Contraintes de la loi « littoral » pour les exploitations agricoles : l’exemple de Cap Atlantique

Résumé

Le littoral constitue une zone géographique sujette à de multiples pressions, notamment foncières. Pour remédier à l’urbanisation galopante des années 70, la loi « littoral » du 3 janvier 1986 fut votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale. Objet de nombreuses critiques (Rapport du Parlement au gouvernement, 2007), elle n’a cependant pas suffisamment pris en compte les nécessités des exploitations agricoles. En conséquence, aujourd’hui, leur avenir est incertain, alors que l’activité agricole est essentielle pour la préservation de la qualité paysagère et le maintien d’actifs sur le littoral. Sur le territoire de CAP-Atlantique (Communauté d’Agglomération de la Presqu’île de Guérande Atlantique), 40 exploitations sont affectées par les prescriptions les plus contraignantes de la loi, et, pour y remédier, dans le contexte de l’élaboration du SCoT, des réflexions ont été conduites par cette collectivité, en association avec les Chambres d’agriculture de Loire-Atlantique et du Morbihan et les services de l’état.

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Mots-clés

loi littoral, exploitation agricole, contraintes, CAP-Atlantique

Plan

Texte

Introduction

En 2004, la DATAR recensait 57 000 exploitations agricoles sur 1 300 communes littorales1 (environ 10 % du total national des exploitations) pour une surface exploitée de 723 000 ha (7,5 % du territoire national) générant 72 000 emplois (exploitants et salariés agricoles).

Pour autant, entre 1970 et 2000, près de 70 000 exploitations y ont disparu, et 170 000 ha de SAU, soit 20 % de la surface actuellement exploitée ! (IFEN, 2005). De plus, entre 1999 et 2004, seuls 1 000 nouveaux exploitants se sont installés, ce qui n’assure pas le renouvellement des générations. Intitulé Agriculture littorale : faut-il tirer la sonnette d’alarme ?, le rapport réalisé par le CNASEA (2004) soulève l’urgence d’une action nationale en faveur d’une meilleure prise en compte de ces exploitations. Cette question de leur pérennité et de leur maintien est-elle relayée à l’échelle locale et de quelle manière ? Sur Cap-Atlantique, ce point a donné lieu à un stage d’une durée de quatre mois dont les principaux éléments sont précisés dans la suite de cet article (Favé, 2008).

1. Un partenariat actif entre CAP-Atlantique et les Chambres d’Agriculture de Loire-Atlantique et du Morbihan

Regroupant 15 communes dont 10 d’entre elles sont considérées comme littorales au sens de la loi no 86-2 du 3 janvier 1986, le territoire de CAP-Atlantique s’inscrit dans un contexte géographique particulier : juxtaposition de milieux naturels à forte identité (marais salants du Mès et de Guérande) et de milieux urbains en progression (66 250 habitants en 1999, 51 % de résidences secondaires) ; 3 communes du Morbihan et 12 de Loire-Atlantique (deux départements, deux régions)… Pour la collectivité, un des enjeux consiste donc à trouver un équilibre entre préservation de milieux sensibles et développement urbain/économique (activités de loisir et de tourisme, etc.), les activités agricoles se trouvant en quelque sorte à la charnière entre ces deux perspectives.

Début 2000, alors que s’engagent les débats autour du SCoT, un rapprochement entre Cap-Atlantique et les Chambres d’Agriculture du Morbihan et de Loire-Atlantique aboutit à la signature d’une convention de partenariat début 2005, dont le principal objectif est la réalisation conjointe d’un diagnostic agricole.

Le diagnostic a permis de caractériser finement l’agriculture locale (246 exploitations, 16 200 ha cultivés) et surtout de pointer la prégnance de la question foncière : processus d’enfrichement, espaces agricoles sous-exploités, mais aussi précarisation des terres agricoles (Pithon, 2007). Autour de cette question ont été élaborées 21 fiches-enjeux, dont la fiche 11 qui cible pour partie les espaces soumis à la loi « littoral », dans lesquels il est essentiel d’assurer la pérennité et l’évolution des sièges d’exploitation en appliquant un zonage agricole spécifique (Pithon, 2007). Analysons les principales dispositions de la loi ayant un impact sur les sièges d’exploitation agricole.

