Les lieux et les fonctions de la nature en ville ont évolué au cours de l’histoire (Lofti et al., 2012). Aujourd’hui, la plupart des projets urbains disposent d’un volet environnement et font souvent la part belle aux espaces de nature, nouveaux lieux de ressourcement pour les urbains. L’attraction des espaces de nature en ville est aujourd’hui importante, ils sont reconnus comme participant à la qualité du cadre de vie (Bailly et Bourdeau-Lepage, 2011 ; Boutefeu, 2001 ; Boutefeu, 2005 ; Boutefeu, 2007).
Nantes Métropole compte un total de 3 366 hectares d’espaces verts (fig. 1), chaque habitant de l’agglomération disposant d’une moyenne de 57 m². Plus de la moitié du territoire est constituée d’espaces naturels ou agricoles, 30 % de sa superficie est urbanisée et 13 % du territoire métropolitain est classé en zone Natura 2000. La ville de Nantes à elle seule regroupe 100 parcs et squares représentant 218 ha (Abed-Denesle, 2012), 100 000 arbres sont répertoriés dans les espaces publics et privés nantais dont 20 000 arbres le long des 110 km de voies, 41 % d’espaces verts (publics et privés) et d’eau par rapport à la surface de la ville (2009 - Green Award). La superficie des espaces verts est plus importante dans certaines communes de la métropole que dans celle de Nantes. Saint-Herblain compte 450 hectares d’espaces verts, Orvault 700 hectares contre 218 hectares à Nantes.
Cependant, ces chiffres cachent des disparités spatiales importantes sur lesquelles cet article propose de revenir, notamment à travers deux principales entrées : la répartition de la nature dans la ville et l’égal accès des habitants à ces espaces (Coutaud et al., 2018). Trois parties structurent cet article : une première partie permet de poser le cadre méthodologique du travail entrepris ; la deuxième partie propose un état des lieux du patrimoine naturel par la localisation des espaces de nature et leur typologie fonctionnelle ; enfin, la dernière partie analyse le rapport de distance entre ces espaces de ressourcement et les lieux d’habitats des résidents de la métropole nantaise, le ressourcement étant pris comme vecteur de qualité urbaine et des inégalités spatiales face à l’accessibilité des espaces de nature.
La spatialisation de la nature en ville à Nantes Métropole, éléments de méthode
Considérés comme des poumons urbains, les espaces de nature constituent aujourd’hui des éléments essentiels pour la qualité de vie dans la ville, amenant à se poser la question de leur distribution.
Typologie de la nature en ville
Afin de réaliser un état des lieux de la végétation sur le territoire métropolitain, la première étape consiste à élaborer une typologie. Sa construction s’est faite au travers de sources variées, dont deux principales. La première a été élaborée par le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) de l’Île-de-France, organisée en quatre sous-ensembles : arboré (total boisements, boisements humides, parcs et boisements urbains) ; herbacé (total herbacé, pelouses sur sols calcaires, landes et pelouses sur sols acides, prairies humides et formations marécageuses) ; grandes cultures (total grandes cultures) et bleu (eaux courantes, eaux stagnantes).
La deuxième est celle qui a été proposée par l’étude VEGdud « Rôle du végétal dans le développement urbain durable » (Musy et al., 2014). Elle se base sur une synthèse d’enquêtes effectuées auprès des services d’espaces verts de la ville de Nantes, mettant en évidence le rôle de la végétation urbaine collective (taille et composition végétale, configuration des scènes végétales, etc.) et privée (étude des règlements des lotissements, éco-quartiers, étude prospective, etc.). Au travers de la classification fonctionnelle et paysagère, l’étude évalue les dispositifs végétaux par rapport à des fonctions climatiques, hydriques et d’ambiance. De fait, VEGdud apporte des éléments méthodologiques organisés en cinq catégories : les toitures et façades végétalisées, les techniques alternatives de gestion des eaux pluviales utilisant le végétal, les surfaces enherbées, la végétation de plein terre ou hors-sol et les arbres.
Ces deux travaux ont nourri l’organisation de la typologie proposée dans ce travail à partir d’une première forme de hiérarchisation et de classification de la végétation urbaine ; cependant, les exemples précédents étaient associés à des thématiques bien précises sans explications quant à la méthodologie employée, rendant aléatoire leur réutilisation dans un contexte différent. Les éléments cités précédemment ont donc été retravaillés pour construire la typologie la plus représentative des formes de nature au sein de Nantes Métropole, applicable sur les 24 communes. Ainsi, toutes les formes de nature urbaine repérable par télédétection à l’aide d’images infrarouges ont été recensées. Neuf ont été extraites : toitures végétalisées ; surfaces enherbées ; forêts, bois, boqueteau ou bosquets ; plantation hors sols ; espaces naturels sauvages ; haie ; parterre / floriculture ; arbre isolé et cours d’eau. Elles ont ensuite été triées pour être regroupées dans des catégories. L’étape du triage s’est basée sur le critère de la forme. Autrement dit, il s’agissait de rassembler les formes de nature aux caractères similaires. La complexité de cet exercice de construction méthodologique résidait dans le fait de trouver le juste milieu entre l’aspect à la fois général et spécifique des catégories choisies. En effet, les groupes devaient être généraux pour englober le maximum de formes à caractères communs, mais également assez précis pour restreindre le nombre des groupes, dans un souci de clarté et de lisibilité. Cet exercice de répartition a conduit à l’élaboration de trois catégories de formes de la nature en ville. La première regroupe les végétaux ligneux (arbres, arbustes, arbrisseaux ou encore certaines plantes grimpantes vivaces). Ils se retrouvent souvent au sein de formations végétales de dénominations diverses, selon leur forme et leur surface (la forêt par exemple). La deuxième catégorie comprend les végétaux herbacés, c’est-à-dire qui ne possèdent pas de tige ligneuse persistante au-dessus du sol, ne produisant donc pas de bois, qu’on retrouve dans les prairies mais aussi dans les milieux aquatiques et semi-aquatiques comme les cours d’eau, mares et ripisylves. On retrouve ces végétaux dans bon nombre de formations végétales, dont les surfaces enherbées qui peuvent prendre la forme de bandes enherbées de bordure, denses et permanentes établies le long d’un ou de plusieurs côtés d’un champ. Le principal paramètre pour différencier les végétaux réside en la présence de tige ligneuse ou non. Le critère de hauteur du végétal dépendant directement de ce facteur, nous faisons donc la différence entre les végétaux ligneux dépassant un mètre de hauteur, et les végétaux herbacés, d’une hauteur inférieure à un mètre. La troisième catégorie est constituée par le réseau hydrographique. C’est l’ensemble des milieux aquatiques présents sur un territoire donné, le terme de réseau évoquant explicitement les liens physiques et fonctionnels entre ces milieux. Ce réseau regroupe à la fois les cours d’eau, plans d’eau, zones humides, mais également les eaux souterraines (exclues de ce travail du fait de son inaccessibilité).
