Introduction
La présente étude de cas résulte de la réponse apportée à une commande publique dans un cadre universitaire. Les « ateliers » du Master 2 « Villes et territoires »1, promotion 2008/2009, ont pour objectif la mise en pratique professionnelle dans les champs de l’aménagement et de l’urbanisme, suivant une logique de bureau d’études. Il nous a ainsi été demandé de construire un raisonnement et une méthode, puis de formaliser des propositions argumentées, en cohérence avec les besoins de la Commune de Batz-sur-Mer : en parallèle de la révision de son PLU, elle souhaitait engager une étude prospective, afin de l’orienter vers la mise en œuvre d’une politique foncière répondant, d’une part, aux enjeux de développement territorial identifiés dans le projet de PLU et, d’autre part, à un contexte de pénurie foncière doublé d’un phénomène spéculatif. La synthèse de l’étude foncière, exposée ci-après, ne reprend pas l’ensemble des éléments analysés. Le choix a été fait de privilégier la présentation de la méthode générale, sur laquelle nous nous sommes appuyés afin d’apporter des réponses au regard de la finalité de la commande. Ainsi, procédant de la réalisation d’un « document foncier stratégique », la problématique des « vocations des terrains en devenir » du périmètre d’étude, constitue notre fil conducteur. Un déroulement en trois parties est proposé, où l’accent est mis sur les principales étapes, non exclusivement linéaires, de l’analyse :
- cadrage contextuel et analytique ;
- méthodologie de sélection de la ressource foncière ;
- élaboration d’une stratégie foncière : valorisation d’un potentiel foncier au regard des enjeux de développement territorial.
1. Entre prospective et politique foncière, une étude préalable en faveur d’une recomposition territoriale
Repenser l’aménagement sur le fondement d’un « territoire intensif »
À l’échelle communale, la planification territoriale s’exerce principalement au travers du PLU, document réglementaire traduisant le projet de développement d’une collectivité. Depuis la loi « solidarité et renouvellement urbain » du 13 décembre 2000, les différentes politiques publiques menées en matière d’aménagement et d’urbanisme tendent à « refaire la ville sur elle-même », vaste ambition qui consiste essentiellement dans les faits à composer entre extension et intensification des tissus habités, le second terme ayant dorénavant la priorité sur le premier, tout au moins dans les discours. Suivant cette optique, la question foncière (pensée en tant que système articulant acteurs publics et privés, moyens financiers, techniques et juridiques, stratégies individuelles et collectives, dans un but de production d’une offre foncière adaptée à des enjeux de développement préalablement identifiés) apparaît d’autant plus prégnante que le territoire de référence de cette étude, la commune de Batz-sur-Mer, est soumis à de fortes contraintes géographiques (situation littorale – dynamiques de peuplement, touristiques et commerciales associées – coupures d’urbanisation, forte emprise des marais salants) et juridiques (« loi littoral », zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, sites classés des marais salants de Guérande et du Mès).
L’étude foncière commanditée par la Commune de Batz-sur-Mer a été réalisée entre octobre 2008 et mai 2009. Elle fait suite à l’arrêt de son projet de PLU le 26 septembre 2008 – la procédure a depuis été relancée, afin notamment d’intégrer une évaluation environnementale complémentaire, aboutissant à un nouvel arrêt du projet de PLU le 02 octobre 20092. Le PADD identifie sept thématiques de composition territoriale, qui sont au fondement du projet de développement de la commune à court et moyen terme (entre cinq et dix ans). Ce dernier est classiquement construit autour de l’interconnexion entre les notions de contrainte, de dynamique et d’offre, dans un contexte d’accroissement démographique. La population municipale est ainsi passée de 3 051 habitants en 1999 à 3 217 au recensement de 2006, le gain étant plus le fait des migrations (+ 0,5 % en moyenne par année sur la période intercensitaire) que de l’accroissement naturel (+ 0,2 %). La priorité est donnée au maintien et au développement d’une offre et d’une identité territoriales particulières (tourisme balnéaire, activités salicoles et agricoles, commerces et services de proximité, logements et équipements, espaces publics et de circulation, etc.), à la préservation des qualités environnementales (patrimoine bâti, paysager, espaces « naturels », etc.) qui participent de cette offre et de cette identité, ainsi qu’à l’inscription spatiale du projet, principalement au regard de l’ensemble de contraintes (géographiques et juridiques) présenté ci-dessus. La carte illustrant les principales orientations du PADD, synthétise ces éléments tout en exposant la problématique foncière générale suivie lors de cette étude (fig. 1).