2. Une loi « littoral » qui peut faire obstacle au maintien d’une agriculture littorale

Véritable politique spécifique d’aménagement, de protection et de mise en valeur qui se fonde sur une vision globale du territoire, la loi « littoral » est garante d’une valeur juridique du droit du littoral. Malgré cela, la liberté d’appréciation des dispositions laisse le champ ouvert à de nombreux contentieux, souvent liés à la méconnaissance des notions et aux interprétations d’un juge administratif2.

Pour bien cerner les contraintes qu’elle engendre sur les exploitations agricoles du littoral3, il est nécessaire de faire un rapide rappel du régime juridique (Prieur et Le Roy, 2002) (fig. 1).

Figure 1 : Les prescriptions de la loi littoral

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Définition jurisprudentielle d’une urbanisation

Dans un arrêt du Conseil d’État du 15 octobre 1999 (commune de Logonna-Daoulas), le Commissaire du Gouvernement Touvet a défini l’urbanisation comme la transformation du paysage par la construction de bâtiment. Par suite, est réprimée toute construction sur le littoral, qu’elle soit liée à une activité économique ou non. Pour autant, cet arrêt sera révoqué par voie législative notamment pour les bâtiments à usage agricole…

En fait, la notion d’urbanisation n’est pas clairement encadrée par la jurisprudence (Becet, 2004). S’il est communément admis que la construction d’une maison d’habitation constitue une urbanisation, ou l’édification d’un hangar à usage agricole, d’autres constructions qui nécessitent un permis de construire ne sont pas prises comme telles (éoliennes même en grand nombre, station de pompage…). Et pour les bâtiments d’élevage, la situation est d’autant plus complexe sur le littoral.

Une ardente obligation : l’urbanisation doit s’établir en continuité (L 146-4-1 CU)

Afin de contrer le mitage du paysage littoral, toute création en site vierge d’urbanisation est proscrite, et toute demande d’extension de l’urbanisation devra être justifiée dans le PLU, en conformité avec un SCoT ou compatible avec un SMVM4, en tout état de cause, appréciée par les élus et les services de l’État, voire par le juge en cas de contentieux. Cette disposition s’applique à l’ensemble du territoire communal, soit parfois à plus de 10 km du rivage selon la configuration de la commune.

Cet article peut poser problème aux exploitations agricoles. En effet, pour celles soumises à la règle de réciprocité, donc incompatibles avec la proximité de riverains, elles ne pourront s’établir par obligation d’être en continuité de l’existant. Aussi, en 1999, un second alinéa fut ajouté dans la hâte pour permettre aux installations classées de s’établir en dehors de zones d’habitation. En 2005, la loi Développement des Territoires Ruraux a aussi prévu une autre exception en permettant la mise aux normes des exploitations à la condition de ne pas augmenter les effluents d’origine animale. Toutefois, malgré cet effort, les activités compatibles avec le voisinage doivent toujours respecter le principe de continuité, ce qui constitue un frein à l’installation de jeunes agriculteurs.

L’urbanisation dans les espaces proches du rivage (L 146-4-2 CU)

Les espaces proches du rivage sont compris entre la bande des 100 m et une distance indicative de 2 000 m. L’extension de l’urbanisation doit y avoir un caractère limité, et peut prendre la forme de l’implantation de constructions sur des terrains vierges (en continuité de terrains déjà urbanisés) ou la transformation d’un quartier existant, en le densifiant significativement ou en augmentant la hauteur de façon très sensible. Au-delà d’une définition métrique, la jurisprudence conjugue plusieurs critères depuis 2005 : la distance au rivage, la co-visibilité, la nature des terrains situés entre le rivage et la parcelle concernée du rivage. Cet assouplissement est à relier aux choix possibles au regard d’un éventuel PLU en conformité du SCoT. Cet article s’appliquant indépendamment du caractère urbanisé du site, toute nouvelle installation agricole y est interdite, sauf la mise aux normes ou l’extension d’un bâtiment agricole existant.

L’inconstructibilité des coupures d’urbanisation (L 146-2 CU)

SCoT et PLU doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d’une coupure d’urbanisation. Ceux-ci doivent séparer des zones d’urbanisation homogènes et à fonctionnement autonome, et être suffisamment étendus pour permettre leur gestion et leur pérennité. Leur délimitation s’apprécie à l’échelle de l’ensemble de la commune (ou partie significative). Toute urbanisation y est proscrite, ce qui peut générer un point de blocage pour les activités d’élevage présentes ; or, leur charge d’entretien est actuellement assurée par l’agriculture en tant que mode de gestion le plus courant institué par les documents d’urbanisme.

