Représentations du Perche Sarthois par cartes mentales

Résumé

La carte mentale est une méthode de collecte d’information donnant lieu à des comparaisons et à des interprétations sur un territoire défini. Particulièrement développée par les auteurs anglo-saxons, la carte mentale permet de déterminer la perception et la représentation des espaces par le public, pour contribuer à un aménagement à « visage humain ». À partir de l’exemple du Perche Sarthois, cet article propose de montrer les représentations que les habitants ont de leur territoire, en identifiant les marqueurs communs.

Index

Mots-clés

représentation, territoire, carte mentale, Pays du Perche Sarthois

Plan

Texte

Situé à l’extrême nord-est du département de la Sarthe, le Pays du Perche Sarthois se trouve au carrefour de trois régions : Pays-de-la-Loire, Basse-Normandie et Centre (fig. 1). Formé de six communautés de communes pour 85 000 habitants, le Pays profite de plusieurs attractions (Paris, Le Mans, région du Perche), le menant à réfléchir sur son identité culturelle. Pays récent (1995), il a semble-t-il trouvé son identité en obtenant le label Pays d’art et d’histoire en 1998. Néanmoins, le diagnostic de territoire réalisé en 2007 préconise la définition d’une identité culturelle. En 2014, le Conseil de développement du Pays s’est emparé de la problématique pour préparer un rapport concernant le développement de l’économie touristique du Perche Sarthois. L’un des objectifs de ce rapport était de proposer différentes pistes d’actions, dont le renforcement de l’identité du Perche Sarthois en distinguant les spécificités du territoire. Afin d’obtenir les éléments identitaires, une étude portant sur les représentations qu’ont les habitants de leur territoire a été menée.

Figure 1 – localisation du Pays du Perche Sarthois

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Lévy et Lussault (2003) font apparaître quatre types de représentations spatiales dont les représentations mentales. C’est ainsi que l’outil de la carte mentale a été employé. Développée par les travaux de psychologues (tels que E. Tolman et J. Pailhous) et Kevin Lynch, entre autres, la carte mentale peut être définie comme un outil permettant « la rencontre entre la dimension mentale et la dimension matérielle des représentations, étendue comme une méthode de collecte de l’information demandant à des individus de dessiner ou d’écrire spontanément leur représentation d’un objet ou d’un espace spécifique sous certaines contraintes » (Breux et al., 2010). Le plus souvent, un autre type de collecte de données y est associé, comme les questionnaires. La mise en place de ce type d’outil nécessite de respecter des règles préétablies (groupe homogène, conditions de réalisation identiques) et l’analyse exige une rigueur méthodologique pour éviter les jugements et interprétations personnels.

Pour cette étude, les conditions de réalisation ont été définies comme suit :

  • trois ateliers participatifs, organisés dans trois communes couvrant tout ou partie du Perche Sarthois ;
  • une délimitation du territoire sur un fond de carte de la Sarthe ;
  • quinze minutes de réalisation sur un fond de carte incluant trois villes et les limites du territoire ;
  • un questionnaire d’une dizaine de questions (Selon quels critères avez-vous réalisé cette carte ? Quels sont les éléments les plus marquants que vous avez fait apparaître sur cette carte ?, etc.) pour compléter la réalisation de la carte.

Ce sont au total 45 cartes mentales qui ont été renseignées. Une grille de lecture a été réalisée afin d’analyser de manière rigoureuse l’ensemble des cartes. Cette grille, composée de trois points, s’attache à faire ressortir les espaces dessinés, les axes construits et les lieux exprimés. Plusieurs méthodes d’interprétation et niveaux d’analyse sont possibles en fonction de ce que l’on veut recueillir à travers les cartes mentales : analyse des limites (Gueben-Venière, 2011), analyse sous l’angle spatial (Breux et al., 2010), analyse des lieux et des points de communication (Rowntree, 1997), analyse des pratiques (Chapon et al., 2010). La grille de lecture proposée pour cette étude est une compilation de différentes méthodes du fait de l’importance des données obtenues, mais aussi en raison de la diversité des trames (points, axes, contours, frontières, espaces…). Ce sont ces trames, ces formes géométriques (propres à la cartographie) qui ont permis de construire l’analyse.

