Le Réseau Rural des Pays de la Loire : un lieu de gouvernance et d’intelligence collective pour les territoires ruraux ?

Résumé

De manière générale, pour les aménageurs, le développement en milieu rural est un domaine qui semble moins attractif que le développement urbain. Or, il existe une approche globale et coordonnée des territoires ruraux dans leurs diverses composantes : sociale (démographie, services...), économique (activités, bassin d’emploi, formation professionnelle, ressources naturelles) et environnementale. Avec pour objet de mieux tirer parti des complémentarités entre ville et campagne et de valoriser les ressources spécifiques des territoires ruraux, cette approche est inscrite dans le second volet de la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union européenne. Des financements et des outils sont disponibles en France et en région pour ce développement. Le Réseau Rural est l’un d’entre-eux et a pour objectif de décloisonner le monde rural. À l’heure de la « bonne gouvernance » des territoires, cet article permet d’évoquer quelques pistes de réflexion concernant l’usage et la mise en œuvre du Réseau Rural en Pays de la Loire.

Index

Mots-clés

développement rural, territoire, gouvernance, intelligence collective, Réseau Rural Pays de la Loire, foncier, économie d’espace, FEADER

Plan

Texte

Introduction

Dans le cadre de la PAC, l’Union européenne a mis en place une politique spécifique pour le développement rural. En effet, la programmation 2007-2013 vise à accompagner les mutations de l’espace rural et est financée par un nouvel outil, le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER) (Jaunet, 2009). Quatre objectifs ont été retenus pour ce dernier :

  • améliorer la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers ;
  • améliorer l’environnement et l’espace rural ;
  • améliorer la qualité de vie en milieu rural et la diversification de l’économie rurale ;
  • Leader1 qui vise l’un ou plusieurs des trois objectifs thématiques ci-dessus.

Pour cette programmation a été conçu un outil complémentaire : le Réseau rural. Chaque État-membre de l’Union européenne met en place son propre réseau destiné à regrouper les organisations et les administrations travaillant dans le domaine du développement rural. Il est centré sur les actions relevant du FEADER.

Le présent article a pour double objectif de présenter le Réseau Rural Pays de la Loire de manière descriptive, ainsi que de mener une réflexion plus théorique sur ses enjeux et ses objectifs. Notre questionnement va s’articuler autour de la problématique suivante : le Réseau Rural Pays de la Loire est-il un lieu de gouvernance et d’intelligence collective pour les territoires ruraux ?

Un déroulement en trois parties est proposé. Dans un premier temps, les termes utilisés dans la problématique vont être définis dans le cadre théorique. Ensuite, à travers son architecture et son organisation, le Réseau Rural sera présenté. Ce dernier étant composé de 3 groupes de travail, pour finir, nous mettrons l’accent sur l’un d’entre eux afin d’observer les acteurs présents, les activités réalisées et les productions quantifiables. Le matériau recueilli va nous permettre d’avoir un regard distancié et critique sur le rôle effectif de ce Réseau, notamment en confrontant les données objectives (composition du groupe, fréquence des rencontres, actions, productions écrites, sonores ou visuelles...) et les données subjectives, recueillies auprès des membres et participants du groupe de travail « foncier ».

1. Le cadre théorique

À travers les objectifs affichés par le Réseau Rural et leur mise en œuvre sur le terrain, l’enjeu de l’article est d’illustrer la manière dont cet outil suscite la concertation. En effet, nous cherchons à savoir s’il peut être considéré comme un lieu de gouvernance et d’intelligence collective dans les territoires ruraux.

Inspirée des théories libérales et des discours du management, la notion de gouvernance s’est diffusée depuis la fin des années 80 à l’ensemble de la sphère politique (Jouve, 2003). C’est une notion controversée, car définie et entendue de manières diverses et parfois contradictoires dans le sens commun. Le postulat adopté dans cet article repose avant tout sur l’idée que les décisions ne sont pas le fait d’un unique décideur (ou groupe de décideurs) omnipotent, mais bien le fruit de la concertation. Cette dernière est le résultat d’une multiplication des lieux et acteurs impliqués dans la décision ou la co-construction d’un projet.

La gouvernance renvoie donc à la mise en place de nouveaux modes de pilotage ou de régulation plus souples et éthiques, fondés sur un partenariat ouvert et éclairé entre différents acteurs, société civile et élus. Selon Patrick Le Galès (2004),

la gouvernance peut être définie comme un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux et d’institutions, en vue d’atteindre des objectifs définis et discutés collectivement. La gouvernance renvoie alors à l’ensemble d’institutions, de réseaux, de directives, de réglementations, de normes, d’usages politiques et sociaux, ainsi que d’acteurs publics et privés qui contribuent à la stabilité d’une société et d’un régime politique, à son orientation, à la capacité de diriger, et à celle de fournir des services et à assurer sa légitimité (p. 243).

