de dialogue mais pas forcément comme trop de gens l’entendent zonation de l’espace et renforcement des contraintes portant sur des limites qui en mer sont difficiles à saisir (Trouillet, 2004). Intégration de la science dans le jeu des acteurs pour finir, et bien entendu intégration au sein même du monde scientifique qui trop souvent encore reflète des clivages paralysant. Les sciences de la nature et de la vie doivent dialoguer avec les sciences humaines et sociales pour, au-delà de la science pure, faire à l’ensemble des non spécialistes des propositions raisonnables et intelligibles à chacun. Ce n’est pas là le moindre des enjeux de la gestion intégrée des zones côtières, concept itératif et fortement « démocratique » en ce qu’il entend que chacun soit acteur de son destin. En soi, cette gouvernance nouvelle n’est qu’un outil, de conception large et décentralisée, qui autorise à la fois le développement et la protection/conservation, celle du littoral et des mers comme patrimoine et ceci au sens le plus commun du patrimoine, ce dont les hommes héritent et qu’ils doivent conserver et faire fructifier. Un outil simple et réaliste et sûrement pas l’usine à gaz que certaines administrations, en France en particulier, tendent à mettre en place, reproduisant ainsi les causes qui mirent en accusation leurs pratiques dépassées.
La GIZC, une boîte à outils pour protéger mers et littoraux, l’exemple de la loi Littoral
Derrière les grands principes exposés ci-dessus, se met en place un arsenal de mesures variées qui prend en compte la valeur patrimoniale des lieux et des milieux, qui permet le suivi permanent de l’évolution (on serait même tenté de dire du « développement » pour définir les seuils au-delà desquels un espace, un milieu, une espèce est menacé). Ces mesures procèdent de décisions politiques à différentes échelles, du local au global, par exemple de l’articulation des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) dans les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) en France à un vaste ensemble comme la Méditerranée auscultée dans le cadre du Plan bleu né de la Convention de Barcelone en 1975, le tout décliné sous l’égide (pas toujours) du Programme de Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Ces mesures aident les États mais également de plus en plus les Organisations Non Gouvernementales engagées dans la protection de l’Environnement dans leur action protectionniste, les États ayant plus souvent des préoccupations de développement qu’il convient tant bien que mal de faire cadrer avec l’esprit offensif des ONG. Il ne peut être question de tout décrire, sachant que tout est sujet à préoccupation protectionniste, de la bande côtière aux récifs coralliens, des mangroves aux marais maritimes : quelques « outils » peuvent cependant illustrer l’offensive ; en France à titre d’exemple.
La loi Littoral, une gestion « à la française », une application de la GIZC ?
Votée le 3 janvier 1986, la loi n° 86-2 « relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral » est venue clore une série de textes tendant à réglementer les usages du sol en bord de mer. Elle a fait couler beaucoup d’encre en ce qu’elle est d’abord un compromis entre ceux qui désiraient plus et mieux « aménager » le littoral et ceux qui, au contraire, entendaient mieux le « protéger ». Elle vient à son heure, couronnant en quelque sorte une vision très « réglementaire » du littoral, dans la droite ligne de l’Ordonnance de la Marine de 1681 qui faisait de la côte partie intégrante du territoire relevant du Roi et donc, à l’époque, de l’État. Ce n’est pas une loi de circonstance, qui ne serait liée qu’à la prise de conscience des pressions croissantes observées sur le littoral français ; c’est, légitimement, un texte qui entend marquer un certain nombre de limites à ne pas franchir dans les formes d’occupation de l’espace littoral. Ce qui explique les réserves émises à l’égard de la loi, c’est qu’elle sort au moment où la décentralisation entre dans une phase active et l’État se trouve accusé de reprendre la main là où les élus locaux entendaient user de leur liberté nouvelle.