Figure 1 – Un territoire sous contraintes : présentation simplifiée des orientations du PADD de Batz-sur-Mer et de la problématique foncière générale
Un « document foncier stratégique » support de définition et de mise en œuvre d’une « politique foncière intensive »
Confrontée à une situation de pénurie (les dernières réserves foncières « urbanisables » sont en cours d’aménagement ou ont été identifiées comme secteurs de projet à moyen terme dans le PLU) et de pression foncières relatives (les résidences secondaires représentent 60,5 % des logements en 2004 – contre 57,6 % en 1999 – les logements vacants seulement 2,7 % ; les prix de l’immobilier, dans l’ancien comme dans le neuf, sont plus élevés que les moyennes départementales, sans toutefois atteindre le niveau de ceux observés dans les Communes de La Baule-Escoublac ou du Croisic)3, la Commune de Batz-sur-Mer a donc souhaité engager une étude préalable afin de définir les vocations éventuelles des terrains en devenir du territoire communal, ne bénéficiant pas d’une protection juridique particulière (« loi littoral », ZPPAUP, législation sur les sites, etc.) et hors projet engagé (ZAC). L’étude s’inscrit ainsi clairement dans le champ de l’aide à la décision publique, en suivant un double objectif : de l’identification des ressources foncières potentiellement mobilisables à court, moyen et long terme, et de leur valorisation au regard des enjeux de développement territorial, dépend la capacité de la collectivité à intervenir sur les marchés immobiliers (bâtis et non-bâtis) en employant les outils de maîtrise foncière adéquats, et à en justifier juridiquement l’utilité publique.
Le travail effectué a fait l’objet d’une formalisation au travers de ce que nous avons appelé un « document foncier stratégique ». Construit autour d’un système de fiches décliné par « secteurs d’intervention foncière », ce document entend donner des clés de lecture favorables à la mise en œuvre d’une politique foncière intensive, c’est-à-dire qui privilégie l’« amplification » de l’implantation matérielle des activités et des pratiques sociales sur un même espace, et ce quelles que soient les échelles d’action (infra-parcellaire, parcelle, îlot, etc.) et/ou de référence (commune, intercommunalité, espace régional, etc.) territoriales considérées.
Il apparaît cependant important d’apporter deux précisions à propos de cette notion d’« intensivité », telle que formulée ci-dessus : d’une part, la réflexion engagée, malgré le fait qu’elle se situe ouvertement au sein d’un cadre théorique et pratique général visant à limiter les phénomènes d’étalement urbain et de mitage, s’appuie essentiellement sur la caractérisation d’un contexte territorial et politique particulier (la Commune de Batz-sur-Mer, la Communauté d’Agglomération de Cap-Atlantique) ; d’autre part, les activités et pratiques sociales (logements, commerces, services, équipements, déplacements, etc.) se développant dans la zone agglomérée principale (fig. 1) – pour laquelle nous avons élaboré des propositions en matière d’intervention foncière et d’aménagement – ne nous permettent pas de transposer indistinctement la notion d’« intensivité » à l’ensemble du territoire communal. La zone agglomérée littorale, les villages et hameaux, les zones d’habitat diffus, les ensembles résidentiels touristiques privés, les secteurs d’exploitation agricole et salicole, etc. constituent autant de territoires spécifiques nécessitant un questionnement différencié quant à leurs perspectives de développement, tant du point de vue de leurs caractéristiques propres, que de leurs interrelations, notamment avec la centralité principale.