Les différents résultats font apparaître une explication en trois parties, et un plan qui se décline de la façon suivante : une première partie qui s’attarde sur les aires représentées par les habitants du Perche Sarthois, dans lesquelles nous retrouvons le territoire, le paysage…, puis une seconde partie qui aborde les traits (axes) construits sur les cartes et leur interprétation (déplacements, importance…), enfin, la troisième partie traite des lieux et des points positionnés sur la carte (La Ferté-Bernard…).

Les territoires comme aires du Perche Sarthois

Les aires du Perche Sarthois représentent, pour une grande majorité des cartes, soit le territoire lui-même avec ses limites, soit des espaces particulièrement identifiés. Plus ou moins importants selon la valeur que les habitants leur accordent (espace agricole, espace naturel), ces espaces recouvrent en général tout ou partie de la carte mentale. Parmi les éléments identitaires représentés sous cette forme, la forêt de Vibraye marque une certaine centralité ainsi qu’une frontière entre le Nord et le Sud.

Un territoire aux limites méconnues

Dans la configuration actuelle de la charte du Pays d’art et d’histoire, toutes les communes ne bénéficient pas du label (62 communes sur 88 sont labellisées). Les cartes mentales montrent un étagement des différentes entités présentes sur le territoire. Les deux tiers des participants ne connaissent pas les limites du territoire, bien que ce découpage inexact soit parfois proche de la réalité. L’analyse fait ressortir trois découpages principaux :

  • pour les habitants de l’Est et du Nord, le territoire s’étend vers le nord dépassant les limites départementales et se ressert autour des villes de La Ferté-Bernard et de Saint-Calais (Sarthe) ;
  • pour les habitants de l’Ouest et du Sud, les limites sont moins étendues au nord et se prolongent jusqu’au Mans ;
  • enfin, les amateurs d’histoire excluent le Sud et l’Ouest (fig. 2 – carte 1), et proposent des frontières historiques représentant le « vrai » Perche (Orne et Eure-et-Loir).

Pour ce dernier point, R. Musset (1919) affirme que seule une petite partie de la Sarthe faisait partie du Comté du Perche, c’est-à-dire les villages situés à l’extrême-est (Montmirail, Saint-Ulphace, Gréez-sur-Roc, Melleray et Champrond). Dès lors, certains habitants n’hésitent pas à dire que l’utilisation du mot « Perche » pour un territoire si petit reste abusive.

Un territoire identifié par son paysage

« De beaux paysages », « un paysage diversifié » sont les principales définitions données par ses habitants. Cette description et les qualificatifs employés restent cependant subjectifs, puisque ces diversités et leurs définitions sont liées au lieu d’habitation.

Certaines cartes (fig. 2 – cartes 2 et 3) font apparaître les collines du Perche (continuité paysagère avec le Parc Naturel Régional du Perche) au nord-est et le plateau calaisien au sud, entre lesquels s’intercalent les prairies, les buttes, le bocage et la forêt. Néanmoins, le paysage n’est qu’un élément de la représentation mentale, puisqu’un espace est redondant sur plus d’un tiers des cartes : la forêt de Vibraye. Située aux alentours de la commune portant le même nom, sa position centrale en fait un espace aussi bien connu par les habitants du Nord que par les habitants du Sud. Espace de transition paysagère, elle relie les deux parties du territoire. C’est un des marqueurs du Pays du Perche Sarthois. Espace d’évasion, de randonnées, de promenades, très fréquenté, sa représentation tient également de la pratique que l’on en fait. Cet espace naturel peut être considéré comme le porteur de l’idéal, mais aussi de l’identité collective, ainsi que le symbole d’une campagne préservée.

Figure 2 : exemples de cartes mentales illustrant les aires du Perche Sarthois

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Le paysage du Perche Sarthois, largement considéré comme un atout par ses habitants du fait de sa diversité, fait partie intégrante du système touristique (essor du tourisme vert), mais est contrasté par des secteurs où le paysage n’attire pas autant (Montfort-le-Gesnois). Cette représentation du paysage démontre l’importance prise par la nature et sa protection aujourd’hui, ainsi que sa prise en compte dans les projets d’aménagement du territoire.

