Le Syndicat de Pays du Vignoble Nantais a lancé en 2014, par le biais de l’activité de son Pays d’art et d’histoire, une opération d’inventaire des « villages à communs ». Cette étude fut motivée par l’appropriation encore importante de ces espaces par la population locale. L’objectif fixé ? Analyser le patrimoine du territoire dans sa matérialité et son immatérialité en étudiant de façon conjointe l’architecture, les paysages et les manières d’habiter les espaces privés et les espaces communs par les habitants.
Pour ce faire, l’étude a reçu le soutien scientifique et technique du service de l’Inventaire de la Région des Pays de la Loire. Elle s’est également appuyée sur un partenariat étroit établi avec les associations locales afin d’identifier des archives et des personnes ressources habitant les lieux. Les collectivités locales qui fondent le Pays du Vignoble Nantais ont facilité la recherche en permettant un accès à leurs archives anciennes et aux dossiers administratifs de gestion d’espaces anciennement communs.
Méthodologie et sujet de recherche
La méthodologie de recherche
Concrètement, l’inventaire des villages à communs s’appuie sur la méthodologie de l’Inventaire général du patrimoine, c’est-à-dire une analyse de documents d’archives, associée à un travail de repérage des vestiges architecturaux in situ.
L’aire d’étude s’est dessinée progressivement. Dans un premier temps, les communs de village actuellement répertoriés dans le cadastre ont été recensés de façon exhaustive par deux stagiaires étudiants en Master 2 à l’IGARUN (Institut de Géographie et d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes). Chaque parcelle de commun est caractérisée dans un tableur qui regroupe plusieurs informations : localisation (coordonnées géographiques), superficie, nature de la parcelle, présence (ou non) de mobilier sur la parcelle, modalités d’accès à la parcelle, sa situation géographique par rapport à l’écart auquel il se rattache, la nature du parcellaire environnant, la nature du bâti aux abords du commun, des informations concernant les usages actuels et anciens du commun, ainsi que les coordonnées de potentielles personnes ressources rencontrées lors du recensement.
Suite à ce premier état des lieux, un recensement a été réalisé dans les états de section et les matrices du cadastre napoléonien. Le croisement de ces deux listes de communs a permis de repérer un millier d’écarts sur le territoire concerné par l’étude : 288 écarts identifiés en 2014 (possédant 596 communs) et plus de 700 autres recensés au XIXe siècle.
Tous ces écarts ont ensuite fait l’objet d’une enquête de terrain. De ce travail de terrain, résulte un corpus de 96 hameaux choisis selon des critères validés par le comité de pilotage de l’étude. Chaque écart repéré présente au moins un de ces critères : une bonne conservation de son bâti ancien, une trame ou une topographie villageoise qui entretient un lien intrinsèque avec l’espace commun ; des usages du commun renouvelés et toujours présents dans la vie des habitants ; une ressource documentaire ou humaine identifiée ou facile à collecter. Enfin, 12 écarts représentatifs ou remarquables ont été sélectionnés pour une étude approfondie : leur architecture, l’activité vivrière de leurs habitants, l’évolution de l’emprise foncière et du rôle social des communs ont été analysées1.
Le « commun de village » : tentative de définition
La notion de « bien commun » portée par les courants de pensée philosophiques, politiques et économiques connaît depuis plusieurs années une actualité et un écho certains au sein de la société française.
Le travail de recherche documentaire mené dans le cadre de cette étude a permis d’identifier, dans un temps très limité, un certain nombre d’ouvrages analysant l’histoire des pratiques communautaires des sociétés rurales et la gestion de ces espaces communs entre le XVIIIe et le XXe siècle. Les « biens communaux » ont généralement été étudiés par plusieurs auteurs d’un point de vue juridique et historique : d’Armand Rivière (Histoire des biens communaux depuis leur origine jusqu’au XIIIe siècle, Paris, 1856) à Nadine Vivier (Les biens communaux en France 1750-1914, Paris, 1958), en passant par Pierre Lefeuvre (Les communs de Bretagne à la fin de l’Ancien Régime (1667-1789), Étude d’histoire du droit avec des pièces justificatives, Rennes, 1907). Ces ouvrages et d’autres, de qualité, abordent la notion d’espaces communs dont l’usage est à l’échelle des habitants d’une commune et non d’un hameau.
Or, une des spécificités du Pays du Vignoble Nantais réside dans son organisation rurale lisible dans les plans napoléoniens : des bourgs peu développés et un nombre très important d’écarts auxquels sont rattachés ces espaces communs. Compte tenu de cette spécificité et de l’orientation patrimoniale de l’étude, la bibliographie n’a donc pas été étudiée de façon exhaustive, mais a servi, de façon ponctuelle, comme clés de compréhension contextuelle au sens large. L’étude s’est majoritairement appuyée sur l’analyse des documents cadastraux.
Du point de vue de leur formation historique, l’état actuel de la recherche indique une filiation de cette propriété collective avec des droits féodaux définis par « l’ancienne coutume de Bretagne » de 1330. Cette coutume de l’Ancien Régime appliquait une règle selon laquelle le seigneur d’une terre pouvait concéder un droit d’usage (« droit de communer ») sur des terres vaines et vagues aux habitants d’un ou plusieurs écarts implantés sur son fief (Rihouay, 1995).