La particularité des espaces remarquables (L 146-6 CU)

Deux critères permettent une identification des espaces à protéger, qui peuvent se cumuler : leur importance paysagère et/ou leur intérêt écologique et biologique. Faisant suite au décret du 29 mars 2004, la circulaire no 2005-57 précise que des possibilités de dérogation autorisent des aménagements « légers » liés à l’accueil du public, la réfection de bâtiments, l’extension limitée si elle est nécessaire à l’exercice d’activités économiques ou encore la gestion et la remise en état d’éléments de patrimoine bâti.

Ces différentes prescriptions reflètent parfaitement la protection mise en place pour sauvegarder le littoral, de l’urbanisation notamment. Malgré les assouplissements en faveur du milieu agricole, la loi peut constituer un frein au maintien des exploitations agricoles. Une enquête auprès d’exploitants concernés par ces prescriptions a permis de cerner les conséquences de cette législation sur le territoire de CAP-Atlantique.

3. Des exploitants inquiets mais acteurs centraux pour le maintien de la diversité sur le littoral

Dans le cadre du diagnostic réalisé en 2005 a émergé un réel point de blocage pour les exploitations agricoles littorales du territoire (fig. 2). Un travail d’approfondissement des connaissances sur les sièges et les bâtiments d’exploitation a donc été conduit dans le cadre d’un stage de quatre mois, reposant surtout sur une enquête menée auprès d’exploitants.

Figure 2 : Sièges d’exploitations agricoles soumis à la loi « littoral » sur le territoire de Cap-Atlantique

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La démarche d’échantillonnage s’est faite en deux temps. Tout d’abord ont été repérées les exploitations soumises à des degrés divers aux contraintes les plus fortes en matière d’urbanisme littoral5 (40 des 246 exploitations présentes en 2005). Ensuite ont été sélectionnées les 23 qui reflétaient au mieux cette réalité territoriale. 18 ont accepté de répondre à l’enquête. À l’issue, les caractéristiques (économiques, spatiales …) de chaque exploitation ont été synthétisées (Favé, 2008).

La diversité des structures, des lieux d’exploitation et des modes de production permet de tirer un bilan sur les processus en cours, pouvant amener par la suite à une prise de décision quant aux outils à mettre en œuvre.

Une agriculture littorale menacée

Entre 2005 et 2008, 10 exploitations sur les 40 ont cessé leur activité ou sont en passe de le faire ! Assez logiquement, si la question foncière est un facteur essentiel pour évoquer leur « fragilité » sur la frange littorale, s’ajoutent d’autres éléments plus diffus qui participent d’un climat local plutôt pessimiste.

Lors des entretiens, la question du foncier est celle qui est revenue le plus souvent. Or, sur Cap-Atlantique, la difficulté réside surtout dans l’absence de volonté de certains exploitants de transmettre leur outil de production, ou de propriétaires terriens6 de se voir contraint par un bail agricole qui selon eux, les enfermerait dans un bail « à vie ». Conscients de la valeur de leurs biens (dans certains cas, 1 ha de terre agricole se négocie à 15 000 € et parfois plus), ils génèrent une rétention foncière particulièrement marquée pour les parcelles agricoles proches du rivage et situées à proximité de constructions existantes, fortement préjudiciable tant à la reprise qu’à l’installation d’un(e) jeune. De plus, ils alimentent l’arrivée de tiers extérieurs au monde agricole7.

Perte de la dimension patrimoniale agricole des terres de la part des agriculteurs propriétaires, projets portés par la collectivité8, impact de la mise en place de « droits » à produire attachés au sol9… : les exploitants (mais aussi la profession agricole) ressentent assez souvent un sentiment d’impuissance et de découragement face à ces éléments déstabilisants. D’ailleurs, unanimement, les exploitants souhaitent être avertis lorsqu’une structure publique ou parapublique (SAFER…) est informée d’une intention de vente, notamment quand il s’agit de terres pouvant améliorer leur parcellaire.