Un territoire identifié par l’agriculture

Les espaces agricoles tiennent une place importante dans les représentations mentales des habitants. La diversité des espaces agricoles (cultures, élevages,…) est représentée sur une seule carte, œuvre d’un agriculteur. Le Nord est davantage reconnu comme un espace d’élevage (zone de bocage) et le Sud plutôt céréalier (grands plateaux). Le paysage a façonné le travail de l’homme et sa manière de faire. Parallèlement, l’homme s’est approprié le paysage en le défrichant et le transformant, comme certains terrains bocagers en openfield et certains espaces consacrés à l’élevage industriel. De plus, l’agriculture reste indissociable des espaces ruraux. Le dynamisme agricole, par extension économique, n’est pas représenté uniquement sous le prisme du travail de la terre. Il l’est aussi à travers l’agroalimentaire. Outre l’industrie particulièrement développée autour de La Ferté-Bernard et Vibraye, les entreprises agroalimentaires sont très présentes sur le territoire, en particulier le long de la vallée de l’Huisne.

Aux yeux de ses habitants, le Pays du Perche Sarthois n’est pas un espace administratif. C’est avant tout un espace naturel préservé, mais aussi un territoire façonné et utilisé par l’homme, une campagne agricole marquée par les évolutions industrielles.

Les axes structurants comme traits du Perche Sarthois

Représentées principalement par des axes de communication, les lignes des cartes mentales prennent plus ou moins d’importance selon leur hiérarchisation. Ainsi, le réseau principal est généralement représenté par un trait épais (voire un double trait) et la ligne de chemin de fer est dessinée. Les lignes sont présentes principalement au nord du Perche Sarthois (huit cartes sur dix parmi les cartes présentant au moins un axe) et distinguent l’élément identitaire du territoire : la vallée de l’Huisne.

La vallée de l’Huisne : l’axe du Perche Sarthois

La compilation des cartes mentales met en exergue l’importance de la vallée de l’Huisne sur le territoire. En fonction des cartes, et bien souvent des lieux d’habitation, des informations différentes apparaissent, telles que les routes, les corridors industriels et d’urbanisation, démontrant le dynamisme de la zone. Si la vallée de l’Huisne est représentée de manière fréquente sur les cartes des habitants du Nord du territoire, les habitants du Sud lui accordent une importance moindre, pointant le déséquilibre Nord-Sud.

La vallée de l’Huisne est le lieu de concentration des principaux axes de communication du territoire (autoroute et chemin de fer). Un tiers des cartes représente une ligne de chemin de fer. Cette représentation du train est d’une part liée à la proximité avec Paris1 et, d’autre part, au développement de la zone induit par l’arrivée du chemin de fer. Par exemple, les cheminots de la ligne Paris-Bretagne ont fait découvrir les rillettes aux parisiens. La représentation des voies ferrées s’explique aussi par l’accès aux grandes villes extérieures au territoire : Le Mans, Paris, Chartres. La proximité de Paris est d’ailleurs considérée comme un véritable atout pour les habitants du nord du territoire, plus que celle du Mans. Une des cartes mentales suggère d’ailleurs que le point de départ de ces axes est Le Mans avec une direction Paris (fig. 3 – carte 3). C’est l’autoroute qui est l’une des raisons de cette proximité avec la capitale. Elle contraste avec l’ancienne nationale située au sud, reliant Le Mans à Orléans. Sur l’une des cartes, il est mentionné « l’ancienne route des vacances ». L’actuelle départementale n’a pas bénéficié d’aménagements, au contraire de celle de la vallée de l’Huisne.

Enfin, notons que la vallée est aussi le principal lieu de concentration des industries agroalimentaires et des industries de petites technologies, et la zone la plus peuplée du territoire. Elle regroupe à elle seule plus de 30 % de la population totale du Pays (données INSEE de 2011).

Les axes de la société mobile

Les axes représentés sur les cartes mentales sont exclusivement des axes principaux, à l’exception de la départementale reliant La Ferté-Bernard à Saint-Calais (fig. 3 – carte 1). Dans une société où la voiture s’est démocratisée, les usagers recherchent le déplacement le plus rapide possible, d’où la réalisation du réseau principal avec pour dominante l’autoroute et la voie ferrée. Cette représentation démontre également l’accessibilité du territoire. Le Pays du Perche Sarthois est souvent considéré comme un territoire de frange aux confins de trois régions. Le désenclavement, important pour les territoires ruraux est dès lors représenté par les directions données aux axes : Paris, Orléans, Le Mans. Les cartes mentales et les questionnaires accordent également une importance à la pratique de ces axes et aux modes de déplacements.