La Révolution Française met fin aux droits féodaux au profit de la notion de droit de propriété privée. Le 28 août 1792, une loi-décret votée par l’Assemblée législative indique que toute terre dont la propriété ne pourra être prouvée par un titre sera adjugée par les Tribunaux.
L’article 10 précise l’avenir des biens pour lesquels était octroyé un « droit de communer » :
« Dans les cinq départements qui composent la ci-devant province de Bretagne, les terres actuellement vaines et vagues, non arrentées, afféagées, ou acensées jusqu’à ce jour, connues sous le nom de communes, frost, frostages, franchises, galois, etc. appartiendront exclusivement soit aux communes, soit aux habitants des villages, soit aux ci-devant vassaux qui sont actuellement en possession du droit de communer, motoyer ou mener les bestiaux dans lesdites terres situées dans l’enclave ou le voisinage des ci-devant fiefs ».
C’est ainsi semble-t-il que s’opère le basculement entre le droit d’usage de ces biens communs et la propriété privée collective encore en vigueur d’un point de vue juridique sur ces biens communs.
Il est important de préciser que, dans le cadre de cette étude, le terme de « village » (au sein des formules « villages à communs » ou « communs de village ») correspond à l’appellation locale par les habitants du territoire de tout regroupement de bâtis en écart.
D’un point de vue juridique, le « commun de village » est un bien appartenant à une communauté de personnes habitant un même hameau. Ce bien est inaliénable et ne peut être vendu ou cédé (complètement ou pour partie) sans l’accord de l’ensemble des habitants. La commune n’a aucun droit ou responsabilité sur ce bien.
Concrètement, un commun correspond généralement à une parcelle de terre ou à un plan d’eau. Le commun peut être pourvu d’une architecture : un four, un puits, un édicule religieux.
Analyse foncière des « communs de village »
Implantation géographique des communs (XIXe- XXIe siècle)
Du XIXe au XXIe siècle, ces espaces communs se répartissent de façon homogène sur le territoire du Pays du Vignoble Nantais, sauf en val ligérien et en zone du marais de Goulaine (fig. 1). Les communes de Haute-Goulaine et Basse-Goulaine ne sont singulièrement pas concernées. Les communes de Saint-Julien-de-Concelles et Divatte-sur-Loire2 n’en possèdent qu’un nombre très restreint. Ces quatre communes se composent plutôt d’espaces à propriété collective à l’échelle de l’ensemble des habitants de la commune. Il s’agit de grandes landes ou zones marécageuses situées à distance des villages appelés « communaux ». Ces terres, qui n’entretiennent pas de lien intrinsèque avec l’architecture villageoise, n’ont pas été intégrées à l’étude (Bergerat, 2002).
Excepté le val ligérien et la zone du marais de Goulaine, l’étude topographique de la répartition des communs recensés dans les cadastres de 2014 et napoléoniens a mis en lumière une implantation sur des sites divers : zones de plateau, coteaux, en vallée et bordure de la Sèvre, de la Maine et de leurs affluents. Ces communs se retrouvent presque systématiquement dans tous les écarts. Cette répartition sur les communes du territoire depuis Vertou et Le Loroux-Bottereau jusqu’au sud du Pays n’est toutefois pas perceptible si l’on ne tient compte que des communs recensés dans le cadastre de 2014 et cartographiés en figure 1. En effet, certaines communes telles que La Planche et Vieillevigne sont traversées par un phénomène de disparition massive du statut commun de ces espaces entre le XIXe et le XXIe siècle (de 115 « communs de village » à seulement 4 en 2014 pour ces deux communes).
Structure foncière des espaces communs au XIXe siècle
L’étude de l’emprise foncière des communs dans les plans cadastraux napoléoniens, révèle, au regard du parcellaire cultivé, une forme spécifique. Si le parcellaire cultivé correspond à un parcellaire très fractionné, les parcelles de communs sont généralement ouvertes et irrégulières. Que ces terres soient vastes (35 ha au maximum) ou de modeste superficie (50 m² au minimum), elles sont sans limites claires, s’ouvrant sur le réseau de voirie. Ce dessin imprécis, couplé à une très faible imposition des parcelles, illustre deux choses : une probable difficulté, pour les arpenteurs d’alors, à définir les contours de ces parcelles, mais aussi qu’il s’agit sûrement de terres peu convoitées et donc probablement de piètre qualité, voire incultes.