La sélection de zones d’étude au sein de Nantes Métropole et l’application de la méthode
Le choix des zones d’étude
La première étape de spatialisation de la nature a permis de réaliser un état des lieux et d’identifier les espaces de nature dans la métropole. Puis, par photo interprétation, cette nature en ville a été qualifiée à partir des neuf formes de nature précédemment citées. Deux quartiers ont été sélectionnés, Doulon-Bottière et le Centre-ville de Nantes. Le premier est situé à l’est de la commune de Nantes (fig. 1). Localisé entre le centre-ville et la périphérie, il constitue une zone intermédiaire dans le tissu urbain. Ce secteur regroupe d’abord les trois catégories de formes définies par la typologie proposée dans ce travail, à savoir deux formes de végétation : ligneux et herbacés et le réseau hydrographique. C’est également un secteur densément urbanisé avec 30 147 habitants sur un territoire d’environ 12 km². Il comporte une grande diversité de types d’espaces verts (c’est le critère qui a été déterminant pour le choix de ce quartier). Le deuxième quartier sélectionné pour ce travail est le Centre-ville de Nantes. Avec 27 866 habitants, il est le 5e quartier le plus peuplé de Nantes (nantes.fr/centre-ville), le plus densément urbanisé et semble être un des moins végétalisés de la métropole nantaise. Cette caractéristique permet de mener le travail de spatialisation de la nature sur un espace où les surfaces minérales dominent largement, ce qui différencie ce quartier de Doulon-Bottière, plus diversifié dans ses formes de végétation et présentant nettement plus d’espaces végétalisés. Ainsi, il sera possible d’évaluer les éventuelles limites de la télédétection pour distinguer la végétation dans une emprise urbaine forte. Par exemple, on peut supposer que les ombres seront nombreuses du fait que les bâtiments sont plus hauts et plus rapprochés d’une manière générale dans le centre-ville que dans le quartier Doulon-Bottière, plus pavillonnaire. Les espaces végétalisés risqueraient donc de se retrouver ombragés. Ce deuxième choix de quartier contribue à apporter des critiques et des améliorations quant à la méthode employée.
Application de la méthodologie sur les zones d’étude
Dans le but de spatialiser la nature en ville, le recours à l’ortho-photographie infrarouge couleur (IRC) mise à disposition par les services de Nantes Métropole et au logiciel ERDAS® était nécessaire.
Tout d’abord, la première étape du travail consistait à différencier par classification supervisée les différents éléments composant l’espace urbain par leur signature spectrale dans le quartier Doulon-Bottière. Ainsi, il a fallu identifier et classer les espaces végétalisés, artificialisés, les surfaces en eau et les ombres en se basant sur des échantillons dit d’apprentissage dont la signature spectrale est connue. Tous les pixels de l’image sont ainsi classés à partir de ces échantillons enregistrés dans un fichier signature à partir duquel il est possible de réaliser la classification. Le but de cette opération est de créer une nouvelle « image masquée » (outil Mask dans ERDAS®) où seuls les espaces végétalisés sont représentés. Cependant, les nombreuses ombres constituent une source d’erreurs importante dans la classification, car elles influent sur la signature spectrale de l’élément ombragé. C’est pourquoi la décision de créer différentes classes pour l’ombre a été prise. Les « ombres projetées sur d’autres arbres », les « ombres projetées sur des surfaces enherbées », celles « projetées sur les surfaces en eau » et les « ombres projetées sur des surfaces artificialisées (routes, bâtiments, …) » ont ainsi été différenciées par photo-interprétation. Il a finalement été décidé de conserver les zones ombragées susceptibles de couvrir de la végétation (les deux premières classes d’ombres) dans l’image « masquée » afin d’essayer de les intégrer aux zones végétalisées dans la deuxième étape.
Ensuite, afin de différencier espaces de ligneux et ceux herbacés, plusieurs méthodes impliquant la télédétection ont été envisagées. La première est de réaliser à nouveau une classification supervisée. L’image « masquée » est utile pour procéder à cette étape qui consiste à différencier les espaces arborés des espaces herbacés, car les perturbations du bâti et de l’eau sont exclues. Néanmoins, la perturbation des ombres reste présente. Par conséquent, plusieurs classifications ont été effectuées, l’une intégrant les ombres aux espaces arborés et herbacés (ombres projetées sur les arbres et sur des surfaces enherbées), une autre prenant en compte les ombres comme étant des arbres et enfin une dernière ne prenant pas en considération les ombres dans la classification (fig. 2).
Dans le premier cas, les ombres sont affectées aux surfaces arborées ou herbacées, elles sont classées en pelouse. Le problème de cette méthode est que l’on ne sait pas vraiment si l’élément ombragé est réellement de la pelouse. Par exemple, si un arbuste est à l’ombre d’un arbre plus grand, il sera considéré comme une surface enherbée. À l’inverse, des ombres qui devraient être classées en surface herbacée sont classées en arbres. Les erreurs sont donc multiples sachant que l’on voit également la présence d’une bordure classée en arbres à l’extrémité de la zone d’ombre quelle que soit la classification effectuée. Dans le second cas, en affectant toutes les ombres en tant que ligneux, les surfaces arborées sont considérablement surestimées. Bien que l’on obtienne un ensemble homogène, les surfaces herbacées situées sous des arbres sont probablement nombreuses et ignorées. Cette option avait été envisagée en raison de nombreuses ombres d’arbres projetées sur d’autres arbres, mais est finalement abandonnée. Enfin, la classification excluant les ombres paraît la plus adaptée. Certes, elle a tendance à sous-estimer les zones de végétation, mais elle évite les erreurs de classement automatique du logiciel. Il reste cependant la bordure de l’ombre qui est classée en arbres.
En testant la méthodologie sur le quartier Centre-ville, le choix de retirer les ombres des différentes classifications se justifie du fait de très nombreuses zones ombragées, ce qui valide l’hypothèse établie lors du choix de ce quartier pour l’étude. Cependant, d’autres problèmes liés à la classification sont survenus. Par exemple, les nombreux véhicules présents sur l’image de 2009 créent des confusions car ils sont parfois associés à des éléments de végétation. De plus, ceux-ci sont souvent stationnés sous des arbres, ce qui augmente le nombre d’erreurs potentielles lors de la classification supervisée.
La seconde méthode permet quant à elle de spatialiser la nature en ville par le calcul de l’indice NDVI (Normalized Difference Vegetation Index). Il s’agit d’un « indice normalisé permettant de générer une image affichant la couverture végétale (biomasse relative) ». Il repose sur
« le contraste des caractéristiques de deux canaux d’un jeu de données raster multispectrale : l’absorption du pigment chlorophyllien dans le canal rouge et la haute réflectivité des matières végétales dans le canal proche infrarouge (NIR) » (arcgis.com).