La notion d’intelligence collective est, elle aussi, difficile à définir. Selon Pierre Lévy (1994), « c’est une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences » (p. 29). Pour sa part, l’intelligence territoriale est le plus souvent définie comme « l’organisation innovante, mutualisée et en réseau, de l’ensemble des informations et connaissances utiles au développement, à la compétitivité, à l’attractivité d’un territoire, collectivement et pour chacun de ses acteurs » (p. 29).

Ce nouveau concept, qui prend en considération le dynamisme et l’évolution du territoire, semble pertinent pour analyser le Réseau Rural mis en place pour la programmation 2007-2013 des fonds européens, et ce au bénéfice de tous les territoires et non seulement des territoires Leader.

2. Le Réseau Rural Pays de la Loire

En France, il a été fait le choix de décliner le Réseau Rural dans chaque région. Celui des Pays de la Loire est co-piloté par l’État et la Région depuis 2008 et animé par le CELAVAR2 Pays de la Loire, depuis juillet 2009. De manière explicite, il a en effet été décidé de faire appel aux réseaux d’association (fédérations, collectif,...) afin d’amplifier la « résonance » du réseau. Copilotes et associations d’acteurs se réunissent en comité opérationnel trois fois par an pour valider les grandes orientations (fig. 1).

Figure 1 – Architecture d’un réseau rural régional (2010)

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Un réseau participatif

Structuration et fonctionnement

Les acteurs du réseau sont rassemblés autour de problématiques qui ont été soulevées dans les dossiers Leader. En région, dix-sept territoires sous forme de Groupe d’Action Locale (GAL) interviennent sur l’espace à une échelle locale pour soutenir au mieux des projets innovants. Les GAL sont les relais de l’échelle nationale et régionale dans les territoires ruraux.

Le réseau rural des Pays de la Loire est le lieu d’échanges et de mise en réseau des projets et des acteurs de développement en milieu rural sur la région. Il n’est ni un groupe scientifique, ni un groupe de pression. Ses objectifs sont de décloisonner les acteurs du monde rural et de faire connaître des expériences pour une plus grande valeur ajoutée des projets à venir. De plus, un appui aux projets de coopération et d’échanges entre territoires est recherché. Chacun est appelé à participer à la construction de ce réseau, à lui apporter son expérience, ses connaissances, ses savoir-faire et à échanger des données et des informations.

Pour cela, des rencontres entre acteurs économiques, territoriaux, associatifs sont organisées afin d’apporter de l’information et des témoignages, de réfléchir à la façon de communiquer ensuite au plus grand nombre, d’échanger et d’analyser un sujet préalablement défini par les membres du réseau réunis en comité opérationnel.

Communication et visibilité

L’ensemble de ce qui est produit par le Réseau Rural Régional est présenté et consultable sur le site internet http://www.reseaururalpdl.eu (fig. 2). C’est un centre de ressources qui permet de mutualiser les expériences et susciter les projets sur les territoires ruraux. Pour que la gouvernance puisse prendre forme il faut créer du lien entre les acteurs. C’est notamment ce que le site permet pour les membres du réseau et le grand public.

Figure 2 – Impression écran du site du Réseau Rural Pays de la Loire (2011)

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Source : http://www.reseaururalpdl.eu

Tous les exemples de démarches ou de témoignages présentés lors des journées-rencontres sont capitalisés sous forme de fiches comprenant une rubrique « caractère exemplaire, difficultés et conditions de réussite », tel que pour le SCoT3 du Pays des Vallons de Vilaine (focus no 1). A ce titre, il participe à l’intelligence des territoires en offrant une meilleure visibilité du réseau et en permettant le partage des ressources.

Focus numéro 1 – SCoT du Pays des Vallons de Vilaine

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Une organisation au plus près des besoins locaux

Depuis le lancement du Réseau Rural, les travaux ont ciblé trois entrées thématiques à la demande des acteurs ruraux ; une quatrième entrée « jeunesse-vieillesse » est explorée depuis l’automne 2011 :

  • l’entrée « énergie et territoires » : ce groupe est animé par la DRAAF4 des Pays de la Loire, la Région et la cellule d’animation. Les membres ont souhaité travailler sur la prise en compte du bois énergie locale dans les stratégies de développement des territoires ruraux.
  • l’entrée « services » : ces travaux sont co-animés en partenariat avec l’IRESA (Inter réseau de l’économie sociale et solidaire en Anjou). La disparition des services en milieu rural a donné lieu à des rencontres territoriales, permettant d’appréhender les nouvelles formes d’organisation pour les maintenir et les développer dans les territoires ruraux. Cela rejoint la finalité de la démarche Leader qui vise à financer et accompagner des porteurs de projet, notamment sur les services de proximité, et qui est fondée sur une approche plus locale et multi-partenariale.
  • l’entrée « foncier » : co-animé par la DRAAF et la cellule d’animation, ce groupe suscite la réflexion autour de l’économie d’espace pour la prise en compte et le maintien des surfaces agricoles. C’est cette thématique qui va être approfondie dans l’article.