Sur un quart des cartes mentales, les axes représentés montrent les déplacements professionnels. Ainsi, les deux routes dessinées sur la carte 2 de la figure 3 représentent les déplacements professionnels entre le lieu de vie, Bouloire, et le lieu de travail, Saint-Calais, ainsi que les déplacements professionnels vers La Ferté-Bernard. Sur une autre carte, la ligne de chemin de fer est représentée pour montrer le déplacement quotidien entre Le Mans et La Ferté-Bernard. Dans ces deux cas, c’est la mobilité quotidienne, liée à des impératifs professionnels qui est représentée.

Précisons que ces axes représentés ne le sont pas que pour des raisons professionnelles. Les cartes mentales, et les questionnaires associés, mettent en évidence un lien entre activités de loisirs et déplacements. Ainsi, les axes dessinés permettent de rejoindre des lieux tels qu’une piscine, un lac, une zone d’activités sportives (fig. 3 – carte 2). Ces axes constituent également le moyen d’aller sur des sites patrimoniaux comme les châteaux de Montmirail, de Bouloire ou encore la ville de La Ferté-Bernard.

Figure 3 – exemples de cartes mentales illustrant les axes structurants du Perche Sarthois

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Les déplacements liés au travail sont réalisés principalement en voiture, mais aussi en train comme précisé auparavant. Concernant les activités de loisirs, c’est le vélo ou la marche qui sont privilégiés. Avec le développement des loisirs, les gens ont la possibilité de profiter des activités présentes sur le territoire. Celui du Perche Sarthois offre de nombreuses possibilités, avec des bases nautiques, des piscines, qui apparaissent sur les cartes mentales.

Un axe particulier : le premier grand prix de France

Sur les 45 cartes mentales recueillies au cours des ateliers, trois proposent un axe particulier : le tracé du circuit de 1906. Il s’agit du premier grand prix de l’Automobile Club de France qui s’est déroulé les 26 et 27 juin 1906 sur un parcours en triangle d’une centaine de kilomètres. Mis à part quelques kilomètres, l’intégralité du parcours se trouvait sur le territoire du Perche Sarthois et traversait les villes de Montfort-le-Gesnois (point de départ et d’arrivée), Bouloire, Saint-Calais, Vibraye, Cherré, Connerré. Le grand prix de 1906 peut être considéré comme l’ancêtre des 24 heures du Mans. Il est possible aujourd’hui de réemprunter une grande partie de l’ancien circuit et de le suivre par l’intermédiaire de totems thématiques installés en bord de route, en partie financés par le Syndicat Mixte du Pays du Perche Sarthois.

Ces trois cartes montrent l’importance accordée à l’automobile et son histoire pour le territoire. À l’image des rillettes et du chemin de fer, l’automobile contribue au patrimoine commun du Pays.

Les lieux comme points du Perche Sarthois

Le point est l’élément géométrique le plus utilisé sur les cartes mentales (huit cartes sur dix). C’est aussi l’élément de base, puisque trois points sont indiqués sur la carte vierge (La Ferté-Bernard au nord, Montfort-le-Gesnois à l’ouest et Saint-Calais au sud). L’importance de ces points se caractérise par les informations que l’on y associe (festivals, marchés, châteaux…). Ces points ne représentent pas seulement des localités (communes, parc animalier, lieu de loisir, etc.), ils sont aussi liés à des éléments patrimoniaux. La Ferté-Bernard regroupe l’ensemble de ces informations et forme ainsi un des éléments identitaires forts du territoire.

Le lieu de vie : la commune

Si un seul lieu devait apparaître sur les cartes, il s’agirait de la commune de résidence (deux tiers des cartes mentales). On constate que les éléments marquants et la pratique du lieu sont associés à sa localisation et nomination. Cette représentation du lieu de vie est faite avec précision (fig. 4 – cartes 1 et 2). On retrouve sur ces cartes des éléments de patrimoine, de loisirs, des noms de fêtes ou de festivals. Le lieu de vie prend également la forme d’un groupe de localités avec une précision pour chacune. Cette représentation des localités voisines présente l’espace de vie. Ces cartes font souvent abstraction des autres lieux qui entourent cet espace, faisant apparaître des vides sur le reste du territoire. Dans ce cas, seuls sont mentionnés les hauts lieux.