2. Une méthode d’identification de la ressource foncière modulable et transposable à d’autres territoires
Cadrage territorial : la commune de Batz-sur-Mer et la zone agglomérée principale
Comme indiqué précédemment, la Commune de Batz-sur-Mer est soumise à de fortes contraintes, tant géographiques que juridiques, limitant par la même les possibilités d’extension spatiale des tissus habités et des zones d’activités. En l’état actuel, la conjonction des règlementations relevant de la protection et de la mise en valeur de l’environnement et des patrimoines (architectural, paysager, activités traditionnelles, etc.), conduit à appréhender la question foncière dans la perspective d’une recomposition des zones actuellement urbanisées. Historiquement, la commune se développe notamment à partir de la fin du Ve siècle, durant la période de peuplement breton de l’Armorique. Jusqu’au début du XIXe siècle, l’activité salicole constitue le principal moteur de croissance, entraînant des formes particulières d’inscription territoriale (villages paludiers, structure foncière des marais salants, etc.). Le prolongement de la ligne de chemin de fer au Croisic, en 1879, marque l’essor du tourisme balnéaire, qui devient la première ressource économique à partir des années 1950. Les secondes moitiés du XIXe et XXe siècles constituent les grandes périodes d’extension urbaine (lotissements en continuité avec le centre ancien, pavillons et villas le long du littoral, etc.) (Bloux et al., 2009-1).
Le choix de la zone agglomérée principale (fig. 1) comme secteur d’étude résulte de deux ensembles de considérations. D’une part, la commande politique traduit le souci de se conformer aux exigences législatives nationales : les lois « littoral » de 1986, « solidarité et renouvellement urbain » de 2000 et « urbanisme et habitat » de 2003, notamment, ont ainsi contribué à définir un cadre directeur à l’urbanisation des communes littorales. Les principes de la limitation de l’étalement urbain et des phénomènes de mitage, de la reconstruction de la ville sur elle-même, ainsi que celui de l’extension limitée et en continuité de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage4 se conjuguent autour de la problématique du renouvellement d’un espace aggloméré présentant les caractéristiques d’une centralité (concentration des résidences principales et des principaux commerces, services et équipements de proximité, etc.). D’autre part, les orientations générales en matière de développement urbain, présentées dans le projet de PLU, conduisent à appréhender la zone agglomérée principale comme un secteur de projet, particulièrement au regard des enjeux relatifs à l’accueil des jeunes ménages et au maintien à l’année des commerces de proximité. Support de définition des « vocations des terrains en devenir » (cf. partie 3), les enjeux de développement territorial appellent à une identification fine, à l’échelle parcellaire, d’une ressource foncière potentiellement mobilisable.
Entre traitement systématique et contrôle-terrain, l’incorporation territoriale d’une ressource foncière
La méthodologie employée pour identifier la ressource foncière se veut générique : le contexte territorial et politique particulier de Batz-sur-Mer n’intervient, en quelque sorte, que dans la mesure où les résultats de la sélection parcellaire sont confrontés à une stratégie originale d’intervention sur le territoire. L’idée d’« incorporation territoriale » d’une ressource foncière, qui est développée ici, présente ainsi l’intérêt de proposer une méthodologie relativement simple à mettre en œuvre pour des études similaires, tout en intégrant en amont et au fil de l’eau le projet de développement communal. Les principales données utilisées, la base cadastrale et le projet de PLU de Batz-sur-Mer, ont été intégrées à un système d’information géographique (SIG) pour une analyse systématique. Schématiquement, la démarche de sélection se décompose en quatre niveaux :
- zonage réglementaire du secteur d’étude
- « exclusion »5 des parcelles ne rentrant pas dans le champ de l’étude
- choix de seuils de sélection pour les parcelles bâties et non-bâties
- confrontation des résultats de l’analyse systématique au contrôle-terrain
La surface parcellaire totale du secteur d’étude est de 103 hectares (115 ha voirie incluse) ; celle de la commune de 885 ha (927 ha). Il comprend 1 021 parcelles classées en totalité ou partie en ZPPAUP, centre-ville ancien, et 1 149 parcelles en zone UBa (zone mixte péricentrale, à dominante d’habitat, principalement sous forme de lotissements). Sur la base de cette distinction réglementaire (renvoyant à une catégorisation d’ordre morphologique et fonctionnel) un premier niveau d’exclusion est opéré : les parcelles ne rentrant pas dans le champ de l’étude sont celles présentant une forte contrainte réglementaire (espaces boisés classés, monuments historiques, emplacements réservés, constructions exceptionnelles et remarquables de la ZPPAUP, etc.), et/ou qui appartiennent à des acteurs publics (Commune de Batz-sur-Mer, Département de Loire-Atlantique, SNCF) ou parapublic (Société d’équipement de Loire-Atlantique). 704 parcelles, d’une surface totale d’environ 40 ha, sont ainsi retirées de l’analyse.