Les valeurs obtenues sont comprises entre -1 et 1 en réalisant le calcul NDVI=(NIR-R)/(NIR+R). Celles correspondant « aux formations végétales sont généralement positives et comprises entre 0,1 et 0,7 » (dronesimaging.com). Le calcul des NDVI a été effectué sur le logiciel ERDAS® à l’aide du modèle « NDVI » déjà établi. La classification de l’image ainsi obtenue a quant à elle été réalisée sur ArcGIS® en utilisant l’outil « Calculatrice Raster » de la fenêtre d’« Outils d’analyse spatiale ». Les classes ont été déterminées manuellement, mais les bornes de celles-ci ont été modifiées afin de comparer les résultats obtenus. Ainsi, en ce qui concerne la cartographie qui semble la plus représentative de la réalité (comparée à l’image d’origine), les surfaces en eau et artificialisées sont comprises entre -0,798 (le minimum sur l’ensemble de l’image) et 0,1 pour l’indice NDVI, tandis que les pelouses, prairies et arbustes ont un NDVI compris entre 0,1 et 0,3 alors que les arbres ont une valeur de NDVI supérieure à 0,3 (0,63 étant la valeur maximale du NDVI sur l’image). À noter que les ombres modifient probablement les valeurs obtenues tout comme pour la première méthode utilisée.
Alors, quel a été le choix effectué pour spatialiser la nature le plus finement possible, c’est-à-dire en différenciant ce qui est arboré de ce qui relève des surfaces herbacées, au vu des résultats de chaque méthode de classification ? Tout d’abord, en comparant les résultats sur plusieurs zones du quartier Doulon-Bottière, il s’avère que la classification supervisée réalisée sur ERDAS® est plus en phase avec la réalité que la classification de l’indice de NDVI même si cela laisse part à la subjectivité de l’observateur. La technique utilisée pour classer les NDVI, impliquant un travail manuel et non-automatique de détermination de classes, ces dernières ne sont peut-être pas optimales pour différencier les ligneux des pelouses. De plus, l’indice NDVI est souvent utilisé pour faire un état de santé de la végétation par l’analyse de l’activité chlorophyllienne. Or, certaines zones herbacées se caractérisent par des valeurs du NDVI supérieures ou similaires à des zones arborées. En fonction de la saison de la prise de vue aérienne ou de la plus ou moins importante présence de l’eau et de la lumière, l’activité chlorophyllienne des végétaux varie, ce qui peut expliquer que certains arbres aient des valeurs de NDVI inférieures à des surfaces enherbées. Mais il est cependant difficile d’affirmer qu’il n’y ait aucune erreur dans les résultats de la classification supervisée. Effectivement, il semblerait que les erreurs soient infimes aux endroits où des échantillons d’apprentissage ont été pris et plus nombreuses au niveau des zones où les signatures spectrales des arbustes et des pelouses sont proches.
Par conséquent, même si des erreurs subsistent, le résultat de la classification supervisée a été retenu pour la suite du travail. Une étape de « lissage » de l’image classée a été réalisée afin d’éliminer au maximum les pixels isolés de cette dernière. L’objectif est d’obtenir un ensemble assez homogène afin de faciliter le passage de l’image raster au format vectoriel en gardant un « bon » niveau de précision des entités arborées et herbacées. En effet, moins il y aura de petits pixels autour et dans les objets, et plus le travail sera facilité par la suite. L’opération d’élimination des pixels et petits groupes de pixels a été effectuée sur ERDAS®. La procédure s’est faite par étapes en enlevant d’abord les groupes de moins de 4 pixels isolés dans un plus grand ensemble, puis ceux de 10, 20 et 30 pixels. La résolution de l’image IRC étant de 10 centimètres, on homogénéise des entités de 1 m² (10 pixels), 2 m² (20) ou 3 m² (30) par cette fonction. Enfin, il est possible de vectoriser l’image obtenue afin de traiter les informations de manière plus précise sous SIG et de renseigner d’autres champs aux éléments de nature arborés et herbacés obtenus par télédétection. Par exemple, nous allons pouvoir définir à quel type d’espaces (parc, jardin privé, alignement d’arbres...) appartiennent ces éléments de nature ou tout autre type de critères en superposant des couches d’informations (exemple : zones N du PLU).
Pour les surfaces en eau, le choix s’est porté sur la couche « surfaces en eau » de la BD TOPO® 2012 de l’IGN. En effet, la télédétection paraît peu adaptée pour obtenir de la donnée fiable sur ce type de surfaces par classification supervisée. Même si la BD TOPO® date de 2012 et que l’ortho-photographie aérienne IRC est de 2009, on peut considérer que les surfaces en eau sont restées à peu près identiques entre les deux dates. Une vérification par photo-interprétation et d’éventuelles corrections s’imposent tout de même afin d’obtenir une couche d’information précise pour l’année 2009.
La spatialisation de la nature en ville, révélatrice de disparités au sein de la métropole nantaise ?
Le travail de spatialisation de la nature en ville a permis de quantifier les disparités concernant la présence d’éléments végétaux (ligneux et herbacés) entre les deux quartiers de la commune nantaise (tab. 1). Afin de faciliter la comparaison des données, le choix a été fait de les exprimer en mètres et kilomètres carrés (les surfaces définies ont été arrondies au centième près).