Les entretiens ont aussi permis d’évoquer des problèmes peu abordés en général. Ainsi, sont soulignés la forte progression des changements d’affectation et la reconversion d’anciens sièges (souvent pour des élevages de chevaux), un changement du paysage traditionnel en raison de nouvelles pratiques agricoles (essor de la mise en culture céréalière par des agriculteurs extérieurs aux communes littorales), la perte d’actifs sur une zone déjà pauvre en actifs permanents, des conflits d’usage, notamment en période estivale (concilier circulation à vélo et circulation des engins agricoles...).

Et la loi « littoral » apparaît comme une contrainte supplémentaire quand elle ne constitue pas un frein fort au développement, contraignant des éleveurs en particulier soit à abandonner tout projet de mise aux normes de leurs bâtiments, soit à réaliser des constructions illégales !

Au final, l’impression générale est la déliquescence d’un monde agricole qui privilégiait traditionnellement des pratiques plutôt solidaires même si de réelles opportunités de maintien de l’activité agricole peuvent exister.

Des atouts et des pratiques plus respectueuses de l’environnement à mettre en valeur

Cette agriculture littorale possède des atouts qu’il s’agit sans doute de mieux valoriser car l’activité est dynamique à plus d’un titre. Pour les 18 exploitations enquêtées, l’âge moyen est de 44,5 ans, et les emplois générés s’élèvent à 47,25 équivalents temps plein, auxquels s’ajoutent des emplois directs/indirects (CUMA, industries agro-alimentaires10…). Ces deux points expliquent le poids du logement et du bâti agricole dans les projets recensés, deux tiers des exploitants ayant des perspectives de développement dans ce domaine, quel que soit le zonage relatif à la loi « littoral » (tab. 1).

Tableau 1 : Tableau de synthèse des projets

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Parallèlement, la taille moyenne de leurs exploitations s’avère supérieure à la moyenne nationale (43 ha contre 31 ha) malgré le poids des exploitations maraîchères et des centres équestres. Ceci incite à rechercher d’autres voies de promotion des produits (circuits courts…), de diversification des revenus (gîtes ruraux…), voire de développement de filières de production originales (élevage de pigeons, d’escargots).

L’avenir se joue aussi sur une meilleure prise en compte de l’environnement pour satisfaire les besoins de protection du littoral, et dans ce domaine, même si les exploitants restent lucides sur les efforts restant à fournir, il n’en demeure pas moins que la cause écologique fait doucement son entrée par un changement des pratiques de la part de quelques uns. Dans ce cadre, le cas de la SCEA du Beslonneau constitue une sorte de vitrine. Structure pilote au niveau national en vue d’une plus grande diffusion de l’agriculture raisonnée, elle exerce aussi dans le domaine de la formation, préparant les nouvelles générations aux changements de mentalité par rapport à l’environnement.

Ce rapprochement agriculture/environnement paraît assez évident dans le domaine de l’élevage. Ainsi, toutes les exploitations enquêtées ont réalisé leur mise aux normes, ou sont en passe de le faire. Le risque est fortement amoindri de voir les effluents atteindre les eaux pour les exploitations situées en bordure du rivage.

En continuité, malgré la multiplication des contraintes, on note localement le maintien d’une pratique d’élevage extensif qui favorise la mise en prairie sur le long terme et l’entretien des espaces. Pour l’instant, ce mode de production reste la règle, d’autant qu’il est possible d’obtenir un label biologique.

Néanmoins, parmi les élevages, on peut noter la disparition progressive des moutons (4 éleveurs seulement parmi les 18 enquêtés) alors qu’une filière selon le modèle de celle du Mont-Saint-Michel serait possible et même souhaitable, tant en termes de mise sur le marché d’un produit « identitaire » que pour l’entretien de l’espace et l’ouverture du milieu.

Ce dernier point est une des autres facettes des agriculteurs du littoral. Au travers de leur activité, ils contribuent à la qualité paysagère locale, et parfois, à sa restauration, ce qui n’est pas négligeable dans cette zone touristique. Parmi les interventions évoquées par les exploitants enquêtés, on peut citer la reformation des talus, l’élagage des bords de rivières, l’entretien des marais, le reboisement de bords de parcelles ou encore le défrichement de parcelles. Par ailleurs, un certain nombre de coupures d’urbanisation ne sont entretenues que par des agriculteurs. Inscrites dans les documents d’urbanisme, leur mode de gestion est quant à lui laissé à discrétion des collectivités, qui se reportent « naturellement » sur le monde agricole.