L’analyse systématique des plans cadastraux pour l’ensemble des communes a permis d’identifier trois formes récurrentes d’espaces communs. Ils sont classés et dénommés de la sorte au sein de l’étude :
- la première forme de communs, la plus courante et la plus modeste, correspond à « l’aire » autour et sur laquelle s’implantent les bâtiments de l’écart. C’est ainsi le cas pour l’aire commune aux habitants du Pâtis Coreau à Barbechat. Elle sert de cour de desserte aux habitants, d’espace supplémentaire pour le stockage et le travail de leur récolte agricole. « L’aire » accueille généralement un plan d’eau et un four à pain également communs aux habitants ;
- la deuxième forme correspond aux « étendues incultes ». D’une grande superficie, elles sont situées aux abords de l’écart, souvent en zones inondables, à proximité d’un cours d’eau, comme pour cette pâture commune aux habitants de la Trélitière à Aigrefeuille-sur-Maine. Il s’agit de zones de marais ou de pâtures utilisées pour le pacage des bestiaux. L’étendue inculte accueille généralement un plan d’eau commun aux habitants ;
- -la troisième forme a été dénommée « étendue inculte plurivillageoise ». Cette dernière forme se situe à mi-chemin entre la deuxième (« étendue inculte ») et les « communaux » cités précédemment. Il s’agit de très vastes landes en propriété commune aux habitants de deux ou trois écarts et situées au carrefour de ces hameaux propriétaires. Ce type de commun n’accueille pas de construction bâtie (ni habitation, ni dépendances).
Deux cents ans plus tard : un paysage de communs bouleversé
La comparaison des plans cadastraux napoléoniens et actuels pour identifier la cohérence entre les parcelles de communs recensées à 200 ans d’écart indique que le phénomène des « communs de villages » est extrêmement vivace en Pays du Vignoble Nantais. Plusieurs évolutions notables ont ainsi été repérées.
La première est celle d’un phénomène de recul et de morcellement de l’espace commun qui s’opère par le transfert de propriété d’une partie ou de la totalité des espaces communs à la collectivité ou à des propriétaires privés. Ce transfert de propriété concerne les « aires » et les « étendues incultes » qui disparaissent pour des raisons d’usages (un commun en bordure d’une habitation privée est transformé en jardin attenant), ou pour des raisons de modernisation urbanistique : les communs (tout ou partie) sont cédés à la collectivité locale pour qu’une route puisse être aménagée. C’est par exemple le cas pour l’espace commun aux habitants du Bas Briacé. Divisé dès 1875, seuls quelques espaces résiduels ont été conservés communs (fig. 2). Mais ce phénomène concerne également et de façon systématique les communs qui correspondaient aux « grandes étendues incultes plurivillageoises » sur le cadastre napoléonien. Ces grandes landes sont partagées dès le XIXe siècle, dans une démarche de rendement agricole. Démembrées en plusieurs parcelles privées, elles ont soit été mises en culture, soit sont devenues des parcelles constructibles. La canalisation du réseau hydrographique complexe a permis d’empêcher les crues sur les « communaux » en bord de Loire et les communs inondables situés en zones inondables. Ces terres, devenues cultivables, deviennent l’objet de convoitises et sont démembrées en propriétés privées.
La seconde évolution observée est celle d’apparition de communs au XIXe et XXe siècle. Cette apparition relève de deux sortes : la régularisation du statut en propriété commune aux habitants de l’écart pour certaines parcelles lors de la réfection totale du cadastre. Effectivement, l’analyse des plans cadastraux napoléoniens a soulevé l’hypothèse lors de l’étude, pour un certain nombre d’écarts, qu’un espace commun aux habitants existait déjà lors de la levée du cadastre au début du XIXe siècle, mais n’avait pas été signalé par l’arpenteur sur les plans et dans les matrices. Or, la superposition des plans cadastraux a permis de lever ce doute et d’identifier des espaces recensés comme communs dans le cadastre en 2014 et dont l’emprise foncière correspond partiellement ou strictement au dit espace non numéroté sur le plan napoléonien. C’est ainsi le cas à la Mortière dans la commune de Gétigné (fig. 3).
Figure 3 - Localisation des espaces communs aux habitants de la Mortière et du Grand Tourboureau : positionnement sur les cadastres de 1809/1811 et 2015
L’apparition de nouveaux communs, a également lieu, et ce de façon plus surprenante, dans des fermes du territoire au cours des XIXe et XXe siècles. Dans ces cas précis, la création des communs procède de la division de ces fermes (tenues initialement par un seul propriétaire) en plusieurs propriétés privées. L’exploitation devenant ainsi un écart, la cour, le four ou le plan d’eau devient un bien commun à ses habitants.
Cette création tardive d’espaces communs marque une des spécificités du territoire qu’est l’attachement particulier porté par les habitants à ces espaces communs. Parmi les 596 espaces communs recensés en 2014, 76 % connaissent toujours des usages communs ponctuels ou quotidiens.
Analyse architecturale des « villages à communs »
Une organisation du bâti intimement liée au commun
Structurellement, ces « villages » se différencient des bourgs par le fait qu’ils s’organisent sans alignement du bâti autour d’un axe directeur. Ils sont d’une densité de bâtiments extrêmement variable : de 3 à 250 bâtiments.
L’étude des « villages à communs » s’est attachée à identifier les grands modèles d’organisation villageoise en lien avec ces espaces communs. Deux formes ont ainsi été identifiées.
Toutefois, il résulte de ce travail, le constat que les espaces communs sont en constantes évolutions du point de vue de leur emprise foncière et de leur statut de bien tenu en propriété collective et indivise. La typologie ci-dessous présentée correspond à un état des lieux pour une période donnée : le processus d’accaparement de l’espace commun constaté depuis le début du XIXe siècle est constaté comme toujours opérant.