Tableau 1 - Espaces de nature dans les quartiers de Doulon-Bottière et Centre-ville
Quartier Centre-ville |
Quartier Doulon-Bottière |
Population : 27 866 (www.nantes.fr/centre-ville) Superficie quartier : 2 430 087,36 m² (2,43 km²) Densité : 11 467 hab/km² |
Population : 30 147 (www.nantes.fr/doulon-bottiere) Superficie quartier : 11 702 180,12 m² (11,70 km²) Densité : 2 577 hab/km² |
Végétation : Ligneux : 205 940,84 m² (0,21 km²) Herbacés : 134 526,72 m² (0,13 km²) = 340 467,56 m² au total (0,34 km²) 340 467/27 866 = 12,22 m² d’espaces verts par habitant |
Végétation : Ligneux : 2 638 220,89 m² ligneux (2,64 km²) Herbacés : 2 136 489,97 m² herbacés (2,14 km²) = 4 774 710,87 m² au total (4,77 km²) 4 774 710,87/30 147 = 158,38 m² d’espaces verts par habitant |
Eau : Bassin : 624,97 m² + Cours d’eau : 167 185,28 m² = 167 810,25 m² (0,17 km²) |
Eau : Bassin (5 566,02 m²) + Cours d’eau (580 929,40 m²) = 586 495,41 m² (0,59 km²) |
Nature : (végétation + eau) = 508 277,81 m² (0,51 km²), soit 18,24 m²/hab. 20,92 % de nature sur la surface du quartier |
Nature : (végétation + eau) = 5 361 206,34 m² (5,36 km²), soit 177,84 m²/hab. 45,81 % de nature sur la surface du quartier |
Les divergences caractéristiques des deux quartiers peuvent être principalement expliquées par leur situation géographique. En tant que zone centrale de Nantes Métropole, le quartier Centre-ville est plus dense et urbanisé que le quartier de Doulon-Bottière, situé en bordure de la commune nantaise. Dans le quartier Centre-ville, la surface d’espaces verts par habitant est de 12,22 m². Cependant, les chiffres précédemment cités ne prennent pas en compte les éléments hydrographiques qui ont pourtant une place essentielle dans le quartier Centre-ville, longé par l’Erdre et la Loire. En ajoutant cette donnée, la surface de nature pour le quartier Centre-ville augmente de 0,17 km², portant son total à 0,51 km² (soit une surface de 18,24 m² de nature par habitant). Ce nombre permet de mieux apprécier l’offre de nature pour les habitants. Profitant d’une surface végétale de 25 points de pourcentage supérieure, le quartier Doulon-Bottière enregistre une proportion de 45,81 % de nature sur son territoire de 11,70 km². De fait, l’offre de nature à Doulon-Bottière s’échelonne à 158,38 m² d’espaces verts par habitant et représente 9 fois la surface enregistrée dans le quartier Centre-ville. Ces moyennes sont à relativiser car elles n’attestent pas de l’égale répartition de la nature au sein des territoires étudiés. Il est possible de comparer ces résultats à la moyenne métropolitaine de 57 m²/hab. (nantes-tourisme.com). C’est la seule valeur existante à l’échelle de la métropole. Néanmoins, elle est à nuancer puisqu’elle ne comptabilise que les espaces verts, alors que les données du présent travail comptabilisent végétation et hydrologie. S’il est vrai qu’on associe principalement la végétation lorsqu’on évoque la question de la nature dans la ville, l’eau en est une partie importante, notamment à Nantes et il était important de l’intégrer dans les calculs. La valorisation des bords de l’Erdre comme de la Loire, ces dernières années, poussent aussi à intégrer l’eau dans l’offre de nature aux nantais.
La comparaison des chiffres montre que l’offre de nature dans le quartier Centre-ville est largement inférieure à la moyenne métropolitaine, alors que celle du quartier Doulon-Bottière est bien au dessus de celle-ci. Le caractère central et dense du quartier en est la raison. Il en résulte aussi une surfréquentation des espaces naturels existants.
La végétation au sein du quartier Doulon-Bottière en est une composante importante et la présence d’un écoquartier le prouve. Cependant, sa distribution spatiale est très inégale sur le territoire, la partie Sud-est (fig. 3) concentre une plus forte densité de végétation, avec la présence du parc du Grand Blottereau, la prairie de Mauves, la Loire, ainsi que plusieurs squares, jardins familiaux, etc. La partie Ouest et Nord se compose principalement de jardins privés et de quelques squares.
L’approche spatiale de la végétation permet de mettre en évidence les inégalités de répartition dans les deux quartiers étudiés. En tant que composante du bien-être, la distribution spatiale de la nature en ville constitue un facteur clé des questions de proximité naturelle pour les résidents de la métropole. Il convient, de fait, d’effectuer un travail d’identification des zones de ressourcement, l’une des composantes du bien-être et de leur accessibilité.
Le ressourcement : l’apport de la nature dans la qualité de vie urbaine
La proximité à un espace vert et indirectement à un espace de ressourcement est de plus en plus recherchée chez les urbains (D’Erm, 2010), celle-ci étant reconnue comme participant à l’amélioration de la qualité de vie des citadins (Bailly et Bourdeau-Lepage, 2011 ; Boutefeu, 2007). Ainsi ce besoin de nature manifesté par les urbains est-il disponible de la même façon pour tous ?
La spatialisation de la fonction des espaces de nature
La fréquentation, les pratiques et les usages des espaces verts par la population définissent les rôles qui leur sont attribués, tels que la détente, la promenade, le sport, etc. La nature en ville se définit par sa forme, mais également par sa fonction qu’il convient de classer. La typologie proposée s’est inspirée principalement de celle de l’Association des Ingénieurs des Villes de France (AIVF), ainsi que de celle de Catherine de Villemorin (1978).
Ainsi, huit catégories ont été organisées : parcs ; squares ; jardins familiaux ; jardins privés ; espaces verts d’entreprises (campings, etc.) ; cimetières ; espaces verts d’accompagnement (arbres d’alignement) ; espaces naturels ou semi-naturels (bords de l’eau, prairies, prairies humides, bois, etc.).
Définitions des termes de la typologie fonctionnelle et données pour les repérer
Selon la définition proposée par le dictionnaire Larousse, les parcs sont des « terrains clos, en partie boisés, ménagés pour la promenade, l’agrément ». Les données sur les équipements publics métropolitains fournies par les services de Nantes Métropole ont permis de les regrouper avec les squares, les jardins familiaux et les cimetières. Tous contribuent dans une certaine mesure à la biodiversité et constituent des lieux de rencontres, d’échanges. Les jardins privés sont des espaces qui appartiennent à l’habitant
« des lieux qui se trouvent dans les espaces d’habitation où les habitants peuvent entretenir une relation quotidienne avec les témoins originaux de la biodiversité », « un lieu privilégié de contact entre l’habitant et la nature ordinaire », un lieu « planté, entretenu, vécu par l’homme, il en est le reflet. Un lieu où se mêlent plaisir et utilité, donc une nouvelle pièce à vivre » (Roboulot-Chetrit, 2015).
Les cimetières représentent un espace public auquel est attribué un caractère sacré, voire symbolique. L’espace vert d’accompagnement est cité dans la typologie proposée par l’AIVF. Comme son nom l’indique, il accompagne les voies de trains, tram, métro, voies d’eau, etc. Les arbres d’alignement sont également à prendre en compte. Bien qu’ils constituent un élément important des espaces verts d’accompagnement, la plupart de ces arbres sont enlevés pour libérer la chaussée, mais aussi et surtout pour des raisons de sécurité routière. Il a été possible de les repérer grâce au cadastre. En effet, tout ce qui n’est pas situé dans une parcelle est soit un élément de voirie, soit un ornement de voirie.
Les espaces naturels, quant à eux, ne sont pas aménagés pour répondre à un usage pratique comme les jardins, parcs, squares et cimetières. Ce sont des territoires plus ou moins vastes et « sauvages », qui présentent un intérêt biologique, écologique ou paysager et qui nécessitent des mesures de protection adaptées. En effet, les espaces naturels participent à la qualité du cadre de vie, mais également à la préservation de la biodiversité. « Plus de 60 % du territoire est classé en espace naturel et agricole » (nantesmetropole.fr). Cette catégorie « espaces naturels » regroupe des formes de nature très variées comme les prairies, les forêts ou encore les abords des cours d’eau. Ainsi, l’utilisation des données sur les zones N du PLU fournies par Nantes Métropole ont été utilisées pour leur localisation.