G. Di Méo (1996) regroupe ces lieux dans ce qu’il appelle le territoire du quotidien2. La carte 2 de la figure 4 traduit le mieux cet espace. La personne à l’origine de cette représentation est enseignante à Bonnétable et vit à Connerré. Sa représentation est basée sur sa commune de résidence et les lieux rencontrés lors de ses déplacements (château et jardin potager de Bonnétable). La représentation du lieu de vie est nécessaire et importante pour la personne qui y réside pour connaître et faire connaître ce lieu, mais aussi se reconnaître, exprimant ainsi un territoire d’appartenance. G. Di Méo (1996) analyse cette situation en soulignant que « malgré la mobilité des hommes et la globalisation des enjeux socio-économiques, il faut encore ” être et se sentir de quelque part ” pour agir et être reconnu ».

Si les habitants du Perche Sarthois se sentent appartenir à leur commune, c’est loin d’être le cas pour l’entité Pays. En revanche, il est un lieu connu et identifié : le canton, par l’intermédiaire du chef-lieu. L’empilement des étages territoriaux rend difficile la reconnaissance des différentes entités, certaines sont davantage identifiées que d’autres. Parmi toutes les communes recensées sur les cartes mentales (outre La Ferté-Bernard, Saint-Calais et Montfort-le-Gesnois, déjà localisées sur le fond de carte), celles qui apparaissent le plus souvent sont Bonnétable (20 fois), Bouloire et Vibraye (19), Montmirail (14) et Tuffé (11), soient les chefs-lieux des différents cantons du territoire. Pour autant, la représentation de ces lieux ne signifie pas nécessairement un sentiment d’appartenance. Dans certains cas, les communes mentionnées sont celles qui sont proches du lieu d’habitation, les habitants de l’Est citant principalement Montmirail et Vibraye, quand les habitants du Nord mentionnent Bonnétable et Tuffé.

Les lieux symboliques

Il existe des lieux marquants que les individus représentent le plus souvent sous un angle patrimonial. Les cartes et les questionnaires en font apparaître quatre principaux : Pescheray (13 fois), Courtanvaux (12), la TRANSVAP (11) et Montmirail (10). Au-delà de l’identification d’un lieu, c’est l’identification d’un site patrimonial qui est mise en avant, un lieu équivaut à un élément de patrimoine : Château de Bonnétable, Abbaye de Tuffé, site archéologique de Gréez-sur-Roc... À la question « sur quels critères avez-vous réalisé cette carte ? », un tiers des participants répondent « par rapport aux sites touristiques », donnant parfois des cartes peu fournies.

Cette représentation trouve son explication, selon A. Frémont (1999), par le fait que dans les années 1970, la société française s’est orientée « sur la recherche d’un passé révolu, d’un espace ancien, traditionnel, qui se traduit par l’attrait pour les villages et les centres historiques anciens » et le retour vers ce qui constitue l’ancien. C’est ce que les gens veulent voir, ce qu’ils veulent qu’on leur montre. La sauvegarde et la valorisation des patrimoines sont les axes majeurs du Syndicat Mixte du Perche Sarthois. Derrière cette représentation du territoire, c’est tout un système de pensée de ces quarante dernières années qui visent à conserver, rénover, sauvegarder le patrimoine à travers différentes politiques. Ce sont aussi, pour P. Bourdieu (1980), des « stratégies intéressées de manipulation symboliques qui visent à déterminer la représentation (mentale) que les autres peuvent se faire ». La préservation du patrimoine peut être considérée comme le garant d’une identité, d’une histoire, que l’on entretient ou redécouvre. C’est aussi par sa mise en valeur qu’on le fait découvrir. Enfin, J. Viard (2004) parle d’éléments idéaux, de lieux symboliques qui constituent « le champ de l’imaginaire du tourisme ». Le passage aux 35 heures a accéléré les mutations sociétales, permis la valorisation des activités hors travail et l’essor de nouveaux secteurs économiques tels que le tourisme et la culture.

Le lieu central : La Ferté-Bernard

La Ferté-Bernard est la seule ville du pays à dépasser les 5 000 habitants, soit une différence d’environ 1 à 3 en comparaison avec Saint-Calais et Bonnétable. De plus, son aire urbaine, quatre fois supérieure à celle de Bonnétable, atteint les 21 337 habitants (INSEE, 2011).