La première forme d’organisation correspond à une implantation du bâti en bordure de l’espace commun. Cette typologie regroupe 19 écarts (parmi les 96 repérés) et ne correspond à aucune localisation géographique particulière puisque les écarts sont situés en bord de Loire, en zone de marais, sur les coteaux, sur les zones de plateau ou plateau ondulé, en vallée de la Sèvre et de la Maine. Dans la majorité des écarts, le bâti s’organise en rangée, comme c’est le cas pour le Bordage au Landreau (fig. 4) mais on trouve également des formes plus dispersées ou plus denses avec un bâti très imbriqué. Les bâtiments d’habitation et les dépendances sont implantés sans ordre particulier sur le bord du commun ; leur accès se fait par le commun, et ouvrent à l’arrière, sur des parcelles détenues en propriétés privées (le plus souvent des jardins). Aucun bâtiment ne se trouve implanté isolément sur l’espace commun.
Figure 4 - Pâture commune aux habitants du Bordage, de Sanguèze et des Courrères selon les données cadastrales de 1809 /1811
La seconde forme d’organisation villageoise correspond à celle d’une implantation du bâti en bordure et en îlots sur l’espace commun. Ces organisations villageoises illustrent le phénomène d’accaparement de l’espace commun avec des tendances plus ou moins radicales, et donc probablement une forme d’évolution chronologique de la première organisation villageoise décrite ci-dessus. Cette typologie regroupe 61 lieux-dits repérés : c’est la forme d’organisation la plus caractéristique et la plus courante. Ces écarts sont partout sur le territoire. L’un des exemples les plus caractéristiques est l’écart de la Brégeonnière à la Boissière-du-Doré (fig. 5).
Du point de vue de leur organisation foncière, les « villages à communs » correspondent pleinement au concept de « village-mosaïque » défini par Christine Toulier (1998) pour les écarts du canton de Clisson :
« une multitude de petites propriétés imbriquées les unes dans les autres où chacun se retranche chez lui pour essayer de préserver une difficile vie privée, exposée au regard de tous, à travers ces espaces collectifs en bordure du bâti »3.
Une architecture humble
Qu’il s’agisse des bâtiments d’habitation ou des dépendances, l’architecture repérée dans les « villages à communs » témoigne d’une grande modestie. Les matériaux utilisés pour la mise en œuvre retranscrivent la nature du sous-sol local. Sur une majorité du territoire, les murs des habitations et dépendances sont en petits moellons de schiste montés à la terre. Les architectures des communes du sud du Pays (de Boussay à Maisdon-sur-Sèvre) illustrent la présence du granite (CAUE de Loire-Atlantique, 2002).
La maison d’habitation est à un ou deux niveaux et couverte d’une toiture à deux pans en tuiles creuses. La pièce de vie (située en rez-de-chaussée pour les maisons à deux niveaux) est chauffée par une cheminée ; elle est pourvue d’une ou deux fenêtres de petites dimensions afin de préserver une certaine chaleur dans l’habitation. Entretenant un lien intrinsèque avec l’espace commun, la maison est dotée de deux portes en vis-à-vis qui permettent l’accès d’un côté au commun et de l’autre aux jardins potagers. Le décor en façade est extrêmement simple mais soigné avec un jeu sur les encadrements de baies et de portes en pierre (en plein cintre ou à plate-bande en longues dalles de schiste) ou en bois (linteau en chêne) (photo 1).
Photo 1 - Maison à la Brégeonnière, Boissière-du-Doré
Crédit photo : Pays d’art et d’histoire du Vignoble Nantais, 2015
Les dépendances sont souvent en appentis ouvert par une mince fenêtre ; leur accès se fait par une porte simple ou double. Elles viennent généralement s’appuyer sur le mur d’une construction mitoyenne (photo 2). Leur volume varie selon la spécialisation agricole ou viticole intervenue dans les écarts au XIXe siècle. Ainsi les dépendances sont de volumes plus imposants dans les communes qui privilégient l’activité d’élevage de bétail (Boussay, Gétigné, Vieillevigne).
Photo 2 - Le village de la Grossière, à Saint-Lumine-de-Clisson
Crédit photo : D. Pillet, Région Pays de la Loire, Inventaire général, 2015
Cette architecture n’est pas spécifique, elle illustre de façon plus générale celui des communautés rurales modestes installées en Pays du Vignoble Nantais.
Il est à noter que les fermes divisées aux XIXe-XXe siècles comme le Rubis, situé à Mouzillon (photo 3) ayant donné lieu à l’apparition de nouveaux communs échappent à ces caractéristiques architecturales. Dans ces cas précis, l’implantation du bâti, caractérisée par une rationalisation de l’espace, correspond à un ordonnancement des habitations rassemblées et des dépendances autour d’une cour, et qui correspond pleinement à la typologie de « villages-métairie » définie par Christine Toulier (1998).
Photo 3 - Le Rubis à Mouzillon
Crédit photo : D. Pillet, Région Pays de la Loire, Inventaire général, 2015
L’évolution des modes de vie et leur impact sur les usages du « commun de village »
L’étude menée n’a pas la prétention d’identifier de façon exhaustive les usages et surtout les modes de mise en œuvre des activités dont ont fait l’objet les espaces communs aux XIXe et XXe siècles. Ces usages sont extrêmement variés et parfois bien spécifiques à une communauté d’habitants.