Cartographie des types d’espaces urbains, une prédominance des zones « naturelles » et privées
La figure 3 localise tous les espaces définis dans la typologie des fonctions associées aux éléments de nature en ville pour les deux secteurs étudiés. Les zones colorées en transparence présentent les grands ensembles urbains selon leur fonction, déterminée à l’aide des données de Nantes Métropole. Les parcs, squares, jardins familiaux, cimetières, zones d’activités, zones N du PLU, espaces privés et autres espaces sont ainsi représentés. Le miroir d’eau et les douves du Château des Ducs de Bretagne ont été ajoutés pour mener l’étude sur le Centre-ville de par leur spécificité. De plus, cette carte a l’avantage de faire ressortir les surfaces végétalisées de ces espaces urbains en croisant les données sur les fonctions des espaces urbains avec le travail de télédétection. Ces surfaces apparaissent de la même couleur que le type d’espace dans lequel elles sont présentes, mais sans effet de transparence. Certes, il n’était pas possible de différencier les surfaces herbacées des surfaces ligneuses pour des raisons de lisibilité, mais le but de ces cartes est surtout de déterminer les fonctions des différents types d’espaces urbains.
La cartographie met en évidence l’importance des surfaces végétalisées et en eau associées à des zones N dans les deux quartiers étudiés, confirmée par le traitement statistique des surfaces des espaces végétalisés et en eau par type d’espace. 37 % des éléments de nature repérés (végétation et surfaces en eau) se situent dans des « espaces privés et autres espaces » dans le quartier Doulon-Bottière, caractérisé par son habitat pavillonnaire. Dans le quartier Centre-ville, 31 % des éléments de nature le sont probablement. Ainsi, la prédominance des jardins privés révèle des inégalités d’accès à la nature en ville. Ceux-ci sont surtout situés dans la partie Nord-ouest du quartier Centre-ville et assez répandus sur l’ensemble du quartier Doulon-Bottière du fait de la présence de nombreuses résidences. La part des surfaces végétalisées et en eau représentant des éléments d’accompagnement de voirie (arbres d’alignement, ronds-points, fontaines...) est différente d’un quartier à l’autre. En effet, bien qu’il y ait 181 358 m² d’ornements de voirie dans le quartier Doulon-Bottière contre 128 675 m² dans le Centre-ville, ils ne représentent que 3 % des éléments de nature repérés dans Doulon-Bottière contre 25 % dans le Centre-ville.
La densité de constructions de ce dernier ne laisse en effet que peu de place à la nature, les accompagnements de voirie voient ainsi leur part augmenter. En revanche, en ce qui concerne les espaces verts d’entreprises, ils sont plus importants dans le quartier Doulon-Bottière (624 913 m²) que dans le quartier Centre-ville (8 063 m²). Cela s’explique par le fait que les zones d’activités sont plus nombreuses et plus vastes dans le quartier Doulon-Bottière (2 315 528 m² soit 19,79 % du territoire) que dans le Centre-ville (105 081 m² soit 4,32 % du territoire). Finalement, les espaces verts publics ne représentent qu’une part minime dans les quartiers étudiés. Effectivement, dans le quartier Doulon-Bottière, la surface totale des parcs, squares, cimetières et jardins familiaux est de 593 456 m² et ne représente ainsi que 5 % du quartier. La part des surfaces végétalisées et en eau associées à ces espaces est également faible (6,6 % des éléments repérés dans le quartier). Le constat est le même pour le quartier Centre-ville car 45 069 m² et donc 1,9 % du territoire sont dédiés aux espaces verts publics. Ainsi, 6 % des éléments végétalisés et surfaces en eau se situent dans les parcs, squares et jardins familiaux du quartier Centre-ville (8 % en prenant en compte les Douves du château des Ducs de Bretagne).
Par conséquent, il est possible de conclure qu’une faible part des éléments de nature (végétation et eau) est accessible à tous. Certes, les nombreuses zones d’espaces « naturels » repérées à l’aide du zonage N du PLU le sont, mais leur répartition n’est pas égalitaire dans les quartiers étudiés. En effet, la Loire est par exemple caractérisée en tant que zone N mais elle ne fait que border la partie sud des quartiers Centre-ville et Doulon-Bottière. De plus, les cours d’eau en tant que tels ne peuvent être « fréquentés » que par des moyens nautiques, même si, selon les endroits, leurs abords aménagés permettent aux promeneurs d’en profiter.
Il reste désormais à considérer la question du ressourcement qu’offre ces espaces de nature.
Spatialisation du ressourcement
Le ressourcement, quels espaces associer ?
Tous les espaces de nature disposent d’une ou plusieurs fonctions respectives et la typologie précédemment établie sert de support au choix des espaces associés au ressourcement. La sélection des espaces répondant à l’aspect de ressourcement a ainsi été définie selon des critères précis, propres à cette étude.
Tout d’abord, tous les espaces verts privés (jardins d’entreprises, jardins privés), ont été soustraits de cette catégorisation du ressourcement. Appartenant au domaine privé, ces espaces ne sont pas accessibles à tous, et de ce fait, ne participent pas au maintien et/ou à l’amélioration de la santé publique pour tous les citadins, même si parfois, ils peuvent être visibles d’un espace public. Bien que certains d’entre eux participent à la biodiversité de la ville, seuls les espaces verts publics seront comptabilisés en tant qu’espaces de ressourcement dans un souci d’égalité et d’accessibilité. Les espaces verts d’accompagnement ne sont également pas associés au ressourcement, puisque de par leur forme (rond point, arbres d’alignement, etc.) et leur fonction (esthétique, circulation), ils sont particulièrement exposés au bruit de la circulation automobile, et se cantonne à de très petites surfaces qui ne permettent pas aux individus de se ressourcer.
Les jardins publics, parcs, squares, cimetières et jardins familiaux (partagés, collectifs, etc.) constituent les espaces privilégiés et donc sélectionnés pour l’application de la notion de ressourcement. Par ailleurs, les cimetières forment des espaces minéralisés peu végétalisés mais l’aspect spirituel et sacré qui les caractérise laisse penser qu’ils participent au ressourcement des personnes qui les fréquentent.
Enfin, par leur caractère « sauvage » et relativement préservé de l’action humaine, les espaces naturels et semi-naturels peuvent être considérés comme des espaces participant au ressourcement. En effet, ils apportent à la ville des services écosystémiques et sont nécessaires au maintien des trames vertes et bleues.
L’indicateur Ressourcement
Un indicateur de ressourcement a été créé afin de classer les différents espaces en fonction des divers aspects et caractéristiques qu’ils réunissent. Cet indicateur se base sur trois critères : le bruit, la proximité à l’eau et la présence de végétation. Toutefois, d’autres critères existent pour qualifier le ressourcement, comme l’air ou l’odeur. L’absence de donnée et l’aspect subjectif de la variable « odeur », constituent un frein à leurs analyses. Par ailleurs, l’indicateur prendrait une toute autre dimension si un indice de surface avait été inclut. Cependant, la définition d’un seuil de surface minimum de ressourcement dépend tout autant de la diversité des individus que de leurs pratiques. Ainsi, une famille n’aura pas besoin d’autant d’espace qu’un sportif. Ce caractère subjectif constitue la justification de l’exclusion de ce critère de l’indicateur ressourcement. De fait, le choix des critères composant l’indicateur s’est finalement effectué en fonction de la pertinence, de la disponibilité et de la fiabilité des données obtenues.
