Géomorphologie des Mauges

Résumé

Plateau peu différencié, les Mauges apparaissent de ce fait sans relief. Il est pourtant possible d’en présenter quelques clés de lecture. Parmi elles les argiles, produit de l’altération du socle et élément du paysage culturel par leur utilisation potière et tuilière, renvoient à la réalisation et au perfectionnement de l’aplanissement fondamental qui modèle ce fragment du socle armoricain.

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Mots-clés

argil, géomorphologie, Mauges, Massif armoricain

Plan

Texte

La géomorphologie est la discipline qui étudie les reliefs terrestres. Elle comporte trois paramètres : la topographie qui décrit les variations du relief, la structure géologique (nature, résistance et disposition des roches à l’affleurement) qui détermine les modalités de l’érosion, et la durée qui conditionne l’usure du relief par érosion.

Les Mauges sont situées à l’extrémité sud-est du Massif armoricain. Elles forment un vaste plateau à 110-120 m d’altitude, d’aspect uniforme, rarement interrompu par quelques hauteurs isolées (butte de Beausse à 180 m, butte des Gardes à 210 m), et délimitées au Nord par un coteau dominant la Loire et profondément incisé par les cours d’eau (Èvre, coulée de Liré). Au sud, les Mauges se relèvent progressivement jusqu’à 150-180 m, en direction de la Gâtine. Elles s’abaissent progressivement vers l’Ouest : gouttière de la Sèvre nantaise et basses terres du Vignoble nantais (40-50 m) ; et vers l’Est : vallée du Layon. Cette position de plate-forme dominante leur confère une unité naturelle et humaine.

Figure 1 – Localisation de la région

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Cette singularité s’exprime d’abord par la géologie. Comme l’ensemble du Massif armoricain, les Mauges dérivent d’une chaîne de montagne apparue à la fin de l’ère primaire, la chaîne hercynienne (1). Mais le géologue y reconnaîtra une histoire plus longue, à partir d’une chaîne de montagnes plus ancienne (chaîne cadomienne), détruite par l’érosion : d’où une diversité pétrographique (micaschistes, granites, volcanites) qui résulte de cette longue histoire, interprétable dans un cadre de tectonique des plaques.

La géomorphologie des Mauges commence avec la destruction de la chaîne hercynienne par l’érosion, de la fin de l’ère primaire à nos jours, c’est-à-dire sur une période d’environ 250 millions d’années. Sur cette longue durée, plusieurs phases d’érosion, elles-mêmes conditionnées par des climats différents qui se sont succédé alors, ont progressivement réduit le relief initial à l’état de surface aplanie. Cette transformation résulte de deux actions successives : d’abord l’ameublissement des roches, puis l’évacuation de ce matériel ameubli par des écoulements non concentrés opérant un balayage en nappe.

L’ameublissement des roches (2) s’opère par leur altération chimique sous conditions chaudes et humides (milieu tropical), qui produit une argile (exploitée comme matière première : voir rubrique Géomorphologie et patrimoine culturel). Cette argile d’altération est ensuite évacuée par l’action des eaux ruisselant en nappe et opérant un balayage efficace, à l’image de ce que l’on observe aujourd’hui dans les milieux tropicaux secs ou les milieux semi-désertiques, où l’eau s’écoule sporadiquement mais brutalement.

Ce décapage (3) fait apparaître l’ancien front d’altération (limite entre la roche saine et la roche altérée), qui préfigure la surface topographique actuelle. Là où les granites affleurent, les irrégularités de détail de cette surface se traduisent par de petits pointements rocheux : les chirons.

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L’achèvement de ce paysage relève de 4 actions ultérieures :

a) la déformation lente de la surface (ère tertiaire) : elle subit un bombement (Collines de Vendée) dont les Mauges sont la retombée vers l’Est, suivant une pente qui guide le Layon et ses affluents de rive gauche. Ce bombement est suffisamment lent pour que l’érosion perfectionne la surface au fur et à mesure de sa déformation : glacis du Layon, autrefois étudié par le géographe Louis Poirier, alias Julien Gracq.

b) l’apparition de cours d’eau (concentration de l’écoulement : fin de l’ère tertiaire) qui découpent le plateau en lourdes coupoles (forêts de Leppo et de la Foucaudière), ou l’entaillent en suivant les lignes de plus grande fragilité (basse vallée de la Moine installée sur une zone de roches broyées). Les affluents directs de la Loire au Nord (« coulées ») s’encaissent au gré des variations du niveau du fleuve (niveau de référence ou niveau de base), qui sont fonction des fluctuations climatiques de l’ère quaternaire (méandres de l’Èvre au « cirque » de Courossé).

c) la mise en valeur des contrastes de résistance entre les diverses roches affleurant au même niveau (érosion différentielle). Le tracé des vallons reflète les faiblesses du socle rocheux qui facilitent son incision par les ruisseaux. Par exemple, la coulée de Liré est localement déviée au franchissement d’un filon de pegmatite, granite à gros cristaux qui affleure sur 50 mètres de large et forme une bande de plus grande résistance dans les micaschistes. L’observation de détail des roches à l’affleurement (dureté, fissuration, état de conservation) permet de déterminer la part des différents facteurs de l’érosion.

