1. Le retour des études prospectives sur les territoires
Une étrange épidémie s’étend et se diffuse dans nos collectivités locales depuis quelques années. Il s’agit de réflexions suscitées, organisées et financées par les élus, sur le futur des territoires dont ils ont la charge. Tout un chacun s’empare de ces questions, ce à toutes les échelles géographiques : régions, départements, communautés urbaines ou d’agglomération, pays ou communautés de communes, et dessine le futur, en fonction des dynamiques de populations, d’activités, d’équipements, observées, souhaitées ou imaginées. Même l’État s’y met puisque le président de la République a demandé à chacun de ses ministres de lui donner, au retour de leurs vacances estivales, un rapport sur l’état de la France en 2025.
La région nantaise n’échappe pas à cette contagion. Le département de Loire-Atlantique s’est doté d’un conseil, qu’il a baptisé de développement, qui entend réfléchir au devenir des espaces situés hors de la métropole. La région des Pays de la Loire n’est pas en reste et envisage pour 2040 trois horizons possibles pour la région, selon la méthode classique et déjà éprouvée à l’échelle nationale par la DATAR, des scénarios, avec l’aide d’ateliers d’experts.
Le samedi 15 juin 2013 les responsables de la région ont présenté les réflexions des élus, techniciens et citoyens volontaires. Il s’agissait de rendre compte des résultats des assises régionales qui ont mobilisé pendant deux années les participants. Parallèlement les opposants à cette initiative réunissaient un forum citoyen de Bretagne dans une salle proche ! L’agglomération de Saint-Nazaire propose une démarche intitulée « destinations 2030 » dont le dossier se présente sous la forme d’un carnet de voyage publié en janvier 2013 et qui décline de façon imagée les différents futurs possibles. à Angers on imagine une fabrique des territoires, et sur le littoral on est invité à disserter sur les dangers du tout tourisme.
La métropole nantaise est également atteinte. Cette dernière, ou plutôt ses élus, ont souhaité construire, à l’échelle de la communauté urbaine, un projet de territoire à l’horizon 2030. La démarche a été confiée à l’agence d’urbanisme qui coordonne les travaux. Lancée en décembre 2010 sous le sigle « Ma Ville Demain, inventons la métropole nantaise de 2030 », elle s’est achevée à l’été 2013 et a été validée par les conseillers communautaires.
À Nantes la démarche prospective est urgente et nécessaire du fait des dynamiques démographiques à l’œuvre et des mutations des activités économiques. Ces dernières vont générer des choix d’équipements structurants (aéroport, gare ferroviaire, CHU) dont les localisations et le calendrier de réalisation seront déterminants pour l’avenir de la métropole. Ces enjeux dépassent le cadre nantais et peuvent impacter les agglomérations voisines de Rennes et d’Angers (par exemple les formations universitaires à mutualiser ou les réseaux de transports).
Toutes ces initiatives entendent peu ou prou mobiliser les forces vives du territoire qui fait l’objet des analyses (personnes ressources, associations, panels citoyens, écoles, lycées et universités, partenaires institutionnels), selon des formules variées : ateliers du futur ou prospectifs, assises régionales, débats délocalisés en commune ou quartier, etc.
Cette effervescence de démocratie participative, et le recours aux expertises de simples citoyens, et non pas simplement d’experts autorisés, est sympathique. Elle est dans l’air du temps. On la retrouve partout ailleurs en France. Les réseaux sociaux sont de puissants et efficaces outils en ces domaines. Des géographes, économistes ou sociologues en ont fait leur métier, et portent la bonne parole dans les cénacles d’élus et les ateliers dits participatifs. Mais que recouvre exactement cette multiplication de diagnostics sur les territoires ? Et pourquoi cette concomitance des réflexions ? Faut-il incriminer la conjoncture morose, la stagnation de notre économie, les symptômes du malaise social qui touche bon nombre de nos concitoyens ? En d’autre terme ces projections sur l’avenir ne servent-elles pas à faire oublier notre situation présente ?