3. L’économie d’espace : un enjeu fort en milieu rural

En 2008, le constat était le suivant : l’artificialisation des sols était très rapide dans la région.

Ainsi, de plus de 4 000 ha par an entre 1995 et 2000, le rythme grimpe à 5 500 ha par an entre 2000 et 2003, pour atteindre 10 500 ha par an entre 2006 et 2008. Lors de cette dernière période, les Pays de la Loire apparaissent comme l’une des régions les plus gourmandes en surfaces pour répondre à ses besoins de développement » (Milon et al, 2009).

Support de toutes activités (production, habitation, activités récréatives, infrastructures…), le foncier est au cœur des problématiques de gestion de l’espace. L’artificialisation des sols s’accélérant dans notre région, le Réseau Rural a jugé opportun la création d’un groupe de travail sur « l’utilisation concertée de l’espace rural »5.

Composition du groupe et mobilisation

La participation au groupe de travail est volontaire. En novembre 2008, plusieurs structures ont manifesté leur intérêt : le Pays Grandlieu-Machecoul-Logne, le SCoT du Pays du Mans, l’INRA6, le Centre Régional de la Propriété Forestière, le Groupe monde rural, la SAFER7 Maine-Océan, la chambre régionale d’Agriculture, les Universités d’Angers et de Nantes (géographie), le Conseil général de la Sarthe, le Parc naturel régional Normandie-Maine, les directions départementales de l’Équipement et de l’Agriculture de Loire-Atlantique, de Vendée et de Sarthe, la Région et la direction régionale de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt.

Au cours du premier semestre 2009, la Mission Bocage, la coordination des agriculteurs biologiques des Pays de la Loire et le comité économique, social et environnemental régional se sont joints aux travaux du groupe.

Après l’étape de la définition du plan d’actions et des événements à mettre en place sur le thème de la lutte contre l’artificialisation des sols agricoles et l’économie d’espace (juillet 2009), la mobilisation de certaines personnes s’est atténuée. Cette baisse d’investissement laisse apparaître une déception quant aux attentes exprimées par les membres du groupe. La participation au groupe et aux événements du Réseau Rural demande une forte implication en termes de temps alors que certains participants souhaitaient rapidement faire prendre conscience de l’enjeu du foncier auprès des élus.

Or, le Réseau Rural, lieu de réflexion et d’échange, permet avant tout de prendre connaissance de certaines problématiques de développement rural. C’est une démarche longue et complexe qui ne répond pas à une volonté de pression politique ou d’émergence d’une « bonne gouvernance ». D’autres membres se sont mobilisés sur les événements en tant qu’intervenants ou participants. Ces temps de rencontre ont été pour eux de véritables lieux de réflexion sur des sujets qu’ils traitent dans l’exercice de leurs fonctions.

Activités du groupe de travail « utilisation concertée de l’espace rural »

Cette thématique, lancée de novembre 2008 à début 2011, a fait l’objet de 10 rencontres du groupe de travail. Ce nombre relativement élevé est à relativiser aux vues de la complexité du sujet abordé, qui explique que le groupe a mis un certain temps à définir son programme d’actions. Ainsi, en 2009, il a été décidé d’organiser la réflexion et les actions autours de deux axes :

  • 1er axe : sensibilisation des acteurs sur l’état des lieux de l’usage du foncier en Pays de la Loire et son évolution.
  • 2d axe : valorisation d’expériences menées par les acteurs locaux autour des outils de gestion du foncier.

Préalables et études sur le foncier

L’observation et la connaissance des évolutions de l’usage du foncier sont des préalables indispensables à une action territoriale efficace et cohérente. Aussi, dans un premier temps, de l’information a été apportée aux membres du groupe pour avoir un socle commun de « savoirs » sous forme d’intervention de statisticiens de la DRAAF, d’universitaires, du représentant d’un parc naturel régional. Au fur et à mesure, ont ainsi pu être imaginées les « formes » de support et de rencontre pour faire connaître et mettre en débat la question du foncier.