L’indicateur de ressourcement s’échelonne sur six niveaux, définis par les points attribués à chaque critère (tab. 2). Plus l’espace de ressourcement enregistre de points, six étant le maximum et zéro le minimum, plus la présence de ces paramètres est importante et inversement.
Pour le bruit, trois seuils ont été constitués en se basant sur la couche d’information cartographique concernant les enjeux de pollution sonore, fournie par Nantes Métropole. Ces seuils sont calculés grâce à des valeurs en Lden dB(A), qui estime le niveau de bruit global pendant une journée complète. Entre 0-55 Lden dB(A), le bruit est ainsi considéré comme faible, entre 55-65 Lden dB(A), cela indique une zone moyennement bruyante et entre 65-95 Lden dB(A), la zone correspondante est considérée comme très bruyante. D’ailleurs, lorsqu’un espace était caractérisé par plusieurs niveaux de bruits, le choix a été de prendre en compte le seuil qui couvrait la majorité de la zone. Ainsi, sur le secteur du Centre-ville, les bords de Loire sont marqués par un niveau de bruit élevé. Malgré tout, le niveau majoritaire étant moyen (couleur orange), la zone est donc caractérisée comme un espace au niveau de bruit moyen. Le système de point ainsi établi est très simple puisqu’il attribue 0 point pour les zones très bruyantes, 1 point pour les zones moyennement bruyantes et 2 points pour les zones les plus préservées du bruit (tab. 3).
Tableau 3 - Les trois critères de l’indicateur de ressourcement
Critère |
Paramètre |
Points |
Bruit |
0-55 Lden dB(A) |
2 |
1 |
55-65 Lden dB(A) |
1 |
65-95 Lden dB(A) |
0 |
|
Eau |
Distance ≤ 20 mètres |
2 |
Distance > 20 mètres |
0 |
|
Végétation |
Ligneux et herbacés |
2 |
Ligneux |
1 |
|
Herbacés |
1 |
|
Aucun végétal |
0 |
|
Total |
6 |
Concernant l’indice de proximité à l’eau, le choix a été fait de se baser sur les couches d’informations sur les surfaces en eau et les tronçons de cours d’eau de la BD TOPO® Hydrographie de l’IGN (de 2012, mais adaptée à l’année 2009 par photo-interprétation sur l’image IRC de 2009 fournie par Nantes Métropole). La proximité de l’eau sera validée entre 0 et 20 mètres d’un espace de ressourcement via la création d’une zone tampon. La distance de 20 mètres comme seuil de validation de l’indice proximité de l’eau a déjà été utilisée par le bureau d’étude TRIBU (Techniques recherches innovations pour le bâtiment et l’urbain), dans son étude sur les « Oasis urbaines » réalisée en 2018. Par conséquent, si un espace contient une quelconque surface en eau ou se situe à moins de 20 mètres d’une d’entre elles, il obtient deux points. En revanche s’il ne répond à aucun de ces critères, aucun point ne lui sera attribué (tab. 3).
Le critère concernant la présence de la végétation s’organise également en trois seuils se basant sur le travail de télédétection effectué dans le cadre de ce travail. Tout d’abord, si l’espace de ressourcement enregistre la présence de ligneux, ou la présence d’herbacés, il comptabilise 1 point. En revanche, s’il dispose de surfaces herbacées et de ligneuses, l’espace de ressourcement reçoit 2 points (tab. 3). Comme les indices précédents, si l’absence de végétation est observée, aucun point n’est accordé.
Le système de points permet alors de classer les espaces de ressourcement du niveau 0 au niveau 6. Il est alors possible d’effectuer une hiérarchisation des espaces de ressourcement. Il est à noter, que les points ont été répartis de façon « équitable » entre les différents critères. En effet, chaque indice peut à lui seul rapporter un maximum de 2 points et un minimum de 0 point. De fait, aucun critère ne compte plus ou moins qu’un autre.
Une diversité des niveaux de ressourcement dans les secteurs pilotes
La création de plusieurs niveaux de ressourcement via un indicateur offre plusieurs possibilités telles que comparer les territoires de la métropole entre eux, cibler les espaces marginalisés et poser une analyse plus précise sur la qualité de l’offre de nature en ville, à l’échelle du quartier. L’application de l’indicateur ressourcement a également permis de fournir une première analyse cartographique du niveau de confort des espaces verts des deux quartiers étudiés ici (fig. 4).
Les espaces de ressourcement à Doulon-Bottière couvrent 28 % de la surface du quartier. Concernant l’identification des espaces de ressourcement, leur concentration s’effectue principalement sur les rives de la Loire ou proche de cette dernière. La présence du parc du Grand Blottereau joue également un rôle essentiel dans la part des espaces de ressourcement à Doulon-Bottière du fait qu’il possède plusieurs points d’eau, de par sa qualité sonore ainsi que la diversité des formes de végétation qu’il offre. Pourtant, seul un square situé au Nord-ouest du quartier enregistre l’indice maximum de ressourcement (niveau 6) sur une surface très réduite, constituant 0,01 % de la surface totale des espaces de ressourcement soit 461,70 m² (tab. 2).
La plupart des espaces vecteurs de bien-être correspondent au niveau 5 de l’indicateur, regroupant la prairie de Mauves, les abords de la Loire, le parc du Grand Blottereau, les jardins familiaux de la Terre Promise et un certain nombre de zones N. De fait, les deux tiers des espaces de ressourcement se classent dans la catégorie de niveau 5, témoignant de la bonne qualité général de ressourcement du quartier. Les niveaux 3 et 4 cumulent à eux deux 30 % de la surface totale des espaces de ressourcement, contre seulement 2 % pour les espaces de niveau 1. En revanche, la proximité du périphérique constitue un point faible dans le cumul des points de l’indicateur ressourcement, notamment à cause du bruit causé par la circulation automobile. La plupart des espaces à proximité du périphérique se voient attribuer entre 0 et 1 point en termes de qualité sonore, un faible score lié à l’importance de la pollution sonore. C’est notamment le cas pour les jardins familiaux des Chaupières et les zones N situées à proximité du périphérique, classés niveau 2. Effectivement, ils n’ont obtenu aucun point (0) pour l’indice de bruit.