Cette déferlante de travaux et de réflexions permet à bon nombre de citoyens de se rencontrer et d’échanger. Elle n’est pas sans intérêt. Si ce n’est qu’elle occulte les questions qui fâchent. Elle vise au consensus où tout le monde est fait de gentils et elle confine au mythe d’une réalité aseptisée et sans aspérités. Rappelons pour mémoire ce qu’en disait Roland Barthes dans Mythologies en 1957 :
Le mythe est une parole dépolitisée. Le mythe ne nie pas les choses, sa fonction est au contraire d’en parler : simplement il les purifie, il les innocente, les fonde en nature et en éternité, il leur donne une clarté qui n’est pas celle de l’explication, mais celle du constat. En passant de l’histoire à la nature, le mythe fait une économie : il abolit la complexité des actes humains, leur donne la simplicité des essences… il organise un monde sans contradictions, un monde étalé dans l’évidence, il fonde une clarté heureuse : les choses ont l’air de signifier toutes seules.
À lire les publications de prospective et à inventorier le contenu des scénarios, on ne voit que dynamisme, croissance démographique, innovations spectaculaires, équipements indispensables, avenir radieux. Les études les plus savantes sur le futur de nos territoires utilisent le modèle mettant en relation forces et faiblesses, atouts et menaces, vendu par des officines qui se targuent du nom d’aménageurs du territoire et qui ne sauraient, à des fins de nouvelles études, déplaire à leurs commanditaires.
Une revue de géographie universitaire est le lieu pertinent pour présenter un examen critique de ces travaux de prospective portant sur nos territoires de proximité. Ce n’est pas la première fois que les Cahiers Nantais se font l’écho de ces réflexions sur le futur des territoires. Naguère le professeur André Vigarié avait porté attention à plusieurs reprises au schéma directeur de Nantes-Saint-Nazaire (SDAM) au titre d’enseignant, chercheur et d’expert auprès de l’organisme chargé de la mise en place de la métropole (l’OREAM). Mais à l’époque ces travaux étaient le fait de l’État et de ses services et non pas des élus des collectivités locales. Nous renvoyons à ses analyses et à ce qu’en a dit, il y a peu, Jacques Marcadon (2008).
Nous le ferons ici, à propos de la démarche « Ma Ville Demain » en tant que rapporteur général du Conseil de développement de Nantes métropole. Cette structure participative, forte de plusieurs centaines de membres, officiellement reconnue1, a mobilisé ses participants bénévoles tout au long de deux années (responsables d’associations, personnes qualifiées, représentants des syndicats et groupements professionnels, citoyens volontaires ) sur cette thématique. Les réflexions ont abouti à élaborer un scénario, dit des possibles, pour Nantes 2030. Le document, publié en septembre 2012, est le fruit de réflexions conduites, en parallèle et en toute liberté, par rapport aux travaux de l’agence d’urbanisme. Il peut servir de contrepoint dans la mesure où il témoigne de l’indépendance du Conseil de développement vis-à-vis des analyses des élus et techniciens de la communauté urbaine2.
Au regard des conclusions de l’agence d’urbanisme qui propose pour 2030 trois visions, pour ne pas dire trois scénarios, l’un allant vers l’excellence et l’international, c’est-à-dire l’ouverture ; l’autre reposant sur l’innovation et la créativité ; le dernier s’appuyant sur les ressources locales et la citoyenneté, c’est-à-dire la proximité et la sobriété, le Conseil de développement a proposé dans son dossier ses propres réflexions que l’on pourrait résumer entre utopies d’aujourd’hui et réalisations de demain.
2. Quel rôle pour un conseil de développement ?
La parution du rapport d’étape du projet de territoire « Ma Ville Demain, inventons la métropole nantaise de 2030 » offre aux citoyens de la société civile l’opportunité de faire le point sur la méthode, le processus et les premières conclusions de la démarche.