Le choix de seuils de sélection pour les parcelles bâties et non bâties, correspond au 3e niveau de l’analyse systématique. Les logiques de mobilisation foncière sont en effet différentes suivant la présence, ou non, de constructions : coût, procédures d’acquisition, emploi projeté, complexité de l’opération ou du projet envisagé, durée, etc. Pour ces deux types, un seuil de 100 m2 a été retenu, afin d’exclure les parcelles présentant une très faible surface et/ou une morphologie jugée peu favorable à une valorisation foncière par la commune (reliquats de division parcellaire, pans coupés, plans d’alignement, etc.). Ce seuil est, par ailleurs, à confronter aux surfaces moyennes des parcelles classées en ZPPAUP (339 m2) et en zone UBa (595 m2) : l’objectif est également de retenir les parcelles de faible surface, mais dont la configuration et l’inscription dans un tissu bâti bien constitué (« dents creuses », friches, etc.) offre cependant des possibilités de renouvellement urbain.
Pour les parcelles bâties, s’ajoute un second critère de sélection : le coefficient d’emprise au sol (CES) exprime le rapport des surfaces au sol construites sur la surface parcellaire. Participant des règles de « densité » (à combiner avec la hauteur et le coefficient d’occupation du sol : COS) et de prospect (implantation des constructions par rapport aux voies, aux limites séparatives et les unes par rapport aux autres sur une même propriété) il offre une première appréciation de l’intensité des tissus bâtis6 (rapport entre les espaces construits et non construits). À l’échelle du secteur d’étude, le CES moyen est de 0,39, sensiblement proche de celui de la commune (0,37). Une nette différence apparaît cependant entre les parcelles de la ZPPAUP (0,52) et celles de la zone UBa (0,27). Le seuil a été fixé à 0,1, afin de retenir les parcelles très faiblement construites, présentant donc d’importantes possibilités de renouvellement urbain et/ou de division parcellaire, et ce d’autant plus que leur surface moyenne est élevée (781 m2). 152 parcelles non bâties et 84 parcelles bâties sont retenues.
Suite à ces trois premières phases réalisées sous SIG, un contrôle-terrain permet d’affiner la sélection, en valorisant des critères qui ne pouvaient être intégrés lors de l’analyse systématique et/ou qui impliquaient des contraintes méthodologiques trop importantes : état et usages actuels du bâti, inscription dans le tissu urbain (logiques de fonctionnement), structure et configuration parcellaire (déclivité, accessibilité, morphologie, etc.), projets en cours de réalisation, etc. Cette étape est également l’occasion de revenir sur les attendus de la commune, de questionner à nouveau la problématique foncière générale, et de valider (ou non) les premiers résultats. Au final, cette première phase de sélection permet de dégager un potentiel foncier de 56 parcelles non bâties et 38 parcelles bâties, pour une surface totale de 7,5 ha (fig. 2).
Figure 2 – Identification d’une ressource foncière potentielle : les terrains « en devenir » du centre de Batz-sur-Mer
À ce stade de l’étude, une modulation du seuil de CES a été effectuée, répondant à deux objectifs : d’une part, il s’agit de discriminer des secteurs fonciers, au-delà de la seule échelle parcellaire. D’autre part, la modulation interroge les dimensions politique et stratégique de toute intervention foncière publique, en introduisant les nécessités du choix et d’un ordre de priorité relativement aux enjeux de développement territorial.