Le choix s’est d’abord porté sur la rédaction d’un recueil de fiches relatives aux outils de gestion du foncier, rédaction réalisée par une stagiaire. En complément, il a été souhaité que soient identifiées et repérées les différentes bases d’observation du foncier. Aussi, une étude sur la connaissance de la dynamique d’utilisation du foncier a été financée et réalisée en partenariat avec la chambre régionale d’Agriculture des Pays de la Loire.

Le document final, qui se veut très pratique, synthétise en une page les caractéristiques et spécificités de chaque base. Dans sa deuxième partie, sont décrites des expériences d’observatoire. Disponible sur le site internet, ce travail a été officiellement présenté le 9 février 2010 à Nantes lors d’une journée d’information portant sur l’état des lieux et la dynamique de l’usage du foncier à travers ses enjeux, ses méthodes, ses outils et ses expériences. Le public (89 personnes) était composé principalement de représentants de collectivités territoriales et d’administrations d’État. Le nombre élevé de participants laisse transparaître un réel intérêt pour l’enjeu que représente l’économie d’espace. Toutefois, la faible représentation de membres d’associations et d’élus locaux illustre d’une part le cloisonnement du monde rural et la difficulté des acteurs locaux à se saisir du Réseau Rural comme d’un lieu d’intelligence collective des territoires.

Actions de terrain et premier bilan

Par souci pratique, et pour ne pas reproduire les nombreux colloques qui s’organisent depuis les années 2000 sur la question du foncier, les membres du groupe de travail ont préféré que soient organisées, pour tous ceux qui le souhaitaient, des journées sur le terrain avec apport théorique et témoignages ou visites (pas de frais d’inscription, seul le repas restait à la charge du participant).

Les rencontres entre acteurs du développement rural ont débuté en janvier 2010 lors d’une visite de terrain aux Herbiers (Vendée), intitulée « Énergie, habitat et formes urbaines ». La visite d’un lotissement de la commune a permis de découvrir des formes d’habitation compactes et des tailles de parcelle plus limitées par rapport à ce qui ce pratique généralement dans le milieu rural.

Ensuite, un cycle de visites de terrain sur l’urbanisme durable a été mis en place avec le concours d’un prestataire (consultant Projets & Territoires). Trois journées d’échanges ont traité de l’économie d’espace et de la prise en compte des espaces agricoles en milieu rural, péri-urbain et littoral :

  • prise en compte des espaces agricoles dans les documents d’urbanisme à Brains (Loire-Atlantique) le 28/09/2010,
  • faut-il encore construire des zones d’activités à Beaupréau (Maine-et-Loire) ? le 18/11/2010,
  • quelle place pour les espaces naturels et agricoles en zone littorale à Assérac (Loire-Atlantique) ? le 29/03/2011 (journée d’échange développée dans le focus no 2).

Les visites de terrain, ouvertes aux membres du groupe de travail, ont été élargies à des binômes élus/techniciens et plus largement aux acteurs du développement rural. Comme nous l’avons constaté lors de la journée d’information sur les dynamiques foncières en Pays de la Loire du 9 février 2010, la participation des élus des collectivités n’a pas été à la hauteur des attentes du groupe et a été très hétérogène selon les journées (aucun pour la journée consacrée aux zones artisanales). Par ailleurs, l’enquête réalisée par voie de questionnaire nous a permis de constater que le principal usage manifesté est davantage l’opportunité offerte pour s’informer qu’un réel pouvoir de gouvernance.

De plus, à l’écoute des enregistrements réalisés dans le cadre de ce cycle de visites de terrain, les motivations et intérêts des participants aux 3 journées ont pu être analysées. Avant tout, est manifestée une recherche d’informations auprès d’acteurs ayant des problématiques semblables dans l’exercice de leur mission, de partager leur expérience afin de trouver des solutions et avancer sur le sujet de l’économie d’espace. Le choix du thème par les acteurs locaux traduit une écoute des attentes locales. La composition du groupe de travail quasi-informel et la formation des événements (sur le terrain, 70 personnes max.) sont appréciées pour un meilleur échange d’idées. Même si le mode de gouvernance que le Réseau Rural Pays de la Loire propose n’est pas clairement revendiqué comme moteur de participation, il semble que les acteurs se saisissent du Réseau Rural comme un outil qui peut notamment les aider dans leur démarche de sensibilisation auprès des élus et des habitants en faisant connaître les documents publiés ou les journées organisées.