Le Conseil de développement a été associé aux diverses phases d’avancement des travaux de réflexion. Il a produit sa propre contribution argumentée autour de trois thématiques (les liens, la création collective, les anticipations) et a suggéré de prendre en compte un certain nombre d’aspects tant sur les vulnérabilités du territoire que sur les utopies et signaux faibles, ces derniers susceptibles de remettre en cause des certitudes. C’est ce qui a été baptisé, pour chaque partie, les tendances.
Le Conseil de développement a en particulier critiqué le choix effectué dans la plupart des études de prospective d’un périmètre contraint d’analyses. Chacun examine son territoire sans faire de références à son environnement. Or les frontières sont de plus en plus dynamiques et poreuses, les périmètres pris en compte sont changeants. Ainsi en est-il à Nantes entre les quartiers, la ville, la communauté urbaine, l’aire urbaine, le périmètre du SCOT, celui de la directive territoriale d’aménagement (DTA) initiée par l’État. Le fonctionnement en système des différents sous ensembles de la métropole nantaise invite à réfléchir en concomitance à des échelles géographiques différentes, en fonction des problèmes. Entre les territoires administrés et les territoires vécus il y a des hiatus, des recoupements et des recouvrements imparfaits.
L’absence de concertation ou de mise en relation entre ces études et analyses prospectives faites à des échelles géographiques différentes par les collectivités locales a été soulignée par l’étude du Conseil de développement.
C’est le rôle d’un tel conseil, dégagé des préoccupations de l’instant, de dessiner des perspectives, de faire de la prospective, d’éclairer les cheminements possibles, de répercuter les attentes des citoyens, et de mettre le doigt sur le bien-fondé de périmètres hérités ou obsolètes. Mais aussi de rappeler les réalités incontournables de la géographie, par exemple le fait estuarien dans le cas nantais, et le poids des héritages dans les comportements et attitudes des populations.
Encore faut-il ou faudrait-il que ses contributions, ses propositions, ses suggestions soient prises en compte, ou à tout le moins examinées avec attention et bienveillance par ceux qui localement ont en charge de gouverner le territoire. Il faut bien avouer que l’expérience depuis la conférence consultative d’agglomération mise en place en 1996 fait quelquefois douter. Ce qui pose la question de fond : à quoi servent ces structures de démocratie participative ?
Quatre exemples dans l’actualité illustrent cette perplexité :
- le maintien des voies ferrées à l’ouest de l’île de Nantes recueille l’assentiment des membres du conseil. Ne serait-ce que pour ne pas oblitérer d’éventuels franchissements par chemin de fer à la pointe de l’île. Or on entend dire que le projet des responsables de l’aménagement de l’île, associé à la construction d’un nouveau CHU, conduirait à leur suppression.
- le projet porté par l’association Nexus d’utiliser le nœud ferroviaire au sein de l’agglomération afin de faciliter les relations nord-sud au sein du grand Nantes, et qui a été présenté devant le conseil, mériterait un examen sérieux par les élus et techniciens. Leur dernière mise au point est la perspective d’une station TER à 100 mètres du centre commercial Beaulieu.
- les projets de franchissement du fleuve soit par un pont transbordeur, emblématique à Nantes, soit par un téléphérique, dont bon nombre de villes font le choix, qui ont été également présentés devant le conseil de développement, ne sauraient être rejetés d’un revers de main, ce au profit d’un éventuel pont levant ou d’un tunnel.
- le projet de l’association les Transbordés autour du concept d’un port Jules Verne permettant d’accueillir les paquebots de croisière et de mettre en valeur le personnage mondialement connu qu’est l’écrivain de Nantes, auquel on pourrait associer Julien Gracq autour de son livre « La forme d’une ville ».