La loi Littoral est une loi relativement brève, 3 titres et 42 articles où la philosophie est transparente et qui ne saurait passer pour un texte visant à la gestion globale du littoral… et pourtant…
Il s’agit d’une loi spécifique, à l’image de la loi montagne votée par le Parlement en janvier 1985. Son article premier reconnaît dans le littoral « une entité géographique » qui « appelle une politique spécifique… d’intérêt général ». Outre le caractère particulier du littoral, le souci est bien de l’administrer de telle sorte qu’il soit accessible à chacun et que (mais le texte ne le dit pas), il soit aussi considéré comme relevant du patrimoine de la Nation.
Sauf à considérer l’ordre des principes édictés, la loi est bien tout à la fois un texte d’aménagement, de protection et de mise en valeur du littoral et chacun a pu y lire ce qu’il entendait développer sur le littoral : les élus locaux ont, dans un premier temps et pour la plupart, considéré l’aménagement comme la poursuite, plus encadrée et sûrement, à leurs yeux, trop encadrée de l’aménagement du littoral entendu comme une façon de continuer à développer les activités touristiques. Au fond, deux grands volets constituent cette loi. D’un côté, on encadre et on précise les conditions du « développement » et de l’autre côté on entend rappeler les principes d’une bonne protection des espaces et des milieux « caractéristiques » du littoral, sans d’ailleurs aller jusqu’à préciser les limites dans lesquelles on entend placer l’action.
Le titre 1 traite de l’aménagement et de la protection du littoral. C’est le titre principal et le seul que l’on considérera ici. Il s’agit d’adapter « certaines dispositions du code de l’urbanisme » ; c’est dire l’enjeu principal de la loi. Comment en effet, maintenir les conditions du développement économique - et singulièrement du tourisme - tout en inscrivant l’action dans la durée (on notera, avant la lettre, que cette loi entend inscrire le développement comme durable) ? Quelques indications sont données qui vont dans le sens d’une meilleure appréciation de ce que l’on peut faire. D’abord, l’affirmation qu’il y a désormais une « capacité d’accueil » des espaces urbanisés ou à urbaniser : cette capacité n’est pas précisément fixée mais elle entend que les espaces naturels soient préservés et que les espaces voués à des activités traditionnelles (agriculture, forêts…) soient protégés. Une manière de figer l’existant et d’aérer l’espace en allégeant la pression. Ainsi affirme-t-on que des coupures d’urbanisation sont désormais nécessaires : l’extension du bâti ne peut se faire qu’en continuité avec l’existant ou sous la forme de « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » ; ainsi est-il précisé également que dans les espaces proches du rivage l’extension du bâti ne peut que concerner des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. Enfin, en dehors des zones urbanisées, les constructions sont interdites sur une bande littorale de 100 mètres. Tous ces éléments ambitionnent non pas de freiner l’urbanisation, mais de la canaliser à la fois dans l’intérêt de chacun et dans l’intérêt de tous : on ne peut plus faire n’importe quoi n’importe où, ce qui ne veut pas dire que tout développement soit interdit. Parallèlement, l’importance des espaces et des milieux est soulignée : on est dans une logique qui découle des principes du rapport Piquard de 1972 et de la création du Conservatoire du littoral en 1975. L’article L . 146-6 a fait couler beaucoup d’encre et soulevé l’indignation de bien des élus locaux : il porte sur les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et sur les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Ces espaces remarquables et caractéristiques doivent être soustraits à toute forme d’occupation lourde et tous les documents d’urbanisme doivent les prendre en considération, dès lors que ces espaces auront été décrits et délimités. Comme toujours en matière réglementaire, ce sont les décrets d’application de nombreux articles (et surtout du L . 146-6) qui ont tardé et qui ont fait problème ; en cela ils donnent bien le sentiment que la loi n’a pas à être considérée comme un bloc imposé mais comme un véritable cadre de réflexion, de débat et in fine d’action.