Il est également impossible, au vu de l’état de la recherche, de borner chronologiquement ces usages diversifiés. Les usages identifiés comme ayant existé au XIXe siècle, ont fort probablement eu cours durant les siècles précédents et ont, pour certains, perduré au XXe siècle. Il s’agit donc bien ici de dresser des tendances générales propres au territoire étudié.
L’étude des modes de mise en culture des sols par les habitants des écarts (selon les données des états de section du cadastre napoléonien) a permis de révéler un paysage ancien lié à ces « villages à communs ». Ce paysage se compose de communs ouverts non bornés qui se confondent avec la voirie et d’un parcellaire cultivé très fractionné du point de vue de la propriété, divisé en une multitude de fines parcelles, dont le mode de culture correspond à une activité de polyculture-élevage (terres labourables, jardins, prés, pâtures). Quel était donc l’usage du commun au XIXe siècle ?
Les terres incultes : de l’aire de battage à la piste de jeu de boules
Dans les états de section du cadastre napoléonien, sont recensées majoritairement comme « communs au village », des terres incultes. Parmi ces terres, les communs de modeste superficie (« aire », « cour », « pâture »), situés à proximité directe des habitations servent originellement d’espace de stockage pour des matériaux produits de l’activité agricole (gerbiers, paillers, fumiers) ou comme lieu de travail collectif (aire de battage). Les animaux y demeurent, afin de pouvoir pâturer à proximité directe de l’étable ou de l’écurie qui les abrite. La position centrale de ces communs, au cœur de l’écart, fait vraisemblablement de ces espaces le lieu où les habitants se réunissent pour la fête annuelle célébrée à l’occasion des vendanges ou des battages du blé.
Les communs de grande superficie (« landes », « pâture », « vague », « pré ») situés sur des zones de plateaux ou des zones inondables en bordure du lieu-dit, sont voués au parcours et au pâturage des bestiaux. Les landes communes sont une ressource en produits naturels (bois, fougères, bruyères, ajoncs) qui servent tout autant de nourriture ou litière pour les bestiaux, que de combustible pour les foyers des habitants ou d’amendement pour les cultures (Bourrigaud, 2005).
Ces communs sont, au XIXe siècle et sûrement déjà au cours de l’Ancien Régime, des moyens d’améliorer les conditions de vie d’une population paysanne très modeste.
Dans quelle mesure ces espaces peuvent-ils s’adapter à l’évolution des modes de vie des habitants des hameaux ?
Les « villages à communs » se sont profondément transformés en 200 ans. Fortement touchés par l’exode rural, la baisse du nombre d’habitants (et donc de propriétaires des communs) s’accompagne de modifications architecturales importantes : réaffectation de la maison en remise ou débarras, abandon voire destructions de nombreux bâtiments. Les réorientations agricoles et les spécialisations viticoles ont un impact sur l’usage des communs de village, en lien direct avec cette activité de polyculture-élevage.
Il ressort de l’enquête de terrain que les « villages à communs » sont, dans leur grande majorité, des espaces de vie qui accueillent d’anciens paysans (souvent natifs de l’écart ou de la commune) et de jeunes générations actives venues s’installer nouvellement dans le vignoble. Entre ces deux catégories de population s’opère un croisement de styles de vie. Les anciennes générations qui formaient la population entière d’un écart, ont constitué dans le passé des relations, fondées sur un principe de réciprocité, durables et intenses entre voisins. Les habitants s’entraidaient plus facilement parce qu’ils pratiquaient l’activité agricole de la même manière. L’installation de ces jeunes « rurbains » au sein des « villages » ont fait émerger des manières de vivre nouvelles qui divisent les populations à l’intérieur du village. Ces nouvelles générations entretiennent un rapport à l’espace villageois bien distinct de celui entretenu par les anciennes générations. Contrairement aux générations précédentes qui ont exercé une activité de polyculture-élevage au cœur de l’écart et qui utilisaient les communs, les nouvelles générations ont une activité professionnelle qui les oblige à quitter l’espace villageois quotidiennement (Champagne, 1975). Cette répartition des activités entraîne ainsi une brisure de l’indistinction du lieu de travail et d’habitation initialement vécue par les anciennes générations. L’espace social villageois, dont le « commun de village » est la cristallisation, est alors perçu et vécu différemment.
La disparition croissante des manifestations collectives (qu’elles marquent le temps social, agricole ou spirituel), témoignages de l’unité villageoise, constitue l’indice le plus visible de cette transformation des interactions sociales entre les habitants au sein des écarts. Même si les écarts sont traversés par des dynamiques singulières et propres aux caractères de chacun des individus, il est constaté que les nouvelles générations cherchent souvent à échapper aux contraintes du groupe villageois et montrent, en apparence, une indifférence à l’égard de leurs voisins. Les générations plus âgées, celles qui ont le plus ressenti les transformations du groupe villageois et en sont sans doute les plus affectées, évoquent avec nostalgie la vie sociale « d’autrefois », perçue rétrospectivement comme unie et solidaire par opposition à l’isolement croissant des familles les unes par rapport aux autres.