D’autres exemples antérieurs pourraient être évoqués pour lesquels les avis du Conseil de développement ont été négligés, occultés ou rejetés. C’est le cas de l’utilisation de l’étoile ferroviaire existante dont la conférence consultative, ancêtre du conseil, avait dès 1996 démontré la nécessité et l’urgence, ou encore une réflexion sur les temps dans la ville afin de favoriser les circulations.
Il y a, à lire la presse, à écouter les techniciens, et à entendre des élus, comme une réticence, voire même un rejet, pour tout projet qui ne vient pas de la sphère de la technocratie locale mais qui est issu de la société civile.
Nulle allusion à ces projets alternatifs dans les dossiers de « Ma Ville demain ». N’y a t-il pas eu dans la démarche citoyenne et des contributions de la société civile des allusions à des projets concrets ? Il y a cependant dans le dossier une question no 9 portant sur les nouvelles initiatives, nouvelles idées, nouvelles pratiques qui devraient nourrir les programmes électoraux !
Certes la démarche « Ma Ville demain » n’est pas un programme, mais des exemples concrets de réalisations souhaitées ou projetées méritaient d’être évoqués.
C’est là un curieux usage de la démocratie participative tant vantée par ailleurs.
Si par le passé on a pu croire que les choix d’aménagement, d’équipement, d’infrastructure, ne pouvaient venir que des ingénieurs et qu’il n’y avait pas à discuter, étant seuls à détenir le choix le meilleur, il en va différemment aujourd’hui. Les projets alternatifs portés par les membres de la société civile et les associations sont souvent de grande valeur et argumentés. Les compétences ne sont plus l’apanage des seuls techniciens des agglomérations. Désormais les débats d’aménagement se déroulent d’égal à égal. Toutes les solutions ne viennent pas d’en haut. Elles peuvent être le fait des gens d’en bas. Un peu d’humilité et d’écoute de la part des technocrates et des élus sont nécessaires.
Ainsi peut-on regretter le refus de desservir l’hôpital nord par le tramway et le choix qui a été fait de desservir le centre commercial Atlantis. Ce choix ne répond pas à la demande sociale.
En son temps le Conseil de développement s’en était étonné. Il est vrai que ce choix peut ensuite justifier la construction d’un nouvel établissement dans l’Île de Nantes, en ignorant ou en minorant les coûts de sa desserte et des risques d’inondation dans un site contraint.
Si l’on remonte dans le passé, souvenons nous de l’erreur commise lors de la disparition du seuil de Bellevue, voulue par les ingénieurs, dont on paie aujourd’hui les conséquences, ou encore entre les deux guerres les conflits liés au comblement des bras de la Loire et de l’Erdre, combattu sans succès par M. Lefèvre-Utile.
Élus et techniciens ignorent trop souvent les signaux faibles qui émergent dans notre société, se refusent à les prendre en compte, et préfèrent faire confiance aux solutions éprouvées du passé mais qui peuvent se trouver dépassées au moment de la réalisation. Nantes a ainsi manqué de peu de se trouver avec une autoroute urbaine qui aurait éventré les rives de l’Erdre et le centre de la ville, ce que les lyonnais n’ont pu empêcher. On se doit de saluer l’anticipation du maire de Nantes à la fin des années 1970 en faveur du retour du tramway.
On ne peut que regretter aussi le refus de réaliser une piste différemment orientée sur l’actuel aéroport qui aurait pu éviter les lourds investissements dans un nouvel outil qui va geler des milliers d’hectares de terres agricoles dont le gaspillage est rejeté par tous depuis le Grenelle de l’environnement.
Il y a bien d’autres réalisations ou projets qui mériteraient un examen sérieux des différentes solutions à l’ère du tout numérique, des nouveaux comportements des populations, et de la fin prochaine des énergies fossiles. Mais envisager d’autres modes de croissance que ceux que nous avons connus lors des trente glorieuses est politiquement incorrect. On ne jure que par produire plus, augmenter le PIB, retrouver les taux de croissance de naguère, réduire la dette.