La porosité croissante des frontières entre les sphères du public et du privé a été recherchée par le Réseau Rural et partiellement atteinte, au regard de la composition du groupe de travail « foncier » et des participants. Les administrations d’État ont tout de même pu se confronter aux acteurs locaux, tels que les membres d’associations. De plus, par sa sensibilité aux besoins locaux et son échelon d’intervention relativement proche du terrain (pilotage régional et événements organisés en milieu rural), le Réseau Rural Régional permet de toucher un plus grand nombre de personnes, à l’inverse d’événements organisés uniquement à Nantes ou Angers. La difficulté à mobiliser les élus, déjà mentionnée, peut malgré tout être pondérée. Si de nombreuses productions sont directement capitalisées par les participants du Réseau Rural Régional et des groupes de travail, la portée politique est à rechercher dans une éventuelle mise en pratique de diverses recommandations émises oralement sur le terrain, ou écrites, qui sont autant de signaux « émergents » utiles pour les décideurs publics qui veulent bien les entendre.

Photo 1 – Évolution de l’occupation des sols dans la zone côtière de 10 km de 17 pays européens entre 1990 et 2000 :+ 7,5 % d’espaces artificialisés, + 1,8 % de terre boisée, -1,9 % de pâturages et terres cultivées, -1,8 % de végétation semi-naturelle, -1,8 % de marais

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Photo 2 – Gestion différenciée des laisses de mer sur la plage de Pont-Mahé

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Photos 3 et 4 – Explication du processus de reconquête de la dune grise de la plage de Pont-Mahé par Philippe Della Valle (CAP Atlantique)

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Focus numéro 2 – Cycle d’échanges sur l’utilisation concertée de l’espace rural

Quelle place pour l’agriculture et les espaces naturels en zone littorale
Visite de terrain à Assérac (Loire-Atlantique) le 29 mars 2011
Pourquoi cette journée ?
Le littoral concentre plusieurs usages du sol : logement, agriculture, artisanat, tourisme, réservoirs de biodiversité… et les changements d’usage du sol y sont plus exacerbés qu’ailleurs. Entre 2000 et 2006, 0,3 % de la surface totale des communes littorales a été artificialisée, soit deux fois plus que la moyenne métropolitaine. Disputé par des intérêts divers, le littoral est un lieu de conflits entre activités traditionnelles et activités nouvelles, liées à des besoins économiques nouveaux mais aussi à des besoins sociétaux nouveaux.
Les interventions :
Quatre temps de présentation et d’échanges :
Après un rappel de l’esprit de la loi Littoral et des notions de coupures d’urbanisation, de hameau et de village, les dynamiques en œuvre sur le littoral et l’exemple du SCOT du Pays de Retz ont été présentés par Bruno Jullien de l’agence d’urbanisme de la région nantaise.
De façon générale, il y a un tropisme très fort de la population vers les côtes. Dans notre région, les flux migratoires ont un solde très positif que l’on soit en zone littorale ou dans l’arrière-pays (rétro-littoral). Par ailleurs, sur le littoral, la SAU diminue 3 fois plus vite que sur les autres communes. L’artificialisation reste cependant à surveiller dans l’arrière-pays.
Dans le cas spécifique du Pays de Retz, après une prise de conscience de la multifonctionnalité de l’espace agricole, les élus se sont attachés à identifier les enjeux agricoles du territoire et à définir les espaces agricoles pérennes à 20 ans.
Ensuite, Céline Chadenas (Université de Nantes) et Agnès Pouillaude (DREAL Pays de la Loire) ont expliqué la notion de capacité d’accueil d’un territoire. Elle consiste à trouver un équilibre entre les activités dynamiques d’un territoire (pas seulement l’accueil de population) et son potentiel de ressources qui est limité par définition, en interrogeant le projet local du territoire. La capacité d’accueil des territoires n’est pas le résultat d’un calcul mais d’un choix. Sur le plan opérationnel, il s’agit de construire un système de veille et d’alerte des ressources du territoire et d’animer une évaluation partenariale et participative. L’étude de la capacité d’accueil d’un territoire recoupe la démarche « évaluation environnementale » et semble un bon outil pour communiquer vers la population en termes de ressources (et pas seulement de projet).
La politique de CAP l’Orient en matière agricole a été présentée par Pascal Toquer. Partant du constat que la population de la communauté d’agglomération du pays de Lorient était plutôt tournée vers les grands espaces et la mer et déconnectée de la fonction primaire de la mer et de la terre, les élus de Cap l’Orient ont voulu reconstruire le lien entre agriculture et alimentation du territoire. Ils ont œuvré à l’émergence de filières alimentaires locales, en créant les conditions de l’offre et une synergie entre producteurs et consommateurs : rando-fermes, guide des producteurs locaux, approvisionnement des restaurations collectives en produits biologiques, festival ALIMENTERRE en passant par les transformateurs et les outils collectifs nécessaires, (comme les abattoirs par exemple). Les actions sont répertoriées dans la charte de l’agriculture de CAP l’Orient et soutenues par le programme LEADER.
Parallèlement a été évoquée une étude d’impact de l’étalement urbain sur la perte du potentiel agronomique et donc alimentaire. En particulier a été calculée la dimension économique des parcelles (en litres de lait, en quantité de fromages) pour l’opposer éventuellement au projet d’une autre entreprise.
Reste à faire comprendre que les espaces littoraux, non urbanisés, sont quand même des espaces de projets. « Durable » ne veut pas dire strictement réservé, sans avenir autre que la sanctuarisation.
Ensuite, la politique agricole foncière de CAP atlantique a été présentée par Christophe Sablé, Eric Pithon (Chambre d’agriculture de Loire Atlantique), Chantal Brière, Yann Le Petit (Communauté de communes CAP Atlantique).
Au fil des années, l’élevage en bords de rivage a cédé la place aux prairies et aux céréales du fait de la circulation des animaux rendue difficile par la création de nouveaux axes de circulation. Une réflexion est en cours sur les bâtiments agricoles avec un repérage des sièges d’exploitation à préserver et des lieux à équiper, même d’installations légères pour faire revenir cette activité sur le territoire. Cela s’accompagne de la mise en place d’une plateforme de veille foncière pour être informé des parcelles agricoles mises en vente et mener, si nécessaire, des interventions foncières fondées sur l’avis des représentants du territoire dont des agriculteurs nommés par la Chambre d’agriculture pour conforter des sièges d’exploitation, compenser les impacts des projets communautaires,…).
Dès l’étape du ScoT, 18 000 ha d’espaces agricoles pérennes à plus de 20 ans ont été repérés. Reste à les identifier dans les PLU. Par ailleurs des Territoires de Projet Agricoles ont été définis, qui correspondent à une intervention prioritaire de la communauté de communes.
L’équipe municipale d’Assérac (2 000 habitants, 3 291 hectares) a ensuite présenté la commune. Celle-ci fait partie du Parc Naturel Régional de Brière et l’ensemble du territoire est classé Natura 2000. La volonté communale est de garder les activités ostréicole et agricole de son territoire et de protéger ses espaces naturels en maîtrisant son développement. Parmi les actions conduites, on peut retenir une réflexion sur la capacité d’accueil de la commune, l’identification des espaces agricoles pérennes à 20 ans, le nettoyage différencié des plages, la mise en place d’un contrat Natura 2000-2008 pour reconquérir la dune grise de Pont-Mahé, la labellisation de la Réserve Naturelle Régionale de l’Étang du Pont de Fer… Le soutien de l’intercommunalité est essentiel pour cette commune ayant peu de moyens. La mise en œuvre de ces actions tient aussi à l’implication politique forte et la ténacité des élus.
Toutes les ressources de cette journée sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.reseaururalpdl.eu.