3. La valorisation d’un potentiel foncier au regard des enjeux de développement territorial
Une extension planifiée à majorer et un potentiel de renouvellement à identifier
La matière « brute » que constitue le foncier dégagé se doit d’être réinterprétée au regard des enjeux affichés et des dynamiques de développement. L’intérêt étant que cette « manne » de 7,5 ha, soit l’équivalent des réserves foncières déjà identifiées au PLU, puisse être un support viable de développement, et fasse donc l’objet d’une politique foncière active et adaptée aux différentes situations. Dans un premier temps, nous nous sommes attachés à confronter la distribution spatiale des parcelles retenues aux principales orientations du PADD, en distinguant au préalable quatre zones : les secteurs est, ouest, centre et gare (fig. 3). Il est ressorti de cette observation qu’un tiers des parcelles sélectionnées sont localisées à l’est du périmètre d’étude, pour une superficie totale de 3,5 ha, majoritairement constitué de parcelles non bâties (79 %). Pour l’essentiel situées à proximité d’une ZAC (une centaine de logements à terme et quelques commerces) et d’une ZAD, ces parcelles confortent le secteur est comme la principale réponse foncière aux besoins de développement de la commune.
Les parcelles restantes se distribuent principalement sur les secteurs ouest et gare, le centre n’en concentrant que 11 unités. Ces 4 ha disséminés sur le périmètre d’étude se caractérisent par une plus forte proportion de parcelles bâties (47 %) et des superficies parcellaires plus faibles (655 m2 en moyenne contre 1 065 m2 sur le secteur est). Cette ressource foncière non négligeable semble donc davantage relever d’une logique de renouvellement. Néanmoins, en ne présentant que peu de regroupements fonciers conséquents et d’un seul tenant, les modalités de ce renouvellement restent à définir, d’autant plus que les enjeux de développement ne pourront se traduire indistinctement suivant les secteurs.
À ce stade de l’étude, il nous a semblé utile, afin de donner plus de « corps » à ce potentiel foncier, au regard notamment des objectifs du PLH, de la traduire en capacités constructives sur la base d’une programmation en équivalent-logement. Avec un potentiel constructif d’environ 560 équivalents-logements, les possibilités d’intensification apparaissent relativement importantes.
L’attribution de vocations aux regroupements fonciers : des réponses localisées aux enjeux de développement territorial et un premier sens à l’action foncière
Après avoir inscrit les parcelles retenues dans une dynamique de développement, et estimé leurs potentiels constructifs, il nous a été demandé d’interroger ce potentiel foncier au regard des enjeux liés à l’habitat et aux activités de proximité, ainsi qu’au contexte spécifique de la commune (cf. partie 1). De manière concomitante et au gré d’une analyse multicritères7 (population, habitat, déplacements, paysages, activités/équipements, etc.) (Bloux et al., 2009-1), des regroupements de parcelles et des vocations générales ont été définies. C’est ainsi que les parcelles, au vu de leurs caractéristiques (bâtie ou non, morphologie, etc.), localisation, situation par rapport aux axes de circulation (voies de transit, de desserte, piétonne, itinéraire « vélocéan »), et de leur environnement proche (quartier de résidences secondaires, proximité des plages, des espaces naturels ou du centre-bourg, etc.) ont été regroupées en 13 ensembles – dont la pertinence se trouve renforcée par la modulation du seuil de CES mentionnée précédemment – participant chacun d’une même logique d’aménagement (fig. 3).
Figure 3 – Priorisation et dynamiques de développement urbain : la valorisation d’un potentiel foncier.
Les vocations générales, volontairement attribuées à l’échelle d’un regroupement dans un souci de cohérence pour les actions foncières et les projets d’aménagement ultérieurs, sont autant liées aux caractéristiques des regroupements (importance du foncier disponible, présence d’agrégats, qualité du bâti, etc.), aux éléments de contexte, qu’aux enjeux de développement territorial identifiés.