Dans le Centre-ville, les espaces de ressourcement n’occupent que 10 % de la surface du quartier (fig. 4). Il n’y existe qu’un seul espace de ressourcement de niveau 6, le square Jean Heurtin. Le niveau maximal s’explique par une faible pollution sonore, ainsi que la proximité de l’Erdre et la présence de végétation (ligneux et herbacés). Cependant, cet espace est relativement réduit, il ne représente que 0,3 % (757,03 m²) de la surface totale des espaces de ressourcement à l’échelle du quartier Centre-ville. La catégorie la plus représentée est celle des espaces de niveaux 5 (Loire, Erdre, Douves du Château), qui regroupe 80 % de la surface totale des espaces de ressourcement du quartier. Les niveaux 3 et 4 sont quant à eux moins importants et cumulent 17 % de la totalité des lieux participant à l’amélioration de la qualité de vie urbaine. Les espaces de niveau 2, regroupant le miroir d’eau, la partie aire de jeux du Square Elisa Mercoeur et la partie jardin familial du Square Gabriel Chéreau, représentent 1 % de la totalité des espaces de ressourcement du Centre-ville. En revanche, aucun espace de niveaux 0 ou 1 ne sont enregistrés au sein du quartier, témoignant d’une bonne qualité de ressourcement global. La distribution spatiale de ces espaces se concentre principalement le long des cours d’eau, caractérisée par les abords de la Loire et de l’Erdre constituant des lieux de ressourcement de niveaux 5 selon l’indicateur. Les alentours du Château des Ducs de Bretagne représentent également un endroit propice au bien-être, lui même de niveau 5, et à proximité du square Élisa Mercoeur de niveau 4. Enfin, la plupart des espaces s’échelonnant entre les niveaux 3 et 4, se trouvent principalement parsemés à l’ouest du quartier.
La différence de surfaces consacrées au ressourcement entre les quartiers Centre-ville (10 %) et Doulon-Bottière (28 %) est marquante, avec un total de 18 points. Elle peut être expliquée notamment par un habitat plus dense dans le Centre-ville réduisant ainsi la capacité d’accueil d’espaces de ressourcement, que ce soit en nombre, comme en taille. Toutefois, même si la quantité des espaces de bien-être dans le Centre-ville est moindre, la qualité n’en n’est pas moins présente. En effet, le Centre-ville enregistre 80 % de la surface d’espace de ressourcement en niveau 5, contrairement à Doulon-Bottière qui n’en cumule que 67 %, soit 13 points de moins. Comment expliquer les divergences de qualité des espaces ressourçant entre les deux quartiers ?
En analysant la carte de Doulon-Bottière, il peut être constaté que les lieux stratégiques du ressourcement se situent principalement le long de grands axes de circulation, diminuant ainsi le nombre de points associés à l’indicateur du bruit. Toutefois le pourcentage de surfaces des espaces de ressourcement exposés à des fortes nuisances sonores (entre 65 et 95 Lden db(A)) est le même dans le quartier Centre-ville (3,56 %) qu’à Doulon-Bottière (3,66 %). L’indice de bruit n’est donc pas l’élément explicatif des divergences de qualité. En revanche, la majorité des espaces au Nord-ouest du quartier de Doulon-Bottière ne bénéficient pas de la proximité de l’eau et perdent systématiquement 2 points, les reléguant aux niveaux 3 ou 4 de ressourcement, ce qui n’est pas le cas du quartier Centre-ville qui est sous l’influence directe de la Loire et de l’Erdre. L’indice de proximité de l’eau constitue alors l’élément principal des disparités de qualité de ressourcement entre les deux quartiers.
Accessibilité des espaces de ressourcement
Les espaces de ressourcement constituent un support important pour le bien-être de la population, et leur accessibilité est un enjeu majeur dans la politique de Nantes Métropole. L’accès et la proximité à la nature en ville sont déterminés par la distribution des espaces de nature urbaine. Or, la ville de Nantes communique autour d’une distance moyenne de 500 mètres. Pourquoi choisir cette distance plus qu’une autre ? Selon une enquête téléphonique réalisée en 2002 par Emmanuel Boutefeu auprès de 305 habitants de la communauté urbaine de Lyon, âgés de 18 ans et plus,
« la moitié des personnes interrogées déclare aller régulièrement dans un square quasi quotidiennement (54 %) » et « le temps de déplacement qu’un citadin est prêt à consentir pour se rendre dans un square est de l’ordre de 10 minutes et permet donc de mesurer le rayon d’attractivité d’un square ». Ainsi, la distance de 500 mètres a été dégagée par cette étude sachant que « la marche est le mode privilégié de déplacement pour aller au square » (Boutefeu, 2007). Par conséquent, « les squares doivent donc être localisés au cœur des îlots denses et à intervalle de 500 mètres les uns des autres » afin de satisfaire la demande sociale de nature dans une grande ville (Boutefeu, 2007).
Cependant, le rapport distance-temps est à relativiser en fonction de la personne parcourant cette distance. En effet, une personne âgée ou handicapée aura besoin de plus de temps pour effectuer cette distance.
Il est donc pertinent de localiser les espaces où les habitations sont éloignées à plus de 10 minutes à pied sur les deux quartiers analysés. Afin de localiser ces zones, la création de « zones tampon » de 500 mètres de rayon autour des espaces de ressourcement préalablement définis est essentielle. Cette méthode utilise des distances projetées, c’est-à-dire que les zones prennent la forme de cercles qui ne considèrent pas le bâti et les particularités du réseau de routes et chemins. Dans le cadre de ce travail, les zones tampon ont permis de déterminer les espaces dans les 500 mètres ainsi que le niveau de ressourcement (d’après l’indice ressourcement) qui leur est attribué.
La distance projetée n’est qu’une première base d’analyse et n’est pas parfaite car elle ne rend pas fidèlement compte des déplacements, se limitant à une projection linéaire dite « à vol d’oiseau ». Il est également pertinent d’étudier la distance réelle à ces espaces en se basant sur des entrées de parcs. Les zones tampon prenant en compte la distance réelle permettent de rendre compte fidèlement des trajets, en introduisant les facteurs du réseau de voirie, du bâti, etc. La création de ces zones tampons est réalisable à l’aide d’une fonctionnalité d’ArcGIS® Online. La réalisation de cette méthode a révélé des inégalités d’accès aux espaces de ressourcement dans les deux quartiers étudiés (fig. 5).
Figure 5 - Les espaces de ressourcement et la distance de 500 mètres pour les deux quartiers étudiés
Le quartier Centre-ville possède une répartition des espaces de ressourcement satisfaisante. En effet, l’intégralité des logements de ce quartier est située à 500 mètres ou moins des espaces participant au ressourcement se trouvant théoriquement accessibles en 10 minutes à pied ou moins (fig. 5). Cette répartition est facilitée par la taille réduite du quartier, un cercle de 500 mètres de rayon autour d’un espace de ressourcement représente une surface d’environ un tiers de la surface totale du quartier. Cependant, on peut constater que même si leur accessibilité est convenable, la qualité de ces espaces diffère en fonction de la localisation dans le quartier. Ainsi, les espaces bâtis à moins de 500 mètres des espaces enregistrant la meilleure qualité de ressourcement d’après l’indicateur ressourcement (possédant la note maximale de 6 points) sont localisés dans le Sud-est du quartier. Cet espace a la particularité d’être en grande partie constitué d’une zone d’activités, réunissant bon nombre de sièges sociaux. La qualité des espaces de ressourcement se dégrade progressivement dans la partie Nord du quartier. En effet, le niveau de ressourcement dans le centre du quartier est de 5 points sur 6 possibles, mais descend à 4 points, puis même à 3 points dans la partie la plus septentrionale. Cette dégradation de la qualité de ces espaces de ressourcement s’explique en partie par leur éloignement à la Loire et à l’Erdre, les deux cours d’eau principaux de Nantes Métropole qui se rejoignent dans ce quartier.