Ici encore des solutions alternatives mériteraient d’être examinées, des fausses évidences dénoncées, avantages et inconvénients des différentes choix mesurés, pesés et portés à la connaissance des populations avant qu’il ne soit trop tard.
3. Les conseils de développement : lieux des réflexions citoyennes et des utopies
La croissance des instances de démocratie participative, les nombreux blogs de citoyens sur les réseaux sociaux, la multiplication des lieux de libres débats, ne serait ce que l’exemple des cafés géographiques, sont des signes évidents de l’intérêt des citoyens pour la chose publique. Ces initiatives ne sont pas limitées à l’agglomération nantaise, mais elles y sont particulièrement développées.
Quelques exemples des interrogations des citoyens peuvent illustrer cette soif d’utopie et de propositions. Ils ont été discutés au sein du conseil de développement de Nantes métropole. Nous ne donnons ci-dessous que quelques exemples et renvoyons au site du conseil3.
Tester la gratuité des transports en commun ?
Nantes a été pionnière dans le retour du tramway et dans la mise en place d’un dense réseau de transports en commun. Parallèlement une vaste zone piétonnière est mise en place en centre ville. Il y a là des initiatives et des innovations. Ne peut-on aller plus loin ?
La gratuité des transports en commun faciliterait sans doute le retour dans le centre-ville de la clientèle des commerçants qui se plaignent d’une évasion au profit des centres commerciaux de la périphérie. Est-ce véritablement une fausse bonne idée comme le proclame la FNAUT ?
Un examen au fond des avantages et inconvénients, en terme de coûts pour la population et la collectivité, de la formule mériterait débat, et selon les résultats il modifierait sans doute les scénarios.
Des exemples comme à Hasselt (Flandres belge) Châteauroux, Aubagne, Tallin (capitale de l’Estonie) de transports gratuits seraient à examiner pour l’agglomération nantaise.
Cette question de la gratuité de biens publics se pose en d’autres domaines : l’entrée dans les musées, les logiciels libres, la presse quotidienne, la loi hadopi, etc…
Revenir sur la gestion des temps dans la ville ?
En ce domaine Nantes reste bien timide. Toujours pas de bureau des temps. Or les banques du temps, initiées par les femmes en vue de concilier temps de vie et temps de travail en Italie, offrent des opportunités et des réflexions. La ville de Rennes qui dispose depuis 2002 d’un bureau des temps vient de proposer de décaler les rentrées des cours à l’université de Rennes 2 afin de lisser la fréquentation du métro aux heures de pointe. Une initiative du même ordre a été depuis longtemps proposée par le Conseil de développement de Nantes métropole à propos de la desserte du campus du Tertre, sans rencontrer de succès de la part des autorités, tant de la TAN que de l’université.
Quid de l’utopie de la mutualisation des plus values foncières engendrées lors du changement d’affectation des sols qui permettrait d’économiser du foncier ?
Rappelons qu’en Allemagne et aux Pays-Bas ces plus values vont aux collectivités locales et non pas aux propriétaires. Il y a là un excellent moyen d’économiser le foncier à lire ce qui se passe chez nos voisins. La commune de Couëron avait tenté de mettre en place un tel outil de remembrement aménagement dans les années 1980, mais la direction départementale de l’agriculture de l’époque avait abandonné la procédure devant l’opposition d’une association de propriétaire aux « terres bien placées ». Ce n’est pas le projet de PPEAN au nord-ouest de Nantes qui sera la solution à l’étalement urbain que les élus affirment ne pas accepter. Et encore faudrait-il que ce projet, destiné à protéger les terres agricoles, voit le jour.
Aboutir à une révolution territoriale
Qui associe, à une gouvernance unique pour l’ensemble de la communauté urbaine, voire de l’aire urbaine, avec des élus issus directement du suffrage universel à l’échelle de la métropole, un modèle d’organisation multipolaire en fonction des sujets.