Pour d’évidentes raisons de réciprocité et de cumul des aménités, les secteurs gare et centre, ainsi que ceux situés en position d’entrée de ville à proximité du centre-bourg, se voient attribuer des vocations mixtes mêlant habitat et activités de proximité, voire artisanale pour les plus éloignés et disposant de grandes parcelles. Sur les franges est et ouest, deux regroupements possèdent une forte capacité d’accueil pour de l’habitat, bien que les modalités d’urbanisation soient différentes (grande dispersion d’un foncier majoritairement bâti à l’ouest, nombreux agrégats de terrains nus à l’est). Enfin, en bordure des axes structurants, les vocations sont plutôt liées à l’activité, bien que selon les contextes (proximité du littoral, itinéraire « vélocéan », route départementale) l’artisanat ou les activités saisonnières soient privilégiées.
L’élaboration d’une stratégie foncière par la définition de priorités et de scénarios d’aménagement
Afin d’illustrer le caractère stratégique de cette étude, un ordre de priorité est proposé, l’idée étant que les acquisitions d’opportunité n’apparaissent comme le principal moteur de l’action foncière. Il se fonde sur une hiérarchisation des secteurs d’intervention foncière, qui eux-mêmes s’inscrivent et s’articulent au sein de scénarios d’aménagement non exclusifs les uns des autres. Cette démarche repose en partie sur une approche spécifique visant à appréhender les difficultés de l’action foncière. Deux ratios de « dureté foncière » ont été élaborés (tab. 1). Le premier correspond au rapport entre le nombre de propriétaires et le nombre de parcelles, et vise à rendre compte des éventuelles difficultés de la maîtrise foncière. Un faible ratio signifie qu’il y a peu de propriétaires par regroupements, facilitant ainsi d’éventuelles acquisitions communales. Le second ratio consiste à rapporter le premier à la surface foncière du regroupement considéré. Cela permet de relativiser le premier ratio, puisqu’il peut être plus pertinent de mener une action foncière sur un secteur présentant une forte « dureté foncière » et une grande superficie (ex : est-route de Kerlan), plutôt que sur un secteur moins « dur », mais d’une plus faible surface (ex : est-grand Poul). Bien que d’autres critères (potentiel constructif, localisation, vocations générales, etc.) aient été mobilisés, 4 des 6 secteurs définis comme prioritaires possèdent le ratio 2 le plus faible.
Tableau 1 – La dureté foncière : approche quantitative des contraintes de l’acquisition foncière.
Regroupements fonciers | Surface foncière en m2 | Nombre de propriétaires | Nombre de parcelles | ratio 1 | ratio 2 |
Gare-Traict | 5 384 | 10 | 12 | 0,833 | 0,015 |
Gare-Marais | 2 939 | 3 | 3 | 1,000 | 0,034 |
Gare-Prad Velin | 592 | 1 | 1 | 1,000 | 0,169 |
Gare-Trémondais | 10 462 | 6 | 13 | 0,462 | 0,004 |
Est-Grand Poul | 3 523 | 1 | 2 | 0,500 | 0,014 |
Est-route de Kerlan | 19 154 | 14 | 21 | 0,667 | 0,003 |
Est-littoral | 13 201 | 9 | 10 | 0,900 | 0,007 |
Centre-école Maupertuis | 4 412 | 5 | 5 | 1,000 | 0,023 |
Centre-Ker d’Abas | 2 058 | 3 | 3 | 1,000 | 0,049 |
Ouest-lotissements | 9 015 | 21 | 24 | 0,875 | 0,010 |
Ouest-Saint-Valentin | 1 584 | 2 | 2 | 1,000 | 0,063 |
Ouest-entrée de ville | 3 568 | 5 | 5 | 1,000 | 0,028 |
Centre Saint-Michel (*) | 290 | 1 | 1 | 1,000 | 0,345 |
* : parcelle rendue « inconstructible » par les articles 6 et 7 du PLU
ratio 1 : N propriétaires / N parcelles
ratio 2 : ratio 1 / surface foncière * 100
réalisation : V. MUZART
Les scénarios d’aménagement (fig. 3) visent autant à développer une approche prospective que de permettre à la commune de disposer d’une justification suffisamment argumentée quant à une éventuelle intervention foncière. Quatre scénarios sont élaborés afin de replacer les secteurs d’intervention prioritaires au cœur des enjeux de développement. Au-delà des réponses apportées en matière d’habitat, d’activités et des orientations d’aménagements spécifiques8, ce sont les interactions possibles entre les sites qui donnent véritablement du sens à l’action foncière, en privilégiant alors une vision globale de l’aménagement.