La question des interactions entre pratiques agricoles et préservation de l’environnement est donc, plus ou moins, prise en compte par les exploitants. Certains contractualisent d’ailleurs : mesures agro-environnementales (1992-1999), relayées par le contrat territorial d’exploitation (1999-2003), le contrat d’agriculture durable (2003-2006), et, actuellement, les mesures agro-environnementales territorialisées. Et finalement, cette mobilisation individuelle conforte les collectifs (collectivité, chambre d’agriculture) de la nécessité de se pourvoir d’outils de sauvegarde des outils de production que sont les exploitations.

4. Des compromis à mettre en œuvre

Avec l’appui des Chambres d’Agriculture 44 et 56 et l’implication des services Environnement et Aménagement de l’espace, l’équipe du SCoT de Cap-Atlantique a exploré diverses propositions en vue d’une pérennisation des sièges d’exploitation sur la frange littorale. Le travail d’enquête ayant souligné le nombre de projets liés aux bâtiments (tab. 1), tenter de limiter les effets contraignants de la loi « littoral » passe en premier lieu par une « sécurisation » du bâti en fonction des différents zonages. Après plusieurs réunions, techniques, il est apparu que les interventions doivent porter sur les règles d’urbanisme d’une part (propositions 1 à 4), et le foncier d’autre part (propositions 5 et 6).

Proposition no 1 :

Créer un volet spécifique sur l’agriculture, particulièrement littorale, dès l’élaboration du SCoT. Ce document est une réelle opportunité d’inscrire que la pérennité des exploitations littorales est essentielle au maintien d’une activité économique dynamique et garante de la qualité paysagère. Celui-ci doit aussi aboutir à la création de zones identifiées « espaces agricoles pérennes » qui sauvegarderont l’affectation agricole sur le long terme (horizon 20 ans).

Proposition no 2 :

Créer un zonage spécifique dans le PLU de chaque commune. Dans la continuité de la solution retenue pour l’opération « pilote » tentée sur la communauté de communes du Lac de Grand-lieu, il serait opportun d’autoriser des constructions agricoles autour des exploitations existantes par un « pastillage »11 des sièges. Ce dernier doit se faire au cas par cas, selon l’impact des constructions sur le « terrain d’assiette » : plus la zone est soumise à des contraintes fortes, plus le pastillage sera restreint (fig. 3). Il fera d’ailleurs l’objet d’une définition stricte dans le PLU qui précisera le type de bâtiment possible (zone Axxx). Dérogatoire à la loi « littoral », il s’avère avant tout un accord de principe (fragile) entre la collectivité et la DDEA ; malgré tout, il pourra contribuer à donner un second souffle de dynamisme, en particulier en dehors des espaces proches du rivage où de nouvelles exploitations pourront s’installer.

Figure 3 : Schéma de principe de l’application du pastillage sur les exploitations agricoles

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Proposition no 3 :

Une demande de construction ne pourra émaner que d’un exploitant en activité. Pour éviter d’éventuels abus de la part par exemple d’exploitants en retraite ou proche de la retraite qui pourraient profiter du pastillage pour construire un logement de fonction, ce dernier ne sera admis que dans le cas d’un siège d’exploitation où l’activité agricole est effective. Aussi, il deviendra caduc en cas de cessation définitive d’activité. Il s’agit également d’éviter toute demande de personne n’étant pas exploitante agricole à titre principal.

Proposition no 4 :

Accompagner toute transaction en milieu agricole d’une lettre faisant état de l’inconstructibilité en dehors des activités agricoles. Cette proposition va impliquer une très grande réactivité de la collectivité sur les ventes d’actifs agricoles, ce qui peut passer par la réalisation d’une lettre type rappelant à tout acquéreur la teneur réglementaire du zonage.

Si ces quatre propositions visent à conforter les sièges d’exploitations existants ou à venir, la collectivité peut aussi se doter d’outils et de moyens qui permettraient une régulation des marchés de transaction agricole.

Proposition no 5 :

Mettre en place des mécanismes d’acquisition foncière en dernier recours. Ne posséder ni les terres agricoles, ni même le siège d’exploitation met certains exploitants dans une position très fragile. Pour y remédier, l’idée serait que la collectivité se porte acquéreur de sièges convoités par des personnes non garantes du maintien de cette agriculture littorale. Cette solution est coûteuse à court terme mais la formalisation d’un bail emphytéotique par la suite permettrait un amortissement.