Envisager le recours au tirage au sort
Entre les citoyens volontaires pour peupler les municipalités plutôt que faire appel à des professionnels dont la politique devient le métier, et qui trop souvent ne voient de salut que dans la pérennisation de leurs mandats. Ce qui est la règle dans les tribunaux où l’on juge le sort d’un homme ne pourrait-il pas s’appliquer en politique ?
Sur les signaux émergents et les conséquences à en tirer quelques exemples contradictoires.
Qui aurait imaginé il y a seulement vingt ans le succès des AMAPS associant producteurs et consommateurs ?
Qui aurait imaginé il y a trente ans que la téléphonie mobile allait révolutionner nos modes de mobilité et nos rapports sociaux ?
Qui aurait imaginé il y trente ans que les courbes du nombre de mariages et des PACS allaient se croiser dans notre région ?
Qui aurait imaginé le succès indéniable des low-costs en aviation qui conduit à la quasi gratuité des vols et qui fait qu’un déplacement aérien entre Nantes et une capitale européenne vous revient moins cher que le taxi qui vous conduit de votre domicile à Nantes Atlantique, lequel aéroport est relié par voie ferrée au centre de la ville mais la liaison n’est pas utilisée ! Encore une étrange contradiction.
Certains territoires sont plus productifs de nouvelles solidarités fondées sur le partage et l’échange. Ce sont aussi souvent les territoires de l’innovation sociale. L’Ouest a été le terreau de nombre de ces initiatives. Ce sont d’excellents outils de résistance à la crise. L’Italie en fournit des exemples nombreux dont on pourrait s’inspirer afin de faire de la région nantaise un milieu d’excellence.
Conclusion
Favoriser la participation des citoyens à la chose publique autour de la construction d’un projet de territoire par une démarche volontaire en multipliant les lieux et les thèmes de débat est une avancée démocratique. On doit s’en féliciter. Encore faudrait-il ne pas en rester à des idées générales certes généreuses sur le vivre ensemble, sur l’excellence à l’international ou sur les ressources locales et la citoyenneté à mettre en avant. Quel projet de territoire ne répondrait pas à ces impératifs de bon sens ? On pourrait décalquer ce qui est ici proposé par « Ma Ville Demain », à bien d’autres villes. Ainsi pour prendre des agglomérations qui nous ressemblent, Bordeaux et Rouen veulent aussi miser sur l’innovation et la créativité, aller vers l’excellence et s’ouvrir à l’international, et s’appuyer sur les ressources locales.
En revanche on voit mal dans les publications de prospective, commanditées par les collectivités locales, ce qui devrait faire l’originalité de Nantes dans le futur par rapport à d’autres territoires. Comme il y a eu un temps « un jeu à la nantaise », il y a une économie, des réseaux et une vie sociale à la nantaise. Le Conseil de développement a tenté de le montrer en soulignant, par un examen des tendances observées, les décalages, les ruptures et les risques existants entre la société civile et la sphère socio-politique en responsabilité. Ce seul fait justifie son existence.
En deux mots il faut aller plus loin dans le projet et être plus concret, d’autant qu’il n’y a jamais une seule solution mais plusieurs qui sont offertes.
À cet égard le Conseil de développement de Nantes innove. Pour être utile il ne doit pas être figé dans ses missions. Sa toute récente saisine (septembre 2013) sur les futurs franchissements de Loire et le projet urbain qui les accompagnera lui offre l’occasion d’intervenir sur la nature et les modalités du débat public contemporain. Au-delà de son rôle de veille et d’alerte dans la vie publique, le Conseil entend faire valoir son expérience du débat pour revisiter la participation citoyenne à travers de nouveaux outils : tirage au sort, laboratoire citoyen numérique, mobilisation de la société civile…