Enseignements et préconisations techniques

Ce paragraphe est une collecte des préconisations formulées par les intervenants ou les participants lors des différentes journées organisées.

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Ce qu’en pensent les acteurs…

Après avoir répertorié les actions du Réseau Rural, un premier constat peut être fait. Si les compte-rendus des journées de travail et les prises sonores ou photographiques sont des matériaux observables et quantifiables, la réflexion suscitée par le Réseau Rural auprès des acteurs des territoires ruraux est quand à elle difficile à mesurer. Pour évaluer malgré tout l’impact de la démarche, il a été décidé de recueillir le point de vue de membres du groupe de travail « foncier » et de participants aux événements organisés par ce groupe.

Pour ce faire, courant juin 2011, un questionnaire (cf. annexe) a été réalisé et diffusé par mail à 4 membres du groupe et 7 participants. Respectivement 3 et 5 enquêtés ont répondu par retour de message ou lors d’un échange téléphonique. Le questionnaire cherchait tout d’abord à connaître les raisons de la participation des acteurs. La majorité d’entre eux a pris connaissance du Réseau Rural par la voie hiérarchique de la structure. En effet, ils sont tous amenés, avec plus ou moins d’importance, à traiter la thématique de l’économie d’espace en milieu rural et ont souhaité participer au groupe « foncier » pour approfondir leurs connaissances sur ce sujet ou dans le cadre d’un projet mené en parallèle à travers l’exercice de leur fonction professionnelle.

Mr H – J’ai pris connaissance du Réseau Rural Pays de la Loire par le biais de mon chef de groupe qui m’avait transmis une invitation de cette structure pour assister à un cycle d’échanges « utilisation concertée de l’espace rural ». La première journée portant sur la préservation des terres agricoles et naturelles dans les documents de planification, j’ai décidé d’y participer. En effet, mon travail au CETE de l’Ouest consiste à réaliser des études sur la planification (et notamment la prise en compte des orientations des lois Grenelle dans les documents de planification), sur l’urbanisme durable et sur les écoquartiers. J’avais jusqu’à présent eu connaissance de peu d’exemples de prise en compte des espaces agricoles et naturels en milieu périurbain et rural. Cette journée était donc une bonne occasion de prendre connaissance des pratiques sur ces territoires.