Ainsi, l’accompagnement de l’extension urbaine vers l’est, sur le secteur de la route de Kerlan, va de pair avec un renouvellement du secteur plus central autour de la rue Maupertuis. Il s’agit ici autant de marquer, par un projet d’urbanisme à vocation d’habitat, une limite claire et franche entre les espaces bâtis et naturels, que d’assurer une transition avec le secteur de mixité fonctionnelle du centre-bourg. L’aménagement d’un 3e pôle littoral à l’entrée sud-est de la zone agglomérée et à proximité des réserves foncières (ZAD), constitue un moyen opportun de répondre à l’enjeu du développement touristique, si important pour l’économie communale. La progressive densification de la frange ouest par renouvellement urbain, pertinente au vu des potentiels constructifs, de la faible qualité du bâti, de la prédominance des résidences secondaires, de la dispersion du foncier et de la relative « dureté foncière » (ratio 1), pourrait, par de l’habitat sur le secteur Lotissements et une mixité habitat-activités en entrée de ville – avec tous les enjeux architecturaux et paysagers que cela implique – permettre un rééquilibrage du centre-bourg vers l’ouest. Enfin, l’hypothétique réaménagement de la gare constitue une des opportunités de développement de ce secteur, en situation d’entrée de ville à l’est et bénéficiant de la proximité avec la ZA de Prad-Velin et le centre-bourg.
Conclusion
Prospective, cette étude foncière a été élaborée autour de l’articulation entre une situation territoriale particulière et la formalisation d’une modalité de développement originale. Tout en s’inscrivant dans la continuité des études préalables ayant conduit à la définition du projet de développement communal, l’objectif est de proposer une réflexion critique et argumentée quant à la détermination d’une politique foncière orientée vers une intensification territoriale. Poursuivant ce raisonnement, la méthodologie présentée (sélection d’une ressource foncière, attribution de vocations générales et proposition d’une stratégie d’aménagement) reste cependant à associer à l’analyse des « outils fonciers » dont dispose la commune de Batz-sur-Mer, aux impératifs juridiques liés à l’intervention foncière publique (notamment les exigences relevant des motifs et de la motivation en matière de droit de préemption), ainsi qu’à ceux associés à la notion d’aménagement (définie par le Code de l’urbanisme) et à l’application de la « loi littoral ». De plus, la question du coût d’une politique foncière communale constitue un facteur déterminant, généralement fortement limitant, et ce d’autant plus que les temporalités de la vie politique ainsi que les règles de programmation budgétaire des administrations publiques, apparaissent parfois en contradiction avec les logiques de développement territorial à moyen ou long terme (Bloux et al., 2009-2).
Stratégique, elle participe de l’aide à la décision publique en interrogeant les choix relatifs à la détermination d’une politique globale d’intervention sur le territoire communal. La question foncière n’a en effet de sens qu’intégrée à un ensemble de réflexions plus large, où les dynamiques socio-spatiales se conjuguent dans la détermination d’enjeux de développement territorial. C’est bien dans la perspective de répondre à ces enjeux que les vocations générales et les différents scénarios d’aménagement ont été proposés. Par ailleurs, il importe de rappeler le caractère non exclusif et définitif de ces propositions, exprimant ainsi la capacité de la collectivité à orienter par ses décisions le développement communal. Ainsi, l’éclairage particulier donné à l’étude foncière n’engage la commune que dans la mesure où les résultats sont jugés cohérents et en adéquation avec une politique globale d’aménagement.
Enfin, il faut noter l’une des principales limites de cette étude, qui, bien qu’intégrant la problématique intercommunale (notamment par l’intermédiaire du PLH) et proposant une méthodologie de sélection de la ressource foncière modulable et transposable à d’autres territoires, apparaît difficilement applicable en l’état aux enjeux de développement territorial à l’échelle des agglomérations.