À l’inverse du quartier Centre-ville, on retrouve dans le quartier Doulon-Bottière des espaces qui ont des niveaux de ressourcement médiocres (fig. 5). Ainsi, il existe dans la partie nord du quartier des espaces dans le rayon de 500 mètres d’un espace de ressourcement de niveau 0, le plus bas niveau de l’indice ressourcement. À proximité directe de cette zone, il existe un espace où le bâti est à plus de 500 mètres d’espaces de ressourcement. Il s’agit du seul cas sur l’ensemble des deux quartiers étudiés. Cet espace est situé directement à l’extérieur du boulevard périphérique desservant Nantes Métropole, dans une zone d’activités contenant cependant des habitations. Il est alors possible d’affirmer qu’une partie des habitants de Doulon-Bottière n’a pas accès à un espace de ressourcement à moins de 500 mètres dans son quartier. En prenant en compte les espaces de ressourcement extérieurs au quartier, cette zone se trouve à 600 mètres de distance (réelle) et ne participe pas au ressourcement, d’autant plus que son accès entend le franchissement du boulevard périphérique. En revanche, cette critique est à nuancer, car les espaces concernés prennent la forme de logements individuels, des pavillons avec un jardin privé. Ces logements n’ont pas accès à un espace de ressourcement public dans leur quartier, mais ce n’est pas pour autant que ces zones sont dépourvues de nature, d’autant plus qu’il est possible de retrouver des espaces de ressourcement dans des quartiers ou villes limitrophes. Dans Doulon-Bottière, une grande partie des espaces de ressourcement est présente dans la partie Sud, ces zones sont très peu peuplées et ne participent que faiblement au ressourcement dans un rayon de 500 mètres.
Le quartier Doulon-Bottière, en bordure Nord-est de la ville de Nantes, possède davantage d’espaces de ressourcement que le quartier Centre-ville, même si leur répartition est moins bonne. Ces résultats sont aussi en partie imputables aux différences de taille des quartiers. En effet, le quartier Centre-ville est environ cinq fois plus petit que Doulon-Bottière alors qu’il regroupe un nombre d’habitants équivalent (27 866 hab. dans le Centre-ville contre 30 147 hab. dans Doulon-Bottière). Ainsi, le peu d’espaces de ressourcement présent dans le quartier Centre-ville, en plus d’être de bonne qualité, est suffisant pour englober l’intégralité du quartier. Le constat est plus mitigé dans le quartier Doulon-Bottière, certes plus grand, où il existe des zones bâties à plus de 500 mètres d’espaces ressourçants, particularité que l’on ne retrouve pas dans le quartier Centre-ville.
Conclusion
Le travail réalisé sur la répartition des espaces verts, des espaces de ressourcement et de leur accessibilité révèle un certain nombre de limites qu’il convient de préciser. Sur le plan méthodologique, mentionnons tout d’abord le fait que les résultats apportés par l’analyse des cartes s’appuient sur la base de distances projetées. En conséquence, l’aire d’influence des zones tampons est calquée sur la distance à vol d’oiseau et ne rend finalement pas compte des trajets réels empruntés par les habitants de Nantes Métropole. Dans le cadre d’une analyse réalisée sur la base d’une projection en distance réelle, les aires d’influence des zones tampons seraient évidemment réduites. Ainsi, les cartes afficheraient des résultats bien différents, révélant des espaces du quartier hors influence des espaces de ressourcement. De fait, la part des habitants hors influence (500 mètres) des espaces de ressourcement augmenterait, alors que la part des habitants sous l’influence de ces mêmes espaces diminuerait. Il a été décidé ici de ne prendre en compte que les espaces de ressourcement à l’intérieur même des secteurs définis. Dans une perspective d’amélioration de la méthodologie, il serait pertinent de prendre en compte les espaces de ressourcement extérieurs aux zones étudiées mais compris quand même dans un rayon de 500 mètres, car leur influence ne s’arrête pas aux limites de quartiers, ce qui peut potentiellement impacter les résultats obtenus, voire même les améliorer. Par ailleurs, il est à noter que les secteurs pilotes ne sont pas représentatifs de la distribution spatiale de la commune nantaise et encore moins de celle de la métropole. Ils ne sont qu’un échantillon méthodologique prenant place au sein d’une entité géographique bien plus vaste et bien plus diversifiée.
Les différents quartiers de la métropole disposent tous de critères bien spécifiques et ne répondent pas aux mêmes logiques que les secteurs pilotes étudiés dans le présent travail. L’application de l’indicateur ressourcement et de la méthodologie à l’échelle du territoire métropolitain révélerait des disparités, caractéristiques et spécificités bien différentes au sein des 24 communes composant Nantes Métropole.
L’importance de la nature en ville est aujourd’hui reconnue par une large majorité de nantais. Une récente étude de l’Agence d’Urbanisme de la Région Nantaise (Méthodologie pour améliorer la connaissance des espaces constitutifs de la ville nature, auran.org) montre également l’actualité de cette thématique et des méthodologies aujourd’hui mises en place pour qualifier et quantifier la nature dans la ville. À Nantes Métropole comme ailleurs, la « ville verte » est désormais inscrite dans les valeurs morales et esthétiques de ses habitants. La nature n’est pas seulement reléguée à la fonction unique de décor, mais une composante à intégrer pleinement dans le tissu urbain, par ses nombreuses vertus, qu’elles soient d’ordre environnemental, social, ressourçant ou encore comme participant à un état global de bien-être. Ce travail ne se positionne donc pas comme un moyen de vérifier le discours politique, mais bien comme une réelle méthodologie d’évaluation et d’amélioration de l’indicateur « nature » dans la ville, souhaitant participer à ce titre aux débats concernant les nouveaux enjeux du développement urbain et du bien-être des urbains.
Remerciements
Les auteurs remercient Armel Caillon, du Service Urbanisme Numérique de Nantes Métropole et responsable de la commande dont est issu cet article, pour son accompagnement tout au long du travail. Merci également à Céline Chadenas, maître de conférences à l’IGARUN pour son aide dans la rédaction de cet article et pour l’encadrement du diagnostic, à Olivier Kassous et Sylvain Grisot, MAST à l’IGARUN pour leurs conseils, et à Françoise Debaine, maître de conférences à l’IGARUN pour les nombreuses données fournies et son aide dans leur traitement.