Si les membres du groupe et participants disent avoir pris connaissance de nouvelles problématiques et partager des expériences, concernant la gestion de l’espace sur leur territoire, ils n’ont pas su réellement signifier l’usage qu’ils faisaient ou allaient faire du Réseau Rural.

Quel usage en avez-vous fait ou allez-vous en faire ?
Mme D – Faible à ce jour.
Mme C – Plus de l’apport de connaissance pas de production directe, à titre personnel pour ses fonctions.

Les apports et usages du Réseau Rural sont propres à chaque personne et peuvent paraître abstraits car subjectifs et non mesurables. Au regard des témoignages recueillis, le Réseau Rural Pays de la Loire est avant tout considéré comme un lieu d’échange et de partage d’expériences. Cet outil ne semble pas être considéré comme un lieu de gouvernance par les témoins.

Conclusion

Les interactions entre le global et le local ont été nombreuses lors de l’ensemble des manifestations organisées par le Réseau Rural. Ce dernier pourrait être considéré comme une nouvelle forme de gouvernance pour le milieu rural. Cependant, les instances publiques, restent maîtres des décisions à prendre. Les journées d’échanges du Réseau Rural ont tout de même permis aux participants d’acquérir des connaissances et de partager leurs compétences autour de la gestion de l’espace. Selon C. Janin et E. Grasset (2011), « l’intelligence est construite par l’acquisition et la capitalisation de connaissances pour comprendre une situation, un contexte, et décider et agir en connaissance de cause ». La première étape nécessaire à la production d’une intelligence des territoires a été franchie. Cependant, elle n’est pas suffisante car elle demande un accompagnement, identifié aujourd’hui dans la notion d’ingénierie territoriale. En effet, le Réseau Rural est un lieu d’information et de réflexion sur des expériences ou démarches de territoires mais l’acquisition et la capitalisation de connaissances pour comprendre une situation ne suffisent pas au renforcement à long terme de l’économie locale et du capital humain de la zone. Le Réseau Rural ne contribue donc que partiellement à l’intelligence des territoires. L’ingénierie de projet est en revanche soutenue dans les territoires Leader (axe 4 du document régional de développement rural) et plus ponctuellement à travers la mesure 341b de ce même programme. De plus, l’une des caractéristiques fondamentales de l’intelligence collective selon P. Lévy (1992) est la décentralisation du savoir et des pouvoirs. L’architecture du Réseau Rural peut laisser transparaître une volonté de décentralisation pour que les acteurs locaux s’emparent des problématiques touchant à leur territoire. Dans les faits, les acteurs ont du mal à comprendre ses objectifs, d’autant que ce réseau est une émanation de la politique européenne pour le développement rural et non un mouvement impulsé par les acteurs locaux de la région. En définitive, ce dernier point semble essentiel. En effet, la gouvernance et l’intelligence collective se situent au niveau des territoires Leader : représentation des sphères privées et publiques dans les GAL, proximité du terrain qui concourent à une meilleure connaissance des besoins locaux et la réalisation de projets adaptés au territoire. Si « améliorer la gouvernance locale » est l’une des deux finalités stratégiques recherchées par la mise en œuvre de l’approche Leader8, par son échelle régionale, le Réseau Rural ne peut avoir cette dimension aussi proche des besoins locaux.

1 Liaison Entre Action de Développement de l’Économie Rurale, la démarche Leader s’appuie sur un groupe d’action locale (GAL) qui réunit des acteurs

2 Le Comité d’Étude et de Liaison des Associations à Vocation Agricole et Rurale organise la coordination associative de développement durable des

3 Schéma de COhérence Territoriale.

4 Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt

5 En 2010, la région Pays de la Loire consacre environ 365 000 ha à son artificialisation et figure toujours parmi les régions françaises les plus

6 Institut National de la Recherche Agronomique

7 Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural

8 http://agriculture.gouv.fr/axe-4-leader-une-methode-de-mise

Bibliographie

AGRESTE, 2011. Une dynamique d’artificialisation toujours soutenue dans les Pays de la Loire : + 28 400 ha en quatre ans, Agreste Pays de la Loire, juin, 6 p.

JANIN C., GRASSET E., 2011. Osons l’intelligence collective dans les territoires, La lettre du cadre territorial, no 418, 15 mars. (http://www.territorial.fr/PAR_TPL_IDENTIFI-ANT/16832/TPL_CODE/TPL_REVUE_ART_FICHE/PAG_TITLE/Osons+l%27intelligence+collec-tive+dans+les+territoires/47-lettre-du-cadre.htm).