Pour le géographe, au-delà de la lettre, c’est l’esprit du texte qui importe et la prise de conscience qu’il exprime. L’esprit est à la recherche d’un équilibre entre les deux groupes d’acteurs qui sont face à face, les développeurs et singulièrement l’industrie touristique, les conservationnistes qui entendent que le littoral soit préservé et reste largement accessible à tous au nom d’une égalité qui incombe à l’État. La prise de conscience, c’est celle de la précarité et de la fragilité de l’espace côtier : il convient donc de préserver ce qui doit absolument l’être, en fonction du degré d’intérêt des sites, des paysages, de l’état d’altération des milieux et des limites à ne pas franchir. Ainsi seront mieux - sinon totalement - préservés marais maritimes et massifs dunaires, pour ne prendre que ces exemples.
En quoi peut-on dire que la loi relève d’une forme de conception de la GIZC avant la lettre ? Il faut revenir aux sources et en particulier à la manière dont certains hauts fonctionnaires et juristes ont conçu le texte. Nancy Bouche (1986) par exemple, qui en fut une des chevilles ouvrières, avait dès l’origine justifié le flou dans lequel baigne la loi en disant qu’au fond, plutôt que d’enfermer les acteurs, il fallait au contraire les obliger à confronter leurs points de vue, à « éclairer » certains concepts et, de manière itérative, à rechercher un compromis. Si l’on veut prendre de la distance avec le conflit du moment, c’est pourtant bien ce qui s’est passé : on a une meilleure approche de la capacité d’accueil, une meilleure définition des espaces proches de la mer ou encore des coupures d’urbanisation et, bien entendu on n’a pas la définition stricte qui enferme mais au contraire un espace de liberté dont il était bon que chacun prenne conscience. Tel est le bilan, rien moins que négatif en dépit des positions des uns et des autres (Miossec, 2015). Ces positions ne sont, en fait, que des postures, les élus locaux pestant contre l’administration « qui dicte ses choix » et les fonctionnaires dénonçant le laxisme ou l’incompétence des élus. Rien que de très logique dans un pays centralisé où la décentralisation a progressé au pas de la méfiance réciproque. Pourtant, c’était bien l’esprit GIZC, pas une usine à gaz qui répondait à tout mais un outil souple et commode. Ce qui est dit de la loi Littoral a pu être plaidé aussi à propos d’autres aspects de la gestion, celle de l’érosion côtière en particulier (Miossec, 2009).
Changement d’échelle et changement d’optique, l’intégration de la GIZC dans le vaste ensemble de la politique maritime « intégrée »
À mesure que l’intégration européenne se précisait par une série de textes plutôt contraignants, à mesure également que montait l’affichage d’une politique environnementale calquée sur les préoccupations liées au changement climatique (plus souvent affiché d’ailleurs que le « trop simple » réchauffement climatique), la gestion intégrée des zones côtières a progressivement cédé la place à une tout autre ambition, construire une véritable politique maritime, « intégrée » pour l’affichage. On pourrait s’en réjouir si, d’un coup, la France avait enfin reconnu que la mer était un horizon qui ne s’éloignait pas trop. Les lignes qui suivent entendent montrer comment l’État, à travers un affichage séduisant, marque encore une fois son excessive ambition de ne rien laisser aux initiatives locales au nom d’un grand principe classique en France, penser global et exécuter local !