Ces évolutions sociales ont pour conséquence l’abandon massif des activités agricoles sur les espaces communs. Les communs qui servaient initialement de cours de desserte, sont morcelés par l’installation du réseau de voirie moderne. De ce morcellement des parcelles communes, initialement homogènes, résultent des reliquats. Il s’agit d’espaces communs de très modestes superficies, reclus en bordure de route. Excepté certaines démarches individuelles ou collectives de fleurissement ou d’entretien herbeux, ils sont laissés à l’abandon.
Les communs préservés au cœur des villages connaissent de nouveaux usages : ils sont tout d’abord des espaces utilitaires qui correspondent à des usages privés, c’est-à-dire que chacun des habitants entrepose sur le commun qui borde son habitation, son matériel de jardinage, son combustible pour le chauffage. Ils sont aussi souvent utilisés comme aire de stationnement des véhicules des habitants dont les maisons anciennes remaniées n’offrent aucun espace de garage. Souvent, ces communs sont utilisés comme aire récréative sur laquelle un équipement spécifique est parfois installé (piste de jeu de boules, portique à balançoire, tables de pique-nique). Ils favorisent alors la rencontre des plus jeunes – les enfants qui viennent jouer – comme des adultes qui s’y retrouvent de façon plus ponctuelle (photo 4). C’est aussi le lieu où se déroule la fête du village, lorsque celle-ci est encore organisée.
Photo 4 - Le commun de la Goulbaudière au Landreau est aménagé par ses habitants pour en faire une plus-value paysagère et un lieu de rencontre
Crédit photo : D. Pillet, Région Pays de la Loire, Inventaire général, 2015
Les plans d’eau
Plus de 120 plans d’eau sont recensés comme biens communs au XIXe siècle dans les états de section du cadastre napoléonien. Ils sont utilisés généralement comme réservoir d’eau en cas de lutte contre un incendie, comme abreuvoir pour les bestiaux, vivier pour la pêche ou encore comme lavoir pour lessiver le linge. Les plans d’eau ont certainement connu biens d’autres usages annexes au XXe siècle : ancienne carrière locale pour l’extraction d’argile utilisée pour la construction des bâtiments (la Boissenotière à Boussay) ; pour laver les fûts contenant le vin produit par les viticulteurs (Pâtis Malaise au Loroux-Bottereau) ; pour éteindre la chaux vive utilisée pour la construction de maisons ou la désinfection des étables (les Mays à la Remaudière). Ces « mares » communes sont au XXIe siècle généralement empierrées et équipées d’un système moderne de vannes et pompes à pression permettant d’en capter l’eau, notamment pour arroser les jardins privés. Décorées et végétalisées, elles sont considérées par les habitants du village comme une plus-value paysagère et un lieu propice aux échanges autour d’une activité de détente et de loisirs : pêche, promenade, pique-nique (photo 5).
Photo 5 - L’étang commun aux habitants de Coursay à Monnières
Crédit photo : D. Pillet, Région Pays de la Loire, Inventaire général, 2015
Les architectures communes : four à pain, puits et édicules religieux
Parmi les 250 fours à pain communs recensés dans le cadastre napoléonien, seuls 32 fours collectifs subsistent encore (ceux devenus des propriétés privées ou communales n’ont pas été recensés). Au XIXe siècle, ils servaient aux habitants toute l’année, de façon hebdomadaire, pour la cuisson de pain et parfois de fruits. Leur usage collectif a généralement disparu dès le XXe siècle avec le développement des équipements de boulangerie. Rarement entretenus ou restaurés, seuls cinq fours sont remis en marche de façon ponctuelle et festive comme à la Métairie à Saint-Fiacre-sur-Maine (photo 6).
Photo 6 - Four commun aux habitants de la Métairie à Saint-Fiacre-sur-Maine
Crédit photo : D. Pillet, Région Pays de la Loire, Inventaire général, 2015
Les puits communs ne sont quasiment jamais recensés sur le cadastre napoléonien : il est donc difficile de dater et d’attribuer une propriété et un usage collectif ancien aux 29 puits communs recensés dans le cadastre actuel. Initialement utilisés pour puiser de l’eau potable, l’usage des puits communs se limite aujourd’hui à un puisage ponctuel pour arroser les jardins privés ou abreuver quelques bestiaux. Leur construction et leur usage se sont raréfiés dans la première moitié du XXe siècle avec le raccordement des écarts à l’eau courante.
Les croix, crucifix et calvaires sont très présents en Pays du Vignoble Nantais et jalonnent le paysage. 17 sont implantés sur des espaces communs. L’initiative de leur construction et leur financement sont privés ou collectifs (à l’initiative de missions notamment). Bien que les processions religieuses, anciennement en lien avec ces croix et calvaires, ne soient plus organisées, ces édicules religieux font majoritairement l’objet d’une attention de la communauté des habitants qui les font restaurer par une association locale ou par eux-mêmes.