JAUNET L., 2009. LEADER, vecteur de nouvelles pratiques de développement territorial dans le centre ouest de la France ? Les Cahiers Nantais, 2009-1, pp. 29-38.

JOUVE B., 2003. La Gouvernance urbaine en questions, Paris, Elsevier, 203 p.

LE GALES P., 2004. Gouvernance. In Boussaguet et al., Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences politiques, pp. 242-250.

LEVY P., 1997. L’intelligence collective : pour une anthropolohie du cyberespace, Paris, La Découverte, 245 p.

MILLON P., ROBERT B., PIROT P., VIGNERON P., RODRIGUES A., 2009. En Pays de la Loire, les maisons grignotent les champs, INSEE, no 79, 6 p.

http://www.reseaururalpdl.eu

Annexe

Annexe – Questionnaire

1. Comment avez-vous pris connaissance de la création ou de l’existence de ce groupe ?

2. Pourquoi avez-vous souhaité participer au groupe de travail « foncier » ou à un événement de ce groupe ?

3. Qu’est ce que cela vous a apporté ?

4. Quel usage en avez-vous fait ou allez-vous en faire ?

5. Avez-vous noué des contacts à cette occasion ? Perdurent-ils ?

6. Souhaitez-vous renouveler l’expérience sur une autre thématique ?

7. Comment définiriez vous le but et les objectifs du Réseau Rural Pays de la Loire ?

8. Considérez vous cet outil comme un pouvoir démocratique ?

Notes

1 Liaison Entre Action de Développement de l’Économie Rurale, la démarche Leader s’appuie sur un groupe d’action locale (GAL) qui réunit des acteurs publics et privés représentatifs et qui décide lui-même des actions à conduire par rapport à sa stratégie locale de développement. Il s’agit donc d’une démarche ascendante qui cherche à prendre en compte au mieux les réalités du terrain sur les territoires ruraux (Jaunet, 2009).

2 Le Comité d’Étude et de Liaison des Associations à Vocation Agricole et Rurale organise la coordination associative de développement durable des territoires ruraux. C’est une association, loi 1901, qui regroupe huit réseaux d’associations régionales (www.celavar.org).

3 Schéma de COhérence Territoriale.

4 Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt

5 En 2010, la région Pays de la Loire consacre environ 365 000 ha à son artificialisation et figure toujours parmi les régions françaises les plus artificialisées (11,3 % de son territoire contre 9 % au niveau national, Agreste, 2011)

6 Institut National de la Recherche Agronomique

7 Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural

8 http://agriculture.gouv.fr/axe-4-leader-une-methode-de-mise

Illustrations

Figure 1 – Architecture d’un réseau rural régional (2010)

Figure 1 – Architecture d’un réseau rural régional (2010)

Figure 2 – Impression écran du site du Réseau Rural Pays de la Loire (2011)

Figure 2 – Impression écran du site du Réseau Rural Pays de la Loire (2011)

Source : http://www.reseaururalpdl.eu

Photo 1 – Évolution de l’occupation des sols dans la zone côtière de 10 km de 17 pays européens entre 1990 et 2000 :+ 7,5 % d’espaces artificialisés, + 1,8 % de terre boisée, -1,9 % de pâturages et terres cultivées, -1,8 % de végétation semi-naturelle, -1,8 % de marais

Photo 1 – Évolution de l’occupation des sols dans la zone côtière de 10 km de 17 pays européens entre 1990 et 2000 :+ 7,5 % d’espaces artificialisés, + 1,8 % de terre boisée, -1,9 % de pâturages et terres cultivées, -1,8 % de végétation semi-naturelle, -1,8 % de marais

Photo 2 – Gestion différenciée des laisses de mer sur la plage de Pont-Mahé

Photo 2 – Gestion différenciée des laisses de mer sur la plage de Pont-Mahé

Photos 3 et 4 – Explication du processus de reconquête de la dune grise de la plage de Pont-Mahé par Philippe Della Valle (CAP Atlantique)

Photos 3 et 4 – Explication du processus de reconquête de la dune grise de la plage de Pont-Mahé par Philippe Della Valle (CAP Atlantique)

Citer cet article

Référence électronique

Christelle Jollivet et Eloïse Suteau, « Le Réseau Rural des Pays de la Loire : un lieu de gouvernance et d’intelligence collective pour les territoires ruraux ? », Cahiers Nantais [En ligne], 2 | 2011, mis en ligne le 16 février 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=869

Auteurs

Christelle Jollivet

Responsable « Territoire », direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt, Pays de la Loire

Eloïse Suteau

Étudiante de M1 Sociologie appliquée au développement territorial, Université Catholique de l’Ouest, Angers

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