Les glissements européens de la politique française du littoral et de la mer
Si l’on s’en tient aux publications « officielles », on mesure en deux décennies l’évolution de l’approche de l’État. C’est en 1995 la publication par la Documentation française du rapport d’Yvon Bonnot qui affiche la nécessité d’une approche « globale » et « cohérente » du littoral français : il faudra cependant encore quelques années pour qu’émerge la GIZC (Meur-Férec, 2008) puisqu’il faut attendre 2005 pour que soit lancée par l’État une « expérimentation » qui donne des résultats inégaux si l’on considère que l’on en attend encore le réel bilan. La GIZC apparaît pourtant, dans le rapport de la DATAR de 2004, « construire ensemble un développement équilibré du littoral» comme « une nouvelle façon d’agir » et sont évoqués des projets de territoire qui seront effectivement « expérimentés » en 2005. La déclinaison des attendus de la GIZC, pourtant ancienne, est entièrement reprise des manuels et rapports (ou articles) parus au début des années 1990, voire avant. La France avance, avec prudence face à un concept qui vient du monde anglo-saxon. De tout cela cependant, et du Secrétariat Général de la Mer en particulier, sort alors une sorte de « modèle », présenté aux élus et singulièrement à l’Association Nationale des Élus du Littoral (dont Yvon Bonnot était le président). Un modèle qui, en n’oubliant rien, finit cependant par apparaître peu apte à répondre aux questionnements que porte la GIZC ; affaire d’échelles, affaire de culture aussi ! Pourtant, la référence subsiste sans que l’on avance plus encore. Des critiques légitimes permettent de considérer que le « modèle » peut être amélioré. S’agit-il d’un « mirage ou de mutations stratégiques fondamentales » (Guineberteau et al., 2006). Pour sa part, Raphaël Billé (2006) dénonce quatre illusions bien ancrées. Pour lui, le « tour de table comme solution à tous les problèmes » ne donne pas forcément la solution au problème. Il propose de revenir au conflit, aux rapports de force et de pouvoir, et de mieux intégrer ces données dans la vision stratégique des acteurs. Critique importante, mais qui a voulu aller au-delà ? La GIZC était dès l’origine un outil pour chercher des solutions aux conflits. C’est par la vision quasi totalitaire donnée en France que l’on a oublié la simplicité de l’outil (et donc son efficacité potentielle). Autre « illusion », le fait de confier la GIZC à un coastal manager, une manière entre autres de débattre des nombreuses formations universitaires qui émergent dans les années 2000 ou encore l’illusion « positiviste » qui voudrait qu’une meilleure connaissance « scientifique » serait une des bases de la résolution des problèmes. On conçoit d’ailleurs que la formation des « coastal managers » soit ainsi en partie mise en cause. Aucune de ces illusions n’est indifférente pour qui porte un regard critique sur la gestion intégrée des zones côtières : on en revient toujours au même problème, la bonne échelle d’appréhension d’une part, les choix qui sont proposés aux acteurs à cette échelle d’autre part. Il n’est pas certain vu sous cet angle que la mise en place d’un Conseil National du Littoral puisse se révéler le seul moyen d’aborder les problèmes posés, entre protection et développement, même en le déclinant à l’échelle des façades, une vieille tentation dans un État centralisateur comme la France.
L’émergence de la politique stratégique de la mer
La prise de conscience relativement récente de la grande place occupée par les océans a, en quelque sorte, modifié l’angle d’attaque qui jusqu’alors portait vers une accentuation des politiques de gestion intégrée. Cette prise de conscience, en partie issue des nombreux débats autour des Grenelle de l’environnement et donc plus spécifiquement du Grenelle de la mer, a débouché sur une nouvelle dynamique plus globalisante et à l’échelle de l’océan mondial, beaucoup plus compréhensible car elle exposait à tous (et pas seulement aux initiés, au fond le simple lobby de la mer en France) que le pays disposait d’espaces océaniques immenses, dans toutes les parties du globe, ce qui dans une perspective de développement économique, était porteur d’espoir. Ajoutons que cette prise de conscience s’intégrait également dans le contexte de la mondialisation et d’une redéfinition des objectifs de l’Union européenne par une série de recommandations et/ou de directives nouvelles (voir bibliographie). En bref, l’heure était au grand large, ce qui posait nécessairement la question des zones côtières, cette interface complexe à la fois au plan écologique et au plan juridique. Le sentiment pouvait être au fond que pour sauver la planète des risques qui la menacent, il valait