Conclusion
L’étude des villages à communs embrasse la matérialité et l’immatérialité des patrimoines concernés : l’architecture des villages et les manières d’habiter et de faire vivre les espaces communs. Le commun de village, souvent décrit à tort comme seul objet de conflits, ne peut s’envisager comme seulement victime des évolutions sociales de la population. Le renouvellement des usages du commun dans de nombreux villages permet plutôt de penser le commun comme un bien porteur de solutions : espace utile pour certains, de loisirs pour d’autres, le commun de village est un objet de débat, certes, mais surtout un objet de rencontre entre les habitants. Il favorise, au sein de certains villages, le vivre ensemble dans sa dimension quotidienne ou ponctuelle. Une enquête ethnologique sur les modes contemporains d’appropriation de ces espaces communs mérite l’intérêt de la recherche à venir.
FOCUS : l’écart de la Brégeonnière à la Boissière-du-Doré
La Brégeonnière est un écart implanté au sud-est de la commune de la Boissière-du-Doré, à proximité de la Divatte (environ 700 m de distance), frontière naturelle entre cette commune et celle de la Remaudière. Cet écart possède toutes les caractéristiques d’un « village à communs » typique.
Une activité de polyculture-élevage ancienne
L’analyse du plan cadastral de 1808, au dessin d’une beauté singulière, permet d’attester qu’une activité de polyculture-élevage est déjà engagée au XVIIIe siècle. Sur ce plan (fig. 5a), on peut voir que le hameau est entouré de jardins clos par des haies et divisés entre les propriétaires en de fines parcelles. À proximité de ces parcelles, la vigne, sur une étendue modeste, témoigne d’une culture probablement destinée à la consommation individuelle. Autour, les terres labourables, bordées au nord de bois et de landes qui définissent un périmètre de transition avec les fermes à proximité. Au sud, ces terres sont bordées par les zones de prés ceinturant la rivière de la Divatte.
Figure 5a - Section B du plan cadastral de la Boissière-du-Doré (1808) |
Les professions des propriétaires et habitants de la Brégeonnière listées dans les états de section du cadastre napoléonien indiquent qu’ils sont tous « laboureurs » (à l’exception d’un maréchal-ferrant, un charpentier et un meunier). Les vestiges architecturaux encore présents dans l’écart appuient l’analyse du cadastre : les dépendances, de volume modeste, sont dédiées à une activité agricole. De petites soues accueillaient des porcs, de modestes bâtiments en appentis à un jour et une porte permettaient d’abriter les bestiaux, des granges à piles carrées ou rondes accueillaient les véhicules et outils de labour ainsi que les récoltes.
Une architecture humble et solidaire
L’organisation foncière de la Brégeonnière est caractéristique des « villages à communs » : son bâti s’organise en bordure et en îlot des espaces communs. Les bâtiments, aux volumes modestes, sont très imbriqués. L’implantation des bâtiments est telle que quasiment tous les habitants partagent un mur mitoyen avec leur voisin. Cette architecture témoigne d’une importante proximité et solidarité entre les habitants de l’écart (fig. 5b).
Figure 5b - L’écart de la Bregeonnière |
Les architectures des habitations encore conservées dans l’écart aujourd’hui illustrent également les conditions de vie modeste de ces habitants au XIXe siècle. La « maison-type » de la Brégeonnière correspond à une pièce unique rectangulaire (d’une superficie d’environ 50 m²) couverte d’une toiture à deux pans en tuiles creuses. Les murs sont en petits moellons de schiste local montés à la terre. La pièce est chauffée par une cheminée à manteau de bois protégée par des pierres qui isolent l’intérieur du conduit, un placard mural en bois installé sur le même mur sert de rangement. Une fenêtre en façade apporte un peu de lumière à l’intérieur de l’habitation. Deux portes permettent l’accès en façades avant et arrière de la maison (elles sont soit couvertes d’un linteau droit en bois de chêne soit d’un arc en anse de panier en dalles de schiste). Le volume, les matériaux et mises en œuvre sont typiques de l’architecture vernaculaire en Pays du Vignoble Nantais.
Des rapports de médecin datant du XVIIIe siècle analysés par Christophe Le Pabica (2016) indiquent que quatre à huit personnes d’âge et de sexe différents pouvaient habiter ces pièces uniques. La maison est alors un espace polyvalent où l’on cuisine, mange, se lave, dort et travaille. Elle est un lieu où le collectif l’emporte sur l’individu.
L’étude de la répartition des propriétés foncières par habitants selon les informations collectées dans le cadastre napoléonien renforce cette impression d’un mode de vie modeste donnée par l’architecture. Comme en témoigne la cartographie des propriétés foncières pour un panel de quatre propriétaires (fig. 5c), les habitants possèdent, en propre, une dizaine de parcelles qui se répartissent entre jardins potager pour la culture des légumes, terres labourables pour la culture céréalière, vignes pour une consommation individuelle, et une surface modeste de prés en bordure de la Divatte pour faire paître leurs bestiaux.