Incontestablement, du point de vue démographique, la ville de La Ferté-Bernard est la capitale du Perche Sarthois.

La Ferté-Bernard est utilisée sur 36 des 45 cartes, sous différentes formes (routes, fêtes, etc.). Les deux autres villes préinscrites, Saint-Calais et Montfort-le-Gesnois, sont utilisées respectivement sur 30 et 28 cartes. Ce point de la carte concentre en un lieu ce que les habitants représentent sur l’ensemble du territoire (patrimoine, paysage, industries, routes, etc.). C’est le patrimoine bâti qui prime, et l’aspect historique. La moitié des personnes utilisant La Ferté-Bernard, mentionne sur leur carte un élément de patrimoine ou un élément architectural de la ville, comme sur la figure 4 – carte 3 sous forme d’un dessin. Il représente la porte Saint-Julien et l’église Notre-Dame des Marais, les deux éléments majeurs du patrimoine de la ville. Un autre élément apparaît sur certaines cartes : « Venise », « la petite Venise » ou « Venise du nord ». Construite sur un réseau de canaux, il s’agit du surnom que l’on donne à la ville, lui procurant un autre atout touristique.

Figure 4 – exemples de cartes mentales (zooms) illustrant les lieux comme points du Perche Sarthois

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La Ferté-Bernard, ancrée dans la vallée de l’Huisne, possède des zones industrielles sur lesquelles de nombreuses entreprises sont installées. Les habitants du Perche Sarthois les font apparaître sur leurs cartes, par la mention « petit génie technologique » ou la mention « industries » autour du lieu. Comme précisé précédemment, la vallée de l’Huisne est incontestablement le poumon économique du Pays du Perche Sarthois. Les différents axes de communication qui convergent vers la ville et la sortie d’autoroute située sur une commune voisine le prouvent. De plus, La Ferté-Bernard se situe dans un bassin industriel qui s’étend vers le Sud, sur l’axe reliant le centre-ville à l’échangeur.

Pôle structurant à l’échelle du Pays, il l’est également au niveau départemental. Située à l’est du département, La Ferté-Bernard profite en partie du déclin de Mamers et de Saint-Calais. Cependant, La Ferté-Bernard est excentrée par rapport au territoire. La zone de chalandise de son lycée public3 et de son hôpital4 s’étend davantage vers le nord du territoire et les départements voisins que vers le sud et l’ouest du Perche Sarthois. De ce fait, l’ensemble du territoire du Perche Sarthois n’est pas orienté vers La Ferté-Bernard. La partie ouest est sous influence du Mans et la partie sud est davantage tournée vers la Vallée du Loir et Vendôme.

Conclusion

En s’appuyant sur de nombreuses sources et une grille de lecture, les cartes mentales recueillies au cours de cette étude ont apporté des éléments sur la représentation du territoire du Perche Sarthois par ses habitants. L’étude a permis d’évaluer la connaissance qu’ils en avaient et de découvrir des caractères communs par l’intermédiaire de trois marqueurs identitaires : la Forêt de Vibraye, la Vallée de l’Huisne et la ville de La Ferté-Bernard. Cette étude a également permis de mettre en évidence trois représentations :

  • une représentation de la diversité : paysage, patrimoine, axes, espaces… C’est le point fort du territoire en termes de culture, de nature notamment ;
  • une représentation de la Sarthe : les rillettes et l’automobile sont souvent représentées, démontrant le sentiment d’appartenance au territoire sarthois, plus qu’au territoire du Perche Sarthois ;
  • une représentation sociale : les loisirs, la culture, le tourisme, la mobilité… liés aux mutations sociales qui ont permis une augmentation du temps libre et donc la pratique d’activités hors travail.

Les informations que les cartes mettent en relief et la liberté d’expression donnée aux individus sont autant d’atouts qui donnent une plus-value à l’utilisation de la carte mentale. Cette méthode de collecte se prête particulièrement bien à l’analyse de questions en lien avec le territoire, ses représentations, permettant d’obtenir (sous la forme d’un dessin) des données parfois difficiles à mettre par écrit. L’utilisation de cet outil dans les questions d’aménagement est ainsi un atout dans la réflexion des projets à mettre en place, car comme l’a souligné A. Berque (1994), « l’Homme aménage son territoire à partir de ses représentations et se le représente à partir de ses aménagements ».