mieux élargir la focale et renforcer localement les actions en faveur du climat. Une manière de… ne mécontenter personne, diraient les mauvais esprits ! Lorsqu’en 2014 paraît le volumineux (341 pages) rapport État des lieux « Mer et Littoral », le remarquable bilan que constitue ce rapport expose assez clairement les glissements qui ont amené à proposer « autre chose ». Il s’agit (chapitre 6) de mettre en place « une gouvernance stratégique en construction pour une approche intégrée ». La filiation avec le Grenelle de l’environnement est rappelée, les insuffisances constatées, en particulier une « approche trop peu stratégique des activités » et « une gouvernance inadaptée aux questions maritimes ». Une autre politique est nécessaire, convergente avec la démarche européenne affichée dans le livre bleu de 2007 et … la directive-cadre stratégie pour le milieu marin de 2008. Une politique plus « stratégique », une « planification stratégique », « une détermination des vocations préférentielles des espaces marins et côtiers » ; la GIZC n’est plus au cœur des préoccupations (elle fait l’objet d’un encart) sauf à rappeler que ce qui est fait localement doit faire l’objet d’un « accompagnement plus rapproché de la part des services de l’État ». Du « local au global » en quelque sorte…
L’affichage d’une stratégie nationale pour la mer et le littoral
Ce que dit le rapport de 2014 est clair : « La France favorise le regroupement et la mise en perspective des différentes politiques publiques en lien avec la mer et le littoral… chacune de ces politiques devient ainsi une composante de la politique maritime et du littoral ». Rien là de si nouveau si l’on considère le titre du rapport publié par la DATAR en 2004, « construire ensemble un développement équilibré du littoral » mais en revanche, une belle illustration d’un glissement vers le large et même le grand large. D’une simple gestion des zones côtières, on est passé (enfin, pourrait-on dire, mais est-ce le même sujet ?) à une politique désormais affichée qui était réclamée depuis longtemps par tous les acteurs du monde maritime. Pour autant, cela permettra-t-il de résoudre tous les problèmes à l’interface, cette « zone côtière » cardinale pour toutes les grandes questions environnementales ? Ce sont bien ces questions qui, depuis longtemps, guident les grandes institutions internationales et bien entendu les États. L’Europe construit patiemment une telle politique et les États la déclinent, avec plus ou moins d’enthousiasme. La dernière grande directive à ce sujet est la « directive-cadre stratégie pour le milieu marin » (directive 2008/56/CE - Miossec, 2012, entrée DCSMM in « dictionnaire de la mer et des côtes» , pp. 173-174) - qui vise au bon état écologique des océans et des mers. Elle est suivie d’un ensemble de textes qui tous vont dans le sens d’une planification de l’espace maritime jusqu’à la « proposition de directive du parlement européen et du conseil établissant le cadre pour la planification de l’espace maritime et la gestion intégrée des zones côtières ». Un élargissement « intégré » qui semble cependant hésiter entre les deux sens du mot planification : celle-ci doit-elle être spatiale ou stratégique. On conçoit que pour la France, singulièrement échaudée par les expériences anciennes des SMVM, cela puisse poser question (De Cacqueray et Meur-Férec, 2015).
Le projet de stratégie nationale de la mer et du littoral élaboré par le Ministère de l’écologie et « soumis à consultation » depuis le 25 juillet 2016 tente de clarifier les choses : il s’agit de « mettre en place une planification stratégique ».
La planification stratégique, au niveau des façades et des bassins ultramarins, repose sur une vision à la fois globale et intersectorielle dans le cadre d’une approche écosystémique :
- elle s’appuie sur un état des lieux et une analyse, partagée avec les acteurs, des enjeux qui en découlent (échéance 2017) ;
- puis elle fixe les objectifs de développement durable et des orientations stratégiques (notamment sectorielles au niveau national) qu’elle traduit, à l’échelle de la façade (ou du bassin ultramarin), dans une planification des espaces maritimes (échéance 2018) ;
- enfin, elle complète de façon opérationnelle la mise en œuvre des orientations stratégiques au travers d’un plan d’actions et d’un dispositif de suivi (échéance 2021).
La concertation intervient à toutes les étapes, pour éclairer et soutenir les décisions de l’autorité compétente. Elle s’appuie sur le Conseil national de la mer et des littoraux au plan national. La planification stratégique se décline dans les façades et bassins, avec une concertation s’appuyant sur les conseils maritimes de façades et de bassins ultramarins.