Figure 5c - Répartition des propriétés foncières par habitant selon les matrices du cadastre de 1808, panel de quatre propriétaires |
Les espaces communs, leur gestion et leurs usages du XIXe au XXIe siècle
Le cadastre napoléonien de 1808 indique que le village dispose d’une « boulangerie commune au village de la Brejonnière » (1808 B-650), c’est-à-dire un four à pain possédé de façon collective, privée et inaliénable par les habitants du village. Il se situe au cœur du noyau villageois. Les états de section d’un plan intermédiaire levé en 1849, recensent, en plus du four, un « abreuvoir » commun au village. Ce second commun n’a pu être localisé car le plan cadastral correspondant est perdu mais selon des sources orales, il est probable qu’il devait se situer au nord-est du village (fig. 6).
Figure 6 - La Brégeonnière : évolution des espaces communs sur les différents cadastres (1808, 1950 et 2015) |
Les plans levés au XIXe siècle ne répertorient pas comme commun l’espace central qui se confond avec le réseau de chemins du village et forme une grande parcelle non cultivée sur laquelle sont implantés les bâtiments. Toutefois, il s’agit bien d’un espace commun aux habitants de la Brégeonnière. Tout comme le four à pain et l’abreuvoir, cette terre détenue en commun entretient un lien intrinsèque avec les modes de vie anciens. Le commun est utilisé jusque dans les années 1950 comme un espace de stockage pour les matériaux produits de l’activité agricole (gerbiers, paillers, fumiers), mais aussi comme lieu de travail collectif (aire de battage du blé). Il sert également d’espace de pâture pour les bestiaux, à proximité directe des dépendances qui les abritent pour la nuit.
Lors de la rénovation du cadastre en 1950, cinq communs sont recensés : ils viennent confirmer l’existence ancienne de cette grande terre commune sur laquelle s’implante le hameau de la Brégeonnière. Elle est répertoriée comme deux pièces de terre (1950 B-159, B-211) l’une étant le « chemin du taillis » et l’autre située au « bois » de la Brégeonnière ; deux friches (1950 B-231, B-308) et une aire (1950 B-252) situées au « carroui » du village, c’est-à-dire en son carrefour central. Sur la parcelle B-308 est signalé un édicule religieux ; il s’agit d’un calvaire né d’une décision collective. Effectivement il est construit par l’ensemble des habitants en 1945, afin de montrer leur gratitude pour le retour sains et saufs des neuf hommes de l’écart faits prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale. Une photographie témoigne de son inauguration en 1946 (photo 7). Sur cette même parcelle B-308, un puits, qui permet d’approvisionner les habitants en eau. Le four, qui n’existe plus en 2016, n’apparaît plus dans la matrice de 1950 : il est déjà détruit à cette date. Deux chemins au nord, et un chemin au sud, eux aussi communs, permettent à l’ensemble des habitants de pouvoir accéder aux terres cultivées enclavées (fig. 6).
Photo 7 - Cérémonie d’inauguration du calvaire commun aux habitants de la Brégeonnière en mai 1946 |
Crédit photo : Collection privée du Pays d’art et d’histoire du Vignoble Nantais |
En 2002, les habitants de la Brégeonnière décident de partager les communs. Leur décision est motivée par la création d’un réseau d’assainissement individuel qui nécessite l’accès aux bâtiments. Ils se réunissent en association foncière urbaine dénommée « Les voyettes des bergeons » afin de procéder au partage de ces espaces. La proposition de plan de partage réalisée par un cabinet d’expert-géomètre est adoptée en 2009 et un acte notarié est rédigé. Il fixe, à la demande des habitants, l’interdiction de construire sur chaque parcelle de commun cédée à un propriétaire privé, dans le but de conserver le paysage existant de la Brégeonnière. A la suite de ce partage, les deux chemins au nord de l’écart, le puits, le calvaire et une petite voie desservant l’îlot central des bâtiments sont conservés comme communs de village.
La parcelle de commun B-308 est rétrocédée à la collectivité accompagnant les habitants dans leur démarche, en contrepartie du paiement des frais de notaires (les habitants n’ont payé que les frais de bornage des parcelles). Les parcelles B-231 et B-252 sont divisées et cédées aux propriétaires riverains (fig. 6).
Les habitants ont souhaité conserver la majorité des communs car ils voient en eux l’essence même de l’organisation villageoise ainsi que celle de la communauté des habitants. Les communs, s’ils ne servent plus comme soutien à l’activité agricole restent des lieux d’échange et de rencontre. La fête du village annuelle est ainsi organisée symboliquement depuis 1987 sur la parcelle où se situait l’ancien abreuvoir commun aujourd’hui comblé.
C’est aussi pour cette raison que les habitants ont décidé de s’investir, à travers leur association « les voyettes des bergeons » dans l’entretien et la restauration des communs du village. Ainsi, pour le soixante-dixième anniversaire de l’élévation du calvaire, les habitants de la Brégeonnière ont entrepris son nettoyage et sa restauration (photo 8). Ce commun, par sa matérialité, réactive la communauté des habitants du hameau et demeure un élément important de cohésion sociale.
Photo 8 - Célébration de la restauration du calvaire commun lors de la fête du village en juillet 2015 |
Crédit photo : A Bothorel, Hebdo Sèvre et et Maine
a. Architecte du Patrimoine, Docteur en Architecture et agrégé d’Histoire.