d) l’aménagement des versants des vallons par les processus froids (Quaternaire récent). Les « coulées » présentent un profil transversal dissymétrique : un versant ouest à pente convexe et un versant est à pente rectiligne plus forte. Cette dissymétrie a une origine climatique : la neige, déposée sur le versant ouest (situé sous les vents dominants), assurait sa protection. Le versant est, d’où la neige était balayée, était alors exposé aux alternances thermiques qui provoquaient sa dégradation par gélifraction (fragmentation de la roche sous l’effet des alternances gel/dégel). En fin de période froide, la fusion du manteau neigeux imbibait d’eau le versant ouest dont la partie superficielle meuble glissait (solifluxion), adoucissant la pente.

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Géomorphologie et patrimoine culturel

La surface du plateau des Mauges est recouverte d’un manteau argileux épais de 15 à 35 m (sondages : Wyns et al., 1998, carte géologique Chemillé (483), 1/50 000, BRGM), conservé sur les parties hautes du plateau, horizontales, alors qu’il a été érodé sur les pentes. L’argile a été exploitée pour la production de tuiles et de poteries, et est indissociable du patrimoine culturel et paysager des Mauges qu’elle a durablement marquée : séchoirs, fours, calvaires à socles de briques.

L’argile provient de l’altération du socle rocheux quelle qu’en soit la nature (micaschistes, granites, roches basiques), sous climat tropical humide. Les roches sont altérées par hydrolyse, réaction chimique en présence d’eau au cours de laquelle les minéraux des roches sont dissociés et leurs éléments chimiques recomposés sous forme de minéraux argileux. Cette réaction est activée par la chaleur ; elle est à l’œuvre dans les milieux tropicaux actuels, principalement là où alternent périodes humides favorables à l’hydrolyse, et périodes plus sèches favorables à la formation de cuirasses latéritiques à concentrations ferrugineuses. Dans les Mauges cette cuirasse a disparu, mais on en retrouve des traces sous forme de blocs rougeâtres dans les champs ; la toponymie renseigne parfois sur une exploitation passée de ce matériau riche en fer (noms de lieux La Ferrière).

Sous cette cuirasse démantelée apparaît, sur une épaisseur de 5 mètres et plus, l’argile plastique bariolée, grise, blanche et ocre autrefois exploitée pour la fabrication de tuiles et de poteries. Elle était extraite dans des argilières en divers secteurs des Mauges : Le Fuilet, forêts de Teffo et de la Foucaudière, village des Poteries au nord-est de Cholet. Ces argilières, aujourd’hui abandonnées, ennoyées et en partie gagnées par la forêt, représentent des biotopes reconnus (travaux du Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement Loire et Mauges). Ce passé artisanal connaît aujourd’hui un renouveau à travers le Village potier installé au Fuilet.

Sous l’argile plastique apparaît une argile pulvérulente épaisse de plusieurs dizaines de mètres, qui repose sur le micaschiste ; c’est la matière première de la briqueterie industrielle du Choletais. Ailleurs la composition de l’argile varie, en fonction de la nature de la roche : argile orange à rouge sur les roches basiques riches en fer de la Formation de Beaupréau ; argile blanche (kaolinite), sur le granite de Chemillé et de Clisson (lieu-dit la Terre Blanche, Le Longeron au sud-ouest de Cholet).

La géomorphologie associe la formation géologique (argiles d’altération) à la forme de relief, ici une surface plane réalisée à l’Éocène (début de l’ère tertiaire) par des écoulements en nappe, à l’air libre ; localement, ces écoulements ont abandonné les cailloutis qu’ils transportaient, en provenance d’un relief surélevé en cours d’érosion, très probablement les collines de Vendée. La surface éocène a été façonnée aux dépens d’une première surface (ère secondaire), dont le sommet de la butte de Beausse pourrait être « un vestige très dégradé » (Wyns et al., 1998).

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En direction de l’ouest le plateau des Mauges s’abaisse pour passer de 130 m à 45 m au sud de Nantes. Ici, à Château-Thébaud, l’altération profonde laisse la place aux argiles, autrefois exploitées comme elles l’étaient au Fuilet : le lieu-dit la Poterie atteste de cette activité passée.

Illustrations

Figure 1 – Localisation de la région

Figure 1 – Localisation de la région

En direction de l’ouest le plateau des Mauges s’abaisse pour passer de 130 m à 45 m au sud de Nantes. Ici, à Château-Thébaud, l’altération profonde laisse la place aux argiles, autrefois exploitées comme elles l’étaient au Fuilet : le lieu-dit la Poterie atteste de cette activité passée.

Citer cet article

Référence électronique

Bruno COMENTALE, « Géomorphologie des Mauges », Cahiers Nantais [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 16 février 2021, consulté le 26 avril 2024. URL : http://cahiers-nantais.fr/index.php?id=936

Auteur

Bruno COMENTALE

Géographe, Université de Nantes, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS

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