Les représentations et les marqueurs identitaires du Perche Sarthois ainsi mis en évidence sont aujourd’hui indispensables à la promotion du Label Pays d’art et d’histoire (communication autour du patrimoine), à la sensibilisation des habitants à l’existence du Pays et de ses richesses, tout comme au développement des projets d’aménagement (installation de nouvelles activités, développement des loisirs,…).

1 Il faut deux heures pour relier La Ferté-Bernard à Paris en train TER.

2 « Espace familier qu’un individu construit autour du lieu où il réside et en fonction de ses différentes activités par une pratique routinière

3 Données du Lycée Polyvalent Robert Garnier de La Ferté-Bernard (année scolaire 2013-2014).

4 Données du Centre Hospitalier Paul Chapron de La Ferté-Bernard (2013).

Bibliographie

BERQUE A., 1994. Douter du paysage, in A. BERQUE (dir.), Cinq propositions pour une théorie du paysage, Paris, Champ Vallon, pp. 13-29.

BOURDIEU P., 1980. L’identité et la représentation, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, no 35, pp. 63-72.

BREUX S., LOISEAU H., et REUCHAMPS M., 2010. Apports et potentialités de l’utilisation de la carte mentale en science politique, Transeo, no 2-3, 20 p.

CHAPON P.-M., BEURET C., BOLOMIER C., CHOISY P. et ZAMBERNARDI S., 2010. Cartes mentales et représentations spatiales de résidants en MARPA : un outil d’aide à l’implantation de nouvelles structures d’hébergement ?, Norois, no 216, pp. 57-66.

DI MEO G., 1996. Les territoires du quotidien, Paris, l’Harmattan, 208 p.

FRÉMONT A., 1999. La Région, espace vécu, Paris, Flammarion, 2e édition, 288 p.

GUEBEN-VENIÈRE S., 2011. En quoi les cartes mentales, appliquées à l’environnement littoral, aident-elles au recueil et à l’analyse des représentations spatiales ?, EchoGéo, no 11, 11 p.

LÉVY J. et LUSSAULT M. (dir.), 2003. Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 1128 p.

MUSSET R., 1919. Le Perche, Annales de Géographie, vol. 28, no 155, pp. 342-359.

ROWNTREE B., 1997. Les cartes mentales, outil géographique pour la connaissance urbaine : le cas d’Angers (Maine-et-Loire), Norois, tome 44, no 176, pp. 585-604.

VIARD J., 2004. Le sacre du temps libre : la société des 35 heures, La Tour d’Aigues, L’Aube, 216 p.

Notes

1 Il faut deux heures pour relier La Ferté-Bernard à Paris en train TER.

2 « Espace familier qu’un individu construit autour du lieu où il réside et en fonction de ses différentes activités par une pratique routinière, répétitive et l’ensemble de ses déplacements ».

3 Données du Lycée Polyvalent Robert Garnier de La Ferté-Bernard (année scolaire 2013-2014).

4 Données du Centre Hospitalier Paul Chapron de La Ferté-Bernard (2013).

Illustrations

Figure 1 – localisation du Pays du Perche Sarthois

Figure 1 – localisation du Pays du Perche Sarthois

Figure 2 : exemples de cartes mentales illustrant les aires du Perche Sarthois

Figure 2 : exemples de cartes mentales illustrant les aires du Perche Sarthois

Figure 3 – exemples de cartes mentales illustrant les axes structurants du Perche Sarthois

Figure 3 – exemples de cartes mentales illustrant les axes structurants du Perche Sarthois

Figure 4 – exemples de cartes mentales (zooms) illustrant les lieux comme points du Perche Sarthois

Figure 4 – exemples de cartes mentales (zooms) illustrant les lieux comme points du Perche Sarthois

Citer cet article

Référence électronique

Florent Vérité, « Représentations du Perche Sarthois par cartes mentales », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2016, mis en ligne le 05 mars 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1386

Auteur

Florent Vérité

Chargé de mission emploi – Animateur de la GPEC Territoriale, Pays de Vierzon Diplômé de la Licence Professionnelle Aménagement du Territoire et Urbanisme, IGARUN

Droits d'auteur

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