… avec une composante spatiale, une « pièce maîtresse » pour « organiser au mieux une conciliation des usages qui tienne compte du fait que les activités puissent se succéder dans le temps, sur un même espace et qu’elles soient susceptibles de se superposer ». Le flou relatif de l’expression serait assez rassurant si, par la suite, il n’était question d’établir une carte « qui détermine pour chaque zone identifiée au regard des éléments d’état des lieux, de contraintes et d’objectifs stratégiques, les enjeux et objectifs généraux qui devront guider les processus de décision en matière d’autorisations d’activités et de conciliation des usages ». En pure langue de bois des administrations centrales, c’est sûrement clair, mais pour de nombreux membres du Conseil National du Littoral et de sa déclinaison par façades maritimes, cela devrait hérisser. Et cela d’autant plus que la mémoire des péripéties très longues concernant SAUM et SMVM (Guineberteau, 1994 ; Chaigneau et Guineberteau, 2015) pourrait entraîner quelques blocages. Et ce n’est pas en écrivant un peu plus loin que « dans le cas particulier du littoral, il s’agit d’assurer une gestion intégrée de l’interface entre la terre et la mer » que l’on aura ainsi beaucoup avancé et surtout rassuré « acteurs » et « représentants des acteurs » sur le terrain. Il est vrai aussi qu’on leur donne la main en soutenant les initiatives nouvelles et les projets de territoires qui rappellent, eux, l’expérimentation GIZC de 2005. Ceux qui ont de la mémoire (10 ans !) en connaissent les limites et peuvent suivre d’un regard attentif mais blasé des politiques séduisantes « sur le papier » mais fort délicates à mettre en œuvre en sorte que tout cela relève souvent du mythe de Sisyphe. Après tout, on peut imaginer Sisyphe heureux !
Conclusion
À ce stade, il est bien difficile de conclure. Manifestement, le contexte n’est plus à la GIZC mais à la planification spatiale maritime (PSM) dans laquelle la GIZC devrait normalement s’inscrire (De Cacqueray, 2011). On a souligné, après d’autres, combien la France avait du mal à s’insérer, ne serait-ce qu’au simple sens des mots, dans les dispositifs européens. Comme souvent dans cette approche plus classiquement géopolitique que franchement géographique, les exemples manquent, qui permettraient de conclure de manière positive en disant que les choses « avancent ». En effet, qu’est ce qui avance ? La résolution d’un certain nombre de problèmes sur le terrain, la résolution des conflits d’usage en premier lieu qui devrait être la raison d’être de la GIZC ? Dès que l’on passe à cette échelle qui est l’échelle locale, on bute sur l’absence d’exemples concrets. Ce qui avance, c’est la construction d’une politique fortement pensée par le sommet : pour l’Europe, de recommandations en directives, on est passé des expérimentations très ciblées de gestion intégrée à une politique plus orientée vers la mer, celle qui affiche une stratégie fondée sur la planification de l’espace maritime, sans que d’une manière plus précise, le lien ne soit fait avec l’espace terrestre ; pour la France, l’affichage d’une politique maritime intégrée. Il est plus facile d’afficher des objectifs « raisonnables » ou « ambitieux » à l’échelle des grands espaces que de résoudre la multitude des contraintes et des contradictions qui éclosent à l’échelle locale. Au fond, la frontière souple et mouvante qui sépare une certaine utopie (rendre le développement durable, qui s’y refuse ?) des réalités du terrain, celle des professionnels pour lesquels la mer et le littoral sont la base d’un développement qui est parfois (souvent) jugé non durable. Les exemples abondent, qui renvoient à la réalité du monde, non réductible aux ambitions - certes légitimes - des grandes organisations internationales, mais qui, aux yeux de beaucoup, produisent plutôt des structures qui sont, à la longue, autant de leurres. Que faire, finalement ? Telle reste la question.