Proposition no 6 :

Informer les propriétaires fonciers. Après recensement des terres non exploitées, un contact serait pris avec les propriétaires pour leur démontrer le caractère inconstructible de leur(s) parcelle(s) dans les documents d’urbanisme, ce qui permettrait que certaines friches spéculatives puissent être remises en culture.

Ces six propositions ne sont pas exemptes de risques.

D’une part, il n’est pas impossible qu’un contentieux émane d’un tiers, avec pour effet induit l’ordonnancement de l’illégalité de la mesure du pastillage au regard de la loi « littoral » par un juge administratif s’appuyant sur une interprétation restrictive.

D’autre part, le pastillage pourrait profiter à des exploitants à faible activité, même si ce risque est estimé modéré par les services de l’État qui instruisent de toute façon les demandes de permis de construire.

Enfin, la mise en œuvre d’une politique plus interventionniste de la part de la collectivité pourrait inciter le propriétaire à retirer son bien de la vente, un tel retrait étant d’ores et déjà observable lorsqu’une révision de prix est demandée par la SAFER

Conclusion

La problématique agricole sur le littoral nécessite un engagement fort de la collectivité, que l’élaboration du SCoT a permis d’identifier. Aux côtés des Chambres d’Agriculture 44 et 56, Cap-Atlantique a engagé une réflexion sur les besoins et les attentes des agriculteurs en place. Elle se veut force de propositions d’autant que l’attrait touristique du territoire dépend fortement de la qualité et de la mixité des fonctions et des usages qui s’y opèrent. Perdre une composante pourrait nuire à l’équilibre actuel, ce qui suppose de se doter d’outils performants sur le long terme, et surtout de maintenir la relation de confiance qui s’est instaurée avec les agriculteurs enquêtés.

Cet article a bénéficié d’une relecture attentive de la part de Yann Le Petit (Cap-Atlantique) et d’Éric Pithon (Chambre d’Agriculture de Loire-Atlantique).

1 La commune littorale est définie par l’article 2 de la loi du 3 janvier 1986, aujourd’hui inséré au code de l’environnement à l’article L 321-2.

2 Les dispositions étant peu précises, elles doivent être complétées par l’élaboration de documents locaux d’urbanisme, notamment communaux, soumis à

3 Dans le cadre de cet article ne seront abordées que les contraintes liées au bâti agricole, sans faire référence à d’autres contraintes qui s’

4 Schéma de Mise en Valeur de la Mer : outil d’aménagement du territoire et de porter à connaissance qui vise dans le droit français à une meilleure

5 Soit des exploitations dont, d’une part, le siège est situé dans une commune rurale, et d’autre part, qui ont été recensées dans les espaces proches

6 Contrainte supplémentaire, sur les communes littorales, les agriculteurs sont propriétaires de moins de 20 % de leurs terres, et souvent de moins

7 Par exemple, monter une SCI permet à des personnes extérieures au monde agricole de contourner le droit de préemption de la SAFER. Ainsi, ce sont

8 La déviation sur la commune de Guérande, prévue pour désengorger le centre-ville, va entraîner la perte de 10 à 15 ha de SAU pour certains

9 De manière générale, les terres auxquelles sont attachés des quotas laitiers ou des DPU sont convoitées par des agriculteurs extérieurs à la zone

10 Ouverture en 2007 de la plus grande usine de fabrication de mozzarella de France à Herbignac.

11 Terme technique utilisé par la DDEA : zone dérogatoire aux prescriptions de la loi « littoral », matérialisée sur la carte par une « pastille » qui

Bibliographie

BECET J.M., 2004. Le Droit de l’Urbanisme littoral. Rennes, P.U.R., 254 p.

CNASEA, 2004. Agriculture du littoral : faut-il tirer la sonnette d’alarme ? Article disponible à http://www.littoral.ifen.fr/uploads/media/Synthese-littoral.doc.

DATAR, 2004. Construire ensemble un développement équilibré du littoral. Paris, La Documentation Française, 156 p.

FAVE A., 2008. Conditions du maintien et de la pérennité des exploitations agricoles au regard de la loi « littoral » et des règles d’urbanisme. Nantes, mémoire de master 2 Villes et Territoires, 137 p.

IFEN, 2005. Observatoire du littoral, fiche indicateur : évolution de la surface agricole utilisée des exploitations agricoles des communes littorales et de leur arrière-pays entre 1970 et 2000, 6 p. (http://www.littoral.ifen.fr/uploads/media/sau.pdf)

PITHON E. (dir.), 2007. Diagnostic de l’agriculture du territoire de la Communauté d’agglomération de la Presqu’ile de Guérande. Cap-Atlantique, Chambres d’Agriculture de Loire-Atlantique et du Morbihan, 114 p. + annexes.

PRIEUR L., LE ROY R., 2002. La loi Littoral : analyse des dispositions particulières au littoral du Code de l’Urbanisme. Paris, Lettre du cadre territorial, 187 p.

Rapport du gouvernement au parlement portant bilan de la Loi littoral et des mesures en faveur du littoral, 2007, 127 p. (http://www.urbanisme.equipement.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=108)

Notes

1 La commune littorale est définie par l’article 2 de la loi du 3 janvier 1986, aujourd’hui inséré au code de l’environnement à l’article L 321-2.

2 Les dispositions étant peu précises, elles doivent être complétées par l’élaboration de documents locaux d’urbanisme, notamment communaux, soumis à approbation préfectorale (pour les SCoT) ce qui peut aboutir à un véritable conflit de compétences et nuit à la lisibilité de la loi pour les administrés.

3 Dans le cadre de cet article ne seront abordées que les contraintes liées au bâti agricole, sans faire référence à d’autres contraintes qui s’imposent à l’agriculture littorale (conflits d’usage…).

4 Schéma de Mise en Valeur de la Mer : outil d’aménagement du territoire et de porter à connaissance qui vise dans le droit français à une meilleure intégration et valorisation du littoral dans une démarche globale d’aménagement durable du territoire. Il est adopté par le préfet.

5 Soit des exploitations dont, d’une part, le siège est situé dans une commune rurale, et d’autre part, qui ont été recensées dans les espaces proches du rivage et/ou des coupures d’urbanisation et/ou des espaces remarquables. S’ajoute le site classé des marais salants de Guérande.

6 Contrainte supplémentaire, sur les communes littorales, les agriculteurs sont propriétaires de moins de 20 % de leurs terres, et souvent de moins sur Cap-Atlantique.

7 Par exemple, monter une SCI permet à des personnes extérieures au monde agricole de contourner le droit de préemption de la SAFER. Ainsi, ce sont quelques 30 ha qui sont partis au profit d’un élevage de chevaux…

8 La déviation sur la commune de Guérande, prévue pour désengorger le centre-ville, va entraîner la perte de 10 à 15 ha de SAU pour certains agriculteurs enquêtés. Même si un aménagement foncier est prévu sur 5 km de chaque côté de la route, certaines exploitations vont se retrouver enclavées.

9 De manière générale, les terres auxquelles sont attachés des quotas laitiers ou des DPU sont convoitées par des agriculteurs extérieurs à la zone, ce qui est source de fragilité, surtout lors des successions.

10 Ouverture en 2007 de la plus grande usine de fabrication de mozzarella de France à Herbignac.

11 Terme technique utilisé par la DDEA : zone dérogatoire aux prescriptions de la loi « littoral », matérialisée sur la carte par une « pastille » qui renvoie à une surface (« terrain d’assiette »).

Illustrations

Figure 1 : Les prescriptions de la loi littoral

Figure 1 : Les prescriptions de la loi littoral

Figure 2 : Sièges d’exploitations agricoles soumis à la loi « littoral » sur le territoire de Cap-Atlantique

Figure 2 : Sièges d’exploitations agricoles soumis à la loi « littoral » sur le territoire de Cap-Atlantique

Tableau 1 : Tableau de synthèse des projets

Tableau 1 : Tableau de synthèse des projets

Figure 3 : Schéma de principe de l’application du pastillage sur les exploitations agricoles

Figure 3 : Schéma de principe de l’application du pastillage sur les exploitations agricoles

Citer cet article

Référence électronique

Arnaud Favé et Christine MARGETIC, « Contraintes de la loi « littoral » pour les exploitations agricoles : l’exemple de Cap Atlantique », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2009, mis en ligne le 29 avril 2021, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=702

Auteurs

Arnaud Favé

Chargé de mission, Chambre d’Agriculture de l’Yonne

Christine MARGETIC

Géographe, Université de Nantes, UMR CNRS 6590 ESO – Nantes

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